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avec la Turquie
«Si tu veux que le bien te vienne, souhaites-en à ton prochain.»
Proverbe turc
Voilà pour les affaires! Dans cette contribution, je souhaite parler de la Turquie et de ses
relations avec l’Algérie notamment en parlant de la période 1514-1830 que certains présentent
comme une colonisation avec tous les travers d’une occupation. Qu’en est-il exactement?
La conquête espagnole
Non contents de convertir par la force les musulmans, le roi Ferdinand les chasse d’Espagne.
Ce fut au total sur près d’un siècle plus d’un million de personnes qui quittèrent leurs
demeures. L’Espagne porte ensuite la croisade sur les terres maghrébines, aidée en cela par
l’Eglise en la personne du cardinal Cisneros qui baptisa une mosquée en église aussitôt la ville
d’Oran prise vers 1515. Les Espagnols s’emparent de plusieurs ports du littoral algérien et
obligent les villes de Ténès, Mostaganem et Cherchell de payer tribut, Alger livra l’île qui
contrôlait son port. Alger ou El-Djazaïr était un petit port peuplé d’environ 20.000 habitants,
sa population s’est accrue fortement avec l’arrivée des juifs et des Maures expulsés
d’Andalousie après la chute de Grenade. Les Espagnols annexent plusieurs villes côtières:
Mers El Kébir en 1505, Oran en 1509 et Bougie (Béjaïa) en 1510.
Dans cette atmosphère de fin de règne pour les dynasties, mérinides, abdelwadites (zyanides),
l’Espagne mit en oeuvre une invasion des côtes, après Oran, Mers el Kebir, ce fut ensuite
Djidjel, Béjaïa et Alger et c’est à ce moment-là que Salem Ettoumi appela à la rescousse
Arroudj et Khierreddine,une fratrie d’une petite ville grecque et qui s’étaient rendus célèbres
dans la course. Arroudj répond à l’appel et avec son frère bloque l’avancée espagnole installée
au peignon d’Alger. Ceci dura une quinzaine d’années, la garnison fut anéantie et
Khierreddine relia par la suite le peignon d’Alger à la côte (Amirauté actuelle).
On dit que Arroudj étrangla Selim Ettoumi dans son bain et prit le pouvoir avec ses
janissaires. L’occupation ottomane aussi brutale que celle par la suite de la France fut
cependant globalement acceptée du fait du ciment de la religion.
Il faut signaler de plus, qu’en dehors des provinces sous la souveraineté directes de la
Régence: (les trois beylicks d’Oran, du Titteri avec comme capitale Médea, et de
Constantine), Venture de Paradis écrivain et homme de lettres français qui a voyagé a Alger à
la fin du XIXème siècle, rapporte qu’il y avait à Alger: «douze grandes mosquées avec
chaires et minarets et beaucoup de mosquées moyennes, il y avait de plus trois universités où
l’on enseignait la doctrine de Malek Ibn Anas Cette «doctrine» est évidemment celle du
Coran». (2)
Des dizaines de traités furent signés et les ambassadeurs européens France et Angleterre en
tête rivalisaient pour être bien vus par le dey. Il a fallu une créance due, l’Algérie avait aidé la
jeune Révolution française en 1790 attaquée de toutes parts par les royautés européennes et
affamée en lui vendant, à un prix imbattable, du blé. Cette créance ne fut jamais remboursé en
trente ans et se termina par une invasion.
Par ailleurs, l’Algérie imposait aux différentes flottes pénétrant en mer Méditerranée un
impôt, avec protection contre toutes attaques de pirates ou de pays tiers. La liste des pays
ayant souscrit à cet impôt: Royaume-Uni: 267.500 francs, France: 200.000 francs, États-Unis:
125.000 dollars par mois. En 1536, l’amiral français Bertrand d’Ornesan unit ses douze
galères françaises à une petite flotte ottomane appartenant à Barberousse à Alger, faite d’une
galère ottomane et de 6 galiotes, et attaque l’île d’Ibiza, dans les Baléares.
Après le siège de Nice, François Ier propose à la flotte ottomane commandée par Khiereddine
appelé à l’aide de passer l’hiver à Toulon. La cathédrale de Toulon servit aussi de mosquée.
Bien plus tard, le 18 octobre 1681, le dey d’Alger déclare officiellement la guerre à Louis
XIV. En 1682-1683, l’amiral français Abraham Duquesne commande par deux fois le
bombardement d’Alger. La paix fut ensuite conclue avec le Royaume de Louis XIV. Elle
devait durer plus d’un siècle.
Par ailleurs suite à l’indépendance des États-Unis en 1776 que la Régence d’Alger fut la
première à reconnaître – Condelezza Rice secrétaire d’Etat des Etats-Unis a remis, il y a
quelques années à notre ambassadeur aux Etats-Unis, une copie de la lettre de reconnaissance
des Etats-Unis par la Régence d’Alger-, le Sénat américain décide de proposer un «traité de
paix et d’amitié avec les États de Barbarie» dont un avenant sera paraphé le 5 septembre 1795
à Alger puis de nouveau le 3 janvier 1797. Un traité similaire sera signé avec le bey de Tunis.
Le traité est ratifié et parut dans le Philadelphia Gazette le 17 juin 1797. L’article 11 de ce
traité indique que: «Considérant que le gouvernement des États-Unis n’est en aucun sens
fondé sur la religion chrétienne, qu’il n’a aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou à la
tranquillité des musulmans et que lesdits États-Unis n’ont jamais participé à aucune guerre ni
à aucun acte d’hostilité contre quelque nation mahométane que ce soit, les contractants
déclarent qu’aucun prétexte relevant d’opinions religieuses ne devra jamais causer une rupture
de l’harmonie régnant entre les deux nations.» Il a été rédigé par John Barlows, consul général
des États-Unis à Alger.
L’Affaire de l’éventail entre le pacha turc Hussein Dey et le consul français Pierre Deval, le
30 avril 1827, est le casus belli de la guerre déclarée par le Royaume de France à la Régence
d’Alger, qui déclenche le blocus maritime d’Alger par la marine royale française. En 1827,
donc, le dey n’était pas encore remboursé du million qu’il avait prêté à la France, sans
intérêts, trente et un ans auparavant! Bien plus, du fait des dettes de Bacri, le dey risquait fort
de ne jamais toucher un sou. Ainsi, sous couleur de satisfaire ses réclamations, on avait
«rendu légale sa spoliation». Le dey d’Alger était ainsi «magnifiquement» récompensé de
l’ardeur qu’il avait mise à faciliter le ravitaillement de la France affamée par l’Angleterre.(3)
Il est curieux de constater une chape de plomb pour tout ce qui concerne la période turque. Le
moment est venu de savoir en quoi a consisté ce compagnonnage de plus de trois siècles.
Quelles furent les heurs et les malheurs de la régence qui en fait n’avait qu’un lien moral avec
la Porte Sublime, tant il est vrai qu’elle était une puissance connue et reconnue et à qui
pendant des siècles toutes les nations européennes et même les Etats-Unis nouvellement
constitués payaient tribut.
Pour en revenir aux relations algéro-turques. Si nous devons être reconnaissants au pouvoir
ottoman, la première personne à qui nous adressons notre reconnaissance est sans conteste
Khieredine Barberousse, malgré son faible passage en Algérie a laissé le souvenir d’un
homme qui a donné une dimension territoriale à l’Algérie.
Il faut cependant rendre justice à Khiereddine Barberousse qui a sauvé l’Algérie d’une
christianisation forcée comme ce fut le cas des Incas et des Aztèques. Pizarro a fait ses
premières armes sur les côtes algériennes.. De plus, Khiereddine fut le premier à délimiter les
frontières de l’Algérie actuelle, notamment à l’est la province de Tabarka payait tribut et
faisait allégeance à la Régence d’Alger qui eut souvent à rentrer en guerre avec la Régence de
Tunis. Et on apprend que cette dernière a pendant plus d’un siècle «envoyé l’huile à la
mosquée d’Alger afin que la lumière ne s’éteigne jamais».
Enfin nous dit Leon l’Africain Ibn El Wazzan il fut chargé par Khiereddine Barberousse
soucieux de l’éducation du peuple – puisant dans se propre bourse-, d’acheter 3000
manuscrits à Sativa en Espagne pour l’Institut de Constantine.
Laissant le pouvoir à une structure beylicale constituée de beys puis de deys, Khiereddine
retourna auprès du sultan de Constantinople qui en fit son amiral. A Istanbul, Barberousse
s’attellera à réorganiser la flotte ottomane qui devint l’une des premières puissances navales
d’alors. Il eut à diriger quatre grandes campagnes militaires contre les puissances
occidentales. En 1538, se constitua une ligue (les Etats italiens et l’Empire de Charles-Quint)
qui réunit une armada formidable à la bataille de Prévéza. Ce fut la plus grande bataille
navale, jamais remportée par la flotte turque, grâce au génie de Kheireddine Barberousse.
Cette victoire força les coalisés à demander la paix. Sa dernière campagne eut lieu en 1543.
Rentré définitivement à Istanbul il décéda le mois de juillet 1546, à l’âge de 80 ans et pendant
longtemps, les bateaux qui croisaient à proximité de là où il fut enterré tiraient des coups de
canon en son honneur.
C’est dire si en définitive il faut, à côté des affaires financières et de l’économique inventer un
nouveau dialogue culturel avec la Turquie. Nous avons en commun trois siècles d’archives
qu’il nous faut optimiser ensemble. L’Algérie doit pouvoir avoir accès à sa mémoire. Il y a
une écriture commune à faire. Il y a des traditions communes à perpétuer, il y a un patrimoine
culturel commun à embellir.
3. G. Esquier: La prise d’Alger 1830. Paris & Alger, E. Champion & l’Afrique latine, 1923
4. Chitour: L’éducation et la culture des origines à nos jours Ed. Enag 2000