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LE FRANÇAIS LANGUE SECONDE (FLS) EN FRANCE : APPEL À

« L'INTERDIDACTICITÉ »

Fatima Davin-Chnane

Klincksieck | « Éla. Études de linguistique appliquée »

2004/1 no 133 | pages 67 à 77


ISSN 0071-190X
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LE FRANÇAIS LANGUE SECONDE (FLS)


EN FRANCE : APPEL À « L’INTERDIDACTICITÉ »

Résumé : le FLS dans les structures d’accueil est destiné à des élèves nouvelle-
ment arrivés en France. Son enseignement est assimilé à celui du français
langue étrangère (FLE) pour préparer les élèves à un enseignement en français
langue maternelle (FLM). Le débat est d’actualité : le didacticien s’interroge
sur la validité du concept de « FLS » dans un tel contexte, le praticien-brico-
leur travaille dans l’urgence, manquant d’informations et de formations, et
l’enseignant-chercheur que nous sommes se pose la question sur le savoir à
enseigner : celui du FLE centré d’abord sur la communication orale, celui du
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FLM fondé sur la culture de l’écrit ou celui du FLS qui naîtrait d’un mariage
didactique FLE/FLM ?

Pour des raisons économiques, politiques et autres, des milliers de nou-


veaux arrivants 1 s’installent en France chaque année, parmi lesquels une
grande partie d’enfants en âge de scolarisation. La langue d’accueil de ces
migrants et de leurs enfants est le français, langue nationale, commune à
tous les citoyens et dont l’apprentissage est indispensable. Aussi l’accueil
des nouveaux élèves à l’école française nécessite-t-il des structures spéci-
fiques et la mise en place de dispositifs adaptés.
Or, sur le terrain, le français enseigné comme une langue étrangère à des
allophones en France, dans les CLIN et les CLA, révèle une situation
d’échec scolaire dont les élèves primo-arrivants ou ex-primo-arrivants n’ar-
rivent pas à s’extraire. Ce domaine fut longtemps négligé, désigné par les
termes de « français aux migrants » et confondu avec le FLE enseigné aux
adultes, ceux-ci se contentant d’un socle minimum en français oral pour
communiquer dans la société d’accueil. Ce stade, à notre avis, est dépassé
aujourd’hui au regard des exigences scolaires centrées sur la maîtrise de la
langue.

1. Près de 25 000 (Le Monde du 1er juin 2001) / 27 000 inscrits en 2000-2001 (Le Monde du
9 novembre 2001).
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1. Les contenus d’enseignement/apprentissage en FLS
S’il est évident que le français enseigné avec des méthodes FLE dans les
structures d’accueil demeure le socle de l’apprentissage du français langue
de communication, cet enseignement est insuffisant, tout au moins dans le
contexte endolingue français, pour entrer dans les savoirs scolaires dispen-
sés uniquement en FLM. Une fois passé le temps imparti à l’étape d’ap-
prentissage du FLE, classe spécifique et protégée, chaque élève est affecté
dans une classe dite « ordinaire » qui correspond à son âge et où se pratique
une pédagogie du FLM, mais sans que soit assuré, par les enseignants des
diverses disciplines, de relais ni de travail de suivi. Est réputée acquise « la
première priorité [qui] est de maîtriser la langue orale et écrite » (Nouveau
contrat de l’école, 1994, décision n° 2). Or, les conséquences d’une telle
vision de la maîtrise de la langue sont là, mal vécues dans certains cas et de
la part des enseignants et de la part des nouveaux arrivants. L’intégration
scolaire se heurte à des obstacles qui font que l’accès aux savoirs de la
langue demeure difficile et freine cette intégration d’apprenants qui ont des
besoins spécifiques et relèvent d’un système didactique particulier.
La priorité de la « maîtrise » de la langue ainsi que la définition et la redé-
finition des modalités de scolarisation des élèves nouvellement arrivés en
France sont réaffirmées à maintes reprises dans les textes officiels. L’absence
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d’enseignement commun dans les classes d’accueil et l’inexistence de maté-
riel spécifique font que les enseignants se trouvent devant un « vide didac-
tique ». Dans les recommandations officielles, l’enseignement du FLS figure
– dans l’accompagnement des programmes (1996) – parmi les « Actions par-
ticulières ». Elles préconisent d’enseigner le FLS pour répondre aux attentes
des élèves et aux objectifs institutionnels. Mais elles se contentent de rappe-
ler qu’« en l’absence de méthodes construites pour le FLS, l’enseignant dis-
pose de méthodes de FLE, d’outils pédagogiques de FLM » (op. cit.).
Il a fallu attendre l’an 2000 pour que les premières recommandations
officielles intitulées « Le Français Langue Seconde » 2 voient le jour et ins-
titutionnalisent l’enseignement du FLS en France. Première tentative qui
fixe les grandes lignes méthodologiques, met l’accent sur certains objets de
savoir à faire acquérir aux nouveaux arrivants et présente des suggestions
selon le niveau débutant ou perfectionnement.
Toutefois, en l’absence de manuel spécifique, c’est à l’enseignant de
fabriquer ses propres séquences. Cela suppose que cet enseignant est
« polyvalent » et qu’il a reçu une double et solide formation en FLE et en
FLM. Or, nous avons affaire à deux types d’enseignants dans les classes qui
accueillent des élèves allophones. Les enseignants du FLM qui prennent en
charge des primo-arrivants, n’ont, en principe, aucune formation en FLE. Ils
« bricolent » des exercices à partir de manuels du primaire pour des adoles-
cents de 13 à 15 ans, ou se procurent des méthodes FLE inadaptées au

2. Le Français Langue Seconde, Coll. « Collège-Série Repères », CNDP (2000).


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niveau et à l’âge de leurs élèves : ils restent donc démunis et impuissants
devant des élèves dont les besoins langagiers sont énormes. À l’opposé, de
nombreux enseignants en classe d’accueil sont des jeunes, contractuels ou
vacataires, qui, eux, n’ont reçu aucune formation à l’enseignement en col-
lège et ne sont pas au courant des programmes : comment pourraient-ils
adapter leurs pratiques, dans l’optique d’une orientation de l’élève vers une
classe dite « ordinaire » du collège où la pédagogie du FLM est la règle ?
Conséquence : des enseignants insuffisamment préparés se sont trouvés
devant un public hétérogène à former en un temps record, trois à six mois,
pour rattraper jusqu’à neuf ans de retard scolaire. Ils se sont investis dans
leur tâche en bricolant, en construisant et en reconstruisant leurs séquences
d’apprentissage en FLE mais souvent sans arriver au résultat souhaité, et en
se posant l’éternelle question : « Que dois-je enseigner pour aider mes
élèves à s’en sortir et leur permettre de s’intégrer dans leurs classes d’affec-
tation ? ». Par conséquent, le fossé s’agrandit de plus en plus entre un ensei-
gnement de FLE mettant l’accent sur l’oral et une classe d’affectation où
tout est dispensé selon des pratiques en FLM fondées sur la culture écrite et
des références culturelles très éloignées de celles de la culture d’origine (en
6e : initiation aux textes de l’Antiquité gréco-latine et judéo-chrétienne ; en
4e et en 5e : travail sur des textes du Moyen Âge et de la Renaissance au
XVIIe siècle,…).
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2. Les conséquences du cloisonnement FLM/FLE/FLS
Ce cloisonnement FLE/FLM dans les structures d’accueil est sans doute
dommageable. C’est pour cela que pour des élèves primo-arrivants, issus des
CLIN, dont le score global atteint à peine 17,4 % en français à l’évaluation
nationale d’entrée en 6e (2000) et dont le bilan de compétences est pratique-
ment négatif à toutes les entrées, la question qu’on se pose est celle du savoir
à enseigner pour faciliter l’intégration linguistique et sociale. Faut-il conti-
nuer, dans les classes « ordinaires », avec les méthodes du FLE ou utiliser
celles du FLM, lequel demeure inaccessible pour ces élèves ? En passant
d’un enseignement de la langue pratiquement centré sur l’oral à un autre
fondé sur l’écrit, le nouvel arrivant se heurte à la réalité des savoirs scolaires
dans une école française à laquelle on ne l’a pas préparé. Le pont « mobile »
qui devait assurer le passage d’une classe FLE à une classe FLM n’a pas été
mis en place et la confusion des trois domaines qui ont chacun leur spécifi-
cité – le FLE, le FLS et le FLM – ne permet pas de surmonter les obstacles.
Institutionnellement, l’enseignement du français à des primo-arrivants est
désigné par l’appellation de FLS, mais celui-ci est déguisé en FLE. Pochard
(2002) réfute d’ailleurs cette assimilation abusive des situations du français
enseigné à des allophones en France à des situations de FLE et affirme que
cela relève du « français langue seconde hôte (FLSH) ». Cependant, entre le
français comme LE, LSH ou comme « LM », il existe peut-être une position
médiane et plus équilibrée. À cause de son double rôle de langue enseignée
et de langue d’enseignement, le français langue non maternelle enseignée
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en France à des primo-arrivants, d’une part relève d’une langue seconde sur
le plan psycholinguistique ; d’autre part, étant donné son statut de langue
officielle et nationale et sa fonction de langue de toute communication
sociale orale ou écrite, est appelé à devenir le plus rapidement possible une
langue principale (LP) sur le plan sociolinguistique. Défini ainsi, le français
est langue seconde et en même temps langue principale (FLSLP).
Autrement dit, en situation de FLSLP le français est une langue seconde
mais il occupe la place principale par son statut (langue nationale et offi-
cielle), sa fonction (langue de communication et de scolarisation) et surtout
son usage dans la vie sociale (langue de socialisation) puisque la LM du
nouvel arrivant n’est pas reconnue et n’a ni rôle ni statut dans un pays
monolingue. La réussite scolaire et sociale passe alors par la maîtrise du
français comme langue fonctionnelle et académique.

3. Vers la construction d’une discipline ?


Une réflexion épistémologique et didactique s’impose donc aujourd’hui
pour le contexte français étant donné l’arrivée massive d’élèves dont le
français n’est pas la langue maternelle, afin de délimiter le champ de la
didactique du FLS. Celui-ci ne peut certes pas renier l’héritage qui lui vient
de la didactique du FLE et de celle du FLM par rapprochement ou par
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opposition. N’oublions pas que son émergence même est due au fait que,
face à un public spécifique, le FLE semblait insuffisant et le FLM en
revanche exigeant. La situation des structures d’accueil montre que le FLE
et le FLM doivent cohabiter parce que les enseignants de FLM enseignent
le FLE et les apprenants de langue non maternelle apprennent le français
pour s’intégrer dans une classe de FLM. Cette situation complexe relève à
la fois du FLE aidé de l’environnement linguistique homoglotte, et du FLM,
dans un système exigeant, fondé sur l’écrit, et auquel il faut préparer l’ap-
prenant.

4. Interdidacticité ou intradidacticité ?
Donc, comprendre les situations d’enseignement/apprentissage en DFLE
et en DFLM justifie tout à fait l’émergence d’un troisième champ qui est
celui de la didactique du FLS comme langue principale, dans notre contexte
en France (sans doute transposable ailleurs). Une continuité didactique est
nécessaire pour que les didactiques du français puissent échanger leurs
biens. F. Marchand (1989) 3 évoque l’éventualité d’une didactique com-
mune FLE/FLM pour faire face à la scolarisation d’enfants d’origine étran-
gère à l’école française. Et cela pourrait d’ailleurs s’inscrire dans ce que
R. Galisson (1995) appelle « l’interdidacticité » pour « sortir de la balkani-

3. « La présence dans de nombreuses écoles, parmi les enfants qui ont le français pour langue
maternelle, d’enfants étrangers ou d’origine étrangère […] conduit à s’interroger à la fois sur […]
les facteurs de différenciation et aussi les possibles proximités entre FLM et FLE », Vers une
didactique du français ?, Langue française n° 82.
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sation actuelle », malgré la revendication du FLE et du FLM de leur droit à
la différence. Dans le même cas, le FLS aussi, en tant que partie dans le tout
(E. Morin), pourrait revendiquer sa spécificité dans le cadre englobant de la
didactique du français (intradidacticité ?) ou dans celui, plus large, de la
didactique des langues (interdidacticité ?).
En fait, avec l’interdidacticité, le FLS s’inscrirait dans le « pluralisme
didactique » grâce à la circulation des savoirs FLM FLE FLS
FLM. Cela permettrait l’émergence d’un enseignement/apprentissage plu-
riel par la pluralité des supports et des contenus qui répondraient à la diver-
sité des apprenants. Dans ce cas, « le concept du FLS nous fait entrer dans
une didactique du complexe, où la pluralité et l’interconnexion des concepts
fait système » (J.-P. Cuq, 1996). En d’autres termes, il conviendrait d’envi-
sager une didactique complexe et non pas simplifiée.
D’où la question suivante : la création de moyens d’enseignement et l’in-
troduction d’objets d’étude empruntés à la fois au FLE et au FLM pour-
raient-elles contribuer à la construction d’un savoir à enseigner spécifique,
permettant l’enseignement de la langue orale et écrite à des élèves allo-
phones ? Si oui, cela impliquerait le décloisonnement des deux didactiques
du français et la circulation de leurs savoirs, ce qui suppose la mise en place
d’une méthodologie multiréférencée et adaptée. Dans ce cas, une continuité
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dans l’enseignement/apprentissage du français serait assurée entre la classe
de FLE et celle de FLM par une passerelle qui serait le FLS, ce qui permet-
trait aux élèves d’approcher progressivement la langue « cultivée » (Besse
2002) de l’écrit et de l’écriture tout en maîtrisant simultanément celle de
l’oral. En d’autres termes d’acquérir la compétence de communication
(Hymes, 1984 ; Moirand, 1982) et la langue de scolarisation (Vigner, 1989,
2000 ; Verdelhan, 2001).
Notre hypothèse, émise à partir des conclusions d’une recherche anté-
rieure sur le terrain qui mettait en cause la « rupture didactique » entre FLE
et FLM, est qu’avec la mise en place d’une passerelle reliant la didactique
du FLE et celle du FLM il y aurait une meilleure intégration linguistique,
donc moins d’échec scolaire chez les allophones. Comme l’a signalé
Galisson (1995), il s’agirait d’une « transposition » d’un savoir du FLE et
du FLM, lui-même issu du savoir de référence : la langue française.
Ainsi, l’élaboration de contenus d’enseignement/apprentissage du FLS,
passerait par la reprise de notions déjà transposées dans les deux didac-
tiques légitimes, DFLE et DFLM, – telles que les « actes de parole » ou les
« théories du langage » en référence à l’approche pragmatique d’Austin
(1970) et de Searle (1972) –, et des notions de type discursif, textuel et de
genre, notions dont la théorie de référence est la psychologie du discours
centrée sur des mécanismes énonciatifs. Elle passerait aussi par le recours à
une notion transversale aux deux didactiques, celle de la grammaire.
La présente réflexion sur cette transposition est partie de la pratique, du
terrain, des besoins des élèves pour alimenter la théorie. Il s’agirait d’une
forme d’éclectisme méthodologique (Puren, 1998) que chaque enseignant
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pourrait pratiquer dans sa classe dans « la mesure où l’éclectisme méthodo-
logique constitue, par rapport au problème de la complexité didactique, une
réponse intuitive et d’une certaine efficacité immédiate ». Cela irait dans le
sens de Galisson (1995) qui « opte pour la transposition, c’est-à-dire l’adop-
tion et l’adaptation éventuelle de réponses, testées sur le terrain ». Le FLS
serait alors interdidactique, pluriméthodologique, transdisciplinaire et plu-
riculturel avec une approche plurielle (Verdelhan, 2002).
Le FLS est alors interdidactique, comme point d’intersection, en assurant
un « rôle d’import-export » (Galisson, 1995) entre le FLM et le FLE.
Emprunter à la DFLE le nécessaire pour une compétence de communication
et en faire profiter la DFLM qui, enfin, se tourne vers l’enseignement de
l’oral en classe. Emprunter à la DFLM le nécessaire pour le travail sur
l’écrit et en faire profiter aussi la DFLE qui en a besoin aujourd’hui et qui
commence à l’introduire dans ses méthodes (Tempo 1 et 2). La DFLS ne
peut que gagner avec une telle « approche dynamisée ».
Il est transméthodologique parce qu’il n’y a pas une méthodologie mais
des méthodologies qui apportent chacune une réponse à des besoins spéci-
fiques avec une démarche constructiviste (Piaget) et/ou socio-constructi-
viste (Vygotski), une pédagogie du FLM qui a en commun avec le FLS la
fonction de langue de scolarisation (lire et écrire en plus de parler) et une
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dominante au départ qui serait l’approche communicative, pour développer
une compétence de communication sans pour autant ignorer les outils et les
techniques des autres approches ou méthodes. L’éclectisme (Puren) a sa
place parce que la situation l’impose.
Il est également transdisciplinaire parce qu’en FLS la langue n’est pas
uniquement une discipline comme l’est le FLE, elle sert aussi à enseigner
les autres disciplines. Enseigner le français et enseigner en français, d’où
l’importance de l’interdisciplinarité.
Il est enfin pluriculturel pour mettre des limites à une monoculture fran-
çaise où la culture de l’apprenant est ignorée. L’introduction de textes d’au-
teurs issus d’une culture francophone établirait un équilibre.

5. Le FLS au collège, pratiques de classe


Concrétiser un tel travail d’interdidacticité en classe a nécessité un
double dispositif : pédagogique, au niveau de l’établissement, qui a été mis
en place par le principal du collège et son équipe et impliquait toutes les
disciplines ; didactique, au niveau des classes-dispositif FLS, dans le cadre
duquel il s’agissait d’élaborer des progressions annuelles et des séquences
didactiques adaptées. L’objectif étant, dans le cas de nos élèves primo-arri-
vants, la maîtrise de la langue qui reste un enjeu majeur en tant que langue
de communication, d’intercompréhension et de scolarisation. Bien commun
aussi de tous les enseignements à l’école, le français développe des savoirs
utiles à toutes les disciplines qui ont chacune leur discours. En même temps,
et hors de l’école, le français a aussi une fonction de socialisation et d’inté-
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gration dans le corps social par la culture et la langue. Autrement dit, il faut
développer des savoirs à la fois académiques et pratiques.
L’expérimentation dans un collège, à Marseille, dans des classes relevant
d’un dispositif d’accueil et d’intégration (DAI) comprenant des modules
FLE (15 heures, 10 heures, 6 heures, 4 heures, 2,5 heures,… selon le
niveau) assurés par deux professeurs de FLE en parallèle avec des classes
communicantes en FLS, assurées par un professeur de FLS, en 6e, 5e et 4e
orientant vers des classes FLM, assurées par des professeurs de FLM, a per-
mis de concrétiser cette réflexion et de l’analyser en termes de pratiques de
classe. Le français, dès le début des apprentissages et dans toutes les
matières scolaires, a rempli la fonction de langue de communication en tant
qu’objet d’apprentissage, une priorité en FLE, et celle de scolarisation, en
tant qu’outil d’apprentissage en FLM.
Ainsi, dans les disciplines non linguistiques (DNL) dispensées en FLM,
les enseignants ont effectué un travail d’interdisciplinarité, français/mathé-
matiques, français/histoire-géographie, français/sciences de la vie et de la
terre,… et ont d’abord donné la priorité à l’apprentissage du français simul-
tanément comme langue de communication (méthodes FLE) et langue de
scolarisation (méthodes FLM), notamment par la lecture de textes adaptés
avec un lexique spécifique à chaque discipline. La maîtrise de la langue
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était le maître-mot de l’équipe pédagogique qui lui a consacré toute la
période préparatoire du 1er trimestre.
Quant au « français » en tant que discipline au collège, il est considéré
comme le premier responsable des réussites ou des échecs scolaires. Le
concept de « maîtrise de la langue » lui reste très lié, mais difficile d’accès à
un natif, il l’est encore plus à un non natif. Longtemps et encore aujour-
d’hui, cette discipline pâtit de la confusion de l’enseignement :
– du français en CLA (FLE), mis en place pour apprendre à communiquer
en français ;
– de la discipline « français » au collège (FLM) qui est à la base de toute
référence linguistique textuelle et culturelle et qui n’est accessible que si
l’élève non natif arrive à subvenir à certains besoins linguistiques tels
que lire correctement un texte et un ouvrage pour entrer dans la culture
des œuvres. En FLM, les référents majeurs de la discipline « français »
sont la littérature et la langue. La littérature est, en fait, un héritage cultu-
rel et formateur à la fois de la personne et du citoyen. Entrer dans la litté-
rature c’est aussi entrer dans la langue. Mais on ne peut entrer dans la
littérature que si on est déjà dans la langue. L’accès à la littérature et l’ap-
prentissage de la langue doivent se faire de concert.
Cette confusion « français » et « discipline français » a eu des consé-
quences sur la scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France. Une
« tension entre la discipline de prestige privilégiant la culture française let-
trée et la discipline utilitaire, tâcheronne des compétences langagières ordi-
naires » (Halté, 1993). Ainsi, pour approcher les savoirs des deux disci-
plines et faciliter l’intégration linguistique de l’élève non natif, le dispositif
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didactique FLS dont il est ici question est considéré comme une passerelle.
Pour cela, il a fallu procéder à un travail de « transposition » de deux didac-
tiques avec chacune un savoir spécifique, la DFLE et la DFLM, où
apprendre à parler, à lire et à écrire font partie d’un domaine, celui du FLS
qui prépare à celui du FLM. Ce dernier, qui exige non seulement d’appro-
cher les textes mais d’apprendre aussi à distinguer les types de textes (narra-
tif, descriptif, argumentatif, injonctif, informatif, explicatif) et les genres de
discours (une lettre, un poème, un récit, une fable, un texte publicitaire…).
Cela demeure lié aussi à la connaissance de certaines références culturelles
et historiques nécessaires pour étudier les textes car elles donnent sens à la
lecture et à l’étude. En effet, accéder à l’univers des œuvres c’est pouvoir
les analyser et les interpréter selon un imaginaire collectif de culture occi-
dentale. Autrement dit entrer dans une culture cultivée.
Ainsi, construire une séquence didactique pour une classe de 6e FLS
pourrait faire appel à des références multiples empruntées à la fois aux
manuels FLE et à ceux du FLM tels que Texto Collège 6e (FLM), À Mots
ouverts 6e (FLM), Tempo, sur le vif (FLE), Reflets (FLE), Communiquer en
français (FLE), Iles (simulation globale, FLE), Littératurbulences (FLM),
Ortho plus 6e (FLM).
Le savoir emprunté au FLE, abordé à travers des activités comme les
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actes de parole et la simulation globale, n’est pas utilisable en l’état dans la
classe mais il a été adapté au public et à ses besoins. L’environnement
socio-culturel et la situation d’énonciation demeurent en effet un facteur
déterminant. Car posséder une nouvelle langue, c’est aussi acquérir des
usages sociaux, en fonction de plusieurs facteurs comme le statut social des
partenaires de la communication, le sujet, le thème, les conditions de
l’échange (temps, lieu,…) et l’intention de celui qui parle. Il s’agit à travers
cet emprunt de développer une compétence communicative et une compé-
tence linguistique où l’accent est mis sur les outils de la langue – syntaxe,
lexique, phonétique, orthographe – pour connaître le fonctionnement du
système linguistique français. Les manuels de FLE proposent ainsi une infi-
nité de situations de communication sous forme de dialogues écrits, enregis-
trés ou filmés pour aider l’élève à comprendre les paramètres d’une situa-
tion de communication.
Quant au savoir emprunté au FLM, il a été centré sur l’écrit, compréhen-
sion et production. Deux objets dans l’acquisition d’une compétence de
l’écrit méritent qu’on leur accorde une importance particulière : la lecture et
la production écrite.
L’accent est mis sur la lecture expressive de paragraphes ou de textes
courts, la découverte du livre, la familiarisation avec le manuel et l’ap-
proche de la page. Les documents authentiques ont servi de supports, ainsi
que des textes littéraires, jugés difficiles, mais qui ont été choisis et adaptés
au niveau des élèves.
Pour ce qui est de la production écrite, il s’agit d’entraînement à l’expres-
sion écrite par le biais d’une familiarisation progressive avec l’écrit : entraî-
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nement à la rédaction de paragraphes courts, de cartes postales ou de lettres
pour laisser place rapidement à la « rédaction ». Cela évite de tomber dans
le piège de l’écrit abordé dans les méthodes FLE, qui est souvent reproduc-
tion. Faire entrer l’élève dans l’écriture c’est lui permettre de produire, de
créer et d’entrer dans la langue française de l’écrit qui reste la première pré-
occupation de la discipline en FLM.

6. Les effets du dispositif FLS


Au niveau de la classe, lors du bilan de fin d’année scolaire (2001-2002),
l’équipe de la 6e FLS a constaté que les résultats étaient plutôt satisfaisants.
Le taux moyen de réussite à l’évaluation nationale (ce n’est certes pas une
référence mais un indicateur) en français est passé de 17,4 % (sep-
tembre 2001/moyenne nationale 60 %) à 46,6 % (mai 2002) et en mathéma-
tiques de 20,9 % à 42,8 % 4. Le bilan des compétences (mai 2002) a aussi
révélé que les élèves ont eu l’occasion d’entrer à la fois dans la langue de
communication et dans celle de scolarisation dans toutes les disciplines.
Des glissements d’élèves dans les classes « communicantes »
FLE/FLS/FLM ont été effectués, permettant à ceux qui ont progressé
d’accéder à une classe correspondant à leur niveau et à ceux qui avaient
encore des difficultés linguistiques de reprendre les bases et de bénéficier
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d’un enseignement plus adapté. Les résultats obtenus n’ont pas empêché
l’équipe éducative de penser à des régulations pour améliorer le dispositif.
Au niveau individuel, un tel dispositif permet à tout élève passé par une
classe d’accueil de continuer son apprentissage dans de bonnes conditions
et de progresser sans la crainte de sombrer dans l’échec scolaire. Par
exemple, Redouane a été scolarisé dans son pays d’origine. En arrivant en
France, il a suivi un apprentissage en CLA, mais malgré cela, il ne peut
suivre dans une classe ordinaire. Pour montrer son évolution, sont présen-
tées, en annexe, trois de ses productions, dans l’ordre chronologique.

Conclusion
L’apprentissage de la langue se fait, certes, dans l’urgence, ici et mainte-
nant : l’école n’a pas le temps d’attendre et l’intégration des élèves primo-
arrivants doit aller le plus vite possible, mais cela ne justifie pas de prendre
le risque du découpage des apprentissages (une dose de FLE au début, puis
du FLM à haute dose) pour s’étonner ensuite de l’échec – une grande partie
de ce public, n’ayant aucun problème d’ordre mental, finit dans des classes
spécialisées (SEGPA 5, 3e insertion, classes relais,…) –. Ce type de scolari-
sation nécessite une formation polyvalente des professeurs, un enseigne-
ment pluriel et interdidactique qui permette de franchir les barrières de la
langue, donc qui exclut les filières où l’on dispenserait un « SMIG

4. Logiciel Casimir, 2001.


5. SEGPA : Section d’enseignement général et professionnel adapté.
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culturel » (T. Todorov) à l’école de l’égalité des chances. L’appel lancé par
F. Marchand (1989) pour une didactique commune, celui de R. Galisson
(1995) à l’interdidacticité, nous les renouvelons aujourd’hui parce que le
contexte du FLS en France s’y prête.

Fatima DAVIN-CHNANE
IUFM d’Aix-Marseille

BIBLIOGRAPHIE

CHEVALLARD, Y. 1980. La transposition didactique, du savoir savant au savoir


enseigné. La Pensée sauvage.
CUQ, J.-P. 1991. Le français langue seconde. Origines d’une notion et implica-
tions didactiques. Paris, Hachette.
DAVIN-CHNANE, F. « Le FLS : continuité ou rupture entre le FLM et le FLE ? »
Actes du Colloque de Liège, FLM/FLE/FLS : vers un nouveau partage ?, 23, 24,
25 mai 2002 (à paraître)
—. 1995. « Le FLS en France, langue de scolarisation et d’intégration », Dialogues
& Cultures n° 48, actes du Colloque de la FIPF, Le français autrement,
juin 2002.
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GALISSON, R. « Du français langue maternelle au français langue étrangère et
vice-versa : apologie de l’interdidacticité », ÉLA n° 99, 1995.
PUREN, Ch. « Eclectisme et complexité », Les Cahiers pédagogiques, n° 360, jan-
vier 1998.
VERDELHAN, M. 2002. Le français de scolarisation, pour une didactique réa-
liste. Paris, PUF.
VIGNER, G. 2001. Enseigner le français comme langue seconde. Clé International.

ANNEXES
1. — Texte après trois mois de CLA (le 18 septembre)
Écrivez un texte pour vous présenter et pour raconter votre arrivée en France

J’amplle ZR.j’apite au maroc la ville de marakche a hai Bahja au collge de Kodse


au 5eme j’ai resté qulque moi au collge et dabord j’ai viens en France j’ai reste
qulque moi a la maison et mon per il parti a la acdmice elle atrapes un Rendivous
j’ai reste a la maison qulque jour. et j’ai part a la acdmice j’ai fais levalision pour
voire mon niveau j’ai finis mon levalision j’ai parti a la maison il passé qulque jour
il ma envoyés un lettre elle écrire dedante il faute que t’aille a virsille.j’ai parti Il son
ma dit n’y pas de place, Il faut que t’aille a edgar Quinet avec la lettre que envoiye la
acdmice pour anscrire un seul moi et te ??? j’ai parti a la m. principale elle ma dit
donne moi la lettre de teste j’ai le donne et j’ai anscrire un seul moi . et jai parti a vir-
sille pour anscrire j’ai anscrire qulque jour la acdmice elle m’a envoyes un notre
lettre il dit il faut que tu anscrire a edgar Quinet et j’ai anscrire.
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2. — 13 mois après (le 19 décembre 2002)
Selon le modèle de lecture « L’enfant noir », rédiger un texte pour raconter
votre scolarité depuis le début j’usqu’à la fin de l’école primaire.
L’enfant silencieux
En Afrique dans les années 1990
J’ai rentré a l’école a l’age de 6ans. J’ai resté un an a l’ecolae coranique au Maroc
à la ville de Marrakeche puis j’ai passé à une école primaire qui s’appelait la Inara.
Chaque jour je rentrais a l’ecole à 10h00, tout la classe se retrouvaient a la cours,
puis nous allions tous en classe. Brusquement tous le monde etait silencieux le prof
donnait ses leçons, le prof etait méchant c’est on fait un seul geste il nous
fraper ; c’etait toujours comme ça jusqu’à la fin de l’année scolaire.
Puis j’ai passé a une classe ou on etudue la langue francaise et la langue arabe,
on avaient deu professeurs ils etaient très très méchants toujour ils disaient vous
avez pas le droit sans lever la main c’est non direct chez le principal c’etait très dur.

3. — 15 mois plus tard (fin mars 2002) Redouane a quitté le dispositif FLS
et a intégré une classe dite ordinaire
Exemple de réponses lors d’un contrôle commun
Question n° 5 : Quel est le temps dominant dans ce texte (Tristan et Iseult). Donnez
des exemples
Le temps dominant dans ce passage est l’imparfait
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Exemples :
De beaux arbres y croissaient sans nombre
Un pin s’élevait
Donc le tronc robuste soutenait une large ramure
Question n° 6 : quelle est la valeur de ce temps ?
La valeur de ce temps est descriptive

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