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Trois cordes à nos arcs.

La maîtrise de trois langues, à savoir de la langue d’origine et de deux langues étrangères en


plus, devrait permettre de préserver la diversité culturelle de l’Europe communautaire. Pourquoi
trois langues plutôt que deux qui semblent suffire à première vue ?
Si, en effet, l’Europe voulait se contenter d’une seule langue étrangère pour tous les Européens,
celle-ci serait nécessairement la même pour tous, et l’imagination devine que ce rôle
incomberait à l’anglais, du moins à la longue. Or l’anglophonie monolithique ne saurait satisfaire
à tous les besoins d’intercommunication en Europe, parce qu’elle porterait atteinte à la diversité
culturelle du Vieux Continent.
Il est vrai que l’anglais est aujourd’hui la langue la plus universellement acceptée dans le monde
et la plus employée dans les échanges inter linguistiques, parmi lesquels il y a lieu de
mentionner tout particulièrement les échanges scientifiques. C’est un fait historique.
Néanmoins, il faudra craindre que l’anglais, première langue étrangère, ne devienne très vite
l’unique langue étrangère du programme et que la culture linguistique de l’Europe ne se
transforme en monoculture, avec tous les risques que l’on peut deviner.
L’anglais occuperait cependant une très belle place comme deuxième langue étrangère au
programme. Cette position secondaire ne ferait guère de tort à une langue qui peut compter
dans le monde entier sur une très forte motivation extrinsèque accompagnant et renforçant
l’apprentissage scolaire.
Pour la position alors vacante de première langue étrangère au programme, la très riche culture
linguistique de l’Europe offre assez de candidats. Aucune des langues européennes ne sera
cependant privilégiée a priori.

Harald Weinrich, Trois cordes à nos arcs, « Le monde des débats »

Vivre la ville.
« Il faudrait construire les villes à la campagne. » Suggestion absurde au premier abord et
pourtant… C’est bien ce qui s’est passé en France, comme ailleurs, avec l’explosion de
l’urbanisation au XXe siècle. La ville a grignoté la campagne française et le pays compte
aujourd’hui trois fois plus de villes qu’il y a 150 ans. Cette concentration de la population était
inéluctable pour moderniser le pays, l’industrialiser, le « tertiairiser », le scolariser…
Mais, revers de cette urbanisation réussie, la crise des banlieues, extensions des villes, a éclaté
au début des années ‘80 et persiste aujourd’hui, plongeant les habitants et les municipalités
concernés dans un profound malaise. […] Violences et racisme sur fond de chômage, les
causes et les effets sont parfois trop vite confondus. Comment en est-on arrivé là ? Déjà en
1981, les événements de Minguettes, dans la banlieue lyonnaise, avaient soulevé pareille
question. Mais une fois les mesures d’urgence prises pour éviter un été « chaud », le problème
était retombé dans l’oubli. Il en ressort brusquement au début des années ‘90.
Aujourd’hui, un Français sur trois habite en banlieue. La banlieue, c’est Neuilly ou Écully –
espaces chics où se côtoient d’agréables villas agrémentées de jardins –, mais c’est aussi les
HLM1 dégradées en périphérie des grandes agglomérations. Ces grands ensembles ont été
construits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la France manquait alors cruellement
de logements. La reconstruction, l’exode rural, et le babyboom des années ‘50 et ‘60 ont gonflé
la demande de logements urbains. Alors, on a construit des citésdortoirs qui pouvaient contenir
jusqu’à 10 000 logements. L’impératif était économique, mais la démarche répondait également
– contrairement à ce que l’on peut penser aujourd’hui – à un idéal social, voire architectural. Il
s’agissait de promouvoir, en une génération, une société plus juste, de fournir à tous un
logement salubre et confortable. Il s’agissait – utopie suprême – d’inventer un nouveau monde
social, dans lequel les différentes classes sociales pourraient se mêler, cohabiter au quotidien.
Christophe Sibiende, « Vivre la ville »
1 HLM : Habitation à loyer modéré

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