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Trois Cordes À Nos Arcs+vivre La Ville
Trois Cordes À Nos Arcs+vivre La Ville
Vivre la ville.
« Il faudrait construire les villes à la campagne. » Suggestion absurde au premier abord et
pourtant… C’est bien ce qui s’est passé en France, comme ailleurs, avec l’explosion de
l’urbanisation au XXe siècle. La ville a grignoté la campagne française et le pays compte
aujourd’hui trois fois plus de villes qu’il y a 150 ans. Cette concentration de la population était
inéluctable pour moderniser le pays, l’industrialiser, le « tertiairiser », le scolariser…
Mais, revers de cette urbanisation réussie, la crise des banlieues, extensions des villes, a éclaté
au début des années ‘80 et persiste aujourd’hui, plongeant les habitants et les municipalités
concernés dans un profound malaise. […] Violences et racisme sur fond de chômage, les
causes et les effets sont parfois trop vite confondus. Comment en est-on arrivé là ? Déjà en
1981, les événements de Minguettes, dans la banlieue lyonnaise, avaient soulevé pareille
question. Mais une fois les mesures d’urgence prises pour éviter un été « chaud », le problème
était retombé dans l’oubli. Il en ressort brusquement au début des années ‘90.
Aujourd’hui, un Français sur trois habite en banlieue. La banlieue, c’est Neuilly ou Écully –
espaces chics où se côtoient d’agréables villas agrémentées de jardins –, mais c’est aussi les
HLM1 dégradées en périphérie des grandes agglomérations. Ces grands ensembles ont été
construits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la France manquait alors cruellement
de logements. La reconstruction, l’exode rural, et le babyboom des années ‘50 et ‘60 ont gonflé
la demande de logements urbains. Alors, on a construit des citésdortoirs qui pouvaient contenir
jusqu’à 10 000 logements. L’impératif était économique, mais la démarche répondait également
– contrairement à ce que l’on peut penser aujourd’hui – à un idéal social, voire architectural. Il
s’agissait de promouvoir, en une génération, une société plus juste, de fournir à tous un
logement salubre et confortable. Il s’agissait – utopie suprême – d’inventer un nouveau monde
social, dans lequel les différentes classes sociales pourraient se mêler, cohabiter au quotidien.
Christophe Sibiende, « Vivre la ville »
1 HLM : Habitation à loyer modéré