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Les clés d’une transmission

réussie du cabinet dentaire :


aspects juridiques et
fiscaux
Transmettre, c’est dans bien souvent des cas, un peu
disparaître. C’est la raison pour laquelle la transmission
du cabinet dentaire reste une étape importante dans la
vie des praticiens. Cette phase est en général délicate
car elle mêle des problématiques de nature différente :
humaines, manageriales, économiques, financières,
fiscales, sociales et juridiques.

Pour être réussie, une transmission doit être


anticipée. Aujourd’hui, trop de professionnels tardent à
préparer la cession de leur cabinet. Mis devant le fait
accompli, ils sont alors contraints de prendre des
décisions dans la précipitation, ce qui n’est jamais
favorable. Pour négocier et optimiser, il faut du temps, de
la réflexion et de la mesure. Agir vite ou surréagir n’est
jamais bon.

Nous savons que la collaboration libérale n’est pas


appréciée par tous les praticiens : repasser derrière le
jeune collaborateur pour corriger ou parfaire ses travaux
en bouche, prendre de son temps pour le former ne sont
pas toujours des choses faciles. Néanmoins, force est de
constater que la collaboration libérale reste un moyen
efficace pour mettre le pied à l’étrier d’un jeune
confrère, qui pourrait s’avérer être un excellent
successeur et repreneur. En fonction de votre localisation
géographique, il est plus ou moins aisé de trouver un
collaborateur libéral, et lorsque ceux-ci sont identifiés,
faut-il encore mettre la main sur celui qui s’intégrera le
mieux dans votre cabinet et votre environnement
professionnel.

Sur le plan fiscal et juridique, la société d’exercice


libéral (SEL) et la société de participations financières
de profession libérale (SPFPL) facilitent grandement
les opérations de transmission de cabinet.

En effet, si vous exercez à titre individuel, la cession de


votre patientèle, de votre matériel et de vos stocks à une
SEL créée conjointement avec votre repreneur potentiel
permet, d’une part, de vous permettre d’encaisser un prix
de cession, d’autre part d’éviter à votre confrère de
s’endetter à titre personnel. Ce dernier s’en trouvera
d’autant plus rassuré que vous pourrez l’accompagner
dans la phase de reprise sur une durée préalablement
négociée. Il vous faudra veiller au contenu de votre pacte
d’associé, qui réglera les modalités d’exercice et de votre
retrait définitif futur.

Si vous êtes déjà associé d’une société d’exercice


libéral unipersonnelle, la constitution d’une SPFPL par
votre repreneur ou par vous et votre repreneur permettra
d’optimiser à la fois la fiscalité du cédant et de
l’acquéreur. Les holdings de chirurgiens-dentistes ont été
instaurées récemment afin de limiter les impacts fiscaux
et sociaux des opérations de transmission.

Par le passé, les praticiens étaient contraints de


s’endetter à titre personnel pour racheter les parts de
société. Ils étaient alors taxés à l’impôt sur le revenu, aux
cotisations sociales Urssaf et Carcdsf sur des revenus
qu’ils ne percevaient pas, ce qui compliquait la réalisation
de ces opérations.

La législation fiscale européenne a depuis introduit le


régime dit « mère-fille », qui permet à la société cible
(société rachetée) de pouvoir remonter des dividendes à
sa société mère (holding) dans un cadre fiscal
avantageux, qui évite la double imposition au niveau de
l’impôt sur les sociétés. Seule une quote-part de frais et
charges est imposée au niveau de la société mère à
hauteur de 5%, le plus souvent au taux réduit d’IS de 15%
dans la plupart des cas. Concrètement, cela signifie que
remonter 100 000 euros de la société filiale vers une
holding coûte à cette dernière 750 euros.

Les gouvernements successifs ont également mis en


place des dispositifs fiscaux avantageux en matière de
plus-value de cession, dans le cadre de départ à la
retraite, que ce soit lors de la mise en vente d’un cabinet
individuel ou de parts de société SEL.
L’article 151 septies A du CGI, applicable aux
entreprises individuelles, prévoit ainsi que les plus-values
réalisées dans le cadre d’une activité libérale sont
exonérées d’impôt sur le revenu lorsque les conditions
suivantes sont réunies :

1° L’activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq


ans ;

2° La cession est réalisée à titre onéreux et porte sur


une entreprise individuelle ou sur l’intégralité des droits
ou parts détenus par un contribuable qui exerce son
activité professionnelle dans le cadre d’une société ou
d’un groupement dont les bénéfices sont, en application
des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l’impôt sur le
revenu et qui sont considérés comme des éléments
d’actif affectés à l’exercice de la profession au sens
de l’article 151 nonies ;

3° Le cédant cesse toute fonction dans l’entreprise


individuelle cédée ou dans la société ou le groupement
dont les droits ou parts sont cédés et fait valoir ses
droits à la retraite, dans les deux années suivant ou
précédant la cession ;

4° Le cédant ne doit pas détenir, directement ou


indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des
droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise
cessionnaire ;

5° L’entreprise individuelle cédée ou la société ou le


groupement dont les droits ou parts sont cédés emploie
moins de deux cent cinquante salariés, et soit a réalisé un
chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros au
cours de l’exercice, soit a un total de bilan inférieur à 43
millions d’euros, ce qui est le cas de tous les cabinets
dentaires ;

6° Le capital ou les droits de vote de la société ou du


groupement dont les droits ou parts sont cédés ne sont
pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une
entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas
aux conditions du 5°, de manière continue au cours de
l’exercice.

Un autre dispositif dit « Sarkozy », codifié sous l’article


238 quindecies peut également trouver à s’appliquer si
la valeur du fond libéral transmis n’excède pas
300 000 euros, pour une exonération totale ou
500 000 euros pour une exonération partielle, ce qui
laisse une marge de manœuvre significative à la grande
majorité des cabinets de notre pays.

En matière de ventes de parts de sociétés soumises à


l’impôt sur les sociétés (exemple : SEL), dans le cadre
de départ à la retraite, les plus-values peuvent
également bénéficier d’un abattement fixe de 500 000
euros sous certaines conditions :

1° La cession porte sur l’intégralité des actions, parts ou


droits détenus par le cédant dans la société dont les
titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits
de vote ou, dans le cas où seul l’usufruit est détenu, sur
plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de
cette société ;

2° Le cédant doit :

a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou


droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq
années précédant la cession, l’une des fonctions
suivantes :

• gérant nommé conformément aux statuts d’une société


à responsabilité limitée ou en commandite par actions ;
• associé en nom d’une société de personnes ;
• président, directeur général, d’une société par actions.

Ces fonctions doivent être effectivement exercées et


donner lieu à une rémunération normale, dans les
catégories imposables à l’impôt sur le revenu des
traitements et salaires, bénéfices industriels et
commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non
commerciaux et revenus des gérants et associés
mentionnés à l’article 62, au regard des rémunérations du
même type versées au titre de fonctions analogues dans
l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en
France. Cette rémunération doit représenter plus de la
moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est
soumis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes
catégories, à l’exclusion des revenus non professionnels ;
b) Avoir détenu directement ou par l’intermédiaire d’une
société qui relève des articles 8 à 8 ter ou par
l’intermédiaire de son conjoint ou partenaire lié par un
pacte civil de solidarité ou de leurs ascendants ou
descendants ou de leurs frères et sœurs, de manière
continue pendant les cinq années précédant la cession,
au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les
bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits
sont cédés ;

c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou


droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite
dans les deux années suivant ou précédant la cession ;

Ce dispositif serait applicable jusqu’au 31 décembre


2022.

3° Les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus


depuis au moins un an à la date de la cession.

4° En cas de cession des titres ou droits à une entreprise,


le cédant ne détient pas, directement ou indirectement,
de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux
de l’entreprise cessionnaire.

Sur le plan social, la transmission du cabinet emporte


transfert automatique des contrats de travail. L’article
L122-12 du code du travail précise à ce titre : « S’il
survient une modification dans la situation juridique de
l’employeur, notamment par succession, vente, fusion,
transformation du fonds, mise en société, tous les
contrats de travail en cours au jour de la modification
subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de
l’entreprise. » Cela implique la reprise de l’ancienneté
originelle des salariés, même si ceux avaient été
embauchés par le prédécesseur du cédant.

Que ce soit du côté du cédant ou du repreneur,


l’anticipation reste donc le maître mot afin de ne pas
découvrir au dernier moment des problématiques
susceptibles d’avoir des incidences financières lourdes.
Une transmission se prépare en amont, longtemps à
l’avance. La structuration juridique et fiscale de votre
cabinet ne s’improvise pas. Des simulations doivent
être opérées afin d’en mesurer toutes les incidences à
court et moyen terme.

Dentairement vôtre.
Julien Fraysse

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de Julien


Fraysse !

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