Vous êtes sur la page 1sur 14

Cet article est disponible en ligne à l’adresse :

http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=DIO&ID_NUMPUBLIE=DIO_201&ID_ARTICLE=DIO_201_0127

Regarding the pain of others. Un commentaire

par Susan SONTAG

| Presses Universitaires de France | Diogène

2003/1 - N° 201
ISSN 0419-1633 | ISBN 2-13-053613-0 | pages 127 à 139

Pour citer cet article :


— Sontag S., Regarding the pain of others. Un commentaire, Diogène 2003/1, N° 201, p. 127-139.

Distribution électronique Cairn pour les Presses Universitaires de France.


© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière
que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur
en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
REGARDING THE PAIN OF OTHERS
UN COMMENTAIRE

par

SUSAN SONTAG

En rédigeant, dans les années 70, la série d’essais Sur la


photographie, je cherchais à comprendre les implications esthé-
tique et éthique de l’omniprésence des images photographiques
dans nos vies*. Si une part non négligeable de notre connaissance
des choses vient non pas de l’expérience directe mais d’images
photographiques, on pourrait relativiser en disant que le niveau
d’information engendré par l’image est assez équivalent à celui de
l’expérience. Mais comme l’a remarqué Roberto Schwartz dans un
merveilleux essai sur « proximité et distance », lorsque nous
regardons de près ces choses qui sont distantes, nous les voyons à
proximité, mais sans responsabilité. Quand nous sommes
confortablement installés dans notre salon et nous regardons une
image de lion, ce lion que nous voyons dans la jungle, lui, ne nous
voit pas. L’information que la photographie communique n’est pas,
bien sûr, seulement une affaire de zoologie ou de vie naturelle.
C’est une information sur l’art ; une information qui nous donne
une idée de ce qu’est le monde autour de nous ; une information
sur la guerre et les souffrances humaines.
Ce recueil d’essais écrits il y a un quart de siècle fut de fait le
tout premier livre de réflexions d’ordre général sur la
photographie. Bien sûr, quiconque écrit sur ce sujet est redevable
au grand essai de Walter Benjamin (L’Œuvre d’art à l’ère de la
reproduction mécanique). Dans les années 70, cependant, aucun
livre n’avait encore été consacré à une réflexion d’ensemble sur la
signification des images photographiques du point de vue
esthétique et du point de vue éthique. C’est parce que je me suis
rendu compte qu’un sujet aussi important et intéressant n’avait
pas été traité de façon approfondie que j’ai essayé de m’y atteler,
consciente bien sûr que tout ce que je pourrais dire à ce sujet serait
incomplet.
Une des principales idées sur lesquelles j’ai travaillé dans ces
essais est tirée d’une expérience que j’ai moi-même vécue dans mon
enfance en 1945. La Seconde Guerre mondiale venait de se
terminer. Je vivais en Amérique. Je me trouvais dans une librairie
où j’ai ouvert ce qui doit avoir été l’un des tout premiers livres –
probablement pas un très bon livre – sur la guerre nazie. Le livre

*. Ce texte est un commentaire de Regarding the Pain of Others, ouvrage dont la


sortie est prévue en mars 2003, New York, Farrar, Strauss and Giroux.

Diogène n° 201, janvier-mars 2003.


128 SUSAN SONTAG

montrait un certain nombre de photographies prises à Dachau,


Buchenwald et Bergen-Belsen à la Libération. Ce que je vis était
au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer depuis mon enfance
paisible, non-violente, en Arizona et en Californie. Je me souviens
du choc comme s’il venait de me secouer aujourd’hui. Ce que je
voyais montrait ce que les gens sont capables de faire à d’autres
gens. Ce fut probablement un des moments les plus importants de
ma vie. Une théorie que j’ai développée sur la photographie de
l’atrocité, la photographie de guerre, les images de gens qui
souffrent très loin de nous, est précisément que de telles images
seraient aujourd’hui incapables de susciter chez nous un
bouleversement aussi intense. Nos vies sont désormais inondées
par de telles images. Nous avons tout vu, et cela nous a rendus de
moins en moins sensibles, de plus en plus endurcis. Cette idée de la
prédominance des images sur la réalité est allée très loin. Le
sociologue français Jean Baudrillard, par exemple, a fait sienne la
tâche de signaler que la réalité n’existe pas, qu’il n’y a que des
images. Nous sommes entièrement déconnectés de la réalité ; nous
avons vu tant d’images que nous ne pouvons plus réagir. Nous
avons sans doute été désensibilisés par la photographie.
Les années passant, j’ai eu cependant d’autres expériences –
des expériences de première main. Témoin de trois guerres, j’ai
connu les tranchées et vécu sous le feu. J’ai passé pratiquement
deux ans et demi avec des journalistes et photo-journalistes à
Sarajevo pendant le siège qui a été levé en septembre 1995. J’ai
commencé à penser que les choses étaient beaucoup plus
compliquées que ce que j’avais décrit dans mes essais antérieurs.
Étant donné la puissance énorme des images, il me semblait
beaucoup trop simple de dire que nous étions juste devenus
insensibles ou que nous avions juste été désensibilisés, que nous ne
réagissions plus à la vue de ces images, qu’elles ne signifiaient rien
pour nous… À partir des expériences que je venais de faire, j’ai
éprouvé le besoin de réfléchir et d’essayer de transmettre ce que
j’avais ressenti comme étant plus vrai, plus complexe.
Les photographies réifient. Elles transforment un événement en
quelque chose que l’on peut posséder. Elles opèrent une sorte
d’alchimie, en offrant de la réalité un compte rendu transparent.
Souvent, quelque chose semble ou est ressenti comme étant
« mieux » sur une photographie. De fait, c’est l’une des fonctions de
la photographie que d’améliorer l’apparence normale des choses.
On est toujours déçu par une photographie qui n’est pas flatteuse.
« Rendre laid » est une fonction plus moderne que le fait
d’« embellir ». En rendant son sujet plus laid, plus affreux qu’il
n’est, l’appareil photographique modifie notre réaction morale à ce
qui est montré. Le sujet « enlaidi » invite à une réaction active.
Afin de provoquer et de changer nos conduites, les
photographies doivent choquer. Il y a quelques années, alors qu’on
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 129

avait estimé que le tabagisme tuait environ 45 000 personnes par


an, les responsables de la santé publique du Canada décidèrent
d’inscrire sur chaque paquet de cigarettes un avertissement avec
une photographie choc : un poumon atteint de cancer, un cerveau
détruit, un cœur endommagé, une bouche en sang, à un stade de
délabrement dentaire aigu… Une étude avait montré que – Dieu
sait comment – de telles photographies auraient soixante fois plus
de chances de pousser les fumeurs à abandonner la cigarette que
de simples avertissements verbaux. En supposant que cela soit
vrai, on peut toujours se demander quelle est la limite et la durée
de l’impact d’un tel choc. Au moment même où ils regardent ces
images, les fumeurs canadiens peuvent reculer de dégoût. Mais
ceux qui fumeront encore d’ici cinq ans, seront-ils encore
perturbés ? Le choc peut devenir familier. Et même s’il ne le
devient pas, on peut toujours détourner les yeux et ne pas
regarder… Les gens trouvent moyen de se protéger de ce qui les
perturbe, en l’occurrence une information désagréable à l’adresse
de ceux qui veulent fumer. L’aptitude à se détourner d’une
information désagréable semble normale, c’est un mode
d’adaptation. De même qu’on peut s’habituer à l’horreur dans la vie
réelle.
On peut donc, sans doute, s’habituer à l’horreur et en
particulier à l’horreur de certaines images. Néanmoins, je tendrais
aujourd’hui à dire qu’il y a des cas où l’exposition répétée à ce qui
choque, à ce qui attriste, à ce qui repousse n’empêche pas les
cordes sensibles de vibrer. Je pense que l’accoutumance n’est pas
automatique en matière d’images. Parce qu’elles sont portables,
parce qu’elles peuvent être insérées dans des contextes différents,
les images n’obéissent pas aux mêmes règles que la vie réelle. Les
représentations de la crucifixion ne deviennent pas banales aux
yeux des croyants, quand ce sont de vrais croyants. On peut
toujours compter sur les représentations théâtrales de Chushin
Gura, probablement les récits les plus connus de toute la culture
japonaise, pour faire éclater en larmes les spectateurs japonais.
Qu’importe le nombre de fois où ils y ont assisté au Kabuki, les
spectateurs pleurent chaque fois que le Seigneur Asano admire la
beauté des cerisiers en fleurs sur le chemin où il va commettre son
« seppuku ». De même, le théâtre iranien connu sous le nom de
« Ta’ziyeh », qui représente la trahison et le meurtre de l’Imam
Hussein, ne manque jamais de provoquer les larmes des
spectateurs iraniens, peu importe le nombre de fois où ils ont
assisté à la représentation de cette scène. En fait, les spectateurs
pleurent en partie précisément parce qu’ils ont déjà et bien souvent
vu cette scène.
Les gens veulent pleurer. Le pathos sous forme de récit n’épuise
pas. Mais les gens veulent-ils vraiment être horrifiés ?
Probablement pas. Et puis, il y a des images dont le pouvoir
130 SUSAN SONTAG

demeure vif en partie parce qu’on ne peut pas les regarder trop
souvent. Les images de visages détruits, qui porteront toujours le
témoignage d’une grande iniquité, survivent à ce prix. Il y a, par
exemple, les images incroyablement horribles prises dans les
hôpitaux, après la Première Guerre mondiale, d’anciens
combattants dont les visages avaient été arrachés. Ces images ont
été publiées dans les années 20 dans un livre très connu contre la
guerre. Est-il juste de dire que les gens se sont accoutumés aux
visages de ces « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale
qui avaient survécu à l’holocauste des tranchées, aux visages
fondus et greffés de ceux qui ont survécu aux bombes atomiques
d’Hiroshima et de Nagasaki ou aux visages des survivants Tutsis,
tailladés à coup de machette par les Hutus lors du génocide
rwandais en 1994 ?
En vérité, s’agissant de crimes de guerre, la notion même
d’atrocité est inséparable de la preuve photographique. Mais ce que
nous voyons de l’horreur est généralement d’ordre posthume. C’est
souvent cette réalité posthume qui en est le rappel le plus
« poignant » : des montagnes de crânes dans le Cambodge de Pol
Pot, des fosses communes au Guatemala, au Salvador, en Bosnie,
au Kosovo. Hannah Harendt, très peu de temps après la Seconde
Guerre mondiale, dans son grand livre Les Origines du
totalitarisme publié en 1950, soulignait que les photographies et
les nouvelles des camps de concentration étaient trompeuses en ce
qu’elles montraient les camps au moment où les alliés les avaient
investis. Ce qui conférait aux images leur caractère particu-
lièrement horrible – les cadavres empilés, la forme squelettique
des survivants – n’était pas du tout typique des camps. Quand ils
fonctionnaient, les camps ne ressemblaient pas à cela. Les
prisonniers étaient exterminés systématiquement par le gaz, non
par la maladie ou la faim, et par la suite immédiatement incinérés.
C’est parce que les fours crématoires s’étaient effondrés qu’on a vu
ce que l’on a vu dans ces photographies prises en avril 1945. Les
photographies des atrocités illustrent et corroborent les récits, elles
permettent d’éviter des disputes sur le nombre exact de ceux qui
ont été tués, les chiffres étant souvent gonflés.
Les photographies apportent l’exemple, le témoignage inef-
façable. La fonction illustrative des photographies n’est pas sans
affecter les opinions, les préjugés, les fantasmes et la désin-
formation. L’information selon laquelle il y a eu moins de
Palestiniens morts à Jénine que ce que les Palestiniens ont
affirmé, ce que les Israéliens n’ont cessé de dire, a eu beaucoup
moins d’impact que les photographies du centre complètement rasé
du quartier des réfugiés. Et les atrocités qui ne sont pas conservées
dans nos esprits par des images photographiques connues – comme
le massacre japonais perpétré en Chine, en particulier l’attaque de
Nanking en 1937, ou le viol de plus de 100 000 femmes et jeunes
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 131

filles par les soldats soviétiques lâchés par leurs officiers à Berlin
en 1945 – demeurent, bien sûr, beaucoup plus lointains. Parce qu’il
n’y a pas de témoignages photographiques, peu de gens se soucient
de commémorer ces événements. La familiarité de certaines
photographies façonne notre sens du présent et du passé immédiat.
Les photographies installent des racines référentielles et servent
de totems aux causes. Le sentiment est plus susceptible de se
cristalliser autour d’une photographie qu’autour d’un slogan. Et les
photographies nous aident à construire et à réviser notre
appréhension d’un passé plus lointain encore, par la circulation de
photographies jusqu’alors jamais vues et les chocs posthumes
qu’elles génèrent.
D’importantes prises de position sur l’image confrontent
idéologies, expériences, anxiétés et fantasmes contemporains.
Quand il étudie les représentations qui décorent une coupe du XVIe
siècle, Carlo Ginzburg nous donne une merveilleuse démonstration
de la façon dont cela marche. Pour « témoigner », les photographes
ont recours à des codes et vocabulaires traditionnels auxquels nous
sommes habitués. On reconnaît souvent, par exemple, dans une
photographie particulière représentant la guerre, les atrocités et
l’agonie humaine, l’image d’une Pietà. Des photographies que tout
le monde reconnaît – et il en existe d’innombrables, chacun d’entre
nous en a des centaines en tête, nous savons ce qu’elles sont, pour
les avoir si souvent vues – font aujourd’hui partie intégrante de ce
sur quoi la société accepte de réfléchir ou déclare qu’elle a choisi de
réfléchir. Et aux idées sur ce sur quoi la société choisit de réfléchir,
la société donne le nom de « mémoire ». À la longue, me semble-t-il,
ce type de mémoire est une fiction. À strictement parler, je suis
d’avis que la mémoire collective, cela n’existe pas. Toute mémoire
est individuelle, non reproductible et meurt avec chaque personne.
Ce que l’on appelle mémoire collective, ce n’est pas du souvenir
mais une affirmation : l’affirmation que telle chose ou telle autre
est importante ; qu’une histoire concerne quelque chose qui a bel et
bien eu lieu ; que certaines images figent l’histoire dans nos
esprits ; que certaines idéologies créent et alimentent un stock
d’archives d’images ; que certaines images représentatives ren-
ferment des idées communes dont la signification déclenche des
pensées et des sentiments prévisibles… Certaines images très
connues, qui ont circulé partout – tel le champignon atomique des
essais nucléaires ou les photographies des astronautes marchant
sur la lune – sont des équivalents visuels des échos sonores. Elles
commémorent, à la façon contondante des timbres-poste, des
moments historiques importants. Sans parler des photographies
triomphales, comme celles de la bombe atomique, qui figurent déjà
sur des timbres-poste. Encore heureux que les images de Dachau,
Bergen-Belsen ou Buchenwald n’aient pas connu ce style de
diffusion.
132 SUSAN SONTAG

Pendant plus d’un siècle de modernisme, l’art a été redéfini


comme une activité vouée à finir dans un musée ou dans un autre.
C’est aujourd’hui le sort de beaucoup de collections
photographiques que d’être exposées et conservées dans des
conditions similaires. Parmi ces archives de l’horreur, les
photographies des génocides sont celles qui ont connu le
développement institutionnel le plus important. Il s’agit de
s’assurer, en créant des lieux de mémoire publics pour ces
documents et autres témoignages, que les crimes qu’ils dépeignent
demeureront inscrits dans la conscience des gens. Cela s’appelle se
souvenir, mais à mon sens c’est beaucoup plus que cela. Dans sa
prolifération actuelle, le musée-mémoire est le produit d’une façon
de penser et de faire le deuil de la destruction du judaïsme
européen dans les années 30 et 40, qui a trouvé son aboutissement
institutionnel dans le Yadevashem, le Musée de la Shoah à
Jérusalem, dans le Musée (étonnamment bien conçu) de
l’Holocauste de Washington D. C., et dans le Musée d’histoire juive,
une réalisation architecturale magnifique, qui s’est ouvert
récemment à Berlin. Des photographies et d’autres objets et
registres de la mémoire de la Shoah circulent inlassablement
comme des rappels permanents de tout ce qu’ils représentent. Ces
photographies de souffrance et de martyre sont plus que des
rappels de la mort, de l’échec, de la victimisation. Elles évoquent le
miracle de la survie. L’entretien de la mémoire perpétuelle passe
inévitablement par la création et le constant renouveau des
souvenirs que véhiculent notamment les photographies icônes. Les
gens veulent pouvoir visiter leurs mémoires et les raviver.
Beaucoup veulent consacrer dans des musées de la mémoire le
récit de leurs souffrances, un récit complet, chronologique, organisé
et illustré – cela est très important. Depuis longtemps, les
Arméniens réclament la création d’un musée qui institutionnalise,
à Washington D. C. également, la mémoire du génocide de 1915.
Mais pourquoi n’y a-t-il pas déjà dans la capitale des États-Unis
– une ville dont la population se trouve être en majorité écrasante
une population d’Africains-Américains – un musée de l’histoire de
l’esclavage ? J’en déduis que c’est parce que le travail de mémoire
est encouragé pour certains et ne l’est pas pour d’autres. De fait,
j’ai découvert que, sur tout le territoire des États-Unis, il n’y a pas
un seul musée totalement consacré à l’évocation de l’histoire de
l’esclavage, à l’ensemble de cette infamie, en commençant par le
commerce d’esclaves en Afrique même ! Il semblerait que cette
mémoire soit trop dangereuse pour la stabilité sociale pour être
activée. Le Musée de l’Holocauste comme le futur musée du
génocide arménien concernent des événements qui ne se sont pas
passés sur le sol américain. Le travail de mémoire ne doit pas
risquer d’inciter contre les autorités une partie de la population du
pays rendue amère. Avoir un musée qui fasse la chronique du
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 133

grand crime que fut l’esclavage des Africains aux États-Unis


d’Amérique est admettre que le diable a été « ici même », beaucoup
plus que « là-bas ». Et je crois que l’esclavage des Africains en
Amérique a été bien pire que l’esclavage des Africains dans
n’importe quel autre pays. Aux États-Unis, comme vous le savez
sans doute, les esclaves n’avaient aucun droit en tant que
personnes. Dans les pays catholiques, la formule classique stipulait
que les esclaves étaient équivalents à « trois-cinquièmes d’une
personne ». Mais les propriétaires d’esclaves ne pouvaient pas faire
ce qu’ils voulaient avec leurs esclaves. Les esclaves avaient
certains droits, fussent-ils restreints. Ce n’est qu’aux États-Unis
que les esclaves n’avaient aucune protection. Un esclave avait
exactement le même statut qu’une vache ou un cheval. Les
propriétaires avaient le droit de faire ce qu’ils voulaient avec leurs
esclaves. Les Américains préfèrent penser que le mal s’est produit
au loin, « là-bas », et se représenter que cela leur a été épargné.
Tant que perdurera cet état des choses, les photographies seront
toujours à propos de « là-bas ».
Je pense que s’applique toujours la vieille idée selon laquelle
l’esprit est un espace intérieur tel un théâtre dans lequel nous
emmagasinons des images qui nous permettent de nous souvenir.
Le problème n’est pas, à mon sens, que les gens se souviennent au
moyen de photographies, mais plutôt qu’ils tendent, de plus en
plus, à ne se rappeler que les photographies. Le souvenir par les
photographies en est venu à éclipser les autres formes de souvenir
et de compréhension. Une fois de plus, les photographies prises lors
de la libération des camps en 1945 sont aujourd’hui ce que les gens
associent le plus avec l’infamie nazie et les horreurs de la Seconde
Guerre mondiale. Des morts hideuses par génocide, famine et
épidémie sont ce que les gens retiennent le plus de toute la
panoplie d’iniquités et d’échecs qui s’est déployée dans l’Afrique
post-coloniale. J’ai le sentiment que « se souvenir » est de plus en
plus, non pas « se rappeler une histoire », mais « être capable de se
représenter une image ». Même un écrivain aussi enraciné dans la
solennité de la littérature du XIXe siècle et du début du XXe siècle
que feu W. G. Sebald a été amené à insérer, ça et là, des
photographies dans ses récits douloureux de vies, de nature, de
paysages urbains perdus, disparus. Sebald n’était pas un simple
poète élégiaque : c’était un militant du poème élégiaque. En se
souvenant lui-même, il voulait que le lecteur lui aussi se
souvienne. Aussi parsema-t-il ses récits de photographies.
La photographie poignante n’a pas à perdre son pouvoir de
choquer. Mais elle n’aide pas beaucoup à comprendre. C’est le récit
qui nous aide à comprendre. Les photographies font autre chose :
elles nous hantent. Regardons l’une des photographies les plus
inoubliables de la guerre de Bosnie, une photographie à propos de
laquelle le correspondant étranger du New York Times écrivit :
134 SUSAN SONTAG

« L’image est forte, une des plus éprouvantes de la guerre des


Balkans : un milicien serbe qui donne, nonchalamment, un coup de
pied à la tête d’une femme musulmane mourante. Elle vous dit
tout ce que vous avez besoin de savoir ». Je pense, moi, au
contraire, qu’elle ne vous dit rien de ce que vous avez besoin de
savoir. Nous savons que cette photographie est l’une des plus
célèbres photos de la guerre de Bosnie et qu’elle a été prise par le
photographe Ron Haviv, dans la ville de Bijeljina, en avril 1992, le
premier mois de l’invasion serbe de la Bosnie. De l’arrière, on voit
un soldat serbe portant un uniforme régulier. Il a une silhouette
jeune, porte des lunettes de soleil juchées sur le haut de la tête,
une cigarette pend entre le deuxième et le troisième doigt de la
main gauche qu’il tient levée, et il a un fusil qu’il tient vers le bas
dans sa main droite. Il a soulevé sa jambe gauche et il s’apprête, de
fait, à donner un coup de pied à une femme qui est étendue le
visage contre terre sur un trottoir. Elle n’est pas seule. Elle est
étendue là entre deux autres corps, mais sa tête est un peu plus en
avant que les autres corps. La photographie ne nous dit pas que
cette femme est musulmane, bien qu’il soit vraisemblable qu’elle le
fût. Pour quelle autre raison serait-elle étendue là, comme morte,
avec les deux autres, sous le regard de soldats serbes ? En fait, la
photographie nous dit peu de chose. Tout ce qu’elle nous dit, en
somme, c’est que la guerre, c’est l’enfer, et que d’avenants jeunes
hommes arborant des armes sont capables de donner des coups de
pied à la tête de femmes étendues le visage contre terre. Les
images des atrocités bosniaques ont été montrées à l’époque même
où elles étaient commises. Elles ont été importantes, comme les
images de la guerre du Vietnam, car elles ont nourri et renforcé
une indignation justifiée face à une guerre qui était loin d’être
inévitable, que l’on aurait pu et dû arrêter beaucoup plus tôt. Elles
ont été une incitation, un aiguillon : chacun se sentait obligé de
regarder ces images si épouvantables car il fallait immédiatement
faire quelque chose contre ce qu’elles décrivaient.
D’autres problèmes surgissent, je pense, lorsque nous sommes
invités à réagir à un dossier d’images, jusqu’ici inconnues,
d’horreurs commises dans un passé lointain. Je vais vous donner
un exemple : une centaine de photographies ont été découvertes il
y a deux ans, des images que l’on ne connaissait généralement pas
et qui n’avaient jamais fait l’objet d’une exposition. Il s’agit de
photographies, prises entre 1890 et le début du XXe siècle, de noirs
victimes de lynchages dans des petites villes des États-Unis.
Lorsqu’elles ont finalement été montrées dans une galerie de New
York, cela a constitué une expérience accablante pour les gens qui
les ont vues. Ce qui était le plus horrible dans ces images, était
leur provenance. Il s’agissait d’images prises par les gens qui
étaient dans la ville, dans la foule qui perpétrait ces lynchages. Des
images « souvenir » en quelque sorte. Des photographies de corps
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 135

qui pendaient et qui, la plupart du temps, avaient été horriblement


mutilés. Ce n’étaient pas juste des personnes qui avaient été
pendues, mais des personnes qui avaient été battues, taillées en
pièces, souvent dénudées, et castrées. Au moins la moitié des
images montraient des gens posant sous les corps ainsi pendus,
comme pour dire : « Moi au lynchage », « S’il te plaît, George,
prends-moi en photo » ! Ils étaient de bons chrétiens américains
ceux qui posaient devant un appareil photographique, sous des
corps goudronnés, mutilés, pendus.
Qu’en est-il des ces images lorsqu’on les regarde maintenant ?
La plupart ont plus d’une centaine d’années. Elles désignent des
spectateurs, des témoins, des co-meurtriers. Mais aujourd’hui,
lorsque nous les regardons, qui sommes-nous ? Que regardons-
nous ? Nous ne sommes pas des spectateurs. À quoi sert, peut-on se
demander, de montrer ces images ? Est-ce seulement pour que
nous nous sentions mal ? Est-ce pour nous consterner, pour nous
attrister ? Est-ce pour nous aider à faire un deuil ? Est-il vraiment
nécessaire de regarder de telles images, étant donné que ces
horreurs, passées il y a si longtemps, ne peuvent plus être punies ?
Sommes-nous meilleurs pour avoir vu ces images ? Nous appren-
nent-elles quelque chose ? Ne confirment-elles pas simplement ce
que nous savons déjà, et ce que nous voulons déjà savoir ? Je pense
que ces questions sont justifiées. Et toutes ont été soulevées au
moment de l’exposition et après, lorsque fut publié le livre de
photographies portant le titre : Without Sanctuary : Lynching
Photography in America (« Sans sanctuaire : photographies de lyn-
chage en Amérique »). Certains contestèrent la nécessité de cette
exposition, disant qu’elle était macabre, qu’elle perpétuait la
victimisation des noirs, qu’il n’était pas nécessaire de réveiller ces
souvenirs de cette façon, etc.
Malgré tout, les responsables de l’exposition et de l’édition du
livre étaient d’avis qu’il fallait examiner ces images – ils utilisaient
généralement le mot « examiner » et non le mot « regarder », pour
prêter à cette démarche un aspect plus impartial, plus objectif. On
avait l’obligation d’examiner ces images de façon à comprendre
qu’il ne s’agissait pas d’actes perpétrés par des barbares, mais
d’actes qui traduisaient le triomphe d’un système raciste, lequel
déshumanisait les gens au point qu’ils puissent commettre de
telles horreurs. Cependant, je m’interroge : qui est barbare ? Peut-
être est-ce là ce à quoi ressemblent les barbares ? Cela dit, le
barbare de quelqu’un, ce n’est que quelqu’un d’autre en train de
faire ce que font tous les autres. Combien sont ceux dont on peut
attendre qu’ils fassent mieux ? La question est : qui cherchons-
nous à blâmer ? Qui pensons-nous avoir le droit de blâmer ? Les
enfants d’Hiroshima et de Nagasaki n’étaient sûrement pas moins
innocents que les jeunes Africains-Américains, hommes et peu de
femmes, qui ont été massacrés et pendus aux arbres dans des
136 SUSAN SONTAG

petites villes. Plus de 100 000 civils allemands (des femmes pour la
plupart) ont été incinérés sous les bombardements britanniques de
Dresde la nuit du 13 février 1945. 72 000 civils ont été grillés par
la bombe lâchée par les Américains sur Hiroshima. Et la liste
pourrait se prolonger. Qui souhaitons-nous blâmer ? Quelles
atrocités d’un passé inguérissable pensons-nous être obligés de
voir ? Les Américains pensent sans doute qu’il serait « morbide » de
se détourner de leur chemin pour regarder des images des victimes
brûlées à la suite des bombardements sur le Japon ou celles des
chairs consumées par le napalm des victimes civiles de la guerre
américaine au Vietnam. Cela serait en effet morbide. Mais de
nombreux Américains blancs disent, me semble-t-il malgré tout,
avoir une sorte d’obligation de regarder les images de lynchage. Et
ils se livrent à une reconnaissance intense et approfondie de la
monstruosité et du mal intrinsèque du système esclavagiste qui a
existé dans le passé, ce que la plupart des États-Unis ne remet pas
en question. C’est là un projet auquel de nombreux Américains
d’origine européenne se sont sentis obligés d’adhérer au cours des
dernières décennies, comme à un devoir patriotique. Toujours
d’actualité, ce projet de reconnaissance du crime de la Nation est,
dans mon pays, un accomplissement national.
Il n’est cependant pas question de reconnaître le recours de
l’Amérique − disproportionné, répété et invétéré − à la puissance
du feu contre les civils, une violation de l’une des lois cardinales de
la guerre. À cet égard, nous sommes restés au stade de la guerre
coloniale américaine aux Philippines, qui remonte à 1900. Cette
reconnaissance-là n’est assurément pas un projet national.
Pendant environ un siècle, l’Amérique s’est réservée le droit de
brandir un maximum d’armements aussi bien contre des civils que
contre des soldats. Aucun traité n’empêche l’usage d’armes telles
que le napalm, les mines anti-personnel ou même encore les armes
nucléaires. Après tout, les États-Unis sont la seule puissance ayant
utilisé des armes pareilles jusqu’à présent. Mais si quelqu’un
insiste sur ces réalités désagréables, il ou elle sera, bien sûr,
considéré(e) comme très anti-patriotique.
On peut se sentir obligé de regarder des photographies qui
rendent compte de certains grands crimes. On devrait être obligé
de penser à ce que cela signifie que de les regarder, de réfléchir sur
notre capacité à assimiler des images si exceptionnellement
horribles. Toutes les réactions à ces images ne relèvent pas d’un
examen de conscience raisonné. La plupart des descriptions de
corps violentés, mutilés, déclenchent un intérêt concupiscent,
impudique, pervers, malsain. Les images horribles peintes par
Goya dans sa grande œuvre Les Désastres de la guerre sont à cet
égard, comme dans bien d’autres, une exception notable en ce que
la part laissée à l’imagination dans ces images empêche de les
regarder avec un esprit concupiscent malsain. Il ne s’appesantit
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 137

pas sur la beauté des corps. Les peignant vêtus, il les rend discrets.
Mais les images de l’atrocité, dans la mesure où elles impliquent la
violation d’un corps sain deviennent, à mon sens, à un certain
degré, pornographiques. Cela fait partie de la complexité de la
situation. Ce n’est pas la simple curiosité qui, sur les autoroutes,
ralentit brutalement le flot de voitures au niveau d’un accident qui
s’est produit. C’est le désir de voir quelque chose d’épouvantable.
Qualifier de morbide ce type de désir pourrait signifier qu’il s’agit
bien sûr de quelque rare aberration. Mais il ne s’agit pas
d’aberration. Je pense que l’attirance pour ces spectacles est
récurrente et que c’est une éternelle source de conflit intérieur,
mental. En fait, la première fois que cela a fait l’objet d’une
discussion, il s’agissait précisément d’une discussion sur un conflit
intérieur, dans la partie de La République de Platon où il distingue
trois parties dans l’esprit, un peu comme le ça, le moi et le surmoi
de Freud : la raison en haut, la conscience représentée par
l’indignation au milieu (où je dirais que se situe l’ego), et en bas, le
désir. Pour illustrer ces trois parties de l’esprit, Platon se met à
nous raconter une histoire des plus étonnantes : Sophocle est en
train de parler. Revenant du Port du Pirée, à l’extérieur du mur
situé au Nord, il remarqua des corps de criminels allongés sur le
sol, leurs meurtriers se tenant à côté, et voulut aller les regarder
de près. Mais simultanément, il éprouva un dégoût, et tenta de se
détourner. Il résista pendant un certain temps, couvrit ses yeux,
mais en fin de compte le désir fut plus fort que lui. Ouvrant tout
grand ses yeux, il courut vers les corps. Et il pleura en s’adressant
à ses yeux : « Voilà, yeux maudits, nourrissez-vous de ce si beau
spectacle ! ». C’est un passage des plus révélateurs. Pour illustrer
un conflit entre le désir et la conscience, généralement, la plupart
des gens auraient recours à l’exemple d’une passion sexuelle
impropre quelconque. Mais Platon donne l’exemple de quelqu’un
qui aime regarder des corps morts, quelqu’un qui se trouve attiré
par cette « morbidité ». Il sous-entend − ce qui suggère que ce n’est
pas rare − qu’une soif existe en nous de regarder des choses
terribles.
Il serait erroné, naïf, contraire à la vérité, simplificateur,
d’omettre que l’impulsion ici dénigrée est aussi en jeu lorsque nous
regardons la douleur des autres par le biais d’images. Cela fait
partie du fardeau de les regarder, le fardeau n’est pas seulement
de savoir que nous sommes en train de les regarder. Comme
Roberto Schwartz, je suis très consciente de ce que nous regardons
ces images en pensant qu’elles nous offrent le privilège d’une
proximité avec les choses que nous ne saurions avoir autrement −
une proximité sans responsabilité qui nous est procurée par celui
qui a pris les images, par le biais de la photographie. Il est
également vrai que nous sommes dans une position de voyeurs.
Nous ne sommes pas seulement sujets à une réaction passionnelle,
138 SUSAN SONTAG

à une réaction de compassion. Il existe une part de voyeurisme. En


fait, regarder les choses par l’intermédiaire d’images est une
opération complexe. Au point qu’il y a des gens pour dire que le fait
de regarder des images est mal en soi, et que nous ne devrions
jamais regarder quoi que ce soit par le truchement d’une image,
qu’il y a quelque chose d’indécent à le faire lorsque nous n’avons
pas de responsabilité par rapport à ce qu’elles décrivent.
Je terminerai cette analyse par une sorte de réflexion morale.
Quelle que soit la part de corruption qu’incombe à ce genre de
scène, je suis persuadée que c’est une bonne chose en soi de
reconnaître – ou d’avoir la force de reconnaître – toute la
souffrance qu’il y a dans le monde. Et je crois que quelqu’un qui est
éternellement surpris par l’existence de la dépravation et de
l’horreur, quelqu’un qui est sans cesse désillusionné ou même
incrédule lorsqu’il se trouve confronté aux preuves de ce que les
êtres humains sont capables de se faire les uns aux autres, est
quelqu’un qui n’est pas moralement et psychologiquement parvenu
à l’âge adulte. Je pense que personne, passé un certain âge, n’a le
droit à ce genre d’innocence, à cette superficialité, à cette
ignorance, à cette amnésie. Il existe maintenant un vaste corpus
d’images qui fait qu’il est plus difficile pour nous de conserver ce
genre de déficience morale. Et je suis d’avis qu’il faut laisser ces
images nous hanter, même si ce ne sont que des images, des
symboles, des parcelles importantes d’une réalité qu’elles ne
sauraient toute embrasser : elles remplissent, néanmoins, une
fonction vitale. Les images disent : « Voilà ce que les gens sont
capables de se faire les uns aux autres ! » « N’oubliez pas ! ». Ce
n’est pas tout à fait la même chose que de demander aux gens de se
souvenir de toute une somme monstrueuse d’horreurs en
particulier. Dire « N’oubliez pas ! », c’est autre chose que de dire
« N’oubliez jamais ! ».
Peut-être les gens attribuent-ils trop de valeur à la mémoire et
pas assez à la réflexion. Nous croyons que la remémoration est un
acte éthique profondément enraciné au cœur de notre nature :
après tout, se rappeler est tout ce que nous pouvons faire pour les
morts. Nous savons que nous allons mourir et nous portons le deuil
de ceux qui, dans le cours normal des choses, sont morts avant
nous : grands-parents, parents, professeurs, amis plus âgés que
nous. L’insensibilité et l’amnésie semblent de fait aller de pair
dans la vie de chaque individu. Mais je pense que l’histoire nous
donne des signes contradictoires quant à la valeur de la
remémoration pour les différentes communautés. L’impératif qui
gouverne nos relations avec ceux qui sont morts avant nous − dans
le laps de temps d’une vie humaine, d’une vie individuelle −
s’appelle la piété. Dans le temps beaucoup plus long de l’histoire
d’une collectivité, cette promptitude à vouloir se souvenir, à garder
le contact avec les disparus signale, de mon point de vue, un
REGARDING THE PAIN OF OTHERS 139

certain dysfonctionnement. Il y a tout simplement trop d’injustice


dans le monde et trop de souvenirs de malheurs passés. Pensons
aux peuples qui justifient tout ce qu’ils font par ce qui leur est
arrivé des siècles auparavant. Faire la paix, c’est oublier. Il est
plus facile de se réconcilier si la place que prendrait une telle
mémoire est faite à la réflexion sur la vie que l’on mène, et si on
laisse les injustices particulières se dissoudre dans une compré-
hension plus générale de ce que les êtres humains sont capables de
se faire les uns aux autres.

Susan SONTAG.
(New York.)

Traduit de l’anglais (américain) par Francine Marthouret et Frances Albernaz.

Vous aimerez peut-être aussi