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Seul ce qui est démontré est-il prouvé ?

À partir d’hypothèse de départ, la démonstration est un type de raisonnement qui permet soit de
déduire, soit d’inférer une conclusion. C'est un cheminement, une méthode (voie à suivre, médiation)
qui s 'oppose à la monstration immédiate comme l'évidence ou l'intuition. Démontrer est la méthode
privilégiée des sciences, car on utilise aucune donnée sensible et trompeuse mais les seules formes
rigoureuses de la logique pour construire un raisonnement. La démonstration a pour seul but des vérités
nécessaires et universelles et non des cas particuliers ; elle atteste de relations constantes entre les
phénomènes et permet donc d'établir des lois. Par exemple ce n'est pas une démonstration que Newton
reçoit sur la tête lorsque les pommes tombent de l'arbre mais c'est l'hypothèse qu'il fait pour expliquer
ce mouvement qui devra être démontrée pour attester la loi de la chute des corps.
Cependant, s'il s'agit bien d'une méthode qui nous assure de la vérité, il semble que dans la
démonstration, la vérité soit validée au sens formel du mot, car rien ne garantit que le même
raisonnement soit conforme à une réalité extérieure a notre esprit, ce que l’on appelle la vérité
matérielle. Si toute démonstration n’est pas une preuve dans la mesure ou elle ne correspond pas à une
vérité matérielle, sa valeur est mise en doute. Inversement toute preuve ne peut pas être démontrée dans
la mesure ou elle n’admet aucune activité de la raison. Le problème est de réduire la démonstration à la
seule fonction de preuve comme d’admettre que cette dernière peut seule fonder l’objectivité d’un
discours. En effet la preuve est le moyen de tenir pour vrai ce qui est affirmé. Or la réduire à la seule
démonstration, n'est ce pas ne tenir pour vrai que ce qui peut être démontré ? Mais alors n'a-t-on de
vérité que formelle ? Afin de considérer le lien entre démonstration et preuve, il faut se demander s'il
existe d'autres preuves que celle de la démonstration logique (du logos = la raison) et prendre en
compte le cas particulier des preuves dans les sciences expérimentales pour savoir si c'est la
démonstration ou l'expérience qui valide la vérité. Enfin, il faudra s'interroger sur les limites de la
démonstration comme seule valeur pour établir non seulement une preuve mais une vérité universelle.

Plan possible

I. Démonstration et preuve dans la logique et les mathématiques


1. Le raisonnement qui n’utilise aucune expérience ni données sensibles mais l’application d’une
méthode précise, objective et universelle tient lieu de preuve indiscutable. Elle consiste en « une
suite de conséquences déduites par raisonnement » qui peut être faite selon Descartes par
l'esprit le moins doué de raison « sans nulle crainte de nous y tromper.»
2. La démonstration comme langage formel se distingue de la preuve que nous offre la sensibilité
et la sensation. Mais depuis Euclide on reproche aux mathématiques leur caractère formel et
artificiel qui ne correspondent à aucune donnée sensible. C'est le cas du syllogisme où ce qui est
démontré est prouvé au sens formel mais peu ne pas correspondre à la réalité et donner lieu à
des absurdités, par exemple celles que Ionesco dénonce dans Rhinocéros.
3. La démonstration est fondée sur des hypothèses (Construction et valeur de ces hypothèses). La
démonstration mathématique s'appuie sur des postulats et des axiomes , des idées premières, car
la pensée ne peut pas régresser à l'infini. Ce sont chez Descartes les idées innées qui sont
« claires et distinctes ». Or démontrer c'est prouver qu'une conclusion découle nécessairement
de ces idées qui elles-mêmes sont admises comme vraies.
II. Démonstration et preuves dans les sciences expérimentales
1. Connaissance empirique et connaissance scientifique : cette dernière n'est pas le prolongement
de nos observations ou de nos expériences. Il y a une rupture entre les deux modes de
connaissance, comme le remarque Bachelard, dans la formation de l'esprit scientifique, « en
science rien n’est donné, tout est construit »), ce n'est pas le phénomène observé qui a valeur de
preuve de la théorie mais plutôt un phénomène que l'on construit pour confirmer la vérité des
hypothèses et de la déduction.
2. La preuve n’est ni la constatation ni la vérification par une expérience d’une démonstration.
C’est la démonstration elle-même qui a une valeur de preuve et non sa vérification. D'autre part,
l'expérience scientifique ne précède pas et ne fonde pas la démonstration, Kant affirmait « Si
toute connaissance commence avec l’expérience, cela ne signifie pas qu’elle dérive toute de
l’expérience »
3. Un critère de démarcation entre démonstration et preuve : la falsifiabilité (Karl POPPER, 1959,
La logique de la découverte scientifique). Pour cet épistémologue, l'expérience a le pouvoir non
plus de vérifier mais aussi de réfuter une théorie. Cette méthode déductive de « contrôle »
montre qu'une théorie est scientifique et confirmée si elle résiste à ce qui aurait pu la réfuter.
III. La démonstration n'est pas le seul critère pour prouver la vérité
1. La démonstration est la preuve des vérités de raison mais y a-t-il d'autres moyens d'établir la
vérité que le raisonnement scientifique ? Pascal distingue les vérités de raison et les vérités de
cœur. « Et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et
qu'elle y fonde tout son discours. »
2. Si Descartes expose sa méthode faite de « longues chaines de raison, toutes simples et faciles »
pour rechercher la vérité dans les sciences, la première vérité qu'il découvre est l'évidence du
cogito qui conclut l'épreuve du doute méthodique. Cette vérité indubitable permet de servir de
fondement métaphysique de l'arbre du savoir mais nécessite aussi la preuve de l'existence de
Dieu, vérité non démontrée. La saisie de ces premiers principes ne sont pas, de l'aveu même du
mathématicien Descartes, des preuves démontrables.
3. On ne peut pas tout démontrer et le démontrable n'est pas le seul critère de vérité. Si ce qui est
démontré tient lieu de preuve pour les vérités de raison, il ne peut être le seul critère pour établir
la certitude d'énoncés établis de manière intuitive ou par exemple utilisant un raisonnement par
l'absurde. L'intuition, la croyance, la vraisemblance ne sont pas démontrées, et peuvent être
tenues pour des vérités (par exemple dans le domaine judiciaire, dans le roman policier on a des
preuves qui ne sont pas démontrées). Si on peut prouver ce qui n'est pas démontré, il faut alors
abandonner l'idéal rationaliste de la connaissance pour affirmer que la démonstration est un type
de preuve, mais pas le seul.
Florence Begel

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