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D. Fellague Le Decor Architectural de La
D. Fellague Le Decor Architectural de La
Chronique d’archéologie
Le décor architectural de la basilique de Baelo Claudia :
contribution à la connaissance de la chronologie de l’édifice
• Djamila Fellague, Université de Grenoble
Introduction 273
De 1972 à 1982, les vestiges d’une basilique sont mis au jour à Baelo Claudia
au sud de la place du forum, entre le decumanus maximus et une place dal-
lée1. Les murs étaient conservés sur une hauteur de 1,50 m à 4 m tandis que
toutes les colonnades ont été trouvées effondrées. La ruine de l’édifice a été
expliquée par un tremblement de terre2, qui aurait dévasté toute la cité3 au
milieu du iiie siècle apr. J.-C., plutôt que par une destruction volontaire. Le
bâtiment de 35,83 m de long sur 19,95 m de large (hors œuvre), qui était
composé intérieurement d’une colonnade entourant un espace rectangulaire
et se développant sur deux niveaux, constituait un des édifices majeurs du
centre monumental de cette petite cité du détroit de Gibraltar. Aujourd’hui
encore, avec une partie de ses colonnes remontées et le moulage d’une statue
de Trajan dont l’original est conservé au musée archéologique de Cadix, la
basilique présente des signes de romanité manifestes qui en font un monu-
ment impressionnant pour le visiteur.
L’article le plus complet sur l’édifice a été publié récemment par l’archi-
tecte et chercheur Jean-Louis Paillet, en collaboration avec Claude Ney4. Une
1
Elle est communément dénommée la « place dallée » ou la « place méridionale ». Voir Sillières,
1995, pp. 125-126.
2
Fincker, Sillières, 1999, pp. 264 et 271 ; Sillières, 1995, pp. 57-59 et 2006, pp. 44-45. Plus pré-
cisément, la fin de l’utilisation de la basilique a été datée du début du iiie siècle par une monnaie de
Septime Sévère (frappée en 194-195) trouvée dans une première couche de démolition de l’édifice. La
pièce est signalée sous une corniche (Le Roux et al., 1983, p. 417) ou sous un tambour de fût de colonne
(Sillières, 1993, p. 148). Suite à l’effondrement des colonnes, une destruction lente a pu durer jusque
vers le milieu du ive siècle et l’édifice a été en partie arasé et réoccupé (Sillières, 1995, p. 114).
3
Pourtant, François Didierjean considérait que le macellum ne semblait « pas avoir été victime
d’une de ces destructions brutales, par incendie, séisme ou éruption [...] [et qu’il] resta longtemps
debout, inutilisé, dépouillé de tous les équipements qui pouvaient être utilisés, et même probable-
ment de sa parure ornementale » (Didierjean et al., 1986, p. 98).
4
Ney, Paillet, 2006.
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 40 (2), 2010, pp. 273-296. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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Il présente une nervure centrale, qui peut affecter la forme d’une flèche à l’envers ou d’un fer de
lance, et des extrémités divisées en deux parties renflées ; le motif peut ainsi faire penser à la forme
générale d’un papillon.
10
Ney, Paillet, 2006, pp. 118-120.
11
Didierjean et al., 1986, pp. 238-243. Une solution identique a été adoptée pour les temples du
Capitole (Bonneville et al., 2000, p. 173).
12
Ney, Paillet, 2006, p. 118.
13
Le Roux, 1973, pp. 764-765 ; Le Roux, 1975, p. 199.
14
Gutiérrez Behemerid, 1992, pp. 175 sq.
15
Ney, Paillet, 2006, fig. 18 p. 117 ; voir aussi la coupe fig. 19 p. 118.
16
Ibid., 2006, fig. 16, 17, 23, 31.
17
Voir aussi la photographie publiée en couverture de l’ouvrage sur le macellum (Didierjean et
al., 1986). En faisant le lien entre le plan de blocs effondrés jointifs (Ney, Paillet, 2006, fig. 18), le
plan de situation de l’ensemble des blocs effondrés (Ibid., fig. 14) et les fiches d’inventaire déposées
au musée, on peut s’assurer qu’il s’agit de corniches à double doucine (nº 1084 à 1088).
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un ressaut au lit d’attente qui pouvait servir de stylobate18. Ceci pose alors
la question du type de corniches de l’entablement du deuxième ordre. En
dépouillant très rapidement les fiches d’inventaire, on se rend compte qu’il
y a en réalité au moins deux types de couronnement à double doucine. Des
blocs d’une hauteur de 35 à 59,5 cm (le plus souvent la hauteur est comprise
entre 38 et 46 cm), et qui comportent un ressaut sur le lit d’attente en bordure
de la face postérieure, seraient restituables en couronnement du parapet. Des
blocs au lit d’attente complètement horizontal, avec une hauteur inférieure
(28-32 cm le plus souvent), peuvent être attribués à l’entablement du second
ordre.
Les composantes des ordres de la basilique, comme d’ailleurs celles de tous
les édifices de Baelo, étaient revêtues de stuc. Une partie de la décoration
architecturale nous échappe, même si la décoration pouvait être ébauchée
dans la pierre et que les couches de stuc suivaient plus ou moins le profil
des blocs. Heureusement, les vestiges de stuc sont assez importants pour les
276 chapiteaux ioniques et ils attestent l’existence d’une sculpture en stuc d’une
qualité remarquable, ce qui n’est pas vrai pour toutes les pièces en stuc de
Baelo. Ainsi, quelques témoignages de la décoration stuquée des chapiteaux
composites inversés montrent une qualité bien inférieure.
Chronologie
Dès la première année du dégagement de la basilique, on envisageait l’hy-
pothèse d’une construction de l’édifice sous le règne de Claude, en mettant
en relation la promotion juridique de la cité19 à cette époque et une impulsion
de l’urbanisme de Baelo20. Un premier sondage réalisé sous la place dallée
avait mis au jour un matériel homogène qui semblait concorder avec une
telle datation et l’hypothèse aurait été confirmée par des sondages effectués
en 197521, puis en 198022. Après des sondages entrepris en 1982, la construc-
tion a été placée sous le règne de Néron, en raison de la découverte d’une
monnaie frappée en 63-66 apr. J.-C., qui fournie une datation légèrement
différente de celle apportée par la céramique23. Quoi qu’il en soit d’une data-
tion claudienne ou néronienne, l’édification de la basilique a été placée vers le
milieu du ier siècle apr. J.-C. Après avoir mis en avant l’accès au rang de muni-
cipe de citoyens romains sous Claude pour expliquer cette construction, on a
18
Pour le bloc nº 1086 au contraire, une partie du lit d’attente est encaissée à cet endroit.
19
Sur le statut de la cité, voir Sillières, 1995, p. 29 et Goffaux, 2003, pp. 145-146.
20
Le Roux, 1973, p. 768 et 1975, p. 205 ; Remesal et al., 1976, p. 496.
21
Remesal et al., 1976, pp. 476 et 496-497.
22
Bonneville et al., 1981, p. 430.
23
Le Roux et al., 1983, pp. 421 et 425 : « On aura noté le décalage chronologique entre les données
de la numismatique et les données de la céramique. On mesure par là la marge d’imprécision des
datations et le résultat de plus significatif de cette campagne est sans doute de placer l’inauguration
de la basilique au cours du règne de Néron, car l’as retrouvé témoigne aussi bien de la première
occupation que de l’installation proprement dite ».
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24
Fincker, Sillières, 1999, p. 270 ; Bonneville et al., 2000, p. 202 ; Dardaine et al., 2008,
pp. 47-48.
25
Bonneville et al., 1981, pp. 427-430 ; Le Roux et al., 1983, p. 424 ; Ney, Paillet, 2006,
pp. 127-130, fig. 24 et p. 128.
26
Gros, 1996, p. 248.
27
Sillières, 1995, pp. 57, 75 et 81-82 ; Fincker, Sillières, 1999, pp. 265-268 et 2006, pp. 45-46.
28
Dardaine et al., 2008, pp. 48-49.
29
Ibid, pp. 74-76.
30
Fincker, Sillières, 1999, p. 267 ; Sillières, 2006, p. 45.
31
Dardaine et al., 2008, pp. 127-135, 152 et 202.
32
Pfanner, 1990, pp. 72-73 ; Fincker, Sillières, 1999, pp. 268-270 ; Gros, 2006, pp. 81 et 83 ;
Sillières, 2006, p. 56.
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style des éléments décoratifs à Baelo pour fonder des datations33. Les ateliers
ont reproduit des formes identiques à des époques différentes et des éléments
qui ont servi comme indices chronologiques d’époque augustéenne sont des
traits d’atelier qui ont perduré durant au moins deux ou trois siècles. Pour
plusieurs édifices, la discordance entre les datations stylistiques et la stratigra-
phie n’existe pas et l’hypothèse du tremblement de terre perd donc une partie
de sa raison d’être originelle puisque cette discordance est présentée comme
le fondement de cette théorie34. D’autres fragilités de l’argumentation sur-
gissent. Comme le soulignait récemment Pierre Gros35, le macellum n’est pas
un bon exemple pour appuyer cette théorie d’édifices augustéens détruits au
milieu du ier siècle et reconstruits à l’identique, avec la même fonction, juste
après. Le macellum (état 4) a été daté de l’extrême fin du ier siècle apr. J.-C.
L’état précédent au macellum a été placé au plus tôt sous Néron, après 60 et, si
cette construction de l’état 3 avait même orientation, il ne s’agissait pas pour
autant d’un précédent macellum, mais elle répondait aux contraintes de l’ur-
278 banisme orthonormé de la ville. Au contraire, on a pensé à des constructions
privées, mêlant l’habitat aux activités artisanales36.
Pour la chronologie de la basilique en particulier, presque rien n’a jusqu’ici
été déduit des éléments des ordres exhumés en grand nombre ou des motifs
ornementaux, il est vrai assez rares et délicats à analyser. C’est l’objectif de cet
article. Nous laisserons de côté volontairement les considérations stylistiques
sur les caractéristiques du ou des ateliers qui ont travaillé à la décoration
de la basilique, leur inventivité, l’origine des modèles utilisés, etc. pour nous
concentrer ici sur la question de la chronologie de l’édifice. Nous nous inté-
resserons seulement aux éléments qui apparaissent significatifs pour ce
débat : les bases du premier ordre, les chapiteaux du deuxième ordre, puis
les chapiteaux ioniques du premier ordre. Nous avons choisi de présenter
les chapiteaux du deuxième ordre à la suite des bases du premier ordre car,
aussi bien pour les bases que pour les chapiteaux composites inversés, nous
avons pu distinguer deux types et des pièces d’un même type ont été sciées et
remployées dans la basilique.
33
Gros, 2006, pp. 87 et 90.
34
Fincker, Sillières, 1999, p. 270.
35
Gros, 2006, p. 84.
36
Didierjean et al., 1986, pp. 90-94.
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ordre ont été mises au jour37 : dix-sept bases étaient en place ; la base de la
colonne IX38 a été repositionnée par les soins de Jean-Louis Paillet et Claude
Ney ; tandis que la base de la colonne XIV faisait défaut. « Malgré quelques
incertitudes », le bloc nº 420 a été attribué à la base de colonne XVII. Nous
n’avons pas identifié le bloc en question qui a dû être réutilisé dans l’anasty-
lose après une restauration, mais un croquis des fiches d’inventaire montre
que le bloc 420 est une demi-base ou une base qui a été sciée sur toute une
moitié de sa circonférence. Dans ces conditions, il est douteux que le bloc ait
fait partie d’une colonne dans le dernier état de la basilique ; il pouvait s’agir
d’une des bases sciées remployées (voir infra).
Aujourd’hui, à l’emplacement des colonnes XIV et XVI, il ne subsiste que
les blocs de stylobate de plan carré alors que la base de la colonne XVI a été
trouvée in situ (bloc nº 1160). Certes, une colonne du premier ordre a été
remontée au musée. Il n’en reste pas moins que le remontage des blocs par
les restaurateurs présente des erreurs. La comparaison des dessins de profil39
avec les bases sur le site permet par exemple de constater que le profil dessiné 279
de la base de colonne XVI correspond aujourd’hui à la base de colonne XV.
De même, le dessin de la base XV se réfère probablement à l’actuelle base
de colonne XVIII ; le dessin du profil de la base XVIII est celui de la base de
l’actuelle colonne XVII, qui n’est nullement le bloc nº 420. Ces erreurs ou
imprécisions du remontage ne facilitent pas l’identification des blocs, d’au-
tant moins que les numéros d’inventaire n’ont pas été inscrits sur les blocs
remontés, sauf quelques exceptions. Ainsi, dans la suite du texte, lorsque
nous évoquerons une colonne, identifiable par son numéro (de I à XX) sans
autre indication, il s’agira de la colonne visible aujourd’hui, telle qu’elle a été
remontée, et non pas nécessairement de la colonne dans sa position d’origine.
Description
De manière générale, les bases attiques sans plinthe, qui sont taillées avec
la partie inférieure du fût, sont assez grossières (fig. 1-2, p. 280), ce qu’avait
bien noté Jean-Louis Paillet40. Il existe de grandes irrégularités dans les profils
et les dimensions des moulures, même au sein d’une même pièce. On note
aussi des différences importantes dans la hauteur des bases : les hauteurs,
du scamillus au tore supérieur, sont comprises entre 31 et 40,5 cm, la base
la plus petite étant la base de colonne XII. Enfin, tout aussi importante est
37
Voir Ney, Paillet, 2006, p. 113, fig. 15, 18 et le tableau de p. 113 avec les numéros des blocs de
base en gras. Dans Ney, Paillet, 2006, p. 99, il est mentionné la découverte de seulement seize bases
en place alors que plus loin on mentionne, à juste titre, dix-sept bases en place (p. 113).
38
Nous avons gardé l’ordre de la numérotation des colonnes qui a été adopté par Jean-Louis Pai-
llet, avec une numérotation dans le sens horaire en partant de la colonne de l’angle nord-est (Ibid.,
p. 99). Nous avons aussi conservé les chiffres romains pour la désignation des colonnes, afin d’éviter
les confusions avec les numéros des blocs.
39
Ibid., fig. 7 p. 100.
40
Ibid., pp. 100 et 113.
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41
Des bases avec une scotie haute et droite apparaissent aussi dans les temples du Capitole (tem-
ples B et C : Bonneville et al., 2000, p. 112), au forum, et au sanctuaire d’Isis (salle P3 : Dardaine
et al., fig. 69 p. 133), mais pas de manière aussi systématique.
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Une distinction entre deux types de bases peut être faite en utilisant un
autre indice qui saute aux yeux car il ne repose pas sur le détail de la mou-
luration, mais sur la nature du matériau et sa couleur. La majorité des bases
du premier ordre sont sculptées dans un calcaire jaunâtre, alvéolaire, riche en
fossiles et en coquillages, tandis que la plupart des tambours du fût et tous
les blocs de stylobates sont taillés dans une calcarénite sableuse de couleur
gris clair, qui comporte moins de coquillages que la pierre précédente et qui
est de plus grande densité. La calcarénite jaune riche en fossiles correspond
probablement à la caliza tosca ou alvero décrite dans l’ouvrage Belo et son
environnement42. Il ne serait pas inutile d’examiner les blocs de tous les édi-
fices de Baelo afin de déterminer si ce matériau est fréquent et s’il peut servir
d’indices chronologiques pour la construction de la cité.
Au total, on relève l’utilisation de bases grossières en calcaire jaune pour au
moins quatorze colonnes — les colonnes actuelles I à XI et XVIII à XX43 —
tandis que pour trois bases, on peut hésiter sur la nature du matériau (les bases
des colonnes XIII et XV et la base exposée au musée). La base de colonne XVII 283
comporte aussi une mouluration grossière, mais elle n’est pas en calcaire jaune.
Elle est sculptée dans un calcaire foncé, qui est toutefois très alvéolaire.
Une base est clairement sculptée dans une calcarénite grise non alvéolaire,
qui est de même nature que la majorité des tambours. Ce n’est certainement
pas un hasard s’il s’agit de la base de colonne XII. La grossièreté de la mou-
luration des bases en calcaire jaune riche en fossiles s’explique peut-être
en partie par le fait que ce matériau se taille moins bien que la calcarénite
sableuse de couleur grise. On aurait pu imaginer que les bases ont été taillées
dans ces deux calcaires d’aspect différent à la même époque s’il n’y avait pas
d’autres éléments qui permettent de penser que les deux types de bases ont
appartenu à deux états de la basilique.
42
Ménanteau et al., 1983, p. 128.
43
Si la base de colonne XX est moins riche en fossiles, elle est nettement plus claire que les tam-
bours du fût.
44
Ces bases sont mentionnées dans Ney, Paillet, 2006, p. 111. Plus précisément, il s’agit des
blocs nº 117, 119, 250, 343, 409, 419, 427, 456 et 825. À cette liste, peut-être faut-il ajouter le bloc
nº 420, même s’il n’a pas été scié de la même manière (voir supra).
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diamètre compris entre 68,3 et 71 cm. Les bases sciées se rapprochent davan-
tage de la base de colonne XII que des autres pièces : elles sont taillées dans
une calcarénite grise et, lorsque l’état de conservation permet de le préciser,
on remarque que le profil est régulier, avec des tores semi-circulaires, un tore
supérieur en net retrait par rapport au tore inférieur et des listels présents.
Ces bases, alors non sciées, pourraient appartenir au premier état de la
basilique 2. Dans un deuxième état, la plupart des bases auraient été rempla-
cées par des pièces de même type général et de dimensions équivalentes, mais
qui étaient plus grossières et réalisées dans un matériau différent, ce calcaire
jaune riche en coquillages. Quelques bases du premier état auraient toutefois
été conservées, comme la base de colonne XII. Ce qui complique les possi-
bilités, c’est que l’on pourrait aussi imaginer que les bases proviennent de la
basilique 1 et qu’elles ont été sciées dans l’état 1 de la basilique 2 ou encore
dans le deuxième état de cet édifice.
284
Les chapiteaux « composites inversés »
Description générale
Les blocs sont solidaires de la partie supérieure du fût, qui se termine par
un listel et un astragale de perles et de pirouettes46. Un listel fait la transition
avec une échine ionique, flanquée de feuilles d’angle, et qui est surmontée
45
Ibid., p. 111.
46
On pourrait néanmoins considérer, comme pour les chapiteaux du macellum, que l’astragale
appartenait au chapiteau (Didierjean et al., 1986, pp. 209-211).
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Blocs sciés
Parmi les seize chapiteaux étudiés, au moins deux blocs ont été remployés.
La pièce nº 167 a été sciée verticalement sur trois faces qui sont désormais
lisses47. Le bloc nº 40 (fig. 5) a été scié sur une face, bûché sur une autre face
tandis qu’une troisième face, qui était prise dans le mortier, a été bûchée de 285
manière grossière. D’autres blocs sont tellement dégradés qu’ils pourraient
aussi avoir été remployés, sans qu’il n’y ait aucune certitude.
47
L. (entre les deux faces latérales) : de 37 à 39 cm ; ht. : ca 50 cm.
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48
Précisons que les différences de couleur et de matériaux sont difficiles à apprécier sur des blocs
isolés. Il est plus facile de comparer les matériaux quand les pièces sont disposées côte à côte ou l’une
sur l’autre, ce qui est le cas des bases qui ont été replacées sous les fûts de colonnes.
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Nous excluons l’idée que les deux types sont contemporains, que ces diffé-
rences dénotent simplement le travail maladroit d’une partie des sculpteurs,
et que les deux chapiteaux sciés ont été remployés à un moment de réaména-
gement tardif de l’édifice alors en partie en ruine, de la même manière qu’un
chapiteau ionique du premier ordre a été réutilisé dans le bouchage de la
porte centrale nord50. Ce serait oublier les neuf ou dix bases sciées qui s’ajou-
tent aux bases du premier ordre trouvées presque au complet.
Dans la mesure où les deux blocs qui ont été remployés sont du type à
trois oves, il est légitime de supposer que les chapiteaux du deuxième ordre
présentaient à l’origine un astragale de perles et de pirouettes et une échine à
trois oves. Dans un deuxième état, une partie de ces chapiteaux auraient été
remployés et remplacés par des chapiteaux plus simplifiés à un ove ou des
chapiteaux similaires à trois oves, mais avec des perles et pirouettes schéma-
tiques (pièces nº 942 et 756).
49
Précisons seulement que sur une des pièces, le bandeau ne semble pas avoir été sculpté de
perles et de pirouettes.
50
Ney, Paillet, 2006, p. 101.
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51
Le Roux et al., 1983, p. 418 ; Ney et Paillet, 2006, p. 101 et fig. 8 p. 102.
52
Ney, Paillet, 2006, p. 107.
53
Ibid., p. 111 et tableau p. 113 avec la liste des numéros d’inventaire. Le plan de situation des
blocs effondrés de l’ordre ionique (ibid, fig. 15 p. 112) ne montre que dix-huit chapiteaux ioniques :
aucun chapiteau n’est attribué à la colonne V et à la colonne XVI. Le bloc nº 1519 a pourtant bien
été attribué à la colonne XVI (ibid, p. 113).
54
Il faudra cependant s’en assurer par une comparaison de détail de chaque élément.
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dans une calcarénite grise, du moins pour ce que l’on peut en juger avec les
pièces qui ne sont pas recouvertes de stuc. Les chapiteaux sont solidaires de
la partie supérieure du fût qui se termine, sans congé intermédiaire, par un
bandeau – matérialisé seulement dans le stuc – et par un astragale de perles
et de pirouettes, qui était, le plus souvent, déjà sculpté dans la pierre. Pour les
six blocs que nous avons pu mesurer facilement, le diamètre au lit de pose
est compris entre 60 et 61 cm pour une hauteur de 40,5 à 44,9 cm. L’échine
ionique des chapiteaux, dépourvue de palmettes, présente un ovolo de trois
oves séparés par des fers de lance ou par des pointes de flèches. L’ovolo était
aussi le plus souvent sculpté dans la pierre avant d’être recouvert de stuc. Un
espace sépare le sommet de l’échine ionique du canal de volute. Ce dernier
est constitué d’un bandeau horizontal taillé dans la pierre, qui était recouvert
de deux listels en stuc, dont le second était en ressaut. Les volutes reposent
sur le même plan horizontal que la partie inférieure de l’échine, selon une
disposition qui n’est pas la plus courante, mais dont on connaît des parallèles.
Elles décrivent deux révolutions autour d’un fleuron sculpté en stuc. Le plus
fréquemment, les balustres sont ornés au centre d’un baudrier formé simple-
ment de deux torsades, d’où s’échappent des feuilles d’eau horizontales et des
palmettes dont la forme était en général en partie ébauchée dans la pierre.
À la différence des autres pièces, le chapiteau de la colonne X comporte des
balustres avec un décor de feuilles d’acanthe ; le baudrier est aussi différent
par la présence d’un bandeau strié entre deux orles torsadés (fig. 9, p. 290).
Pour les dix-huit chapiteaux, le tracé des balustres n’est pas droit, mais il
accuse une courbure convexe au centre entre deux parties concaves. Dans la
Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 40 (2), 2010, pp. 273-296. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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pierre, la sculpture de l’abaque était constituée d’un premier listel suivi d’un
deuxième listel en ressaut, lui-même séparé d’un troisième listel par un vide.
L’espace était rempli par du stuc et le second listel devait aussi être recouvert
de stuc, de telle manière que la mouluration stuquée de l’abaque comportait
un bandeau entre deux listels, avec le premier listel en retrait.
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Cette pièce, qui est plus schématique que les autres et qui est taillée dans
une calcarénite différente, atteste probablement une restauration partielle
des chapiteaux ioniques.
291
Datations stylistiques
La datation des bases par le simple examen des profils n’est pas possible ici.
Évidemment, les bases qui sont dépourvues de plinthe, dont les tores peuvent
avoir des hauteurs équivalentes et qui sont solidaires de la partie inférieure
des fûts, sont bien connues à la fin de la République et au début de l’époque
augustéenne. Toutefois, à Baelo, cette typologie n’a pas de valeur chronolo-
gique55. En ce qui concerne le détail de la scotie verticale haute, on trouvera
aussi bien des exemples anciens que des comparaisons récentes, en particulier
parmi les bases avec des plinthes.
Il ne faut espérer aucun élément chronologique des fûts ni même des cor-
niches lisses de l’ordre supérieur et du parapet. Les corniches modillonnaires
lisses pourraient éventuellement fournir quelques indices si l’on trouvait des
comparaisons bien datées au décor particulier des modillons.
Le cas des chapiteaux composites inversés est très délicat. Nous n’avons pas
grand espoir de régler la question de la chronologie avec les motifs décoratifs
qui sont, de manière générale, assez grossiers, et nous manquons de parallèles
55
Fellague, en cours de préparation. D’autres chercheurs n’ont pas manqué de souligner
l’archaïsme de la décoration de cette cité (Gros, 2006 ; Ney, Paillet, 2006, p. 132).
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56
Didierjean et al., 1986, p. 214-217. Pierre Gros a souligné la non-pertinence des comparaisons
proposées (Gros, 2006, p. 85).
57
Ibid., p. 213.
58
Ibid., pp. 202 et 211, fig. 151 et 154.
59
Ibid., 1986, note 68 p. 262.
60
Von Hesberg, 1990, p. 349 (à propos des chapiteaux du macellum).
61
Ibid., p. 348.
62
Gutiérrez Behemerid, 1992, nº 84-90, pp. 32-33.
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plus que l’on sait qu’à Baelo on a continué pendant des décennies à s’ins-
pirer de formes anciennes.
Il y a pourtant bien un élément des chapiteaux ioniques sur lesquels les spé-
cialistes de décoration n’ont pas insisté et qui fournit un terminus post quem :
les rangs d’oves avec leurs flèches reliées aux coquilles par un tenon hori-
zontal semblent difficilement antérieurs à l’époque flavienne. Ces pointes de
flèches montrent une assez grande diversité. Il existe des flèches assez simples
dont la pointe est un triangle assez grossier sculpté dans la pierre et dans le
stuc. Plus élégantes sont les flèches dont la pointe dessine des bords concaves,
comme sur le chapiteau de l’actuelle colonne X. On compte aussi des motifs
qui ressemblent à des fers de lance, mais qui peuvent êtres considérés comme
des flèches atrophiées, et qui se distinguent des véritables fers de lance aussi
présents sur certaines faces des chapiteaux.
Ce type d’oves peut se rencontrer aussi bien à l’époque flavienne qu’au iie siècle
apr. J.-C. voire au début du iiie siècle. Les feuilles d’acanthe qui ornent les balustres
du chapiteau X orienteraient plutôt vers la fin du ier siècle ou le iie siècle apr. J.-C. 293
Conclusion
L’observation des blocs moulurés de la basilique montre que l’histoire
de l’édifice est plus complexe que ne pourrait le laisser croire l’apparente
homogénéité du matériel. La basilique semble avoir subi un remaniement
important des colonnades comme l’atteste l’examen des bases du premier
ordre et des chapiteaux composites inversés. À une époque qu’il faudra déter-
miner, les bases de colonnes du premier ordre ont été refaites plus ou moins
à l’identique, mais avec des moulurations plus grossières et dans un matériau
différent. Une partie des bases du premier état ont alors été remployées dans
la maçonnerie de la basilique. Peut-être à la même époque, certains chapi-
teaux du deuxième ordre ont été remployés et l’on a taillé des chapiteaux
similaires, mais plus schématiques. D’autres blocs des colonnades ont pu
subir des modifications, que nous n’avons pas encore mises en évidence.
Les chapiteaux ioniques du premier ordre datent probablement du pre-
mier état de la basilique dont on voit les vestiges (édifice 2). La construction
de la basilique devrait donc être placée à partir de l’époque flavienne et l’on
serait tenté de la mettre en relation avec l’érection d’une statue de Domi-
tien, du moins si le portait de Trajan est bien une tête de Domitien retaillée,
comme l’a proposé Marianne Bergmann63.
Comme dans les autres villes occidentales, il semblerait que ce soit à l’époque
flavienne et dans la première moitié du iie siècle qu’il faille placer les grands
63
Bergmann 1997, p. 142. Nous remercions Maria-Pia Darblade-Audoin pour cette référence.
Le nouvel examen du togatus et de la tête par cette spécialiste de sculpture apportera probablement
des informations utiles à la chronologie, en plus des informations stylistiques essentielles à la con-
naissance de la statuaire.
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actualité de la recherche chronique d’archéologie
64
Sur le rapport entre la promotion juridique et la monumentalisation des cités hispano-romai-
nes, voir Goffaux, 2003.
65
Dardaine et al., 2008, p. 50.
66
Sillières, 1995, p. 144 (chronologie de 60-70) ; Gros, 2006, p. 89. La mise en évidence, grâce
aux matériaux, de deux phases au théâtre ne contredit pas pour l’instant cette chronologie car rien
n’indique que la première phase est augustéenne. Au contraire, l’étude céramologique en cours
de M. Bustamante (Université de Cadix) du matériel qui provient des derniers sondages (2009,
2010) indiquerait l’existence de deux phases dont la première serait tardo-néronienne ou du
début d’époque flavienne et la seconde d’époque flavienne avancée. Nous remercions Macarena
Bustamante et Oliva Rodríguez Gutiérrez pour cette information. Ces résultats seront développés
prochainement dans la publication de l’édifice, dirigée par Myriam Fincker.
67
Sillières, 1995, p. 96.
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Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 40 (2), 2010, pp. 273-296. ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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Mots-Clés
Baelo Claudia, Basilique, Décor architectural romain, Bases, Chapiteaux, Réemploi.
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