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« L'INTERDIDACTICITÉ »
Fatima Davin-Chnane
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Résumé : le FLS dans les structures d’accueil est destiné à des élèves nouvelle-
ment arrivés en France. Son enseignement est assimilé à celui du français
langue étrangère (FLE) pour préparer les élèves à un enseignement en français
langue maternelle (FLM). Le débat est d’actualité : le didacticien s’interroge
sur la validité du concept de « FLS » dans un tel contexte, le praticien-brico-
leur travaille dans l’urgence, manquant d’informations et de formations, et
l’enseignant-chercheur que nous sommes se pose la question sur le savoir à
enseigner : celui du FLE centré d’abord sur la communication orale, celui du
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1. Près de 25 000 (Le Monde du 1er juin 2001) / 27 000 inscrits en 2000-2001 (Le Monde du
9 novembre 2001).
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1. Les contenus d’enseignement/apprentissage en FLS
S’il est évident que le français enseigné avec des méthodes FLE dans les
structures d’accueil demeure le socle de l’apprentissage du français langue
de communication, cet enseignement est insuffisant, tout au moins dans le
contexte endolingue français, pour entrer dans les savoirs scolaires dispen-
sés uniquement en FLM. Une fois passé le temps imparti à l’étape d’ap-
prentissage du FLE, classe spécifique et protégée, chaque élève est affecté
dans une classe dite « ordinaire » qui correspond à son âge et où se pratique
une pédagogie du FLM, mais sans que soit assuré, par les enseignants des
diverses disciplines, de relais ni de travail de suivi. Est réputée acquise « la
première priorité [qui] est de maîtriser la langue orale et écrite » (Nouveau
contrat de l’école, 1994, décision n° 2). Or, les conséquences d’une telle
vision de la maîtrise de la langue sont là, mal vécues dans certains cas et de
la part des enseignants et de la part des nouveaux arrivants. L’intégration
scolaire se heurte à des obstacles qui font que l’accès aux savoirs de la
langue demeure difficile et freine cette intégration d’apprenants qui ont des
besoins spécifiques et relèvent d’un système didactique particulier.
La priorité de la « maîtrise » de la langue ainsi que la définition et la redé-
finition des modalités de scolarisation des élèves nouvellement arrivés en
France sont réaffirmées à maintes reprises dans les textes officiels. L’absence
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niveau et à l’âge de leurs élèves : ils restent donc démunis et impuissants
devant des élèves dont les besoins langagiers sont énormes. À l’opposé, de
nombreux enseignants en classe d’accueil sont des jeunes, contractuels ou
vacataires, qui, eux, n’ont reçu aucune formation à l’enseignement en col-
lège et ne sont pas au courant des programmes : comment pourraient-ils
adapter leurs pratiques, dans l’optique d’une orientation de l’élève vers une
classe dite « ordinaire » du collège où la pédagogie du FLM est la règle ?
Conséquence : des enseignants insuffisamment préparés se sont trouvés
devant un public hétérogène à former en un temps record, trois à six mois,
pour rattraper jusqu’à neuf ans de retard scolaire. Ils se sont investis dans
leur tâche en bricolant, en construisant et en reconstruisant leurs séquences
d’apprentissage en FLE mais souvent sans arriver au résultat souhaité, et en
se posant l’éternelle question : « Que dois-je enseigner pour aider mes
élèves à s’en sortir et leur permettre de s’intégrer dans leurs classes d’affec-
tation ? ». Par conséquent, le fossé s’agrandit de plus en plus entre un ensei-
gnement de FLE mettant l’accent sur l’oral et une classe d’affectation où
tout est dispensé selon des pratiques en FLM fondées sur la culture écrite et
des références culturelles très éloignées de celles de la culture d’origine (en
6e : initiation aux textes de l’Antiquité gréco-latine et judéo-chrétienne ; en
4e et en 5e : travail sur des textes du Moyen Âge et de la Renaissance au
XVIIe siècle,…).
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en France à des primo-arrivants, d’une part relève d’une langue seconde sur
le plan psycholinguistique ; d’autre part, étant donné son statut de langue
officielle et nationale et sa fonction de langue de toute communication
sociale orale ou écrite, est appelé à devenir le plus rapidement possible une
langue principale (LP) sur le plan sociolinguistique. Défini ainsi, le français
est langue seconde et en même temps langue principale (FLSLP).
Autrement dit, en situation de FLSLP le français est une langue seconde
mais il occupe la place principale par son statut (langue nationale et offi-
cielle), sa fonction (langue de communication et de scolarisation) et surtout
son usage dans la vie sociale (langue de socialisation) puisque la LM du
nouvel arrivant n’est pas reconnue et n’a ni rôle ni statut dans un pays
monolingue. La réussite scolaire et sociale passe alors par la maîtrise du
français comme langue fonctionnelle et académique.
4. Interdidacticité ou intradidacticité ?
Donc, comprendre les situations d’enseignement/apprentissage en DFLE
et en DFLM justifie tout à fait l’émergence d’un troisième champ qui est
celui de la didactique du FLS comme langue principale, dans notre contexte
en France (sans doute transposable ailleurs). Une continuité didactique est
nécessaire pour que les didactiques du français puissent échanger leurs
biens. F. Marchand (1989) 3 évoque l’éventualité d’une didactique com-
mune FLE/FLM pour faire face à la scolarisation d’enfants d’origine étran-
gère à l’école française. Et cela pourrait d’ailleurs s’inscrire dans ce que
R. Galisson (1995) appelle « l’interdidacticité » pour « sortir de la balkani-
3. « La présence dans de nombreuses écoles, parmi les enfants qui ont le français pour langue
maternelle, d’enfants étrangers ou d’origine étrangère […] conduit à s’interroger à la fois sur […]
les facteurs de différenciation et aussi les possibles proximités entre FLM et FLE », Vers une
didactique du français ?, Langue française n° 82.
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sation actuelle », malgré la revendication du FLE et du FLM de leur droit à
la différence. Dans le même cas, le FLS aussi, en tant que partie dans le tout
(E. Morin), pourrait revendiquer sa spécificité dans le cadre englobant de la
didactique du français (intradidacticité ?) ou dans celui, plus large, de la
didactique des langues (interdidacticité ?).
En fait, avec l’interdidacticité, le FLS s’inscrirait dans le « pluralisme
didactique » grâce à la circulation des savoirs FLM FLE FLS
FLM. Cela permettrait l’émergence d’un enseignement/apprentissage plu-
riel par la pluralité des supports et des contenus qui répondraient à la diver-
sité des apprenants. Dans ce cas, « le concept du FLS nous fait entrer dans
une didactique du complexe, où la pluralité et l’interconnexion des concepts
fait système » (J.-P. Cuq, 1996). En d’autres termes, il conviendrait d’envi-
sager une didactique complexe et non pas simplifiée.
D’où la question suivante : la création de moyens d’enseignement et l’in-
troduction d’objets d’étude empruntés à la fois au FLE et au FLM pour-
raient-elles contribuer à la construction d’un savoir à enseigner spécifique,
permettant l’enseignement de la langue orale et écrite à des élèves allo-
phones ? Si oui, cela impliquerait le décloisonnement des deux didactiques
du français et la circulation de leurs savoirs, ce qui suppose la mise en place
d’une méthodologie multiréférencée et adaptée. Dans ce cas, une continuité
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pourrait pratiquer dans sa classe dans « la mesure où l’éclectisme méthodo-
logique constitue, par rapport au problème de la complexité didactique, une
réponse intuitive et d’une certaine efficacité immédiate ». Cela irait dans le
sens de Galisson (1995) qui « opte pour la transposition, c’est-à-dire l’adop-
tion et l’adaptation éventuelle de réponses, testées sur le terrain ». Le FLS
serait alors interdidactique, pluriméthodologique, transdisciplinaire et plu-
riculturel avec une approche plurielle (Verdelhan, 2002).
Le FLS est alors interdidactique, comme point d’intersection, en assurant
un « rôle d’import-export » (Galisson, 1995) entre le FLM et le FLE.
Emprunter à la DFLE le nécessaire pour une compétence de communication
et en faire profiter la DFLM qui, enfin, se tourne vers l’enseignement de
l’oral en classe. Emprunter à la DFLM le nécessaire pour le travail sur
l’écrit et en faire profiter aussi la DFLE qui en a besoin aujourd’hui et qui
commence à l’introduire dans ses méthodes (Tempo 1 et 2). La DFLS ne
peut que gagner avec une telle « approche dynamisée ».
Il est transméthodologique parce qu’il n’y a pas une méthodologie mais
des méthodologies qui apportent chacune une réponse à des besoins spéci-
fiques avec une démarche constructiviste (Piaget) et/ou socio-constructi-
viste (Vygotski), une pédagogie du FLM qui a en commun avec le FLS la
fonction de langue de scolarisation (lire et écrire en plus de parler) et une
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gration dans le corps social par la culture et la langue. Autrement dit, il faut
développer des savoirs à la fois académiques et pratiques.
L’expérimentation dans un collège, à Marseille, dans des classes relevant
d’un dispositif d’accueil et d’intégration (DAI) comprenant des modules
FLE (15 heures, 10 heures, 6 heures, 4 heures, 2,5 heures,… selon le
niveau) assurés par deux professeurs de FLE en parallèle avec des classes
communicantes en FLS, assurées par un professeur de FLS, en 6e, 5e et 4e
orientant vers des classes FLM, assurées par des professeurs de FLM, a per-
mis de concrétiser cette réflexion et de l’analyser en termes de pratiques de
classe. Le français, dès le début des apprentissages et dans toutes les
matières scolaires, a rempli la fonction de langue de communication en tant
qu’objet d’apprentissage, une priorité en FLE, et celle de scolarisation, en
tant qu’outil d’apprentissage en FLM.
Ainsi, dans les disciplines non linguistiques (DNL) dispensées en FLM,
les enseignants ont effectué un travail d’interdisciplinarité, français/mathé-
matiques, français/histoire-géographie, français/sciences de la vie et de la
terre,… et ont d’abord donné la priorité à l’apprentissage du français simul-
tanément comme langue de communication (méthodes FLE) et langue de
scolarisation (méthodes FLM), notamment par la lecture de textes adaptés
avec un lexique spécifique à chaque discipline. La maîtrise de la langue
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didactique FLS dont il est ici question est considéré comme une passerelle.
Pour cela, il a fallu procéder à un travail de « transposition » de deux didac-
tiques avec chacune un savoir spécifique, la DFLE et la DFLM, où
apprendre à parler, à lire et à écrire font partie d’un domaine, celui du FLS
qui prépare à celui du FLM. Ce dernier, qui exige non seulement d’appro-
cher les textes mais d’apprendre aussi à distinguer les types de textes (narra-
tif, descriptif, argumentatif, injonctif, informatif, explicatif) et les genres de
discours (une lettre, un poème, un récit, une fable, un texte publicitaire…).
Cela demeure lié aussi à la connaissance de certaines références culturelles
et historiques nécessaires pour étudier les textes car elles donnent sens à la
lecture et à l’étude. En effet, accéder à l’univers des œuvres c’est pouvoir
les analyser et les interpréter selon un imaginaire collectif de culture occi-
dentale. Autrement dit entrer dans une culture cultivée.
Ainsi, construire une séquence didactique pour une classe de 6e FLS
pourrait faire appel à des références multiples empruntées à la fois aux
manuels FLE et à ceux du FLM tels que Texto Collège 6e (FLM), À Mots
ouverts 6e (FLM), Tempo, sur le vif (FLE), Reflets (FLE), Communiquer en
français (FLE), Iles (simulation globale, FLE), Littératurbulences (FLM),
Ortho plus 6e (FLM).
Le savoir emprunté au FLE, abordé à travers des activités comme les
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nement à la rédaction de paragraphes courts, de cartes postales ou de lettres
pour laisser place rapidement à la « rédaction ». Cela évite de tomber dans
le piège de l’écrit abordé dans les méthodes FLE, qui est souvent reproduc-
tion. Faire entrer l’élève dans l’écriture c’est lui permettre de produire, de
créer et d’entrer dans la langue française de l’écrit qui reste la première pré-
occupation de la discipline en FLM.
Conclusion
L’apprentissage de la langue se fait, certes, dans l’urgence, ici et mainte-
nant : l’école n’a pas le temps d’attendre et l’intégration des élèves primo-
arrivants doit aller le plus vite possible, mais cela ne justifie pas de prendre
le risque du découpage des apprentissages (une dose de FLE au début, puis
du FLM à haute dose) pour s’étonner ensuite de l’échec – une grande partie
de ce public, n’ayant aucun problème d’ordre mental, finit dans des classes
spécialisées (SEGPA 5, 3e insertion, classes relais,…) –. Ce type de scolari-
sation nécessite une formation polyvalente des professeurs, un enseigne-
ment pluriel et interdidactique qui permette de franchir les barrières de la
langue, donc qui exclut les filières où l’on dispenserait un « SMIG
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culturel » (T. Todorov) à l’école de l’égalité des chances. L’appel lancé par
F. Marchand (1989) pour une didactique commune, celui de R. Galisson
(1995) à l’interdidacticité, nous les renouvelons aujourd’hui parce que le
contexte du FLS en France s’y prête.
Fatima DAVIN-CHNANE
IUFM d’Aix-Marseille
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
1. — Texte après trois mois de CLA (le 18 septembre)
Écrivez un texte pour vous présenter et pour raconter votre arrivée en France
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2. — 13 mois après (le 19 décembre 2002)
Selon le modèle de lecture « L’enfant noir », rédiger un texte pour raconter
votre scolarité depuis le début j’usqu’à la fin de l’école primaire.
L’enfant silencieux
En Afrique dans les années 1990
J’ai rentré a l’école a l’age de 6ans. J’ai resté un an a l’ecolae coranique au Maroc
à la ville de Marrakeche puis j’ai passé à une école primaire qui s’appelait la Inara.
Chaque jour je rentrais a l’ecole à 10h00, tout la classe se retrouvaient a la cours,
puis nous allions tous en classe. Brusquement tous le monde etait silencieux le prof
donnait ses leçons, le prof etait méchant c’est on fait un seul geste il nous
fraper ; c’etait toujours comme ça jusqu’à la fin de l’année scolaire.
Puis j’ai passé a une classe ou on etudue la langue francaise et la langue arabe,
on avaient deu professeurs ils etaient très très méchants toujour ils disaient vous
avez pas le droit sans lever la main c’est non direct chez le principal c’etait très dur.
3. — 15 mois plus tard (fin mars 2002) Redouane a quitté le dispositif FLS
et a intégré une classe dite ordinaire
Exemple de réponses lors d’un contrôle commun
Question n° 5 : Quel est le temps dominant dans ce texte (Tristan et Iseult). Donnez
des exemples
Le temps dominant dans ce passage est l’imparfait
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