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Au tombeau de Toutankhamon

Author(s): Jean Capart


Source: Aegyptus, Anno 4, No. 1/2 (Maggio 1923), pp. 19-25
Published by: Vita e Pensiero – Pubblicazioni dell’Università Cattolica del Sacro Cuore
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41213715
Accessed: 02-04-2020 21:15 UTC

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ñu tombeau de Toutankhamon*

Louqsor, 19 février 1923.

a quelques jours à peine, je regardais dans le Times


Г impressionnante photographie montrant dans l'anti-
chambre de Toutankhamon les deux statues royales
qui semblent garder un trésor caché derrière la porte
murée. Je rêvais au bonheur de ceux qui, là-bas, dans le Biban el
Molouk, assisteraient à l'ouverture de cette cachette, la seule peut
être que la montagne thébaine ait réussi à préserver de toute dé-
vastation sacrilège. On sait par quel coup de baguette magique,
par Г intervention de quel génie bienfaisant, j'ai été transporté de
Bruxelles à Louqsor avec une telle rapidité que je puis à peine
croire à la réalité de ce qui se passe sous mes yeux.
Toute la journée du vendredi s' était passée en préparatifs
délicats. Le mur qui bloquait la porte n'était pas fait de briques,
mais de débris de roc pris dans un mortier résistant. Il s'agissait
de sauver le plus grand nombre possible d'empreintes de sceaux
laissées sur le mortier, d'éyiter la chute des pierres à l'intérieur
de la chambre. Les questions d'éclairage et de circulation dans la
tombe n' ont l'air de rien à première vue. En réalité, aucun pro-
blème n' est plus ardu et le meilleur éloge qu' on puisse faire de

* II prof. Capart ha avuto la singolare ventura di visitare subito


dopo l'apertura del sepolcro di Tutankhamon la caverna funeraria del
re, accompagnandovi S. M. la Regina del Belgio; a completare il quadro
dell'importanza del ritrovamento che egli ci aveva cortesemente inviato
dopo le prime notizie dello scavo della anticamera tombale, riportiamo
dai numeri del 3 e dell'I 1 marzo scorsi del giornale « La nation belge »
che egli ci invia, un seguito di impressioni dirette su quanto egli ha
potuto vedere, impressioni che varranno a commentare quanto fu scritto
innanzi.

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20 JEAN CAPART

l'habilité de Carter et de ses collab


si bien réussi qu'on ne pense plus m
elles ont été élégamment surmont

Je ne crois pas quJ il sóit bien


j'appellerai le côté solennel de la
aux journaux en auront dit assez p
sités, Lord Carnarvon et Howard C
jouit ainsi la première de ce spec
les rejoint après quelques instants
de la beauté autant que de la rareté
j' attends que mon tour soit venu.
Je suis là, debout, entre les gran
belles malgré la couche de bitume
Devant moi, par la baie largemen
mètres seulement du mur, s'éten
couvert d'or et orné d'incrustations d'émail bleu. « Les dieux de
l'autre mond, affirme un bout de texte que je déchiffre, souhaitent
la bienvenue au roi Toutankhamon ». Toutes les hésitations dispa-
raissent ; il s'agit bien du tombeau du roi et, cachée dans les flancs
du catafalque, enfermée dans son sarcophage, repose certainement
la momie du souverain.
Sur les murs, dont une faible partie seulement est apparente,
il y a des peintures funéraires, d'un caractère assez sommaire. Je
suis surpris de me sentir si calme et sans impatience. J' échange
quelques remarques avec Pierre Lacau, directeur général du Service
des Antiquités de l'Egypte, et Mace, du Metropolitan Museum de
New-York... < A vous manteinant » ! Mace me guide ; il me montre
comment il faut d'abord s'asseoir au seuil de la chambre dont
le sol est à un niveau inférieur et ensuite se glisser entre le mur
et la paroi du naos ou catafalque dont l'angle a été habilement
protégé par une pièce de bois sans laquelle il serait dangereux de
pénétrer dans la tombe.

Il fait clair, bien qu' on se trouve dans les entrailles de la


montagne. Les ampoules électriques adroitement dissimulées versent
une lumière mystérieuse qui semble émaner des choses elles-mêmes.
Et je songe à ce roman égyptien qui parle d'un écrit magique
renfermé dans une tombe et qui l'éclairait corne si le soleil en avait
traversé les parois....
Les portes du catafalque sont fermées. Carter les avait trouvées
entrebaillées. On en déduit que l'espèce de chapelle abritant la

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AU TOMBEAU DE TOUTANKHAMON 21

momie comporte des enveloppes successives, ou, si Ton préfère,


plusieurs catafalques enfermes les uns dans les autres. Je regarde
rapidement les décorations, les inscriptions bleues et or et mon
étonnement gra.idit devant la dimension considerable des panneaux
qui emplissent cette chambre.
Vers la droite, s7 ouvre une porte basse. Je tourne le regard
de .ce côté. Un cri m' échappe et je crois bien avoir battu des
mains. Mais aussi, c' est tellement incroyable, cela dépasse tant
Tidée que m'en avaient donnée les récits qu'avaient bien voulu me
faire Lord Carnarvon et Pierre Lacau, dès vendredi soir ! < Ce
qu'on a vu dans la première chambre n'est rien, en comparaison
de la tombe » disaient-ils. J'étais donc averti, et cependant la réalité
surpassait mon attente. « Depuis trente-cinq siècles »... répétais-je
en moi-même. Plus personne n' est entré ici, aucune respiration
humaine n'est venue troubler l'immobilité de l'atmosphère ; ici tout
restait identique tandis qu' au dehors les empires croulaient, les
civilisations disparaissaient, les peuples par leurs migrations dé-
plaçaient l'habitat des races, des langues mouraient, des religions
perdaient leurs derniers adorateurs. Dans la tombe close, la vie
était abolie. Le temps ici, suspendant son cours, préservait de la
destruction tous ces objects fragile et précieux.
Dans la hâte des funérailles, on les avait empilés, jetés les uns
sur les autres, dans un équilibre instable. Ils sont restés ainsi pen-
dant trois mille cinq cents ans et dans quelques jours Carter et
ses collaborateurs vont les reprendre en mains, avec des soins
infinis, les rendant à la vie de la matière inanimée, les ressuscitant
positivement...

Dirai-je que ces pensées m'occupent plus que toute chose et


que j'oublie de regarder? Ah, non ! et je crois bien avoir cherché à
tout saisir en un instant. Je songe à cet épisode de Michel Strogoff
qui m'a frappé lorsque j'étais enfant : On va, dans un istant, aveu-
gler le héros en passant devant ses yeux, la lame rougie d'un sabre
et son bourreau lui dit : « Regarde de tous tes yeux, regarde ! »
Je sais que je n'ai qu'un court moment à ma disposition, car des
hôtes illustres de Lord Carnarvon attendent que je sois sorti pour
se repaître à leur tour du spectacle inouï.
Si grand est le privilège qui m'est accordé que je ne puis
avoir l'air d'en abuser.
Plus tard je saurai ce qu'il y avait dans la petite chambre, je
lirai les inventaires et je pourrai étudier à loisir le contenu mysté-
rieux de tous ces coffres encore scellés ; mais ce qui ne reviendra
2*

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22 JEAN С АР ART

plus jamais, c'est la minute fugitive


pendant laquelle l'illusion s' imposait
abolis et que peut-être j'étais un p
déposant dans la tombe les offrande
que dissipent brutalement, avec la lu
phes et les opérateurs de cinéma, ill
archéologues m' envieront.

Louqsor, 2 mars.

Aujourd'hui j'ai pu visiter le « La


pelle désormais la tombe du roi Seti II où ont été emmagasinés
les objets sortis de l'antichambre de Toutankhamon. Là les experts,
MM. Lucas et Mace, font subir à chaque pièce le traitement qui
en assurera la conservation - ce qui n'est pas une petite affaire
et suppose de la part des opérateurs une dextérité peu commune.
On n'a pas encore franchi la porte que le « Trône royal >
décrit tant de fois et nommé le plus beau spécimen d'art ancien
attire le regard qui ne peut plus s'en détacher. J'essayerai d'en
donner une idée mais je ne suis pas sûr d'y parvenir, car l'har-
monie et l'équilibre qui tunt la beauté, on les ressent en un éclair
mais dès qu'on chercne à en dégager les éléments, à les i'xer par
des mots, on se trouve réduit à l'impuissance. Au lieu de l'image
évocatrice qu'on voulait susciter, on ne présente qu'une no-
menclature.

Le meuble dont il est question affecte une forme connue de-


puis longtemps qu'on retrouve, plus ou moins modifiée, dans des
meubles analogues arrachés à d'autres tombeaux ou représentés
dans la pierre et sur les murs des monuments. Le siège est sou-
tenu par deux figures de lions, amincis et étirés, mais dont les
proportions ont été si bien appropriées à leur destination qu'on
oublie la part da la convention pour ne plus être sensible qu'à
l'élégance et à la nervosité du travail. Très logiquement, l'artiste
a copié pour les pieds les quatre pattes de l'animal. Devant, à
hauteur du siège sont deux têtes de félin stylisées sculptées avec
une science sans pareille.
A droite et à gauche, deux grands serpents, l'un portant la
couronne de la Haute Egypte et l'autre celle de la Basse Egypte,
développent les replis de leur corps sinueux de manière à couvrir
de leur protection magique le roi assis sur son trône.

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AU TOMBEAU DE TOUTANKHAMON 23

Le dossier est renforcé par un assemblage bien calculé p


assurer la solidité sans nuire à Г élégance. 11 est décoré d'un
scène infiniment gracieuse. Au sommet reluit le disque solaire
n'est pas ce disque que les yeux rencontrent partout dans les m
numents égyptiens et qui traverse le ciel, soutenu par des
d'oiseau, largement étalées, c'est le soleil à la manière d'Am
nophis IV, figuré par un disque d'où s'échappent des rayons
minés par des mains. Celles-ci sont animées, puisque, suiva
cas, elles saisissent les offrandes, distribuent les signes de vie
caressent le roi et les membres de sa famille. En un mot, c'est
soleil de Tell el Amarna, le symbole, dirions-nous volontier
Thérésie et de la lutte contre les divinités de Thèbes.
Sous les rayons bienfaisants de Pastre-dieu Toutankhamon est
assis sur un riche fauteuil. Il n'a pas l'attitude solennelle et pleine
de dignité, ordinaire aux figures royales ; il a pris une pose non-
chalante, un bras appuyé sur le dossier du siège. La reine, debout
devant lui, semble lui parler et l'expression de son visage autant
que la grâce de son geste confèrent à la scène un caractère co-
njugal tout à fait séduisant.
Est-ce bien là un trône royal? Ces images ď intimité font
naître un doute. Un siège officiel destiné à figurer dans les salles
de réception ou d'apparat évoquerait plutôt la puissance du roi
et ses victoires sur les ennemis de l'Egypte.
Voilà, en tout cas, un des objets les plus richement décorés,
qu'il m'ait été donné de contempler, étincelant d'or, d'argent, de
pâtes multicolores. Nous connaissons des bijoux, surtout des pecto-
raux, formés de cloisons d'or dans lesquelles ont été insérées des
pierres colorées et des pâtes émaillées dont la juxtaposition com-
pose de véritables tableaux. On n'avait jamais pensé, avant la
découverte du fauteuil de Toutankhamon, que les ouvriers d'art
égyptiens avaient appliqué cette technique à la décoration de meu-
bles entiers.
Le tableau du dossier est rehaussé d'or, d'argent, de pâtes
vitrifiées. Chaque détail des vêtements ou des chairs est colorié
avec un soin et une exactitude jamais en défaut. Les visages sont
modelés dans une pâte dont la teinte fait illusion. Quant au collier
placé sur une sellette et aux bijoux portés par le couple royal, ils
sont exécutés avec une finesse qui permet l'examen à la loupe.
Une pareille richesse, l'emploi de tant de matières précieuses, et
cependant la note générale est sobre.... Combien de siècles d'expé-
rience professionnelle a-t-il fallu pour que les ouvriers de Tell el
Amarna ou de Thèbes aient pu produire une œuvre de cette somp-

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24 JEAN CAPART

tuosité en évitant le clinquant! C


aurait écrit, comme devant les t
fait riche parce qu'on ne savait p
Il se peut que le fauteuil ait été
au temps où Toutankhamon, qui s'a
résidait à Tell el Amarna. Le disq
çonner, comme aussi la transform
les adapter.

J'ai parlé si longuement de ce t


reste bien peu de place pour déc
a découvert avec lui. Au surplus
d'un inventaire qui, aux yeux de
indiscrétion.
Je me bornerai à signaler encore un coffret de bois, recouvert
ďor, et la grande caisse peinte.
Le coffret contenait vraisemblablement deux statues du roi et
de la reine, et c'est grand dommage qu'elles aient été enlevées
par les pillards. Les scènes qui décorent les panneaux sont em-
pruntées à la vie familière. Ici le roi et la reine, tendrement enlacés,
se promènent sans brillant cortège ; cette épouse affectueuse at-
tache un collier au cou de son mari. Là, aux bords des lacs qui
avoisinent la résidence royale, le pharaon, assis sur un tabouret,
poursuit à coups de flèches un groupe d'oiseaux qui fuit derrière
un bouquet de papyrus. Assise à ses pieds, la reine, dans un mou-
vement d'une grâce exquise, se détourne pour lui tendre un nou-
veau trait. Le plaisir de la chasse est évoqué dans ce tableautin
avec un art infini et l'on chercherait longtemps avant de trouver
une œuvre qui exprime avec plus de finesse et d'émotion les joies
de l'intimité.
La caisse peinte est, elle aussi, une pure merveille et quant à
moi, pour le moment, je la considère comme le document le plus
important que nous possédions de la peinture égyptienne. Le thème
du couvercle, seule partie que j'aie pu voir, car la caisse était
déjà emballée, est loin d'être pour nous une nouveauté. Il fut traité
à des époques diverses: le roi monté sur son char poursuit des
lions, des antilopes, des ânes sauvages, d'autres animaux. Mais le
sujet traditionnel n'avait jamais été exécuté avec cette sûreté et
cette précision qu'on croyait être le monopole des artistes persans.
Je n'oserais décrire au détail et de mémoire ces scènes qui me
hantent depuis que je les ai vues mais un mot sur ces représen-
tations de lions blessés. Sur les murs du temple de Ramsès III à

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AU TOMBEAU DE TOUTANKHAMON 25

Medinet Habou, on admirait, à juste titre, une autre cha


lions. J'ai eu l'occasion de la revoir ces jours derniers : e
paru une caricature à côté de celle dont je parle.
Comprend-on l'impression que ressent un égyptologue qu
il s'aperçoit tout à coup qu'il ne connaissait que des copi
second ordre, au contact d'un incontestable chef-d'œuvre.
Une gloire nouvelle vient illuminer Г Egypte à la suit
dernière découverte dans la < Vallée des Rois >. Il s'agira
terminer maintenant jusqu'à quel point les admirables
d'Assourbanipal, au « British Museum > ont été inspirées
modèles égyptiens. Les tableaux de Ramsès III me l'avaie
soupçonner ; après avoir vu les peintures de Toutankhamon
plus d'hésitation : Г Egypte, mère de la civilisation, est éga
l'ispiratrice de Part dans tout le monde antique.

Jean С apart.

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