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L’ART
D’AIMER
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cahiers du cinéma AVRIL 2020
PORFOLIO
Adieu Philippine
être invité à danser le mambo sur
une plage corse dans les années 60,
qui refuserait pareille invitation ?
Les bras tendus et les sautillements
de Liliane (Yveline Céry) dans
Adieu Philippine (Jacques Rozier,
1962) font jongler les contraires :
lascivité et nervosité, grâce de ses
mouvements et gaucherie de son
cavalier, ensorcellement chorégraphique
et documentaire sur la France en
vacances. Loin d’un simple instantané,
une pièce en trois moments. D’abord
un plan large au milieu des autres
danseurs, puis une leçon particulière,
au fond de la paillotte, où les
chamailleries du couple viennent
parasiter l’entrain de la musique.
Enfin, l’apothéose ! Liliane se lève,
elle fixe du regard la caméra qui
vient à elle. La danse les yeux dans
les yeux, avec en bande-son l’écho
d’un chorus extatique. Voilà du
cha-cha-cha vaudeville. D’un duo
désaccordé, on passe au ménage
à trois, accordant au spectateur
la place de l’amant transi. J.L.
Les Enchaînés
Dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock
(1946), le couple d’espions jusqu’au
dernier moment ne s’aime pas.
Ils se plaisent, ils se désirent, mais
ils ne s’aiment pas. Et puis vient cette
séquence finale ultra-tendue où
Cary Grant découvre Ingrid Bergman sur
son lit de mort, empoisonnée lentement
par son mari. Et ce travelling avant,
début d’un long plan, qui vient enserrer
les mains en train de se joindre du
couple. C’est un pacte, c’est une prière.
De la mort qui les cerne émanent
des bouffées d’amour. Alicia ne sera
pas tant sauvée par le courage de
Devlin que par son amour débordant,
qui la ressuscite plan après plan :
« Say that you love me, it keeps me
awake. » (« Dis-moi que tu m’aimes,
cela me tient éveillée. ») Laura Tuillier
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PORFOLIO
Possessed
Un manteau qui tombe raccorde avec
une montre qui tourne. Deux amants
clandestins arrivent avec une heure
de retard au dîner. Le coup d’œil
furtif échangé ne dit pas seulement
l’embarras du retard, il désigne surtout
cette heure d’amour passée dans la
collure entre le manteau et la montre.
Et plus encore : il désigne la passion
secrète, mais connue du tout
Hollywood, qui unissait Joan Crawford
et Clark Gable. Elle entre par effraction
dans la scène, accueillie par le réalisateur,
Clarence Brown, pilier de la MGM.
Le star system est un art aux dimensions
industrielles de regarder des gens
qui s’aiment. Jean-Philippe Tessé
Mélo
Trouble au paradis au début de
Mélo d’Alain Resnais (1986). Ce sont
deux regards qui ne se croisent pas.
Celui de Sabine Azéma est brillant de
convoitise, l’amande du regard allumée
par le hors-champ : André Dussolier
vient de lui parler d’amour. Celui
de Pierre Arditi, le mari, est au contraire
benoîtement amoureux : quoi de moins
romanesque qu’un homme qui aime
sa femme ? Il vient de se repousser dans
l’ombre pour savourer sa pipe, il ne sait
pas que c’est son bonheur même qui le
condamne. En même temps qu’un mélo,
on a affaire à un formidable film d’amis.
Le bonheur d’Arditi c’est également
de retrouver Azéma après L’Amour
à mort. Et le triangle amoureux, c’est
donc aussi celui que ces deux-là forment
avec Resnais, dont la bienveillance
les éclaire de son halo joueur. L.T.
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cahiers du cinéma AVRIL 2020
Une femme sous influence
Quand, après 2h20 de folies, de
tourments, de confusions, ils sont enfin
seuls… Ils vont se coucher comme
ils devaient le faire aux premières
minutes du film. Après tout Une femme
sous influence (John Cassavetes, 1974)
raconte juste comment on empêche
un couple comme les autres (Gena
Rowlands et Peter Falk) d’aller se
coucher et faire l’amour. Maintenant
elle sourit, ils enlèvent la table, déplient
le canapé-lit, s’envoient des oreillers.
Soudain tout est si léger, simple et
facile. La musique est guillerette, loin
de la danse macabre du Lac des cygnes,
le générique commence « trop tôt », cela
ne nous regarde plus, ils nous ferment
la porte au nez, et on dirait deux acteurs
qui sortent de scène, qui rigolent
dans les coulisses. On éprouve une telle
gratitude après cette épopée torturée.
Ils se sont tellement battus l’un pour
l’autre ! Le cœur se lève. Derrière les
rideaux, Peter Falk ressemble un instant
à Cassavetes, le cinéaste qui a bâti
son œuvre sur des torrents d’amour
et d’amitié. Stéphane Delorme
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Le Sport favori de l’homme Steamboat Round
Non, ceci n’est pas une image de the Bend
mansplaining : un peu d’humour
On connaît l’apparition de la
amoureux ! Paula Prentiss, sourire en
garçonnette en salopette, Keechie, dans
coin, l’œil légèrement moqueur, écoute
Les Amants de la nuit de Nicholas Ray.
d’une oreille les lamentations de
Mais John Ford en 1935 a déjà filmé
M. Willoughby (Rock Hudson) mais le
une enfant sauvage, une fille des marais
dévore du regard en buvant son martini
farouche. Un garçon qui a tué pour elle
dry. Le pauvre homme ne voit rien.
l’emmène sur le bateau de son oncle
Ce coup d’œil à son insu en dit long.
pour demander de l’aide. Elle ne bouge
Elle a ferré un gros poisson et ne
pas, le regard planté, ne cillant jamais,
le lâchera pas de si tôt. Empêtré
ne parlant pas, mais toute la mise
et maladroit, il devient son jouet : elle
en scène est comme aimantée. Regard
le noie à demi, le manipule comme
sublime de Ford sur elle, costumée
une grande peluche, lui plâtre et lui
magiquement avec son chapeau qui
déplâtre le bras à la scie à métaux.
laisse tomber sa lanière, sa trop grande
Cette screwball comedy tardive
veste, ses godillots pas lacés, puis
de Howard Hawks (1964) nous rappelle
assise pieds nus sur un coffre. L’oncle
que l’art d’aimer est un irrépressible
tourne le dos à l’encombrante et
plaisir de jouer. Sophie Charlin
pourtant plus tard ils deviendront
les meilleurs amis de la Terre, pilotant
ensemble le gros gouvernail du bateau
à vapeur. Le plus beau portrait
de sauvageonne est donc dépeint par
le bourru John Ford, tout attentif et
attendri devant cette actrice sidérante
tombée du ciel. On reverra peu Ann
Shirley hélas, mais son regard noir
et le regard sur elle (malheur à ceux
qui s’évertuent à parler de male gaze
pour salir l’ensemble du cinéma
hollywoodien !) sont gravés pour
l’éternité. S.D.
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No Home Movie
Quand on pense à l’amour au cinéma, le déchirant et désopilant Aujourd’hui,
on pense le plus souvent à un garçon dis-moi). Si son dernier film, No Home
et à une fille ou, avec un siècle de Movie (2015) est bouleversant par
retard, à deux garçons ou à deux filles. sa façon de se resserrer sur la figure
L’amour romantique. Chantal Akerman maternelle pour lui dire adieu,
a passé une vie à aimer sa mère, il ne faut pas oublier que c’est surtout
à construire une œuvre sur et contre un sublime film d’amour. Et le grand
et avec cet amour. Par ses films, art d’Akerman nous rappelle
nous avons aimé sa mère de loin maintenant que même ce qui peut
(News from Home) ou à travers des sembler petit – aimer par écrans
figures de substitution (à peu près interposés – résonne loin jusque dans
tout le reste, à commencer par notre confinement de 2020. N.E.
La Nuit du chasseur
Aimer est tout un art. Il descend
jusqu’à l’art d’envelopper une pomme
dans un napperon, avec une pince
à linge décrochée d’un sapin de Noël,
et remonte jusqu’au regard d’un enfant.
La pauvreté du cadeau, une pomme,
est le gage d’un amour inconditionnel.
« C’est le plus beau cadeau qu’on
puisse recevoir », répond la vieille
femme en acceptant et la pomme,
et l’amour. J-Ph.T.
Shokuzai
Comment l’art d’aimer est aussi
parfois un art martial. Pour défendre
ses petits élèves, la frêle institutrice
Maki s’empare d’un manche à balai
et se lance au bord de la piscine dans
un combat de kendo sans pitié contre
l’homme armé qui menace sa classe.
Vingt-quatre prunelles dans la piscine
l’observent, certains admiratifs,
amusés, inquiets. Les cris aigus
résonnent et se mêlent à une musique
dramatique aux airs de Dents de la mer.
Dans cette scène drôle, héroïque
mais aussi inquiétante, le personnage
est transfiguré. Droite, à petits pas,
le geste assuré, la maîtresse d’école
devient une guerrière prête à tuer.
Kiyoshi Kurosawa la suit de près,
cadre ses postures au cordeau en plan
large et finit sur son regard impérieux
et un peu stupéfait. Naissance
d’une héroïne samouraï. S.C.
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Le Désert rouge
De nuit, Giuliana erre, perdue,
sur le port, parmi les bateaux, les
cordages, les passerelles, les machines.
Elle s’adresse à un marin inconnu,
s’enquiert fébrilement de la possibilité
d’embarquer sur un navire marchand.
Faux regard caméra dans le vague,
sa voix résonne dans le silence.
En plan rapproché : « Les corps…
sont… séparés. » Le visage de Monica
Vitti est enveloppé dans le flou de
l’arrière-plan. Cut. Plan large, la figure
a basculé dans le flou, le quai lui
offre une scène, un sol où se tenir.
Giuliana se pince la main : « Si vous
me pincez… vous ne souffrez pas… »
Dans un raccord, la mise en scène
éprouve avec l’actrice une distance
désespérante entre les corps, mais
le regard d’Antonioni ne l’abandonne
pas à cette solitude, il l’accompagne,
la caresse. Par la tendresse du
regard, nous devenons le mur d’êtres
aimants dont rêvait Giuliana dans
une autre séquence. Le cinéma fait
ici circuler un amour naissant
des espacements, entre les corps,
entre les langues. Camille Bui
P.P. Rider !
Dans ce plan de P.P. Rider ! de Shinji
Somai (1983), une jeune fille se brosse
les dents, ses compagnons masculins
se promènent ou s’alanguissent
cigarette à la main dans ce nouveau
lieu où ils ont échoué (un dortoir).
L’un d’entre eux est pris en ombre
chinoise derrière un rideau qui forme
un drapé, épiphanie lumineuse dans
cet environnement sans qualité.
Ouvrir grand les plans au désordre,
manifester l’égalité de tous les
personnages, regarder le foisonnement
du monde, en même temps l’individu
et le groupe, le quotidien émaillé de
la singularité de chaque geste, capter
l’énergie autant que la fatigue des
corps, les gestes inconscients comme
la beauté des postures, transgresser
toute idée de belle composition pour
des compositions encore plus belles News from Home
mais débraillées, où les corps affirment
Le cinéma, c’est aussi l’art d’aimer
leur présence dans une confrontation
les inconnus, ces individus qui se
tangible, presque érotique et souvent
détachent de la foule ou sont surpris
transgressive elle-même avec tout
dans la marge, comme cette femme
l’environnement : dans P.P. Rider !,
croisée par Chantal Akerman lorsqu’elle
les adolescents sont lancés dans
tourne News from Home dans les
une course sans fin. Florence Maillard
rues de New York en 1976. Une façon
d’aimer sans parole, sans nom,
sans histoire, qui pourtant reste
pour l’éternité. N.E.
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Slacker
Film de flâneur, le manifeste Slacker de 1958). Musique voluptueuse, images
(Richard Linklater, 1990) obéit à heurtées parmi lesquelles on attrape
la règle du marabout-bout de ficelle. des visages radieux, des rires et
24 heures de la vie d’Austin, au rythme des sourires, la vitalité à l’état pur,
du croisement des personnalités un précipité de joie et d’amitié déposé
les plus extravagantes et des discours à même la pellicule. Le dernier geste
les plus improbables. Comment clore du film est à la hauteur de sa folie :
cette ronde insensée ? La réponse suivre cette bande de farfadets jusqu’au
provient de la dernière rencontre de sommet de la colline, et sans remords
hasard surgie au petit matin. Une bande ni précautions jeter la caméra par-
d’amis, entassée dans une décapotable. dessus bord. Une apothéose en forme
Une dernière escapade filmée à de signature. Un joyeux saut dans
la volée, en Super 8, au rythme le vide où le film se consume de
d’un standard jazzy (Skokiaan, dont lui-même, entre esprit d’enfance
on entend une reprise easy listening et ivresse de la conspiration. J.L.
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PORFOLIO
Les égarés
et Pather Panchali
Amour du paysage. La même année
(1955), dans Les égarés de Francesco
Maselli, Lucia Bosè s’arrête devant
la beauté de la plaine du Pô, et dans
Pather Panchali de Satyajit Ray,
deux enfants sont pris sous la protection
de roseaux. On est soufflés de découvrir
l’espace s’ouvrir ainsi devant nous.
Les personnages, debout, de dos,
se retrouvent relégués au second
plan, même s’ils restent au premier
plan. C’est que derrière, autour,
au-dessus, en-dessous, le paysage
étend sa magnificence. Amour du noir
et blanc : chevelure noire posée
en haut du cours d’eau, plumeaux
blancs désordonnés dansant au vent
(que la fumée d’un train viendra
surligner d’un trait noir). C’est toujours
bon signe quand le film fait ce pas
de côté et réintègre les personnages
dans le paysage, la nature, le monde,
dans ce qui est plus grand qu’eux,
pour les extraire de leur petite histoire
et les rendre à l’immémorial. S.D.
Strangers When We Meet
A la fin de Strangers When We Meet amoureux. Le film est aussi
(Liaisons secrètes, Richard Quine, simplement cela : un documentaire
1960), l’architecte joué par Kirk Douglas sur la construction d’une maison, que
rejoint sa maîtresse Kim Novak dans la Columbia elle-même offre à son
une maison vide, la maison qu’il a fait couple vedette. Projet extraordinaire que
construire pour un écrivain, et tous de construire un décor de cinéma qui
deux imaginent comme ils pourraient y restera et dans lequel on vivra. Projet
vivre. Ce mélo terrible ne leur permettra magique que de réaliser ce que les
pas de vivre leur amour, mais le plus personnages malheureux n’arriveront pas
bouleversant est que cette maison, bien à faire : vivre ensemble. Mais la réalité
réelle, n’est pas construite seulement n’a pas conjuré la malédiction de la
pour le film. Philippe Garnier le raconte fiction : Kim Novak quitte Quine à la fin
dans Caractères, le cinéaste compte du tournage, qui emménage dans
y aménager avec son actrice dont il est une maison vide. S.D.
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cahiers du cinéma AVRIL 2020
Certaines femmes
Filmer le paysage comme un être
aimé, à la fois familier et lointain.
Ce sont de longues scènes sans paroles
où l’on entend le bruit des pas et des
sabots sur les planches puis sur la terre
gelée, la porte qui grince, des objets
qui se heurtent doucement. Et l’on
voit dans la répétition quotidienne qui
rythme la troisième partie du film
de Kelly Reichardt, les gestes appliqués
et routiniers de Lily Gladstone.
Le personnage au bonnet de laine et
au visage rond s’occupe de ses chevaux
chaque matin. Autour de cette ritournelle
concrète, un immense espace sublime
et froid : la neige par endroits, au loin
les montagnes brumeuses du Montana,
la lumière rose du matin et les animaux
tout chauds sortis de l’étable. Célébré
tranquillement dans les rituels les
plus simples par ceux qui l’habitent,
hommes et bêtes, et celle qui le filme,
le vaste paysage devient une maison
où l’on revient. S.C.
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Blue Velvet
Sandy est apparue une minute
auparavant, s’extirpant de la nuit
environnante, invoquée par Jeffrey
Beaumont. Ses cheveux blonds
et sa robe rose éclatent à travers
l’obscurité, à la manière des lucioles.
Ils se rencontrent, mais paraissent
pourtant déjà se connaître, mus
par une soif intarissable de mystère.
Le vent bruisse dans les arbres ;
leur curiosité et leur désir naissant
gonflent dans l’air du soir. Un arbre
se découvre, quelques secondes
seulement, au rythme de la marche :
l’univers entier semble les
accompagner. Mathis Badin
Blissfully Yours
Muets, à bord de la voiture, les deux
amants se dirigent vers la jungle,
réunis enfin. Il faut du temps pour
y accéder : la scène est suspendue au
vrombissement du moteur, à la route
sinueuse encadrée par les arbres.
Weerasethakul, caméra installée derrière
le pare-brise, filme des paysages aimés.
Tout à coup, quelques mots viennent
ponctuer le silence : « Est-ce que
tu as faim ? » « Tu n’entends pas mon
estomac grogner ? » Les premiers
tintements de la musique apparaissent,
et ce que nous entendons, ce sont
des gargouillis. M.B.
Glitterbug
« L’amour se consume dans la passion
du rouge », écrit Derek Jarman dans
Chroma, précis poétique des couleurs
chères au peintre et cinéaste anglais.
Voir rouge, cela ne veut donc plus dire
être en colère, mais aimer et vibrer
à la recherche « de ce sexe rouge
et fort » dans les ruelles du Red Light
District du Soho londonien. Amour
transfiguré dans le pur écarlate des
fleurs – des tulipes anglaises appelées
aussi Lady Jane – qui éclabousse
ce plan tiré de Glitterbug, bouquet
final et fragmentaire des films
Super 8 tournés par Jarman au cours
de sa vie. P.R.
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Le Roi des roses
Ces images sont empruntées à une
scène du Roi des roses de Werner
Schroeter (1986). Ce n’est pas tout
à fait un montage des attractions,
c’est un collage intime, l’expression du
désir dont la nature offre un généreux
véhicule. Le symbolisme y est explicite,
mais inscrit à même le mystère du
monde. Le soleil transperce le toit,
les rais de lumière dardent et prennent
corps dans la matière changeante
des fumigènes, l’eau s’écoule en jets
charnus et scintille, irréelle, dans
la lumière pure, tandis que les humains
s’abandonnent à leur appel. La scène,
où s’invitent d’autres plans, incite le
spectateur au même abandon, dépassant
sa fonction symbolique pour nous
plonger dans une transe érotique.
C’est peut-être ça l’art d’aimer, quand
le désir se déplie et se répercute en
miroir, résonne, rebondit sur les choses
et transforme le monde alentour.
Jean-Sébastien Chauvin
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