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de Blois ; La maîtresse de
dessin / par Amédée Achard
MUSICIEN DE BLOLS
505
LE
MUSICIEN DE BLOIS
ques mesures.
« C'est donc là,ce que tu appelles l'inspiration?
ajouta-t-il. 11 y a d'abord une fauté d'harmonie...
Regarde. »
En ce moment, une jeune fille, qui venait d'entrer
doucement, et qu'on n'avait pas vue, appuya ses
doigs effilés sur l'épaule du père Noël et l'embrassa.
« D'abord, dit-elle, il ne faut pas gronder M. Ur-
bain.
C'est toi, Madeleine? s'écria le père Noël tout
—
joyeux.
C'est moi ainsi laissez là toute cette musique
— ;
et donnez-moi à déjeuner.
Quoi la mère Béru a eu la bonne pensée de
!
—
t'envoyer?
LE MUSICIEN DE BLOJS. H
II
III
Noël.
Le concert fini, cent personnes entourèrent Urbain
pour le féliciter. Que tardait-il pour, transporter sur
un plus grand théâtre les productions éclatantes de
son talent? L'épreuve était faite, sa place était mar-
quée à Paris. On ne tarissait pas en éloges ; il n'y
avait, qu'une voix sur le succès qui l'attendait.
« Souvenez-vous seulement alors de ceux qui vous
l'ont prédit, »'lui disait-on.
LE MUSICIKX DE BLOIS. CC,
IV
viez promise? »
LE MUSTGTEN DE IÎLOIS. 77
:
Urbain tira sa montre.
« Demain, répondit-il; aujourd'hui j'ai affaire. »
Madeleine savait par coeur cette réponse : elle ne se
découragea pas, elle employa mille charmantes co-
quetteries pour amener son mari à reprendre la
plume, et un moment elle put croire qu'elle avait
réussi. Urbain ne sortit pas, et il travailla même pen-
dant quelques heures. Madeleine battait des mains.
Quand il quitta le piano et la plume, elle l'embrassa,
tout illuminée d'une joie folle.
« J'ai bien lé droit de t'inviler à dîner. Allons à la
campagne, cela te reposera, » dit elle.
Urbain accepta. Elle profita de ce bon mouvement
pour le gronder, avec mille gentillesses, de l'oubli
qu'il faisait du monde, où autrefois il allait trop. Il
ne fallait pas tomber d'une exagération dans une
autre. Certaines relations étaient à ménager : Paul
Vilon, qui avait quelque influence; une soeur de ma-
dame de Boisgard, madame de La Chable, à laquelle
il avait été particulièrement recommandé. Le soir, il
se montrerait dans un salon ou deux, le matin il tra-
vaillerait, et il lui resterait bien encore deux ou trois
heures par jour pour voir ses amis.. En six mois de
cette vie, il aurait pris une bonne place dans l'estime
de tous, ciSardanapale serait achevé.
« Tu as raison, dit Urbain, entraîné par ce langage
78 LE MUSICIEN DE IÎEOIS.
— Un
1
duel s'écria Urbain comme s'il avait parlé
d'un dieu de l'Olympe: De telles relations peuvent
mènera fout !
80 LE MUSICIEN DE BLOIS.
—
Eli bien, vous n'avez plus qu'une chose à faire :
«J'écoute, dit-elle.
Ce Paul Vilon avait lui aussi un-certain talent,
—-
reprit Paul : où cela l'a-t-il conduit ? A barbouiller des
feuilletons qui durent vingt-quatre heures quand on
y prend garde, ce qui n'arrive pas tous les jours. 11
avait comme Urbain une déplorable facilité, et il s'en
vantait, le malbeureux ! Ali ! que celle facilité s'est bien
vengée! Paul a beaucoup, produit, il n'a jamais tra-
vaillé. C'est là ce que fera Urbain : il se fiera à son la-
lent d'improvisation, et son talent le perdra. Est-il
homme à- passer des nuits, le coude sur la table,
cherchant à rendre l'idée musicale limpide, simple
et vigoureuse? Vous ne le croyez pas plus que moi,
et on ne monte,haut qu'à cette condition. Vous me
direz que mon ami Paul a pris son parti d'être ce
qu'il est. Sans doute, mais Paul est seul, il ne se
doit à personne, et, si la bohème, à laquelle, entre
nous et bien bas, il a un peu sacrifié jadis, pouvait
un jour l'emporter, ce malheur ne regarde que lui:
Mais plairait-il beaucoup à la femme d'Urbain que
son mari courût les divans elles coulisses et gaspillât
sa.ïie entre une choppeet une figurante? Vous fris-
sonnez...
Ah ! dit Madeleine, j*ai une fille.
—
— Eh bien ! poursuivit Paul avec force, Urbain
est sur une pente fatale; des influences délétères
LE MUSICIEN DE BLOIS. 03
agissent sur lui, il suit les conseils de l'amour-propre
et de l'oisiveté. Du salon qui l'agite, il peut tomber
jusqu'à la taverne qui le perdra. Il est temps encore
de l'arrêter... N'hésitez pas.
Merci, » dit Madeleine.
—
Urbain arriva sur ces entrefaites.
« Victoire ! cria-t-il ; le duc de R... m'écrit pour
me prier de mettre en musique un poëme que les
artistes de l'Opéra-Comique exécuteront prochaimv
ment chez lui.
Ah ! leducde R... '.' » dit Paul.
— -
VI
ne me trahirez pas »!
VII
VIII
couvert. »
L'air joyeux du père Noël fit bien voir à Madeleine
qu'elle ne devait, pas avoir d'appréhension sur le ré-
sultat de'celle conférence; elle le laissa donc s'en-
foncer avec Urbain sous une tonnelle où il y avait un
banc pour s'asseoir.
« Tiens! dit le père .Noël en tirant une liasse de
papiers de sa poche, la liquidation est finie. Bonté du
ciel, les avais-tu embrouillées, ces malheureuses-'afr
faires ! Le notaire a failli ne pas s'y reconnaître...
Enfin voici les quittances ; tu ne dois plus rien.
Que resle-l-il? demanda Urbain.
—
11 reste ça! » répondit brusquement le père
—
Noël en touchant les papiers du doigt.
Urbain étouffa un soupir. JL avait, eu l'espoir un
instant de pouvoir retourner à Paris. Comme dans
un éclair, le boulevard tout resplendissant avait brillé
à ses yeux.
. _ .
LE MUSICIEN DE BLOIS. 153
«Maintenant il s'agit de vivre, .«reprit le père
Noël.
Urbain le regarda en dessous, retournant les pa-
piers dans ses mains.
v
« Je ne sais pas si tu t'en es aperçu, poursuivit le
père Noël, mais voilà quelque chose comme deux ou
trois mois que tu ne fais rien.
Qui vous l'a dit? répondit Urbain... On peut ne
—
pas rester assis devant un pupitre et travailler cepen-
dant... Un artiste...
— Pas de discours ! s'écria le père Noël en l'inter-
rompant. J'ai lu ce que lu vas me dire dans vingt
journaux; donc tais-toi. Madeleine n'a plus rien, et
lu as un enfant. Il faut leur donner du pain. Oh i si
tu étais malade, je serais là, et on trouverait bien
encore quelques économies au fond d'un vieux tiroir.
Malheureusement pour toi, tu te portes bien ; c'est
pourquoi j'ai résolu de te. céder ma place. En quelques
mois, tu manieras les orgues aussi bien qu'un autre.
'Fu auras là de bons appointements. De plus, je vais
te présenter dans deux ou trois maisons où l'on a
besoin d'un professeur; cela t'occupera le matin et
les dimanches. Le reste dutemps t'appartiendra. Tu
pourras te remettre un peu au contre-point et revoir
aussi les vieux maîtres. Cela ne t'empêchera pas de
finir Sardanapale, situ -veux. »
'134 J,E MUSICIEN DE BLOIS.
Urbain rougif.
« Donner des leçons, courir le cachet quand on a
fait des opéras! est-ce une situation? dit-il.
— Je comprends, répondit le vieil organiste ;
mieux vaut s'endormir dans un cabaret, c'est plus
honorable. » -
11 y eut un silence. Urbain cassait machinalement
:
des bouts de branche le père Noël lui semblait
odieux. L'indignation dévorait celui-ci. Il voyait jus-
qu'au fond l'abîme dans lequel son ancien élève était
tombé. Si la pensée de Madeleine, qu'il apercevait à
l'autre bout du jardin, ne l'avait retenu, il aurait
éclaté.
« Voyons c'est une plaisanterie, reprit-il en po-
!
Madeleine :
elle se faisait mille reproches el s'accu-
sait d'avoir pu méconnaître son mari. Qui n'avait
pas ses heures de faiblesse, el comment avait-elle
pu se violenter jusqu'à permettre à sa pensée de s'é-
carter de lui ? Elle se serra contre Urbain'.
« Je travaillerai pour loi, pour Louison. pour nous,
reprit-il doucement... Tu verras... Mais il me semble
"que nous pourrions mieux faire pour l'avenir de
notre enfant. On peut bien mener cette -vie-là. pen-
dant un temps, mais où nous conduira-l-elle? J'ai
bien écouté le père Noël tandis qu'il parlait. Ses in-
tentions sont bonnes, mais il n'est plus jeune, il ne
sent pas les choses comme moi... Malheureusement
il ne m'écoule pas; loi, lu as de l'influence sur lui :
il fera ce que te voudras...
— Explique-toi, dit Madeleine.
— Le père Noël a plus d'argenl qu'il ne l'avoue.
Deux fois déjà il m'a parlé de ses économies. Moi,
j'ai de l'expérience à présent. S'il me confiait les ca-
pitaux qu'il tient en réserve, je pourrais obtenir un
nouveau privilège, el qui sait môme? devenir direc-
teur d'un théâtre... Nous serions bientôt riches. »
Madeleine vit. se dresser devant elle la figure de
mademoiselle Irma. Elle eut un léger frisson.
« Tu as froid, reprit-il.
— Non, ce n'est rien, dit-elle.
.
LE MUSICIEN'DE BI,OIS. i;,ï
— Si je lui faisais une proposition semblable, il la
repousserait bien loin, poursuivit Urbain ; si au con-
traire tu lui en parles comme si l'idée venait de toi,
il n'hésitera pas/»
Madeleine était indignée. Sous prétexte de ramener
son châle autour d'elle, elle retira le bras qu'elle
avait passé sous celui d'Urbain. L'action qu'il lui
conseillait lui paraissait plus odieuse encore par la
manière dont elle était présentée; Cette mise en
scène préparée de longue main, ce semblant de ten-
dresse auquel elle s'était laissé prendre, la révol-
taient dans la partie la plus intime de son être.
« Qu'en dis-tu? continua -Urbain,' voyant qu'elle
ne répondait pas.
— C'est impossible, dit-elle. Jamais je ne me char-
gerai d'une pareille négociation.
— Quel mal y vois-tu?
— Tu mé le demandes ! Le pain que nous man-
geons ne vient-il pas du père Noël? Faut-il le dé-
pouiller dé tout ce qu'il a? Et pourquoi? Encore
Paris! encore la même vie! encore les mêmes an-
goisses! »
Urbain regardait le fleuve en frappant de petits
coups sur le parapet. v'
« Ah ! tu ne m'aimes pas ! » s'écria-t-il avec vio-
lence.
158 LE MUSICIEN NE 13L0IS.
IX
ses mains.
Que faisait Urbain pendant ce temps-là? Il descen-
dait à pas rapides la pente où il avait mis le pied.
Durant ses premiers jours de liberté, il avait éprouvé
une sorte d'enivrement. Un matin il déjeunait aux
Champs-Elysées, un soir il dînait sur le boulevard.
8.
154 LE MUSICIEN DE BLOIS.
».
trouble trop cuisant.
«Ah! dit-elle, c'était le malin: c'est le soir à
présent!
Elle prit l'habitude des promenades quotidiennes,
LE MUSICIEN HE V.1,01 S. lfi7
_
un moment de silence.
L'attendrissement n'était pas le propre de l'indus-
triel ; d'autres pensées le préoccupaient; 11 avait ouï
parler d'une certaine fortune que Madeleine possédait
de son chef; peut-être en restait-il quelques débris. Il
regarda Urbain attentivement pour voir s'il ne décou-
vrirait pas dans ses yeux le reflet de ce qu'il éprouvait
lui-même.
« 11 faut se faire une raison dit-il.
—
Oui, reprit Urbain.
— C'était une bonne femme, quoique un peu triste,
poursuivit le directeur, ci puis toujours malade.,.
TGÎ EE MUSICIEN Î)E BLOIS.
— Toujours ! »
MAÎTRESSE de dessin
503
LA
MAITRESSE DE'DESSIN
veux.
Eh ! la petite duchesse I dit Etienne.
«
— Pauvre chère enfant!... elle est heureuse ce
soir » dit la baronne d'un air doux.
I.A MAITRESSE I1E DESSIN. 1X5
II
nez, je réponds. »
Elle reprit son aiguille cl continua sa tapisserie.
Etienne marchait de surprise en surprise. 11 voyait
se dresser devant lui l'a silhouette d'une héroïne de
roman sous la forme de mademoiselle Durand, et.
305 '
' 9
194 LA MAITRESSE DE DESSIN '•
d'un autre côté, Âglaé lui apparaissait sous un jour
tout nouveau. Etail-ce bien là, émue et comme op-
pressée par un sentiment de tendresse intérieure,
celle même personne qu'il avait toujours vue si froide
et si calme? L'épisode du souper lui revint à la mé-
moire. Cette réserve et celle retenue qu'on lui con-
naissait faisaient-elles partie d'un rôle qu'elle jouait
depuis sa sortie du couvent? Mais pourquoi et dans
quel but? ou bien celle émotion, et cette grâce -com-
patissante étaient-elles passagères comme ces vagues
senteurs qui restent aux doigts après qu'on a louché
un bouquet? 51. de la Rocheponl éprouvait une en-
vie extrême de continuer l'entretien; mais, comme
il ouvrait la bouche pour le faire, madame de Çham-
penoix survint.
« Laissez là celle petite fille qui vous occupe trop,
dit-elle en badinant, et donnez-moi votre avis sui-
des étoffes qui sont là dans mon boudoir. » .
Etienne suivit la baronne;-mademoiselle Durand
parut sur ces entrefaites. Elle venait remercier la
maîtresse du logis qui lui avait procuré deux élèves
dans la journée. La chose dite, elle voulut se retirer,
mais la baronne la retint.
« Xon pas, dit-elle, vos lumières ne nous seront
pas inuliles dans l'affaire qui nous occupe... Vous
qui courez beaucoup par la ville, vous avez dû re-
I,A MAITRESSE DE DESSIN. 195
—
Etienne jeta le nom de la rue et le numéro au
cocher, et l'on roula.
« On ne peut entrer chez les gens comme une
fontaine, reprit-il ; bon gré, mal gré, madame, do
Chainpenoix attendra. »
Mademoiselle Durand était, bien tranquillement as-
sise dans son coin, sans gêne et sans embarras. Elle
était comme une femme du monde qui vient de ren-
contrer une de ses connaissances aux Champs-Ely-
sées et lui a offert une place dans sa calèche. Celle
aisance et cette simplicité achevèrent d'étonner
Etienne.
.
frir!
Au
».-.'.--
jouée; mais si elle dit vrai elle doit bien souf-
— Très-vrai;
— Alors, essayez de ne pas ine voir pendant un
I.A MAITRESSE DÉ DESSIN. 221
mois, et, si cela vous lient encore après, loyalement
dites-le-moi. »
Etienne resta bien quatre jours sans voir made-
moiselle Durand. Ce fut tout ce qu'il put accorder à
son impatience. Une sorte de joie folle l'avait saisi
.à la pensée qu'il était véritablement épris; sincère
dans l'analyse qu'il faisait de ses sentiments intimes
comme il l'était dans leur expression, il ne pouvait
douter de la vivacité et de la force de l'émotion nou-
velle qui précipitait le cours de son sang. 11 se laissa
donc, aller-à ce penchant si doux avec le ravissement
d'un voyageur qui rentre dans une belle contrée dont
les charmants paysages lui sont connus, et qu'il crai-
gnait de ne plus revoir. Sa mémoire lui rappelait une
époque bien éloignée où, pour la première fois, il
avait aimé; il était alors au début de la vie, et son
Emilie, car elle s'appelait Emilie, avait disparu
— —
comme un de ces beaux oiseaux fugitifs qui arrivent
avec l'aurore et partent avecle soir. Mais ilavait gardé
de ce temps un souvenir plein de douceur, auquel
rien de ce qu'il avait éprouvé depuis ne ressemblait.
II était comme un homme qu'un brouillard, épais a
longtemps enveloppé et que la lumière du soleil ré-
chauffe enfin. 11 rentrait de l'ennui dans la vie. Ma-
demoiselle Durand était loin départager cet enthou-
siasme. Elle.voulut plaisanter d'abord de ce prompt
222 LA MAITRESSE DE DESSIN.
IV
VI
teuil :
« Gà, repril-il de l'air d'un moine qui confesse un
pénitent, il parait que ce beau mariage qui le tient
tant au coeur n'est pas du goût de tout le monde?
— Vous avez reçu une lettre de madame de Cliam-
penoix? »
L'oncle fit un signe de tôle affirmalif.
Ah ! poursuivit-il en jetant vers le ciel un regard
«
qui semblait chercher en l'air la trace de souvenirs
lointains, la chère baronne a sur ces matières des
idées qui ne sont pas d'accord avec ses façons de par-
ler!.,, le discours va de ci, la tête va de là ; bien fin
qui comprendra l'énigme ! »
Le resle de l'entretien fit bien voir à Etienne que le
chevalier l'avait écoulé avec l'indulgence d'un vieux
garçon qui aurait bien d'autres fredaines à raconter
s'il crayonnait un cliapitre.de ses Mémoires. 11 aimait
LA MAITRESSE DE DESSIN. 271
».
m'a été. racontée par un de mes amis qui en a été
témoin dans sa petite ville. -
Le chevalier fit quelques pas; mille questions se
pressaient sur ses lèvres, et il ne savait laquelle
adresser à Etienne, qu'il.regardait du coin de l'oeil.
« Si cet ami est de ceux que lu vois souvent, tu
pourrais l'engager à venir passer quelques jours ici,
reprit-il enfin.
— il est mort, » dit Etienne.
L'entretien en resta là ; mais dans la journée le
12.
274 LA MAITRESSE DE DESSIN:
chevalier partit brusquement pour la ville voisine.
Onésyme était charge de dire à Etienne qu'il ne re-
viendrait que fort lard dans la nuit. A la même heure,
le vieux professeur de langue était assis devant sa
table abandonnée; Etienne pensa qu'il ne s'était pas
trompé.
A quelque temps de là, un matin que l'oncle et le
neveu côtoyaient une petite rivière qui coulait à pleins
bords entre des prés, le chevalier lira de sa poche
une lettre qu'il mit sous le nez d'Etienne.
« Elle est de la belle cousine, ».dit-il.
La correspondance de madame de Chàmpenoix ne
chômait pas. Elle écrivait presque tous les jours. Elle
ne ménageait pas la petite duchesse. Cependant sa
colère s'était quelque peu adoucie; elle ne doutait
pas que celle belle folie du mariage n'eût pour cause
première un dépit amoureux. Etienne sourit et re-
connut dans cette insinuation la main habile d'Aglaé.
Madame de Chàmpenoix ne s'expliquait pas sur l'ori-
gine de ce dépit : elle trouvait seulement que M. de
la Rochepont en poussait trop loin les conséquences.
Le chevalier regardait d'un air railleur son pupille,
qui battait les buissons du bout de sa canne^ et ne
disait mol ; on voyait qu'il n'était pas loin de croire à
ce que la charmante veuve racontait;
« Pardieu! dit-il, le dépit m'a fait un jour partir
LA MAITRESSE DE-DESSIN. 575
VII
dit.
Quand André avait quitté la place, l'autorisation
devenir tous les jours à l'hôtel lui était accordée. II.
l2H2 LA MAITRESSE DE DESSIN.
n'en demandait pas davantage, et acceptait le fait
sans remonter aux causes.
Etienne passa la soirée rue du Bac, et vit Aglaé,
qui ne put s'empêcher de sourire en le regardant. 11
se pencha vers elle d'un air gai : -
« Bonjour, mademoiselle Machiavel, » lui cl i t—il.
-
viendrait » !
— Rien.
— Vous vous trompez tous deux ; vous avez deux
enfants. Fmbrassez-les.
— Tu parles comme Salomon ! s'écria le chevalier.
»
Puis, d'une voix forle, et tenant dans ses bras
Etienne et Louise :
— Jeannette, cria-t-il, sers-nous à dîner. »
rik
TABLE
Le Musicien de Blois. i
.
La M'AITIiESSE DE DESSIN. 169