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Article publié dans les revues FORUM QUALITÉ en Novembre 1997 et Janvier 1998 et La Cible en

avril 2000

LA QUALITÉ DANS LES ORGANISATIONS DE PROJETS

M. Bernard Tremblay ing. M.Sc. compte plus de 20 ans d’expérience dans la conception et la gestion de projets publics et
industriels et dans le développement de systèmes et d’outils de gestion. Il détient une maîtrise en gestion de projet.

L’auteur démontre pourquoi l’atteinte et la continuité de la qualité des processus et des produits exigent que l’on adopte
une approche systématique en projets ou programmes, dans un processus intégré et continu de planification,
d’organisation et de suivi, et pourquoi la gestion de projets doit être traitée comme un processus à part entière et non pas
comme une activité isolée, si on veut tirer profit des expériences passées bonnes ou mauvaises. Il termine en présentant la
norme ISO 10006 qui donne des lignes directrices pour le management de la qualité dans les projets.

Votre système qualité est-il une contrainte bureaucratique dans votre entreprise ? C’est peut être parce qu’il est trop axé sur
les contrôles alors que la famille des normes ISO 9000 vise plutôt à accroître la planification et la prévention pour réduire
les contrôles; Les procédures développées pour vous conformer aux exigences des normes ISO 9001 ou 9002 vous
semblent-elles parfois "fantaisistes" ?; C’est peut être parce que votre système qualité décrit comment votre entreprise
satisfait aux exigences de la norme plutôt que de démontrer qu'elle possède l’aptitude à satisfaire aux exigences de ses
clients par ses bonnes pratiques de gestion, incluant les exigences de délai et de budget qui deviennent tout aussi
importantes que les exigences techniques dans la plupart des projets.

"La ruée mondiale des entreprises pour obtenir leur certificat ISO 9000 fait qu’elles recherchent la reconnaissance externe
de leur qualité au détriment de la bonne utilisation des normes elles-mêmes. Elles utilisent, en fin de compte, les normes
ISO 9001, 9002 principalement comme un guide de référence (check-list) pour obtenir un certificat. C’est la corruption du
concept de base des normes ISO 9000." ( ISO Central office).

Une organisation de projets, qui ne recherche que la reconnaissance externe de sa qualité, risque d’avoir de la difficulté à
maintenir son système qualité parce qu’elle n’y trouvera pas ses propres intérêts, soit d’atteindre et de maintenir la qualité
voulue à un coût optimal, aspect directement lié à une utilisation planifiée et efficace des ressources humaines, matérielles
et technologiques dont elle dispose. La bonne utilisation des normes ISO 9000 dans les organisations de projets exige de
tenir compte de certaines conditions particulières aux projets, des activités qui ne constituent pas le domaine d’intervention
principal du secteur manufacturier qui était particulièrement visé par la série 9000 lors de son adoption. En effet, chaque
secteur d’activités relève d’une logique spécifique où les facteurs clé de succès et les paramètres de la compétitivité vont
s’articuler différemment.

PROBLÉMATIQUE DES PROJETS


Pour qu’un projet soit une réussite, qu’il s’agisse d’un projet d'ingénierie, de construction ou de développement
d’application, (soit, selon la définition d’ISO, un processus unique qui consiste en un ensemble d’activités coordonnées et
maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans le but d’atteindre un objectif conforme à des exigences
spécifiques telles que les contraintes de délais, de coûts et de ressources), il faut, à la fois,:

• Être efficace (faire les bonnes choses) du point de vue du client (l'efficacité externe), soit maîtriser le produit
ou l’ouvrage, le "quoi" ou la finalité du projet dans ses dimensions techniques et économiques;

Résultats des processus relatifs au produit • Aptitude des ouvrages à satisfaire les besoins du client /
(conception en ingénierie & vérification en Fonctionnalités et caractéristiques des ouvrages;
construction) / Variables à maîtriser: • Coût total du projet / Budget du client;
• Conformité aux dessins et aux spécifications.

• Être efficace du point de vue de l'organisme qui réalise le projet (l'efficacité interne) et efficient (bien faire les
choses), soit maîtriser le projet, le "comment" ou sa mise en œuvre;

Résultats des processus de gestion • Défauts des livrables / Réalisation des activités;
de projet / Variables à maîtriser: • Coûts / Budget de l’organisme qui réalise le projet;
• Délais / Déroulement du projet;
Dans la plupart des projets, le principal défi réside dans la maîtrise du projet et de ses variables de temps et de ressources
parce que c'est principalement le produit ou l’ouvrage (matériel ou intellectuel) qui est unique et non le projet en lui-même
qui consiste à réaliser des activités le plus souvent répétitives.

Ce qu’on a à faire est connu, tant en ce qui concerne le produit final que les activités nécessaires à sa réalisation, sauf à
l'étape concept de certains projets. La problématique essentielle consiste à bien définir et à optimiser la mise en oeuvre
d'activités et de ressources humaines et matérielles pour satisfaire aux exigences spécifiques et aux contraintes du projet et ce,
dans un environnement changeant multi-projets et matriciel.

En effet, en ingénierie par exemple, un grand nombre de projets sont des cas de conception de variante ou adaptée. Ces
classes de conception sont caractérisées principalement par l’application de normes de construction, de fabrication, de
fonctionnement ou d’exploitation, où la configuration, les alternatives et les principales composantes des ouvrages sont
connues et où ce qui est requis principalement c'est l’arrangement et le dimensionnement des composantes et la spécification
de matériaux et produits.

Dans les cas de conception originale, un principe de solution originale doit être développé et les objectifs du projet ainsi que
les caractéristiques qui distinguent l’ouvrage sont déterminées progressivement à mesure que le projet progresse (ne pas
confondre avec les fonctions du produit qui ne doivent pas évoluer tout au cours de la réalisation du projet). Cette classe de
conception présente un degré élevé d’innovation et de technologie mise en oeuvre ainsi qu'un haut niveau de complexité de
conception, d’analyse et de mise au point (et non la complexité des composantes ou de fonctionnement du produit). Elle
nécessite l’établissement de critères d’acceptation de la conception et des essais de validation dans des conditions de
fonctionnement définis.

L’atteinte des objectifs relatifs au produit ou à l’ouvrage est prédominante en conception originale alors que la problématique
essentielle relève plus de la maîtrise du projet en conception de variante ou adaptée. En conception originale cependant, une
fois que les caractéristiques des ouvrages sont définies et les incertitudes progressivement éliminées, des activités plus
répétitives de préparation de spécifications détaillées sont réalisées et relèvent plus des aspects opérationnels de maîtrise du
projet.

Il en est de même pour les projets de construction qui consistent à la mise en oeuvre de matériaux et de produits incorporés
dans les ouvrages à l’aide de ressources humaines et matérielles. Une fois que les méthodes de construction particulières au
projet ont été définies, des activités plus répétitives de construction et d’installation d’équipements prennent place.

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EN PROJETS, L’ATTEINTE ET LA CONTINUITÉ DE LA QUALITÉ DES PROCESSUS ET DES PRODUITS
EXIGENT QUE L’ON ADOPTE UNE APPROCHE SYSTÉMATIQUE, DANS UN PROCESSUS INTÉGRÉ ET
CONTINU DE PLANIFICATION, D’ORGANISATION ET DE SUIVI.

NÉCESSITÉ D'UNE APPROCHE SYSTÉMATIQUE EN PROJETS


C’est la mise en oeuvre qui distingue particulièrement les organisations de projets des entreprises manufacturières. Alors
que dans le secteur manufacturier, la mise en oeuvre est automatisée, donc répétitive et continue, et les résultats
conditionnés par des équipements fixes majeurs, un projet est un processus unique (mais qui consiste à réaliser des activités
le plus souvent répétitives) et temporaire, où la variabilité des processus et des produits ne peut être détectée en continu et
où les résultats dépendent directement de l’efficacité de la mise en oeuvre et du suivi des activités et des ressources
nécessaires à la réalisation du projet.

Les ressources les plus variables en projet sont les ressources non stockables (main d’oeuvre et équipements mobiles) alors
que ce sont les ressources stockables (matières premières) et les équipements fixes en production (la main d’oeuvre et les
équipements mobiles sont généralement considérés comme des frais fixes dans les entreprises manufacturières). Les
ressources stockables sont des ressources qui peuvent être consommées sans conséquences à une date ultérieure alors que
les ressources non stockables doivent être définies par un échéancier de mise à la disposition, ce qui implique de pouvoir
disposer de disponibilités additionnelles, souvent génératrices de dépenses nouvelles, en cas d’utilisation différée (le temps
perdu ne se rattrape jamais).

En production manufacturière, la productivité est connue en temps réel et les délais sont gérés par exception. Ces variables
peuvent être contrôlées en continue par l’utilisation d’indicateurs de production (tonnes par jour par exemple) où le temps y
est considéré implicitement, ce qui n’est pas le cas en projets en raison d’une notion différente du temps et des ressources
non stockables utilisées qui doivent être définies par un échéancier de mise à la disposition, donc par une explicitation du
rôle du temps. En projets, les délais et la productivité ne peuvent être contrôlés en continue et doivent être mesurés si on
veut éviter les surprises. La gestion prévisionnelle du temps et des ressources joue un rôle essentiel de révélateur dans les
organisations de projets, comme un taux de production dans les entreprises manufacturières, et constitue le pivot
incontournable de la gestion de projet. La gestion prévisionnelle du temps et des ressources est aux projets ce que les
quantités par unité de temps sont à la production manufacturière.

La gestion prévisionnelle du temps et des ressources doit cependant être faite de manière systématique et intégrée parce
que les techniques de gestion de projets exigent de la rigueur et parce que les activités, les ressources et le temps sont des
variables de gestion interdépendantes et indissociables (les activités consomment des ressources et les ressources
consomment du temps). On a de la difficulté à rencontrer nos échéances en environnement multi-projets, parce qu’on gère
les projets, les activités, les aspects quantitatifs des ressources et le temps de façon séparée et non intégrée, et parce qu'on
ne cherche pas un suivi rigoureux de l'utilisation des ressources par des méthodes et des outils assurant un traitement
judicieux des contraintes cumulatives pesant sur elles. C'est aussi parce qu’on estime mal les durées (l’estimation arbitraire
des durées est la cause principale de l’aversion pour la planification et la raison pour laquelle les plans ne concordent pas
avec la réalité). La durée d’une activité est directement fonction de sa charge de travail et de la disponibilité et du nombre
de ressources qui y sont affectés. Malheureusement, on planifie souvent à capacité de ressources infinie, sans tenir compte
de la charge de travail des activités ou de la disponibilité des ressources humaines et matérielles.

Le niveau de détails de la planification doit être cohérent avec la complexité du projet et établi selon les besoins de
contrôle: On planifie ce que l’on veut contrôler. Un excès de planification peut entraîner des problèmes aussi importants
qu’un manque de planification.

Le suivi d’un projet doit s’intégrer dans un processus continu de gestion qui comprend la planification, l’organisation et le
suivi. On doit également adopter une approche systématique de mesure de la quantité de travail réalisé par les ressources, à
des étapes significatives et particulières à chaque projet qui dépendront de sa complexité, et selon des % d’avancement
d’activités préétablis, non pas pour des raisons de précision mais pour la fiabilité de données basées sur des faits. Le
problème en projets, c’est qu’on arrive trop rapidement à 90% d’avancement et qu’on y reste trop longtemps. Plus un
projet est important ou plus on gère de projets simultanément, plus il est difficile de mesurer l’avancement ou la
productivité par jugement. La fiabilité et la validité des résultats et l’efficacité des processus de gestion de projets
dépendent directement des méthodes de mesure utilisées.

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Le travail réalisé doit être mis en relation avec le travail planifié, pour mesurer l’état d’avancement du projet, vérifier si
l’avancement réel correspond à l’avancement planifié et si les échéances pourront être rencontrées, et pour planifier le
travail restant. Le travail réalisé doit également être mis en relation avec les heures dépensées pour vérifier si les
hypothèses de productivité retenues lors de l’estimation sont confirmées. La mesure du travail réalisé permet donc de
confirmer le planning, de juger des performances en contrôlant à la fois les variables de temps et de ressources et de
prendre les actions correctives appropriées pour respecter les échéances et les budgets. La planification et le suivi d'un
projet constituent donc un processus dynamique et continu qui doit être maintenu du début à la fin d'un projet parce qu'un
projet à problèmes révèle des déviations dès les premières étapes de sa réalisation. De plus, de nombreuses études
confirment que le coût associé à la correction de la trajectoire d’un projet est d’autant plus élevé que l’on a tardé à
intervenir.

Heures Étape de
mise à jour BUDGET
1000 D'HEURES

750

500 Travail planifié


400 Heures dépensées
Écart
150h
250 Travail réalisé

Retard
1 mois
Mois 1 Mois 2 Mois 3 Mois 4

CONCEPT DE VALEUR GAGNÉE


Le concept de valeur gagnée, utilisé dans la plupart des logiciels de gestion de projets, a été développé pour satisfaire
d’abord et avant tout à des besoins de gérance ou de supervision de projet et d’information à la direction et aux clients.
Cette approche d’établissement de prévisions et de suivi est basée sur les coûts et sur des équations comptables qui ne
distinguent pas les ressources stockables des ressources non stockables, ce qui a pour effet de fausser les prévisions et les
résultats d’analyse de progression et de travail réalisé. La planification et l’avancement de travaux n’ont rien à voir avec le
rythme des dépenses qui inclus les matériaux et les produits incorporés dans les ouvrages (ressources stockables), parce que
l’avancement physique est gouverné par les ressources qui réalisent le travail soit la main d’oeuvre et les équipements
mobiles (ressources non stockables). Les matériaux et les produits incorporés dans les ouvrages doivent être définis à la
planification en termes de main d’oeuvre et d’équipements mobiles nécessaires à la construction ou à l’installation, et suivis
par un système de gestion des budgets et des engagements. La gestion prévisionnelle du temps et des ressources non
stockables permet, quant à elle, de maîtriser les échéances et les aspects reliés à cette catégorie de ressources (efficacité
d’utilisation et productivité)

En projets, l’atteinte et la continuité de la qualité des processus et des produits exigent que l’on adopte une approche
systématique, dans un processus intégré et continu de planification, d’organisation et de suivi, parce qu’on ne gère pas les
mêmes processus, les mêmes variables et les mêmes ressources qu’en production manufacturière et parce que la progression
et la productivité ne peuvent être mesurés en temps réel. Les processus de gestion de projets doivent être définis dans des
procédures et doivent être compris et suivis. Ces procédures doivent établir des règles générales qui génèrent des règles
particulières adaptées à des situations concrètes et applicables à tous les types de projets de l’organisation.

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POUR TIRER PROFIT DE L’EXPÉRIENCE DANS UNE ORGANISATION DE PROJETS, LA GESTION DE
PROJETS DOIT ÊTRE TRAITÉE COMME UN PROCESSUS À PART ENTIÈRE ET NON PAS COMME UNE
ACTIVITÉ ISOLÉE

LE CONTRÔLE DES COÛTS ET LES PROJETS


En production manufacturière, le référentiel de coûts et de ressources est connu et peu variable car la consommation de
matières premières est linéaire et continue dans le temps, ce qui permet un contrôle réactif par objet de coûts à intervalles
fixes et par indicateurs de coûts et facilite l’amélioration continue. En projets, le référentiel de coûts et de ressources est
différent à chaque projet et on ne gère pas les mêmes ressources ni les mêmes variables. Pourtant on utilise des
informations et des indicateurs basés sur les coûts comme en production manufacturière. La gestion de la performance et
l’amélioration continue sont plus difficiles en projets parce que la variabilité des processus, des produits et de la
productivité ne peut être détectée en continu comme en production manufacturière, et nécessitent des supports informatifs
différents.

On a de la difficulté à identifier les causes d’écarts de coûts et de délais en projets parce qu’on s’attarde aux effets et non
aux causes et que c’est la seule information disponible. Les gestionnaires sont limités à un contrôle "après coup" des écarts
de performance et bien souvent à un constat de "dégâts". En projets, si on se limite à suivre l’évolution des coûts, on ne fait
que constater les effets (les retards et les dépassements de budgets) sans pouvoir maîtriser les causes (les processus, les
activités, les ressources et le temps). Des coûts ça ne se contrôlent pas en projet. Le contrôle doit être exercé sur les
véritables variables de gestion (les processus, les activités, les ressources et le temps) si on veut gérer la performance,
maîtriser les résultats et tirer profit de l’expérience.

Les indicateurs de variation et de performance de coûts utilisés dans la plupart des logiciels de gestion de projets traduisent
plutôt, en réalité, des écarts de productivité. Ces indicateurs s’avèrent trompeurs, parce qu’ils tiennent compte des
ressources stockables, qui sont peu variables et qui ne contribuent pas à la réalisation du travail, et traduisent mal
l'interprétation qu'il convient d'en donner, perdant ainsi toute signification et valeur d’information pour l’organisme qui
réalise le projet et qui gère directement les ressources. Ces indicateurs ne permettent pas non plus de vérifier les
productivités réelles et de les comparer avec les hypothèses retenues à la planification. Les indices de performance de
cédule et les retards exprimés en dollars ont une signification et une valeur d'information encore moins évidente. Les
projections relèvent également d’une approche comptable, préconisant un suivi passif allant à l’encontre de l’approche
proactive et dynamique de la gestion de projets qui repose sur les actions à prendre pour rencontrer les objectifs.

La forte tendance à des solutions globales intégrées et à l’utilisation de techniques d’imputation de coûts au détriment de la
gestion de la performance est dangereuse en projets, car on ne gère pas une organisation de projets par des techniques
d’imputation. (Les outils de contrôle ont eu tendance à se détourner du diagnostic de performance pour se concentrer sur
les obligations d’information externe et légale. P. Lorino). Les entreprises ont intégré la gestion par activités dans leur
mode de fonctionnement, mais d’un point de vue comptable seulement et non d’un point de vue opérationnel. Un système
de gestion de projets est un outil de gestion opérationnelle des processus, des activités, des ressources et du temps et est
complémentaire au système comptable de l’entreprise. Les rapports comptables viennent confirmer ce que l’on connaît déjà
par la maîtrise du projet.

LA GESTION DE LA PERFORMANCE ET L'AMÉLIORATION CONTINUE EN PROJETS


En projets, la gestion de la performance passe par la gestion intégrée des activités, des ressources et du temps (gestion
opérationnelle par activités), qui permet d’accumuler des données sur ce que l’on fait et comment on le fait (processus,
activités, séquences, ressources utilisées, efforts, durées, livrables…) et d'assurer la conservation et l'intégration collective
des expériences passées, et par le développement d’indicateurs d’efficience (taux d’occupation des ressources, indices de
productivité des ressources, de rendement des départements/disciplines et efficacité d’utilisation des ressources) et de
tableaux de bord de gestion centrés sur les causes (plans de ressources, rapports détaillés de projets, tableaux de bord
hebdomadaires par départements/disciplines et chargés de projets, rapports à la direction et aux clients, chiffrier de gestion
des budgets et des engagements), qui permettent d’instrumenter la gestion de la performance (instrumentation qui a permise
aux entreprises manufacturières d'améliorer leurs performances), de responsabiliser par une information significative et
objective, de signaler et localiser les problèmes et de prendre des actions correctives et préventives efficaces.

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L’amélioration continue, qui consiste à améliorer les processus en se fondant sur l’expérience, peut par la suite être
enclenchée par le développement et la mise à jour systématique de temps standards et de bases de données d’estimation
d’heures et par le développement d’indicateurs d’efficacité interne (indices d’aptitude des processus de gestion de projets
à définir le projet, à maîtriser la réalisation des activités et à maîtriser le déroulement du projet, les échéances et les budgets
internes) et d'indicateurs d’efficacité externe (indices d’aptitude des processus de conception à concevoir des ouvrages
conformes aux besoins exprimés et implicites des clients, indice de respect des budgets des clients…). Le développement
de modèles de planification par type de projet permet également d'améliorer l'efficacité interne. Ces "projets modèles",
auxquels on adapte les particularités du projet à réaliser, facilitent la planification en servant de banque de quasi-solutions
et permettent de "duplicater" ce qui fonctionne et d’optimiser les séquences d’exécution.

GESTION INTÉGRÉE DES ACTIVITÉS,


DES RESSOURCES ET DU TEMPS

MESURE OBJECTIVE DE L’AVANCEMENT


ET DU TRAVAIL RÉALISÉ

GESTION DE LA PERFORMANCE, MAÎTRISE


DES RÉSULTATS ET AMÉLIORATION CONTINUE

On commence à développer des logiciels centrés sur la planification et le suivi d’activités et de ressources dans un
environnement multi-projets et matriciel et qui s’intéressent moins aux coûts, aux projections de coûts et aux CPM. Ces
logiciels, accompagnés d’une nomenclature de codification produit/projet adéquate, facilitent l’intégration du nombre
important de données à saisir et à traiter, même dans les petits projets. (l’efficacité d’un système de gestion de projets
dépend directement des modalités d’intégration des données). Avec le portrait global obtenu grâce à ces outils, il est plus
facile de résoudre les pointes de travail et les conflits quantitatifs de ressources, d'établir et négocier les priorités et de
prendre en temps opportun les décisions stratégiques. Des logiciels permettent même aux clients de consulter, directement
chez l’organisation de projets, l’état d’avancement de ses projets, les ressources travaillant sur un projet en particulier ou
encore le niveau de productivité. On se rapproche ainsi d’un véritable partenariat client-fournisseur en projets et d’une
approche globale de gestion de projet, pour mieux intégrer la conception et la réalisation du projet, éliminant ainsi la
coupure entre la phase conception et la phase construction ou développement qui est une cause de dysfonctionnements
majeurs et qui s’oppose aux nouvelles exigences de spécifications techniques-coûts-délais. Ces logiciels ne sont cependant
que des outils et ne sont pas une solution en eux-mêmes à des problèmes de dépassement de budgets ou d’échéances. Ces
outils doivent s’intégrer dans une approche globale et systématique de la gestion de projets pour être utilisés de façon
efficace et pouvoir en tirer tous les avantages. (Selon une enquête réalisée par le Project Management Institute, seulement
5% des utilisateurs de logiciels de gestion de projet se servent des fonctionnalités de ressources, facteur clé de la gestion de
la performance)

On commence également à développer des outils informatiques de gestion des processus qui utilisent les logiciels et les
techniques de gestion de projets pour systématiser les processus et les bonnes pratiques et pour opérationnaliser
l'amélioration continue dans les organisations de projets / programmes.

Les organisations de projets doivent ajuster leurs lunettes face aux possibilités d’amélioration de leurs performances parce
qu’en projets, les résultats dépendent exclusivement de la performance des ressources humaines, qui dépend à son tour des
processus de l’organisation. Elles doivent passer d’un référentiel de rentabilité et de coûts à un référentiel stratégique, c’est
à dire construire leur système d’information sur les facteurs clé de succès de l’organisation, leur permettant ainsi de mieux
réagir et satisfaire à une demande imposant de fortes contraintes de budget, de délai et de spécifications techniques. La
capacité à maîtriser le déroulement d'un projet et ses contraintes de budget, de délai et de ressources et à en démontrer
l’aptitude dans un environnement multi-projets est, aujourd’hui, une condition de compétitivité des organisations de projets,
donc de survie.

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MODÈLE DE MATURITÉ DE CAPACITÉ ORGANISATIONNELLE
Le modèle présenté ci-après permet aux organisations de projets de situer leur niveau de maturité et d’identifier leurs
objectifs d’amélioration. Ce modèle est basé sur le principe qu’un projet est un processus dont les variables et les résultats
sont contrôlés par d’autres processus.

Niveau initial La gestion de projet est considérée comme une activité isolée et non comme un processus à part entière.
Chaque projet est considéré comme unique, sans considération des expériences passées. La performance est tributaire des
capacités de chaque intervenant et varie selon leurs compétences, leurs connaissances et leurs motivations respectives. Les
avantages des bonnes pratiques d’ingénierie et de métier sont sapés par l'inefficacité de la planification et des pratiques
d'engagements réactifs. La réussite des projets repose sur les "héros" de l'entreprise et sur l'effort individuel. L’expertise
de la firme est principalement limitée à celle de ses ressources humaines.
Niveau reproductible Des processus de gestion de projet sont mis en place pour suivre la progression des projets et les
budgets et pour accumuler des données sur ce que l'on fait et comment on le fait (activités, séquences, ressources utilisées,
efforts, durées, biens livrables, fonctionnalités et caractéristiques des ouvrages ou des applications…). Le processus de
réalisation d’un projet est contrôlé de façon efficace par un système de gestion de projets fondé sur des plans réalistes
dressés en fonction des performances obtenus au cours de projets antérieurs et auxquels on a adapté les particularités du
projet à réaliser. La discipline nécessaire à la maîtrise du déroulement d’un projet est en place pour reproduire la réussite
de projets d’un même type d’ouvrage ou d’application.
Niveau défini Les processus de projet (processus de conception, processus de vérification et processus de gestion de
projets) sont documentés et normalisés dans toute l'organisation, intégrant en un tout cohérent les processus relatifs aux
produits/ouvrages (conception et vérification) et les processus de gestion de projets. Les fonctionnalités et les
caractéristiques des ouvrages ou des applications, la qualité des livrables, les budgets et les échéances sont contrôlés pour
chaque type d’ouvrage ou d’application de l’organisation de projets.
Niveau maîtrisé Les processus de projet sont dotés de moyens qui permettent des mesures cohérentes et bien définies.
L’organisation de projets a les moyens d’identifier l’efficacité de ses processus de projet (aptitude des processus de
conception à concevoir des ouvrages ou des applications aptes à satisfaire les besoins exprimés et implicites et les budgets
des clients, aptitude des processus de vérification à établir la conformité aux spécifications, aptitude des processus de
gestion de projet à définir le projet, à maîtriser la réalisation des activités et à maîtriser le déroulement du projet, les
échéances et les budgets internes) et les moyens d'assurer la conservation et l'intégration de l'expérience acquise. Les
processus de projet et la classe des ouvrages ou des applications sont connus et contrôlés quantitativement. La capacité à
prévoir les résultats s’améliore au fur et à mesure de la diminution de la variabilité des processus de projet.
Niveau d'optimisation Une amélioration continue des processus de projet est mise en œuvre dans toute l’organisation de
projets par une rétroaction quantitative émanant des processus de projet et par l'application d'idées et de technologies
innovatrices. L'efficience et l'efficacité des services ainsi que la productivité des ressources s'améliorent continuellement.

Coûts PROJETS RÉALISÉS EN URGENCE


Reprises
Productivité réduite
Temps supplémentaire

100%
90%
80%
70% APPROCHE RÉACTIVE &
APPROCHE SYSTÉMATIQUE NON SYSTÉMATIQUE
ET INTÉGRÉE Retards
Efficience Productivité réduite
Efficacité interne Coûts directs & indirects élevés
Efficacité externe

Durée

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LA NORME ISO 10006
La norme ISO 10006 donne des lignes directrices pour la qualité des processus de management de projet et vient
compléter l’ISO 9004-1 qui présente des lignes directrices pour la qualité des processus relatifs au produit (ceux qui sont
concernés uniquement par le produit ou l'ouvrage tels que la conception et la vérification). Les processus de production,
inexistants en projets/programmes, sont donc remplacés par des processus de gestion de projet qui visent la maîtrise des
conditions de mise en oeuvre d'un projet et à assurer que le projet se déroule dans de bonnes conditions et sans interruptions.
Ces normes, indépendamment des exigences contractuelles d’assurance qualité, fournissent des recommandations détaillées
du management de la qualité permettant à une organisation de projets de développer et de mettre en oeuvre un système
qualité répondant à ses besoins, tandis que les normes ISO 9001, 9002 et 9003 portent sur les exigences en matière de
système qualité qui peuvent être utilisées dans le cadre de l’assurance externe de la qualité (norme ISO 9000-2). La
distinction entre les deux catégories de processus d’un projet permet également aux organisations de projets d’orienter leurs
efforts sur les éléments qui contribueront le plus aux résultats de l’entreprise.
Les processus de management de projet traités dans la norme ISO 10006 sont les suivants:

• Le processus stratégique qui précise les orientations, organise et gère la réalisation des processus de projet;
• Le processus de management des interdépendances qui inclus la définition des exigences de projet, la gestion des
interfaces et des modifications et la clôture du projet;
• Les processus relatifs au domaine d’intervention du projet (ingénierie, construction, développement d’application…)
qui couvrent les processus de définition, d'organisation et de maîtrise des activités à réaliser pour rencontrer les objectifs
du projet tels que la qualité des livrables, les coûts et les délais;
• Les processus relatifs aux délais qui ont pour objectif de déterminer les liaisons et les durées des activités et d’assurer
l’achèvement du projet dans les délais prévus;
• Les processus relatifs aux coûts incluant l’estimation, la budgétisation et la maîtrise des coûts;
• Les processus relatifs aux ressources qui ont pour objectif de prévoir et maîtriser les aspects quantitatifs des ressources
humaines et matérielles;
• Les processus relatifs au personnel qui traitent de la structure organisationnelle, de la sélection et de l’affectation du
personnel et de la formation de l’équipe de projet;
• Les processus relatifs à la communication qui traitent des systèmes d’information, de la distribution de l’information et
des réunions;
• Les processus relatifs aux risques qui traitent des incertitudes relatives aux coûts, aux délais et au produit du projet et
aussi des risques reliés à la sécurité, à la responsabilité professionnelle et à l’environnement;
• Les processus relatifs aux achats tels que la planification et la maîtrise des achats, la sous-traitance, l’évaluation et la
maîtrise des contrats.
Ces processus prennent toute leur valeur et leur importance dans les domaines d’intervention où l’organisation de projets
gère directement les ressources qui réalisent le travail d'ingénierie, de construction ou de développement d’application et
où elle est directement responsable des résultats. Ces processus visent à assurer qu’un projet soit mis en oeuvre dans des
conditions maîtrisées et se déroule dans de bonnes conditions et sans interruptions, par un processus intégré et continu de
planification, d’organisation et de suivi. Ils permettent, par une gestion intégrée des activités, des ressources qui réalisent le
travail et du temps, d'assurer la cohérence et la corrélation entre le travail à accomplir pour satisfaire aux exigences en
ingénierie ou aux spécifications en construction ou en développement d’application, les moyens que l'organisation de
projets dispose (budget d’ingénierie, de construction ou de développement, ressources humaines et technologiques et
équipements mobiles) et les contraintes de délai, dont l'absence peut conduire les intervenants à sacrifier les fonctions du
projet (qualité des livrables, coûts et délais) qui les pénaliseront le moins dans l'évaluation qui sera faite de leur travail..
La norme ISO 10006 est applicable à des projets de complexité variable, qu’ils soient petits ou grands, de courte ou longue
durée. Elle définit les principes et les bonnes pratiques de gestion de projets et plus particulièrement les processus de
planification, d’ordonnancement et de suivi. Elle est prévue pour être utilisée par des personnes ayant l’expérience du
management de projet et qui ont besoin de s’assurer que leur organisation applique effectivement les pratiques contenues
dans la famille des normes ISO 9000. Elle s’inscrit bien dans le nouveau paradigme de gestion, où l’on passe de la gestion
de projets individuels par des gestionnaires désignés, au management par projets de toutes les activités de l’organisation par
des intervenants de tous les niveaux aux intérêts variés. On responsabilise de plus en plus, ce qui implique de plus en plus
d’information pertinente, à la bonne personne et au bon moment, permettant de prendre de meilleures décisions à tous les
niveaux de l’organisation.

La norme ISO 10006 ne constitue pas cependant un guide pour le management de projet en lui-même.

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