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actualité de la recherche chronique d’archéologie

Chronique d’archéologie
Le décor architectural de la basilique de Baelo Claudia :
contribution à la connaissance de la chronologie de l’édifice
• Djamila Fellague, Université de Grenoble

Introduction 273
De 1972 à 1982, les vestiges d’une basilique sont mis au jour à Baelo Claudia
au sud de la place du forum, entre le decumanus maximus et une place dal-
lée1. Les murs étaient conservés sur une hauteur de 1,50 m à 4 m tandis que
toutes les colonnades ont été trouvées effondrées. La ruine de l’édifice a été
expliquée par un tremblement de terre2, qui aurait dévasté toute la cité3 au
milieu du iiie siècle apr. J.-C., plutôt que par une destruction volontaire. Le
bâtiment de 35,83 m de long sur 19,95 m de large (hors œuvre), qui était
composé intérieurement d’une colonnade entourant un espace rectangulaire
et se développant sur deux niveaux, constituait un des édifices majeurs du
centre monumental de cette petite cité du détroit de Gibraltar. Aujourd’hui
encore, avec une partie de ses colonnes remontées et le moulage d’une statue
de Trajan dont l’original est conservé au musée archéologique de Cadix, la
basilique présente des signes de romanité manifestes qui en font un monu-
ment impressionnant pour le visiteur.
L’article le plus complet sur l’édifice a été publié récemment par l’archi-
tecte et chercheur Jean-Louis Paillet, en collaboration avec Claude Ney4. Une

1
  Elle est communément dénommée la « place dallée » ou la « place méridionale ». Voir Sillières,
1995, pp. 125-126.
2
  Fincker, Sillières, 1999, pp. 264 et 271 ; Sillières, 1995, pp. 57-59 et 2006, pp. 44-45. Plus pré-
cisément, la fin de l’utilisation de la basilique a été datée du début du iiie siècle par une monnaie de
Septime Sévère (frappée en 194-195) trouvée dans une première couche de démolition de l’édifice. La
pièce est signalée sous une corniche (Le Roux et al., 1983, p. 417) ou sous un tambour de fût de colonne
(Sillières, 1993, p. 148). Suite à l’effondrement des colonnes, une destruction lente a pu durer jusque
vers le milieu du ive siècle et l’édifice a été en partie arasé et réoccupé (Sillières, 1995, p. 114).
3
  Pourtant, François Didierjean considérait que le macellum ne semblait « pas avoir été victime
d’une de ces destructions brutales, par incendie, séisme ou éruption [...] [et qu’il] resta longtemps
debout, inutilisé, dépouillé de tous les équipements qui pouvaient être utilisés, et même probable-
ment de sa parure ornementale » (Didierjean et al., 1986, p. 98).
4
  Ney, Paillet, 2006.

Mélanges de la Casa de Velázquez. Nouvelle série, 40 (2), 2010, pp. 273-296.


ISSN : 0076-230X. © Casa de Velázquez.
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monographie sur la basilique, qui paraîtra dans le prochain volume de la


collection Belo de la Casa de Velázquez (La basilique. Belo IX), est en prépara-
tion, sous la direction de Patrick Le Roux et Pierre Sillières. Dans le cadre de
ce projet de publication, nous avons été chargée de mener une étude stylis-
tique des éléments d’architecture de l’édifice. Nos observations sur le site ont
débuté en février 2010, grâce à une bourse accordée par la Casa de Velázquez5.
Les conditions d’observations n’ont pas toujours été idéales cet hiver (pluies
abondantes  ; boue dans le dépôt de blocs à l’extérieur). En outre, l’enche-
vêtrement des blocs empêche un examen minutieux de toutes les faces et il
n’était pas concevable, en si peu de temps, de faire déplacer des milliers de
blocs. De nombreuses observations devront être vérifiées sur le terrain, de
même qu’il serait souhaitable de disposer de temps pour poursuivre l’analyse
comparative. Les résultats préliminaires que nous livrons ici seront dévelop-
pés dans la monographie, et nous espérons qu’il sera possible d’aller plus
loin dans la réflexion grâce à une collaboration avec Jean-Louis Paillet. Des
274 échanges de points de vue avec le chercheur qui connaît le mieux la basi-
lique sont indispensables et conduiront sans doute à des modifications de cet
article, qui n’est qu’une étape dans la réflexion.

Brève description des ordres de la basilique


Au moins 1 188 blocs ont été découverts lors du dégagement de l’édifice6.
Les pièces sont aujourd’hui dispersées entre la basilique, le forum et un
dépôt de blocs situé au nord-ouest de la ville antique où l’on a entreposé des
pièces de diverses provenances, sans dresser un inventaire avec la position de
chaque bloc7. Quelques éléments sont par ailleurs au musée de Baelo, dont
une colonne du premier ordre qui est exposée. Les blocs de la basilique sont
documentés par des fiches déposées au musée par Jean-Louis Paillet8. Pour de
nombreux blocs, les numéros d’inventaire inscrits sur des pastilles de mortier
ne sont plus visibles, ce qui ne facilite pas leur identification.
5
  Que Pierre Sillières, qui nous a sollicité pour cette étude, ainsi que le directeur de la Casa
de Velázquez (Jean-Pierre Étienvre) et son directeur des études anciennes et médiévales (Daniel
Baloup) trouvent ici l’expression de notre gratitude. Nous remercions toute l’équipe du musée de
Baelo et son directeur Ángel Muñoz, pour leur accueil un mois cet hiver. Nous sommes enfin recon-
naissante envers Jean-Charles Moretti et Myriam Fincker pour leur lecture critique.
6
  En réalité, il doit y en avoir un peu plus puisque des blocs avec les numéros d’inventaire 1546,
1551 et 1552 ont été attribués à la basilique (voir infra les chapiteaux composites inversés et les
chapiteaux ioniques). Le nombre précis de blocs découverts qui provient de la basilique est diffi-
cile à fournir car des pièces inventoriées sont étrangères à la basilique et, pour plusieurs blocs,
l’attribution est incertaine (attribution à la basilique ou à la place dallée voisine pour les pièces nº
1168-1197, 1533).
7
  Seule la position des blocs du théâtre qui ont été rangés dans ce dépôt est connue grâce à
l’équipe qui étudie l’édifice, sous la direction de Myriam Fincker.
8
  Malheureusement, ce ne sont que des photocopies recto des fiches, qui étaient aussi écrites au
verso, et les fiches de plusieurs blocs manquent. L’inventaire que nous avons consulté s’arrête à la
fiche 1197 et reprend avec les numéros 1504-1531 et 1533, mais il devait se poursuivre au moins
jusqu’au bloc 1552.

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Cette masse abondante de pièces a permis à Jean-Louis Paillet de restituer


une basilique à deux niveaux de vingt colonnes chacun avec un premier ordre
composé de bases attiques sans plinthe ; de fûts lisses ; de chapiteaux ioniques
à balustres, qui sont pour l’instant les seuls chapiteaux ioniques de Baelo ; et
d’un entablement avec des corniches modillonnaires. Le décor des modillons,
dont on ne connaît que la forme ébauchée dans la pierre, paraît original9.
Pour expliquer l’absence apparente de véritables architraves en pierre à Baelo,
des architraves en bois ont été restituées au-dessus des chapiteaux10, comme
au macellum11. Toutefois, aucun bloc de liaison en pierre entre les architraves
en bois restituées n’a été identifié et cette solution ingénieuse n’explique pas
les décrochements nombreux que l’on observe sur les blocs de «  pseudo-
architraves »12 qui prenaient place entre les chapiteaux et la frise.
Les colonnes du deuxième ordre, superposées à celle du premier, étaient
constituées de bases attiques sans plinthe ; de fûts lisses, dont quelques-uns
présentent des traces de retaille ; et de chapiteaux particuliers, identifiés dès
leur découverte à des chapiteaux composites13, mais qui présentent une échine 275
ionique surmontée d’hélices et de volutes. Ces pièces ont été dénommées
chapiteaux composites inversés par Jean-Louis Paillet à cause de l’inversion
des registres  ; ils sont aussi appelés chapiteaux mixtes par María Ángeles
Gutiérrez Behemerid14. L’entablement de cet ordre se terminait par des cor-
niches lisses sans modillons composées de deux doucines entre listels. Après
examen du plan des blocs effondrés jointifs15, on peut douter que les bases de
l’ordre supérieur reposaient directement sur les corniches du premier ordre,
comme cela a été retenu dans la restitution16. «  L’ensemble nº 5  » montre
une superposition de l’entablement du premier ordre avec quatre assises de
blocs parallélépipédiques qui sont surmontées de corniches à double dou-
cine attribuées au deuxième ordre17. Les quatre assises et les couronnements
lisses pourraient plutôt faire partie du parapet au-dessus des colonnes du
premier ordre. On remarquera d’ailleurs que ces couronnements présentent

9
  Il présente une nervure centrale, qui peut affecter la forme d’une flèche à l’envers ou d’un fer de
lance, et des extrémités divisées en deux parties renflées ; le motif peut ainsi faire penser à la forme
générale d’un papillon.
10
  Ney, Paillet, 2006, pp. 118-120.
11
  Didierjean et al., 1986, pp. 238-243. Une solution identique a été adoptée pour les temples du
Capitole (Bonneville et al., 2000, p. 173).
12
  Ney, Paillet, 2006, p. 118.
13
  Le Roux, 1973, pp. 764-765 ; Le Roux, 1975, p. 199.
14
  Gutiérrez Behemerid, 1992, pp. 175 sq.
15
  Ney, Paillet, 2006, fig. 18 p. 117 ; voir aussi la coupe fig. 19 p. 118.
16
  Ibid., 2006, fig. 16, 17, 23, 31.
17
  Voir aussi la photographie publiée en couverture de l’ouvrage sur le macellum (Didierjean et
al., 1986). En faisant le lien entre le plan de blocs effondrés jointifs (Ney, Paillet, 2006, fig. 18), le
plan de situation de l’ensemble des blocs effondrés (Ibid., fig. 14) et les fiches d’inventaire déposées
au musée, on peut s’assurer qu’il s’agit de corniches à double doucine (nº 1084 à 1088).

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un ressaut au lit d’attente qui pouvait servir de stylobate18. Ceci pose alors
la question du type de corniches de l’entablement du deuxième ordre. En
dépouillant très rapidement les fiches d’inventaire, on se rend compte qu’il
y a en réalité au moins deux types de couronnement à double doucine. Des
blocs d’une hauteur de 35 à 59,5 cm (le plus souvent la hauteur est comprise
entre 38 et 46 cm), et qui comportent un ressaut sur le lit d’attente en bordure
de la face postérieure, seraient restituables en couronnement du parapet. Des
blocs au lit d’attente complètement horizontal, avec une hauteur inférieure
(28-32 cm le plus souvent), peuvent être attribués à l’entablement du second
ordre.
Les composantes des ordres de la basilique, comme d’ailleurs celles de tous
les édifices de Baelo, étaient revêtues de stuc. Une partie de la décoration
architecturale nous échappe, même si la décoration pouvait être ébauchée
dans la pierre et que les couches de stuc suivaient plus ou moins le profil
des blocs. Heureusement, les vestiges de stuc sont assez importants pour les
276 chapiteaux ioniques et ils attestent l’existence d’une sculpture en stuc d’une
qualité remarquable, ce qui n’est pas vrai pour toutes les pièces en stuc de
Baelo. Ainsi, quelques témoignages de la décoration stuquée des chapiteaux
composites inversés montrent une qualité bien inférieure.

Chronologie
Dès la première année du dégagement de la basilique, on envisageait l’hy-
pothèse d’une construction de l’édifice sous le règne de Claude, en mettant
en relation la promotion juridique de la cité19 à cette époque et une impulsion
de l’urbanisme de Baelo20. Un premier sondage réalisé sous la place dallée
avait mis au jour un matériel homogène qui semblait concorder avec une
telle datation et l’hypothèse aurait été confirmée par des sondages effectués
en 197521, puis en 198022. Après des sondages entrepris en 1982, la construc-
tion a été placée sous le règne de Néron, en raison de la découverte d’une
monnaie frappée en 63-66 apr. J.-C., qui fournie une datation légèrement
différente de celle apportée par la céramique23. Quoi qu’il en soit d’une data-
tion claudienne ou néronienne, l’édification de la basilique a été placée vers le
milieu du ier siècle apr. J.-C. Après avoir mis en avant l’accès au rang de muni-
cipe de citoyens romains sous Claude pour expliquer cette construction, on a

18
  Pour le bloc nº 1086 au contraire, une partie du lit d’attente est encaissée à cet endroit.
19
  Sur le statut de la cité, voir Sillières, 1995, p. 29 et Goffaux, 2003, pp. 145-146.
20
  Le Roux, 1973, p. 768 et 1975, p. 205 ; Remesal et al., 1976, p. 496.
21
  Remesal et al., 1976, pp. 476 et 496-497.
22
  Bonneville et al., 1981, p. 430.
23
  Le Roux et al., 1983, pp. 421 et 425 : « On aura noté le décalage chronologique entre les données
de la numismatique et les données de la céramique. On mesure par là la marge d’imprécision des
datations et le résultat de plus significatif de cette campagne est sans doute de placer l’inauguration
de la basilique au cours du règne de Néron, car l’as retrouvé témoigne aussi bien de la première
occupation que de l’installation proprement dite ».

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invoqué une reconstruction de la ville suite à un tremblement de terre, dont


l’existence est possible, mais reste à prouver. Une basilique – comme d’autres
édifices du centre monumental – aurait été construite à l’époque augustéenne
et détruite par le tremblement de terre. Après son arasement, une nouvelle
basilique aurait été bâtie sous Claude ou Néron. Tous les monuments recons-
truits, avec ou non le même plan, mais avec la même fonction, auraient
alors soit remployés des éléments d’architecture du premier état soit imités
les pièces d’architecture antérieures24. Des maçonneries de grande épaisseur
découvertes dans des sondages réalisés sous l’ambulatoire méridional de la
basilique ont d’ailleurs été interprétées comme des vestiges de la première
basilique augustéenne (fin ier siècle av. J.-C.)25. Ce monument, que l’on peut
appeler l’édifice 1 ou la supposée basilique 1, avait la même orientation que la
basilique (édifice 2), mais il n’était pas situé au même emplacement, puisqu’il
se développait, pour l’essentiel, sous la place méridionale. Malheureusement,
on ignore le plan précis de cette éventuelle première basilique. On peut sim-
plement constater que le plan de la basilique qui aurait été construite sous 277
Claude ou Néron (édifice 2) est caractéristique du schéma des plus anciennes
versions de basilique dans les provinces occidentales, au début de l’Empire26.
On se souvient que l’idée du tremblement de terre qui aurait ravagé la ville
vers le milieu du ier siècle apr. J.-C. est née : de l’observation de l’enceinte,
qui a été reconstruite sur une grande partie de son pourtour ou qui a subi
des réparations partielles27 ; de l’hypothèse que d’autres constructions augus-
téennes ont pu être arasées pour être reconstruites à partir du milieu du ier
siècle (le sanctuaire d’Isis28 ; le « Capitole »29 ; la basilique ; des maisons30) ;
mais aussi et surtout de l’apparente discordance entre les datations stratigra-
phiques et les datations stylistiques des éléments d’architecture, telle qu’elle
a été décelée aux temples du Capitole31 ou au macellum32. Pour une grande
partie des édifices publics, la stratigraphie oriente vers le milieu du ier siècle
apr. J.-C. ou l’époque flavienne tandis que les datations stylistiques ont été
placées au début de l’époque julio-claudienne. Nous avons eu l’occasion d’in-
tervenir au dernier colloque de Bélo (avril 2010) sur cette question et nous
avons montré, à la suite d’autres chercheurs, la difficulté de se baser sur le

24
  Fincker, Sillières, 1999, p. 270  ; Bonneville et al., 2000, p. 202  ; Dardaine et al., 2008,
pp. 47-48.
25
  Bonneville et al., 1981, pp. 427-430  ; Le Roux et al., 1983, p. 424  ; Ney, Paillet, 2006,
pp. 127-130, fig. 24 et p. 128.
26
  Gros, 1996, p. 248.
27
  Sillières, 1995, pp. 57, 75 et 81-82 ; Fincker, Sillières, 1999, pp. 265-268 et 2006, pp. 45-46.
28
  Dardaine et al., 2008, pp. 48-49.
29
  Ibid, pp. 74-76.
30
  Fincker, Sillières, 1999, p. 267 ; Sillières, 2006, p. 45.
31
  Dardaine et al., 2008, pp. 127-135, 152 et 202.
32
  Pfanner, 1990, pp. 72-73 ; Fincker, Sillières, 1999, pp. 268-270 ; Gros, 2006, pp. 81 et 83 ;
Sillières, 2006, p. 56.

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style des éléments décoratifs à Baelo pour fonder des datations33. Les ateliers
ont reproduit des formes identiques à des époques différentes et des éléments
qui ont servi comme indices chronologiques d’époque augustéenne sont des
traits d’atelier qui ont perduré durant au moins deux ou trois siècles. Pour
plusieurs édifices, la discordance entre les datations stylistiques et la stratigra-
phie n’existe pas et l’hypothèse du tremblement de terre perd donc une partie
de sa raison d’être originelle puisque cette discordance est présentée comme
le fondement de cette théorie34. D’autres fragilités de l’argumentation sur-
gissent. Comme le soulignait récemment Pierre Gros35, le macellum n’est pas
un bon exemple pour appuyer cette théorie d’édifices augustéens détruits au
milieu du ier siècle et reconstruits à l’identique, avec la même fonction, juste
après. Le macellum (état 4) a été daté de l’extrême fin du ier siècle apr. J.-C.
L’état précédent au macellum a été placé au plus tôt sous Néron, après 60 et, si
cette construction de l’état 3 avait même orientation, il ne s’agissait pas pour
autant d’un précédent macellum, mais elle répondait aux contraintes de l’ur-
278 banisme orthonormé de la ville. Au contraire, on a pensé à des constructions
privées, mêlant l’habitat aux activités artisanales36.
Pour la chronologie de la basilique en particulier, presque rien n’a jusqu’ici
été déduit des éléments des ordres exhumés en grand nombre ou des motifs
ornementaux, il est vrai assez rares et délicats à analyser. C’est l’objectif de cet
article. Nous laisserons de côté volontairement les considérations stylistiques
sur les caractéristiques du ou des ateliers qui ont travaillé à la décoration
de la basilique, leur inventivité, l’origine des modèles utilisés, etc. pour nous
concentrer ici sur la question de la chronologie de l’édifice. Nous nous inté-
resserons seulement aux éléments qui apparaissent significatifs pour ce
débat : les bases du premier ordre, les chapiteaux du deuxième ordre, puis
les chapiteaux ioniques du premier ordre. Nous avons choisi de présenter
les chapiteaux du deuxième ordre à la suite des bases du premier ordre car,
aussi bien pour les bases que pour les chapiteaux composites inversés, nous
avons pu distinguer deux types et des pièces d’un même type ont été sciées et
remployées dans la basilique.

Les bases du premier ordre

Nombre de bases mises au jour et restauration imprécise


Le plan de localisation des blocs effondrés dressé lors du dégagement de
l’édifice et les indications apportées par Jean-Louis Paillet dans la dernière
publication informent que dix-huit ou dix-neuf des vingt bases du premier

33
  Gros, 2006, pp. 87 et 90.
34
  Fincker, Sillières, 1999, p. 270.
35
  Gros, 2006, p. 84.
36
  Didierjean et al., 1986, pp. 90-94.

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ordre ont été mises au jour37 : dix-sept bases étaient en place ; la base de la
colonne IX38 a été repositionnée par les soins de Jean-Louis Paillet et Claude
Ney ; tandis que la base de la colonne XIV faisait défaut. « Malgré quelques
incertitudes », le bloc nº 420 a été attribué à la base de colonne XVII. Nous
n’avons pas identifié le bloc en question qui a dû être réutilisé dans l’anasty-
lose après une restauration, mais un croquis des fiches d’inventaire montre
que le bloc 420 est une demi-base ou une base qui a été sciée sur toute une
moitié de sa circonférence. Dans ces conditions, il est douteux que le bloc ait
fait partie d’une colonne dans le dernier état de la basilique ; il pouvait s’agir
d’une des bases sciées remployées (voir infra).
Aujourd’hui, à l’emplacement des colonnes XIV et XVI, il ne subsiste que
les blocs de stylobate de plan carré alors que la base de la colonne XVI a été
trouvée in situ (bloc nº 1160). Certes, une colonne du premier ordre a été
remontée au musée. Il n’en reste pas moins que le remontage des blocs par
les restaurateurs présente des erreurs. La comparaison des dessins de profil39
avec les bases sur le site permet par exemple de constater que le profil dessiné 279
de la base de colonne XVI correspond aujourd’hui à la base de colonne XV.
De même, le dessin de la base XV se réfère probablement à l’actuelle base
de colonne XVIII ; le dessin du profil de la base XVIII est celui de la base de
l’actuelle colonne XVII, qui n’est nullement le bloc nº 420. Ces erreurs ou
imprécisions du remontage ne facilitent pas l’identification des blocs, d’au-
tant moins que les numéros d’inventaire n’ont pas été inscrits sur les blocs
remontés, sauf quelques exceptions. Ainsi, dans la suite du texte, lorsque
nous évoquerons une colonne, identifiable par son numéro (de I à XX) sans
autre indication, il s’agira de la colonne visible aujourd’hui, telle qu’elle a été
remontée, et non pas nécessairement de la colonne dans sa position d’origine.

Description
De manière générale, les bases attiques sans plinthe, qui sont taillées avec
la partie inférieure du fût, sont assez grossières (fig. 1-2, p. 280), ce qu’avait
bien noté Jean-Louis Paillet40. Il existe de grandes irrégularités dans les profils
et les dimensions des moulures, même au sein d’une même pièce. On note
aussi des différences importantes dans la hauteur des bases  : les hauteurs,
du scamillus au tore supérieur, sont comprises entre 31 et 40,5 cm, la base
la plus petite étant la base de colonne XII. Enfin, tout aussi importante est

37
  Voir Ney, Paillet, 2006, p. 113, fig. 15, 18 et le tableau de p. 113 avec les numéros des blocs de
base en gras. Dans Ney, Paillet, 2006, p. 99, il est mentionné la découverte de seulement seize bases
en place alors que plus loin on mentionne, à juste titre, dix-sept bases en place (p. 113).
38
  Nous avons gardé l’ordre de la numérotation des colonnes qui a été adopté par Jean-Louis Pai-
llet, avec une numérotation dans le sens horaire en partant de la colonne de l’angle nord-est (Ibid.,
p. 99). Nous avons aussi conservé les chiffres romains pour la désignation des colonnes, afin d’éviter
les confusions avec les numéros des blocs.
39
  Ibid., fig. 7 p. 100.
40
  Ibid., pp. 100 et 113.

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280

Fig. 1. — Base de la colonne V (photographie D. Fellague)

Fig. 2. — Base de la colonne XI (photographie D. Fellague)

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la variation dans les hauteurs du tronçon du fût solidaire de la base, mais


ceci n’a pas d’incidence sur les proportions des éléments de la colonne. Pour
beaucoup d’exemplaires, la partie du fût qui a été taillée avec la base a une
forme générale tronconique, qui semble parfois mal s’adapter avec le reste
du profil de la colonne. Ce détail contribue à renforcer l’aspect relativement
grossier des bases.
Plus précisément, au-dessus d’un scamillus, les bases comportent deux
tores qui encadrent une scotie verticale. La hauteur particulièrement haute de
ces scoties verticales distingue les bases de la basilique des bases de plusieurs
édifices de Baelo41. La mouluration des tores est souvent assez plate au milieu.
Quelques exemplaires offrent cependant une moulure avec un véritable profil
semi-circulaire, comme le tore inférieur de la base de colonne III.
Les deux tores peuvent avoir des hauteurs similaires ou identiques (I,
V, XV). Dans d’autres cas, le tore supérieur est moins haut (III, VII, IX, X,
XII, XIX) et il arrive que ce soit le tore inférieur qui possède une dimension
moindre (XVII, XX). La taille étant assez grossière, sur la même base – telle 281
la base de colonne II – la hauteur du tore supérieur peut à la fois être infé-
rieure, équivalente ou supérieure à la hauteur du tore inférieur, selon les
endroits!
Les tores sont soit plus ou moins tangents au même nu (V, IX, X, XV, XVII,
XIX, XX) soit au contraire le tore supérieur est en retrait, léger ou prononcé
(I, III, IV, VII, XI, XII, XIII, XVIII). Pour la base de colonne VIII, le tore supé-
rieur paraît à un endroit légèrement en avancée par rapport au tore inférieur.
Toutefois cette partie a été restaurée, ce qui empêche une vérification de cette
particularité, et ailleurs sur cette base, le tore supérieur est au même nu voire
en retrait.
La scotie est encadrée par des listels, mais il arrive que le listel du dessus soit
mal taillé ou absent. Au-dessus du tore supérieur prend place un listel corres-
pondant à la première moulure du fût. Le congé qui devrait assurer la transition
avec la partie verticale du fût est souvent peu prononcé voire absent.

Distinction de deux types de bases


Si, de manière générale, les moulurations des bases sont grossières, aussi
bien par leur profil, leur variation de dimensions et leur irrégularité, au moins
une base se distingue du lot : la base de colonne XII (fig. 3, p. 282). Cette base
présente une hauteur plus faible ; elle est moins grossière que les autres pièces
; le profil des moulures est net et régulier ; le tore supérieur est en retrait pro-
noncé par rapport au tore inférieur ; les tores ont un profil semi-circulaire ;
tous les listels sont sculptés ; il existe un véritable congé de raccord du fût et
le fût ne paraît pas tronconique.

41
  Des bases avec une scotie haute et droite apparaissent aussi dans les temples du Capitole (tem-
ples B et C : Bonneville et al., 2000, p. 112), au forum, et au sanctuaire d’Isis (salle P3 : Dardaine
et al., fig. 69 p. 133), mais pas de manière aussi systématique.

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282

Fig. 3. — Base de la colonne XII (photographie D. Fellague).

Fig. 4. — Base de colonne sciée, nº 117 (photographie D. Fellague)

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Une distinction entre deux types de bases peut être faite en utilisant un
autre indice qui saute aux yeux car il ne repose pas sur le détail de la mou-
luration, mais sur la nature du matériau et sa couleur. La majorité des bases
du premier ordre sont sculptées dans un calcaire jaunâtre, alvéolaire, riche en
fossiles et en coquillages, tandis que la plupart des tambours du fût et tous
les blocs de stylobates sont taillés dans une calcarénite sableuse de couleur
gris clair, qui comporte moins de coquillages que la pierre précédente et qui
est de plus grande densité. La calcarénite jaune riche en fossiles correspond
probablement à la caliza tosca ou alvero décrite dans l’ouvrage Belo et son
environnement42. Il ne serait pas inutile d’examiner les blocs de tous les édi-
fices de Baelo afin de déterminer si ce matériau est fréquent et s’il peut servir
d’indices chronologiques pour la construction de la cité.
Au total, on relève l’utilisation de bases grossières en calcaire jaune pour au
moins quatorze colonnes — les colonnes actuelles I à XI et XVIII à XX43 —
tandis que pour trois bases, on peut hésiter sur la nature du matériau (les bases
des colonnes XIII et XV et la base exposée au musée). La base de colonne XVII 283
comporte aussi une mouluration grossière, mais elle n’est pas en calcaire jaune.
Elle est sculptée dans un calcaire foncé, qui est toutefois très alvéolaire.
Une base est clairement sculptée dans une calcarénite grise non alvéolaire,
qui est de même nature que la majorité des tambours. Ce n’est certainement
pas un hasard s’il s’agit de la base de colonne XII. La grossièreté de la mou-
luration des bases en calcaire jaune riche en fossiles s’explique peut-être
en partie par le fait que ce matériau se taille moins bien que la calcarénite
sableuse de couleur grise. On aurait pu imaginer que les bases ont été taillées
dans ces deux calcaires d’aspect différent à la même époque s’il n’y avait pas
d’autres éléments qui permettent de penser que les deux types de bases ont
appartenu à deux états de la basilique.

Les bases sciées


Neuf bases de colonnes considérées jusqu’ici comme étrangères à la basi-
lique ont été sciées verticalement pour être remployées dans l’édifice (fig. 4)44.
Toutefois, il semblerait que les bases sciées soient du même type que les bases
de colonnes du premier ordre et qu’elles aient des dimensions proches. Ce
sont des bases attiques sans plinthe, qui ont un diamètre d’environ 70 cm au
lit de pose (scamillus), équivalent à celui de certaines bases de colonnes du
premier ordre. En effet, selon les fiches d’inventaire, les diamètres des bases
du premier ordre sont compris entre 68,3 cm et 75,3 cm et huit blocs ont un

42
  Ménanteau et al., 1983, p. 128.
43
  Si la base de colonne XX est moins riche en fossiles, elle est nettement plus claire que les tam-
bours du fût.
44
  Ces bases sont mentionnées dans Ney, Paillet, 2006, p. 111. Plus précisément, il s’agit des
blocs nº 117, 119, 250, 343, 409, 419, 427, 456 et 825. À cette liste, peut-être faut-il ajouter le bloc
nº 420, même s’il n’a pas été scié de la même manière (voir supra).

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diamètre compris entre 68,3 et 71 cm. Les bases sciées se rapprochent davan-
tage de la base de colonne XII que des autres pièces : elles sont taillées dans
une calcarénite grise et, lorsque l’état de conservation permet de le préciser,
on remarque que le profil est régulier, avec des tores semi-circulaires, un tore
supérieur en net retrait par rapport au tore inférieur et des listels présents.
Ces bases, alors non sciées, pourraient appartenir au premier état de la
basilique 2. Dans un deuxième état, la plupart des bases auraient été rempla-
cées par des pièces de même type général et de dimensions équivalentes, mais
qui étaient plus grossières et réalisées dans un matériau différent, ce calcaire
jaune riche en coquillages. Quelques bases du premier état auraient toutefois
été conservées, comme la base de colonne XII. Ce qui complique les possi-
bilités, c’est que l’on pourrait aussi imaginer que les bases proviennent de la
basilique 1 et qu’elles ont été sciées dans l’état 1 de la basilique 2 ou encore
dans le deuxième état de cet édifice.

284
Les chapiteaux « composites inversés »

Les blocs attribuables à la basilique


Dix-sept chapiteaux « composites inversés » ont été découverts lors du déga-
gement de la basilique. Nous avons pu en retrouver seize et, malheureusement,
il manque la fiche d’inventaire de deux pièces, dont certainement le bloc qui
nous fait défaut. Un des blocs — la pièce nº 756 — n’a pas été retenu par Jean-
Louis Paillet car le diamètre au lit d’attente serait nettement plus grand que
celui des autres pièces. Le chercheur précise que le diamètre de ces chapiteaux
attribués à la basilique est compris entre 42,5 et 46,4 cm45 et que leur diamètre
moyen au lit d’attente est de 42,8 cm alors que le diamètre au lit d’attente du
bloc nº 756 est de 50 cm. Nous n’avons pas pris de mesures des blocs au lit d’at-
tente, mais la pièce nº 756 ne paraît pas démesurément plus importante que les
autres. Son diamètre au lit de pose est de 42 cm, soit de même ordre de gran-
deur que les diamètres au lit de pose que nous avons pu mesurer sur d’autres
blocs, et il ne représente pas le diamètre le plus important. De même, la pièce
ne se distingue pas des autres par les hauteurs particulières du chapiteau. Dans
ces conditions, nous n’avons pas de raison d’exclure le bloc nº 756.

Description générale
Les blocs sont solidaires de la partie supérieure du fût, qui se termine par
un listel et un astragale de perles et de pirouettes46. Un listel fait la transition
avec une échine ionique, flanquée de feuilles d’angle, et qui est surmontée

45
  Ibid., p. 111.
46
  On pourrait néanmoins considérer, comme pour les chapiteaux du macellum, que l’astragale
appartenait au chapiteau (Didierjean et al., 1986, pp. 209-211).

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d’un registre où se développent des hélices et des volutes assez schématiques.


L’abaque est simple puisqu’il ne comporte qu’un bandeau orné au centre d’un
fleuron inscrit dans un rectangle. Ces chapiteaux atypiques, qui ont aussi été
employés au macellum voisin, sont une des originalités de l’architecture de
Baelo et dénotent une inventivité des ateliers locaux qui, dans le même temps,
ont reproduit inlassablement des formes anciennes. En dehors de leur intérêt
typologique que nous ne développerons pas ici, de même que nous ne rentre-
rons pas dans le détail de la description des motifs, ces pièces fournissent un
autre indice qui accrédite l’hypothèse d’un remploi d’éléments d’architecture
appartenant à un premier état de la basilique.

Blocs sciés
Parmi les seize chapiteaux étudiés, au moins deux blocs ont été remployés.
La pièce nº 167 a été sciée verticalement sur trois faces qui sont désormais
lisses47. Le bloc nº 40 (fig. 5) a été scié sur une face, bûché sur une autre face
tandis qu’une troisième face, qui était prise dans le mortier, a été bûchée de 285
manière grossière. D’autres blocs sont tellement dégradés qu’ils pourraient
aussi avoir été remployés, sans qu’il n’y ait aucune certitude.

Fig. 5. — Chapiteau « composite inversé » de colonne scié, nº 40


(photographie D. Fellague)

Distinction de deux types


La calcarénite dans laquelle ont été taillés ces chapiteaux du deuxième ordre
ne présente pas un aspect homogène sur toutes les pièces : les couleurs sont un
gris plus ou moins clair ou foncé ; la concentration de cailloux diffère selon les

47
  L. (entre les deux faces latérales) : de 37 à 39 cm ; ht. : ca 50 cm.

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286

Fig. 6. — Chapiteau « composite inversé » de colonne, nº 406


(photographie D. Fellague)

pièces ; et le calcaire est inégalement alvéolaire. Malgré tout, à la différence des


bases, nous n’avons pas pu distinguer très nettement des types de chapiteaux
en fonction du matériau et il ne semble pas que le calcaire jaunâtre riche en
fossiles ait été employé48. En revanche, on peut distinguer deux types de chapi-
teaux en fonction de l’aspect de l’ovolo de l’échine ionique.
Neuf chapiteaux comportent une échine ionique dont chaque face pré-
sente trois oves séparés par des fers de lance et six pièces n’ont véritablement
qu’un ove central, jouxté par deux espèces de fers de lance. Le type à un ove
est une schématisation du type à trois oves : les deux motifs de chaque côté de
l’ove central remplacent le fer de lance ainsi que la coquille des oves latéraux,
alors que ces derniers ne sont que timidement ébauchés (fig. 6).
D’autres différences existent entre les deux types de chapiteaux composites
inversés ou, si l’on veut être plus précis, entre les deux types de blocs com-
posés de la partie supérieure du fût et du chapiteau. Les pièces à trois oves
pour lesquelles la sculpture est suffisamment conservée présentent un véritable
astragale de perles et de pirouettes en partie inférieure. Sur tous les exemplaires
à un seul ove, cet astragale est remplacé par un bandeau avec des perles et

48
  Précisons que les différences de couleur et de matériaux sont difficiles à apprécier sur des blocs
isolés. Il est plus facile de comparer les matériaux quand les pièces sont disposées côte à côte ou l’une
sur l’autre, ce qui est le cas des bases qui ont été replacées sous les fûts de colonnes.

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pirouettes schématiques, où les perles ont fusionné avec les pirouettes49. Il y a


au moins deux exceptions car le bandeau de perles et pirouettes schématiques
se rencontre aussi sur deux chapiteaux à trois oves : sur la pièce nº 942 et sur le
chapiteau nº 756, sur lequel le rang d’oves est très grossier et maladroit (fig. 7).

287

Fig. 7. — Chapiteau « composite inversé » de colonne, nº 756


(photographie D. Fellague)

Nous excluons l’idée que les deux types sont contemporains, que ces diffé-
rences dénotent simplement le travail maladroit d’une partie des sculpteurs,
et que les deux chapiteaux sciés ont été remployés à un moment de réaména-
gement tardif de l’édifice alors en partie en ruine, de la même manière qu’un
chapiteau ionique du premier ordre a été réutilisé dans le bouchage de la
porte centrale nord50. Ce serait oublier les neuf ou dix bases sciées qui s’ajou-
tent aux bases du premier ordre trouvées presque au complet.
Dans la mesure où les deux blocs qui ont été remployés sont du type à
trois oves, il est légitime de supposer que les chapiteaux du deuxième ordre
présentaient à l’origine un astragale de perles et de pirouettes et une échine à
trois oves. Dans un deuxième état, une partie de ces chapiteaux auraient été
remployés et remplacés par des chapiteaux plus simplifiés à un ove ou des
chapiteaux similaires à trois oves, mais avec des perles et pirouettes schéma-
tiques (pièces nº 942 et 756).
49
  Précisons seulement que sur une des pièces, le bandeau ne semble pas avoir été sculpté de
perles et de pirouettes.
50
  Ney, Paillet, 2006, p. 101.

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Est-ce que d’autres pièces de la supposée basilique précédente ou d’un


premier état de la basilique 2 ont pu être remployées  dans l’édifice ? On se
souviendra que le piédestal de la statue de Trajan a été réalisé avec au moins
six corniches de remploi, de même profil, qui appartiennent donc à un même
monument51. Ces corniches, qui présentent seulement une doucine entre listels
et un bandeau, n’ont aucun rapport avec les corniches modillonnaires du pre-
mier ordre ou les corniches à double doucine de l’ordre supérieur et du parapet.
Il faudrait néanmoins les comparer avec d’autres corniches ou couronnements
à une seule doucine qui ont été attribués à la basilique, par exemple les couron-
nements du mur nord qui servaient d’appuis à une niche intérieure52.

Les chapiteaux ioniques

Nombre de chapiteaux découverts et anastylose imprécise


288 La quasi-totalité des chapiteaux qui prenaient place au sommet des
colonnes du premier ordre ont été mis au jour puisque l’on mentionne la
découverte de dix-neuf chapiteaux ioniques53. Nous n’avons pu retrouver
que dix-huit pièces : onze ont été utilisées dans l’anastylose de l’édifice ; un
chapiteau est visible au musée, sur la colonne remontée ; six pièces sont dis-
posées parmi un tas de blocs à l’est de la basilique. La pièce manquante doit
probablement être recherchée parmi les milliers de blocs enchevêtrés au
nord-ouest du site.
L’anastylose n’a pas respecté l’emplacement originel des chapiteaux tel
qu’il était connu par les architectes et les archéologues. Ainsi, la colonne V,
dont le chapiteau n’a pas été trouvé en fouille, est aujourd’hui pourvue d’un
chapiteau. Un autre exemple est fourni par le bloc nº 771 qui a été attribué
à la colonne X et qui est actuellement au sol : il n’a donc pas été replacé au
sommet de la colonne qui comporte pourtant un chapiteau aujourd’hui. Les
blocs remontés dans l’anastylose n’ayant pas été marqués, il n’est pas aisé de
connaître leur identité précise.

Description générale des chapiteaux ioniques


Malgré plusieurs variations de détail du décor dans la pierre et dans le stuc,
dont nous ne donnerons pas le détail ici, dix-sept chapiteaux ioniques sont
relativement homogènes et paraissent contemporains (fig. 8)54. Ils sont taillés

51
  Le Roux et al., 1983, p. 418 ; Ney et Paillet, 2006, p. 101 et fig. 8 p. 102.
52
  Ney, Paillet, 2006, p. 107.
53
  Ibid., p. 111 et tableau p. 113 avec la liste des numéros d’inventaire. Le plan de situation des
blocs effondrés de l’ordre ionique (ibid, fig. 15 p. 112) ne montre que dix-huit chapiteaux ioniques :
aucun chapiteau n’est attribué à la colonne V et à la colonne XVI. Le bloc nº 1519 a pourtant bien
été attribué à la colonne XVI (ibid, p. 113).
54
  Il faudra cependant s’en assurer par une comparaison de détail de chaque élément.

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289

Fig. 8. — Chapiteau ionique de la colonne IX (photographie D. Fellague)

dans une calcarénite grise, du moins pour ce que l’on peut en juger avec les
pièces qui ne sont pas recouvertes de stuc. Les chapiteaux sont solidaires de
la partie supérieure du fût qui se termine, sans congé intermédiaire, par un
bandeau – matérialisé seulement dans le stuc – et par un astragale de perles
et de pirouettes, qui était, le plus souvent, déjà sculpté dans la pierre. Pour les
six blocs que nous avons pu mesurer facilement, le diamètre au lit de pose
est compris entre 60 et 61 cm pour une hauteur de 40,5 à 44,9 cm. L’échine
ionique des chapiteaux, dépourvue de palmettes, présente un ovolo de trois
oves séparés par des fers de lance ou par des pointes de flèches. L’ovolo était
aussi le plus souvent sculpté dans la pierre avant d’être recouvert de stuc. Un
espace sépare le sommet de l’échine ionique du canal de volute. Ce dernier
est constitué d’un bandeau horizontal taillé dans la pierre, qui était recouvert
de deux listels en stuc, dont le second était en ressaut. Les volutes reposent
sur le même plan horizontal que la partie inférieure de l’échine, selon une
disposition qui n’est pas la plus courante, mais dont on connaît des parallèles.
Elles décrivent deux révolutions autour d’un fleuron sculpté en stuc. Le plus
fréquemment, les balustres sont ornés au centre d’un baudrier formé simple-
ment de deux torsades, d’où s’échappent des feuilles d’eau horizontales et des
palmettes dont la forme était en général en partie ébauchée dans la pierre.
À la différence des autres pièces, le chapiteau de la colonne X comporte des
balustres avec un décor de feuilles d’acanthe ; le baudrier est aussi différent
par la présence d’un bandeau strié entre deux orles torsadés (fig. 9, p. 290).
Pour les dix-huit chapiteaux, le tracé des balustres n’est pas droit, mais il
accuse une courbure convexe au centre entre deux parties concaves. Dans la

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pierre, la sculpture de l’abaque était constituée d’un premier listel suivi d’un
deuxième listel en ressaut, lui-même séparé d’un troisième listel par un vide.
L’espace était rempli par du stuc et le second listel devait aussi être recouvert
de stuc, de telle manière que la mouluration stuquée de l’abaque comportait
un bandeau entre deux listels, avec le premier listel en retrait.

290

Fig. 9. — Chapiteau ionique de la colonne X (photographie D. Fellague)

Réfection d’un chapiteau ionique


Nous le répétons, tous les chapiteaux ne sont pas identiques, mais une
pièce se distingue particulièrement des autres, à la fois par son matériau et
par son décor. Le bloc nº 356, qui n’a pas gardé des vestiges de sa décoration
en stuc, est taillé dans une calcarénite de couleur foncée et la mouluration
présente des simplifications notables (fig. 10).
En partie inférieure, au-dessus du fût, le bloc comporte une mouluration
qui ressemble simplement à un cavet sur une partie du pourtour et qui se
rapproche d’un bandeau surmonté d’un astragale irrégulier ailleurs. Les
perles et les pirouettes n’ont pas été sculptées sur cet astragale grossier. De
la même manière, l’échine ionique et les volutes sont restées lisses, à moins
que, sur une face, l’ovolo ait été timidement ébauché. Sur une face, le canal
de volute est à peine matérialisé par un mince bandeau qui ne se détache
pas du sommet de l’échine ionique et qui n’est pas relié directement aux
volutes. Sur l’autre face parallèle, le canal est absent. Le décor des balustres
n’a pas été esquissé et leur tracé est simplifié puisque, en coupe horizon-
tale, il est presque droit. Enfin, l’abaque ne semble être constitué que d’un
bandeau.

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Cette pièce, qui est plus schématique que les autres et qui est taillée dans
une calcarénite différente, atteste probablement une restauration partielle
des chapiteaux ioniques.

291

Fig. 10. — Chapiteau ionique de colonne, nº 356 (photographie D. Fellague)

Datations stylistiques
La datation des bases par le simple examen des profils n’est pas possible ici.
Évidemment, les bases qui sont dépourvues de plinthe, dont les tores peuvent
avoir des hauteurs équivalentes et qui sont solidaires de la partie inférieure
des fûts, sont bien connues à la fin de la République et au début de l’époque
augustéenne. Toutefois, à Baelo, cette typologie n’a pas de valeur chronolo-
gique55. En ce qui concerne le détail de la scotie verticale haute, on trouvera
aussi bien des exemples anciens que des comparaisons récentes, en particulier
parmi les bases avec des plinthes.
Il ne faut espérer aucun élément chronologique des fûts ni même des cor-
niches lisses de l’ordre supérieur et du parapet. Les corniches modillonnaires
lisses pourraient éventuellement fournir quelques indices si l’on trouvait des
comparaisons bien datées au décor particulier des modillons.
Le cas des chapiteaux composites inversés est très délicat. Nous n’avons pas
grand espoir de régler la question de la chronologie avec les motifs décoratifs
qui sont, de manière générale, assez grossiers, et nous manquons de parallèles
55
  Fellague, en cours de préparation. D’autres chercheurs n’ont pas manqué de souligner
l’archaïsme de la décoration de cette cité (Gros, 2006 ; Ney, Paillet, 2006, p. 132).

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pour élaborer des datations typochronologiques. Les comparaisons qui ont


jusqu’ici été proposées ne sont pas assez proches56. Ce type de chapiteau de
la basilique, avec une échine ionique flanquée de feuilles et surmontée d’un
registre composé d’hélices et de volutes schématiques, n’est connu véritable-
ment qu’à Baelo, au macellum. Dans ces conditions, seules des comparaisons
internes sont possibles pour le type de chapiteau, mais il n’est pas si aisé
d’établir une chronologie relative entre les pièces du macellum et celles de la
basilique. On a considéré que les chapiteaux du macellum étaient une imita-
tion grossière de ceux de la basilique, à cause d’une sculpture moins soignée
et d’une disparition des hélices et des volutes, au profit de feuilles57. Ceci n’est
pas évident car la sculpture des chapiteaux de la basilique n’est pas réelle-
ment soignée, même pour les blocs du premier type, et l’évolution des hélices
et des volutes n’est peut-être pas si linéaire. En effet, un bloc du macellum
comporte de véritables volutes au registre supérieur (nº 1466)58, et sur quatre
exemplaires de la basilique – dont au moins trois appartiennent au deuxième
292 type — la rencontre des volutes d’angles amorce la forme d’une seule feuille.
L’existence de deux types de chapiteaux composites inversés à la basilique
complique les tentatives d’établissement d’une chronologie relative. Le type
1 des chapiteaux composites de la basilique est peut-être antérieur aux pièces
du macellum, qui seraient elles-mêmes antérieures aux chapiteaux du type 2
de la basilique. Nous aurions aimé examiner le chapiteau composite inversé
qui a été attribué à un édifice public inconnu de Baelo et qui a été aperçu,
il y a trente ou quarante ans, dans l’ancien Cuartel de la Guardia Civil59. Il
pourrait constituer un maillon pour comprendre l’évolution de ce type de
chapiteau, mais nous l’avons cherché en vain sur le site.
Quoi qu’il en soit, nous ne croyons pas, à la différence de Henner Von Hes-
berg, que ces chapiteaux composites inversés de Baelo présentent toutes les
caractéristiques typologiques de pièces du troisième quart du ier siècle av. J.-C.60.
L’examen des chapiteaux ioniques pourrait apporter les renseigne-
ments chronologiques les plus intéressants, voire les seuls renseignements
chronologiques stylistiques. Aussi bien Henner von Hesberg61 que María
Ángeles Gutiérrez Behemerid62 ont daté ces chapiteaux précocement,
respectivement de la fin de la République et du début de l’époque julio-
claudienne, sans une argumentation assez approfondie. Les comparaisons
évoquées ne paraissent pas suffisantes pour établir une datation, d’autant

56
  Didierjean et al., 1986, p. 214-217. Pierre Gros a souligné la non-pertinence des comparaisons
proposées (Gros, 2006, p. 85).
57
  Ibid., p. 213.
58
  Ibid., pp. 202 et 211, fig. 151 et 154.
59
  Ibid., 1986, note 68 p. 262.
60
  Von Hesberg, 1990, p. 349 (à propos des chapiteaux du macellum).
61
  Ibid., p. 348.
62
  Gutiérrez Behemerid, 1992, nº 84-90, pp. 32-33.

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plus que l’on sait qu’à Baelo on a continué pendant des décennies à s’ins-
pirer de formes anciennes.
Il y a pourtant bien un élément des chapiteaux ioniques sur lesquels les spé-
cialistes de décoration n’ont pas insisté et qui fournit un terminus post quem :
les rangs d’oves avec leurs flèches reliées aux coquilles par un tenon hori-
zontal semblent difficilement antérieurs à l’époque flavienne. Ces pointes de
flèches montrent une assez grande diversité. Il existe des flèches assez simples
dont la pointe est un triangle assez grossier sculpté dans la pierre et dans le
stuc. Plus élégantes sont les flèches dont la pointe dessine des bords concaves,
comme sur le chapiteau de l’actuelle colonne X. On compte aussi des motifs
qui ressemblent à des fers de lance, mais qui peuvent êtres considérés comme
des flèches atrophiées, et qui se distinguent des véritables fers de lance aussi
présents sur certaines faces des chapiteaux.
Ce type d’oves peut se rencontrer aussi bien à l’époque flavienne qu’au iie siècle
apr. J.-C. voire au début du iiie siècle. Les feuilles d’acanthe qui ornent les balustres
du chapiteau X orienteraient plutôt vers la fin du ier siècle ou le iie siècle apr. J.-C. 293

Conclusion
L’observation des blocs moulurés de la basilique montre que l’histoire
de l’édifice est plus complexe que ne pourrait le laisser croire l’apparente
homogénéité du matériel. La basilique semble avoir subi un remaniement
important des colonnades comme l’atteste l’examen des bases du premier
ordre et des chapiteaux composites inversés. À une époque qu’il faudra déter-
miner, les bases de colonnes du premier ordre ont été refaites plus ou moins
à l’identique, mais avec des moulurations plus grossières et dans un matériau
différent. Une partie des bases du premier état ont alors été remployées dans
la maçonnerie de la basilique. Peut-être à la même époque, certains chapi-
teaux du deuxième ordre ont été remployés et l’on a taillé des chapiteaux
similaires, mais plus schématiques. D’autres blocs des colonnades ont pu
subir des modifications, que nous n’avons pas encore mises en évidence.
Les chapiteaux ioniques du premier ordre datent probablement du pre-
mier état de la basilique dont on voit les vestiges (édifice 2). La construction
de la basilique devrait donc être placée à partir de l’époque flavienne et l’on
serait tenté de la mettre en relation avec l’érection d’une statue de Domi-
tien, du moins si le portait de Trajan est bien une tête de Domitien retaillée,
comme l’a proposé Marianne Bergmann63.
Comme dans les autres villes occidentales, il semblerait que ce soit à l’époque
flavienne et dans la première moitié du iie siècle qu’il faille placer les grands

63
  Bergmann 1997, p. 142. Nous remercions Maria-Pia Darblade-Audoin pour cette référence.
Le nouvel examen du togatus et de la tête par cette spécialiste de sculpture apportera probablement
des informations utiles à la chronologie, en plus des informations stylistiques essentielles à la con-
naissance de la statuaire.

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travaux de Baelo, et non pas immédiatement au moment de la promotion juri-


dique de la cité sous Claude64. La construction du sanctuaire d’Isis a été située
vers 60-70 apr. J.-C.65 ; le théâtre ne serait pas antérieur aux années 60-75 apr.
J.-C.66 ; la construction de la terrasse du forum est datée de 65-75 apr. J.-C.67 ;
le macellum a été daté de l’extrême fin du ier siècle. La basilique pourrait aussi
avoir été élevée à cette époque, à la fin du ier siècle ou dans la première moitié
du iie siècle, en remplacement d’une basilique située plus au sud. On pour-
rait d’ailleurs se demander si les bases et les chapiteaux composites inversés
remployés appartiennent au premier état de la basilique mise au jour (édifice
2) ou à la supposée basilique précédente, décalée vers le sud (édifice 1). Dans
la première hypothèse, ces blocs témoigneraient alors d’un remaniement des
colonnades au iie ou au iiie siècle Quant à la restauration du chapiteau ionique
nº 356, elle n’a pas obligatoirement eu lieu à la même époque que les autres
transformations. Pour un édifice qui a vécu au moins jusqu’au iiie siècle, l’exis-
tence de réparations successives n’aurait rien de surprenant.
294 Eu égard aux orientations actuelles de la recherche sur l’architecture à Baelo,
beaucoup ne manqueraient pas de se demander si la construction d’une nou-
velle basilique ou encore la réfection des colonnades de celle-ci est liée à une
catastrophe, tel un tremblement de terre. Dans la plupart des villes occiden-
tales, nul n’a été besoin d’invoquer un tremblement de terre pour justifier les
campagnes de restauration et de construction qui caractérisent l’époque fla-
vienne et le début du iie siècle Il est certain que le remaniement des colonnades
ne s’explique pas par une volonté de remettre au goût du jour une décoration
puisque les bases et les chapiteaux composites inversés du deuxième type ont
été sculptés à l’image des pièces d’un premier état. Toutefois, dans une ville
où l’on a continué de sculpter durant toute l’époque impériale des bases,
des chapiteaux et des corniches dont le modèle n’était plus en vigueur dans
une grande partie de l’Empire après l’époque augustéenne, l’imitation d’un
décor précédent peut-elle suffire à accréditer l’hypothèse d’un tremblement
de terre ? En outre, si le remaniement des colonnades n’a pas remployé des
blocs du précédent édifice, mais des pièces du premier état de la nouvelle
basilique, il ne peut être utilisé pour assurer un tremblement de terre sous

64
  Sur le rapport entre la promotion juridique et la monumentalisation des cités hispano-romai-
nes, voir Goffaux, 2003.
65
  Dardaine et al., 2008, p. 50.
66
  Sillières, 1995, p. 144 (chronologie de 60-70) ; Gros, 2006, p. 89. La mise en évidence, grâce
aux matériaux, de deux phases au théâtre ne contredit pas pour l’instant cette chronologie car rien
n’indique que la première phase est augustéenne. Au contraire, l’étude céramologique en cours
de M.  Bustamante (Université de Cadix) du matériel qui provient des derniers sondages (2009,
2010) indiquerait l’existence de deux phases dont la première serait tardo-néronienne ou du
début d’époque flavienne et la seconde d’époque flavienne avancée. Nous remercions Macarena
Bustamante et Oliva Rodríguez Gutiérrez pour cette information. Ces résultats seront développés
prochainement dans la publication de l’édifice, dirigée par Myriam Fincker.
67
  Sillières, 1995, p. 96.

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Claude ou Néron. Dans l’hypothèse inverse où les blocs proviendraient d’une


précédente basilique, il y aurait un problème de méthode à se servir de cet
argument pour accréditer l’hypothèse de l’existence du tremblement de terre
du milieu du ier siècle apr. J.-C. Cette hypothèse est née en partie pour expli-
quer l’archaïsme du décor architectural ; l’archaïsme de l’ornementation ne
peut à son tour servir de preuve à l’existence de ce tremblement de terre, qui
n’en reste pas moins possible. Un séisme qui aurait imposé la construction
d’une nouvelle basilique n’est pas exclu, que les bases et les chapiteaux sciés
proviennent du premier ou du second monument. Toutefois, d’autres scéna-
rios sont envisageables et le nombre élevé des possibilités n’autorise pas, pour
l’instant, de retenir une hypothèse plutôt qu’une autre.

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Mots-Clés
Baelo Claudia, Basilique, Décor architectural romain, Bases, Chapiteaux, Réemploi.

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