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L’ERREUR EN SCIENCE

Dans son ouvrage Science fausse et fausses sciences, Jean Rostand


aborde la question de l’erreur en science en l’illustrant de trois exemples
significatifs :

- l’affaire des rayons N


- la métapsychie (on dirait aujourd’hui le « paranormal »)
- l’affaire Lyssenko (ou Mitchourine, dont Lyssenko était l’élève)

Les chercheurs qui crurent découvrir les rayons N (qui n’ont jamais existé que dans leur
imagination) n’ont pas essayé d’imposer leurs vues à la communauté scientifique qui a d’ailleurs
vérifié et finalement infirmé leur théorie. Le paranormal, pour sa part, n’est jamais parvenu à
s’imposer car chaque fois qu’une expérience est engagée en respectant rigoureusement les règles
de la méthode scientifique, c’est-à-dire en éliminant tout facteur subjectif et tout risque de
tricherie, elle échoue. C’est le troisième cas qui illustre le danger que fait courir à la science une
erreur érigée en loi : il s’agissait en l’occurrence de l’intrusion d’une doctrine politique dans un
domaine scientifique, la génétique. Le dogmatisme idéologique qui régnait alors en URSS fit
adopter comme article de foi une théorie délirante. Les hommes de science qui s’opposèrent à
celle-ci furent persécutés et plusieurs moururent en déportation. En ouvrant de nouvelles
perspectives, l’erreur du mitchourisme aurait pu conduire les chercheurs vers des pistes
intéressantes mais ceux-ci s’enferrèrent irrémédiablement dans leurs aberrations et contribuèrent à
ruiner l’agriculture soviétique. Leur erreur avait fait la loi et le résultat fut désastreux.

On trouve aujourd’hui des extraits de l’ouvrage épuisé Science fausse et fausses sciences
dans les passionnantes Confidences d’un biologiste de Jean Rostand (Presses Pocket) où Jean
Rostand dénonce l’intrusion du dogmatisme politique dans le domaine de la génétique.

L’erreur peut être constructive quand un chercheur désireux de combattre une théorie qui,
contrairement à ses espoirs, se révèlera en fin de compte exacte, contribue par ses travaux, à
démontrer… qu’il avait tort ! C’est ainsi que les recherches de Jean-Henri Fabre en entomologie et
de Cuvier en paléontologie n’ont pu contrer la théorie de l’évolution mais ont apporté leur pierre à
la connaissance des comportements des insectes ou à l’anatomie des espèces disparues. Cet aspect
de la recherche scientifique est à l’origine de pensées de Jean Rostand : La vérité est toujours
servie par les grands esprits, même s’ils la combattent.
Libre Pensée 64
… et inversement : Édité par la Fédération de la
Libre Pensée des Pyrénées-
« Il faut compter à l’actif d’une hypothèse tout ce qu’il a fallu qu’on Atlantiques
découvrît pour la ruiner » et « De certaines hypothèses, il en va comme SIÈGE SOCIAL
de ces greffes qu’on dit « mortes » : rien ne demeure de leur substance, MJC du Laü
mais elles ont servi de tuteur aux idées nouvelles. » (On peut illustrer 81, avenue du Loup
ces deux dernières pensées par l’exemple de la théorie « spermatiste » 64000 PAU
qui prétendait que le spermatozoïde seul était à l’origine de l’embryon, _____________________________

l’ovule n’apportant au futur être que des éléments nutritifs. Les Directeur de la publication
recherches pour prouver la véracité de cette théorie aboutirent à son Daniel DELCAN
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infirmation ! On sait désormais que chaque embryon se développe à Les articles publiés le sont
partir d’un œuf pourvu d’un génome dont l’origine est double, sous la seule responsabilité
paternelle et maternelle). Comme les chercheurs qui soutenaient des de leurs auteurs

2 LP 64 n°28, septembre 2002


théories fausses n’étaient pas sectaires et ne tentaient pas
d’imposer leur loi aux autres, leurs erreurs n’ont pas gêné les
progrès de la connaissance car ils n’ont pas usé de pressions
politiques pour faire taire leurs adversaires.

Jean Rostand estimait de plus que les savants qui s’engagent


dans des voies de recherche nouvelles courent obligatoirement le
risque de perdre leur temps car, bien entendu, il leur est impossible
de savoir si leur activité sera fructueuse. Il affirmait : « Pour
frayer un sentier nouveau, il faut être capable de s’égarer. » De
toute manière, il importe de ne pas s’enfermer dans le
dogmatisme, telle est la conclusion à laquelle conduit la réflexion
de Rostand, « L' erreur en sciences peut-être féconde mais à la
condition qu'elle ne fasse pas la loi. ».

Bibliographie :

Confidences d’un biologiste / Jean Rostand. - Presses Pocket.


Grandeur et chute de Lyssenko / Jaurès Medevedev. - Gallimard.
L’affaire Lyssenko / Joël et Dan Kotek. - Editions Complexe.

Sites Internet :

http://rostand.chez.tiscali.fr/
http://www.sciencepresse.qc.ca/scandales/Lyssenko.html

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L’idéologie politique n’est pas l’unique source de dogmatisme


en science, la religion a toujours combattu les progrès de la
connaissance pour asseoir son pouvoir sur les esprits et elle continue
à le faire de nos jours en prétendant instaurer un dialogue entre foi et
science pour étouffer cette dernière. A l’initiative de la Libre Pensée,
un appel a été lancé dans le monde scientifique « pour la défense et
la promotion du rationalisme et du matérialisme scientifique, pour
la séparation entre science et religion. » Nous en citons ici quelques
extraits :
La méthodologie scientifique, aussi bien que l’histoire des Églises catholique et protestante - quand elles
sont les alliées du pouvoir politique - , montrent la nécessité d’une séparation complète entre sciences et
foi. Ne peut-on pas s’inquiéter quand l’Église catholique déclare à l’issue de son jubilé des scientifiques, par
la voix du pape : « Plus de séparation entre la foi et la raison » ?

L’incroyance ainsi que les croyances religieuses relèvent de la sphère privée et sont garanties par la
liberté de conscience individuelle. Le dialogue entre science et foi, prôné par l’Église catholique, qui ne
saurait avoir de sens positif pour la connaissance scientifique, relève de la conscience individuelle.

Prôner le concordisme ou l’absence de séparation ne peut qu’aboutir à mettre sur le même plan les
connaissances scientifiques et les religions, avec comme conséquence l’introduction du dogme dans les
cours de biologie, comme au Kansas (USA) sous la pression de sectes ou de communautés liées aux
Églises protestantes. De même, nous ne saurions oublier l’affaire Lyssenko qui illustra d’une manière
dramatique l’action d’un pouvoir d’État dans le domaine scientifique. Nous réaffirmons que la recherche
scientifique et la transmission des connaissances doivent être libres de se développer pleinement, à l’abri
de tout argument d’autorité au service d’idéologies religieuses ou politiques.

LP 64 n°28, septembre 2002 3

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