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Dossier thématique
Les sucres dans tous leurs états

L’actualité de l’indice glycémique

An update on glycemic index

H. Dal Gobbo1, C. Bétry2 Résumé

1
Groupement Hospitalier Mutualiste
Les Portes Du Sud, Vénissieux, France.
2
Département de diabétologie, Pôle DigiDune,
Centre Hospitalier Universitaire Grenoble Alpes,
Grenoble, France.
L’indice glycémique a été développé en 1981. Depuis, il a ses détracteurs comme
ses partisans. Des études épidémiologiques récentes ont confirmé l’association entre
régime à indice glycémique élevé et risque de maladies cardiovasculaires. Une telle
association reste mal comprise. Les aliments à indice glycémique élevé ne semblent
pas impacter les sensations alimentaires de manière prépondérante. Par contre, les
hormones incrétines, et notamment le glucose-dependent insulinotropic peptide
(GIP), pourraient expliquer certains effets néfastes des aliments à indice glycémique
élevé, tout comme certains facteurs alimentaires confondants, tels que la teneur
en micronutriments. Privilégier des aliments à indice glycémique bas pourrait être
favorable dans le diabète de type 1 et les troubles de l’humeur. La variabilité inter-
et intra-individuelle de l’indice glycémique limite l’usage de l’indice glycémique. La
classification NOVA récemment développée est, dans l’ensemble, bien corrélée à
l’indice glycémique, et paraît plus facile à utiliser en pratique clinique.

Mots-clés : Diabète sucré – maladies métaboliques – variabilité – incrétines –

classification NOVA – indice glycémique.

Summary
Glycemic index has been developed in 1981. Since then, it has its pros and cons.
Recent epidemiologic studies validated the association between high glycemic index
diet and cardiovascular diseases. Further studies are necessary to fully understand the
deleterious consequences of such a diet. The effect on hunger and satiety sensations
are not predominant. The incretin hormone glucose-dependent insulinotropic peptide
(GIP) could be involved as well as nutritional confounding factors, e.g., micronutrient
content. Low glycemic index diet is likely useful to improve the treatment of type 1
diabetes, and to prevent mood disorders. Inter- and intraindividual variability limit the
use of glycemic index in clinical practice. The recent NOVA classification based on
degree of food processing could be an easier tool to take glycemic index into account.

Key-words: Diabetes mellitus – metabolic diseases – variability – incretins – NOVA

food classification – glycemic index.

Introduction contenant 50 g de glucides de l’aliment

testé (figure 1). Il s’exprime en pourcen-
Correspondance • L’indice glycémique a été déve- tage, en comparaison d’un aliment de
Cécile Bétry loppé par Jenkins et al., en 1981, pour référence ayant un indice glycémique
Département de diabétologie classer les aliments selon leur effet post- à 100 par convention (le glucose, ou le
CHU Grenoble Alpes
CS10217 absorptif sur la glycémie [1]. L’indice pain blanc). Les aliments sont générale-
38043 Grenoble cedex 9 glycémique se définit comme étant l’aire ment classés en trois catégories : indice
cbetry@chu-grenoble.fr sous la courbe de la glycémie durant glycémique bas, modéré, et élevé.
2 heures après l’ingestion d’une portion Cependant, l’indice glycémique seul ne
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suffit pas, et la charge glycémique doit

être également prise en compte pour
refléter la taille de la portion (tableau I).
• L’objectif de cette revue est de propo-
ser une mise à jour dans le domaine de
l’indice glycémique. La première partie
sera consacrée aux données récentes
concernant la prévention et la prise en
charge du diabète de type 1 (DT1), des
maladies métaboliques, et des troubles
de l’humeur  ; la seconde partie, aux
hypothèses mécanistiques des effets
bénéfiques des aliments à indice gly-
cémique bas ; la dernière partie traitera
de la variabilité de l’indice glycémique. AUC : Area Under the Curve / Aire sous la courbe.
Figure 1. Définition de l’indice glycémique.

Impact d’un régime Tableau I. Teneur en glucides par portion, indice glycémique (IG) et charge glycémique (CG)
à indice glycémique bas de quelques aliments.

Portion Glucides (g) IG CG

Indice glycémique Baguette de pain 50 g 28 75 21
et diabète de type 1 Pain complet au levain 50 g 25 60 15
• Le développement de l’insulinothé- Biscottes 4 unités (40 g) 29 75 22
rapie fonctionnelle a révolutionné la Galettes de maïs 2 unités (50 g) 36 70 25
prise en charge diététique dans le DT1. Abricot 2 unités (100 g) 11,2 34 3,8
Cependant, malgré une évaluation Ananas frais 1 tranche (100 g) 12,6 59 7,4
rigoureuse de la teneur glucidique du Gaufre au chocolat 1 unité (60 g) 31 76 23,6
repas, les pics glycémiques postpran- Gaufrettes fraise 100 g 84 77 64,7
diaux ne sont pas toujours contrôlés. CG = (IG x quantité de glucides contenue dans l’aliment) /100.
L’indice glycémique peut expliquer une
partie de cette variabilité.
• Certaines études suggèrent une du comportement alimentaire à l’issue OmniCarb, 5 semaines d’un régime à
association entre le niveau d’indice des 18 mois de suivi [4]. indice glycémique bas n’améliorait
glycémique et le niveau d’hémoglobine pas l’insulinosensibilité, la pression
glyquée (HbA1c) chez les patients DT1. Indice glycémique artérielle systolique, ou le niveau de
Néanmoins, une alimentation majoritai- et maladies métaboliques LDL-cholestérol [8].
rement composée de repas présentant • Plusieurs études épidémiologiques • Dans le DT2, un régime à indice glycé-
un indice glycémique bas aurait surtout prospectives ont mis en évidence une mique bas induit une baisse de l’HbA1c
un intérêt pour limiter l’excursion gluci- association positive entre un régime de -0,12 %. D’autres régimes, tels que le
dique [2]. Par ailleurs, un régime ayant à indice glycémique élevé et/ou une régime méditerranéen, ont un effet plus
un indice glycémique élevé pourrait charge glycémique élevée et la surve- important sur l’équilibre glycémique [9].
favoriser l’apparition du DT1 dans une nue de maladies métaboliques, dont En ce qui concerne le diabète gestation-
population pédiatrique à autoanticorps les accidents vasculaires cérébraux [5], nel et la prévention des complications
positifs [3]. les maladies coronariennes [6], et le maternelles et fœtales, certaines études
• Recommander aux patients atteints diabète de type 2 (DT2) [7] (tableau II). ont mis en évidence un plus petit poids
d’un DT1 de limiter les aliments à Néanmoins, dans l’étude d’intervention et une taille de naissance comparable
indice glycémique élevé s’ajoute à la
contrainte de l’insulinothérapie fonc-
tionnelle, et peut majorer la restriction Tableau II. Association entre la survenue de pathologies métaboliques et l’indice glycémique
cognitive, risquant de provoquer ou (IG) ou la charge glycémique (CG) du régime alimentaire.
aggraver des troubles des conduites
Maladie [Réf.] Population IG CG
alimentaires. Néanmoins, dans une
Accidents vasculaires cérébraux [5] 64 328 femmes chinoises + +
étude récente pédiatrique, conseiller
Maladies coronariennes [6] 117 366 personnes chinoises NS +
la consommation d’aliments riches en
Diabète de type 2 [7] 3 800 618 personnes-années + +
fibres et/ou moins raffinés n’augmente
pas le risque de développer un trouble CG = (IG x quantité de glucides contenue dans l’aliment) /100.

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à celui d’une population indemne de
diabète gestationnel après mise en
place d’un régime à indice glycémique
abaissé [10].
• Une association entre le degré de
stéatose hépatique et la consommation
d’aliments à indice glycémique élevé a
été mise en évidence chez des sujets
volontaires sains [11]. Une étude d’in-
tervention a montré qu’un régime de 7
jours à indice glycémique élevé suffisait
à augmenter la graisse hépatique [12].
Indice glycémique
et troubles de l’humeur
• Le fonctionnement cérébral est direc-
tement lié au métabolisme glucidique,
le cerveau utilisant comme principale
source énergétique le glucose. Par ail-
leurs, la concentration de tryptophane,
le précurseur de la sérotonine, un neuro-
transmetteur impliqué notamment dans
la physiopathologie de la dépression,
est modulé par les apports glucidiques.
• La consommation d’aliments avec
indice glycémique élevé est associée
à l’augmentation du risque d’incidence
de dépression [13], tandis que la charge
glycémique est associée avec une
diminution du risque [14]. Une étude
d’intervention visant à comparer deux
régimes isocaloriques, l’un, à faible
indice glycémique, et l’autre, à indice
glycémique élevé, a montré des scores
de dépression et de fatigue plus élevés
après 4 semaines d’un régime à indice
glycémique élevé [15].
Bénéfice d’un régime
à indice glycémique
bas : les mécanismes
Effets sur les sensations
alimentaires
• Les aliments à indice glycémique
élevé vont entraîner une sécrétion
accrue d’insuline susceptible d’entraî-
ner une baisse brutale de la glycémie,
et donc, une augmentation de la sen-
sation de faim. Ainsi, certaines études
suggèrent qu’un régime hypocalorique à
indice glycémique faible pourrait aider à
optimiser la perte de poids. Néanmoins,
sur le long terme, un régime à indice
glycémique abaissé n’a pas un effet
Les points essentiels
• Une alimentation favorisant des aliments à indice glycémique élevé est associée à
une augmentation du risque de maladies métaboliques.
• Les mécanismes expliquant les effets bénéfiques des aliments à faible indice gly-
cémique restent mal compris ; le rôle des incrétines, dont le glucose-dependent
insulinotropic peptide (GIP), est une piste intéressante.
• La variabilité inter- et intra-individuelle de l’indice glycémique limite son usage.
significatif sur les sensations alimen- abaissé, la consommation d’aliments
taires : faim et satiété [16]. De même, non raffinés plus riches en fibres et en
après méta-analyse, un petit déjeuner à micronutriments est également plus
indice glycémique faible ne modifie pas importante. Une étude australienne
la prise alimentaire au repas suivant [17]. pédiatrique a montré que les sujets
• Cependant, une étude d’imagerie par ayant un régime favorisant les aliments
résonance magnétique (IRM) fonction- avec indice glycémique élevé sont à
nelle a montré une hyperactivation du risque de développer des carences en
nucleus accumbens, une région impli- micronutriments, calcium et iode, par
quée dans le circuit de la récompense, exemple [19].
après un repas test à indice glycémique
élevé. Étant donné le rôle du nucleus Rôle potentiel des hormones
accumbens dans le développement des incrétines, et en particulier du GIP
addictions, il est possible qu’une telle Les hormones incrétines sont suscep-
réponse puisse favoriser le développe- tibles d’expliquer une partie de l’effet
ment de compulsions alimentaires à la délétère des aliments à indice glycémique
suite de la consommation d’aliments à élevé. En effet, l’indice glycémique ne
indice glycémique élevé [18]. dépend pas uniquement de la digestibi-
lité de glucides, mais aussi de la réponse
Facteurs alimentaires de l’organisme à la charge glycémique.
confondants Ainsi, le pain blanc et les pâtes induisent
Il est complexe dans les études épi- une réponse glycémique proche, malgré
démiologiques de déterminer si l’effet une digestibilité plus rapide du pain, et
bénéfique d’un régime à faible indice donc un passage sanguin de glucose
glycémique est directement lié à l’in- plus rapide. Ceci s’explique par une
dice glycémique ou à d’autres facteurs augmentation de la sécrétion du peptide
confondants de l’alimentation. En effet, insulinotrope dépendant du glucose (glu-
dans un régime à indice glycémique cose-dependent insulinotropic peptide,
Figure 2. Effets d’un aliment à indice glycémique élevé, le sucre (panneau de gauche), et
d’un aliment à indice glycémique bas, les légumineuses (panneau de droite), sur la sécrétion
du peptide insulinotrope dépendant du glucose (glucose-dependent insulinotropic peptide,
GIP) et d’insuline.
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GIP) et d’insuline, à l’origine d’une aug-
mentation de la captation tissulaire du
glucose par les tissus [20] (figure  2).
Or, le GIP est une hormone impliquée
dans le développement de différentes
pathologies : stéatose hépatique, insu-
linorésistance, diabète, et maladies
cardiovasculaires. Ainsi, l’augmentation
de la libération du GIP lors de l’ingestion
d’aliments à indice glycémique élevé
pourrait expliquer certains de leurs effets
délétères [21].
L’indice glycémique : le
problème de la variabilité
en pratique clinique
Les valeurs d’indice glycémiques sont
déterminées expérimentalement chez
des volontaires sains à jeun suite à la
prise d’un seul aliment. Le postulat de
base pour l’utilisation de ces tables est
la reproductibilité de l’indice glycémique
d’un individu à un autre. Pourtant, l’in-
dice glycémique va varier à la fois sur le
plan inter- et intra-individuel. Dans une
population de 63 volontaires sains, âgés
de 18 et 85 ans et ayant un indice de
masse corporelle (IMC) compris entre
20 et 35 kg/m2, le coefficient de varia-
bilité intra-individuel est de 20  %, et
inter-individuel de 25 %, pour la déter-
mination de l’indice glycémique du pain
blanc. Le degré d’insulinorésistance en
l’absence de diabète explique une par-
tie de la variabilité inter-individuelle [22].
Dans cette étude, le pain blanc serait
classé comme ayant un indice glycé-
mique bas chez un tiers des individus,
moyen chez un autre tiers, et élevé dans
le tiers restant [22]. Par ailleurs, l’indice
glycémique dépend aussi des conditions
dans lesquelles les aliments vont être
consommés : moment de la journée, ali-
ments associés, degré de transformation
de l’aliment, temps de cuisson. Le repas
précédent influence également l’indice
glycémique, par exemple, un petit déjeu-
ner riche en protéines va limiter l’indice
glycémique du pain blanc 4 heures plus
tard [23].
D’autres facteurs impliqués dans la
variabilité inter- et intra-individuelle de
l’indice glycémique sont détaillés dans
le tableau III.
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L’actualité de l’indice glycémique 421
Tableau III. Facteurs susceptibles de modifier l’indice glycémique.
Variabilité intra-individuelle Variabilité inter-individuelle
Activité physique Insulinorésistance
Consommation d’alcool Inflammation
Composition du repas précédent Âge
(fibres, protéines)
Mode de préparation de l’aliment Microbiote
(cuisson, structure…)
Composition globale du repas Temps de vidange gastrique
Moment de la journée
Conclusion
• Depuis 1981, l’indice glycémique a eu ses défenseurs et ses détracteurs. Un régime
privilégiant des aliments à indice glycémique bas pourrait avoir des effets bénéfiques
pour la prise en charge du diabète de type 1, la prévention des maladies métaboliques
et des troubles de l’humeur, comme le montre un certain nombre d’études épidémio-
logiques de cohorte de large ampleur. Les mécanismes par lesquels les aliments à
indice glycémique élevé peuvent être délétères ne sont pas clairement établis. Un
effet sur les sensations alimentaires ne semble pas si certain, le rôle de facteurs
confondants alimentaires est possible, et les données récentes sur les hormones
incrétines doivent continuer à être explorées. Compte tenu de la variabilité inter- et
intra-individuelle, les tables d’indice glycémiques devraient être utilisées avec un
certain recul. En ce sens, indiquer sur l’étiquetage nutritionnel les valeurs d’indice
glycémique ne nous semblent pas justifié. De nouvelles méthodes de classification,
telles que la NOVA food classification (d’origine brésilienne) [24], proposent de classer
les aliments en fonction de leur degré de transformation reflétant en partie l’indice
glycémique (encadré I). Il apparait ainsi intéressant de favoriser la consommation
d’aliments peu ou pas transformés, et de limiter l’usage de produits ultra-transformés.
Déclaration d’intérêt [5] Yu D, Zhang X, Shu XO, et al. Dietary
Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit glycemic index, glycemic load, and refined car-
bohydrates are associated with risk of stroke:
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Dossier thématique
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Encadré 1. La classification NOVA des aliments [adapté de 24].

L’indice glycémique des aliments est impacté par le niveau de transformation de l’aliment. La classification NOVA propose de distinguer
quatre groupes d’aliments selon leur niveau de transformation.
• Groupe 1 : les aliments bruts ou peu transformés
– Aliments non transformés d’origine animale (muscles, lait, œufs), ou d’origine végétale (graines, feuilles, racine).
– Aliments peu transformés si les traitements, généralement physiques, n’ont pas modifié les propriétés nutritionnelles ; par exemple,
des légumes bouillis.
• Groupe 2 : les ingrédients culinaires
Denrées issues de transformations physiques et chimiques des aliments appartenant au groupe 1. Les aliments peuvent être pressés,
raffinés, broyés, concassés, séchés, ou extraits naturellement, par exemple, les huiles végétales.
• Groupe 3 : les aliments transformés
Aliments fabriqués à partir des deux catégories précédentes, avec un maximum de 2 à 3 ingrédients. L’objectif de la transformation
de ces aliments est d’optimiser les qualités organoleptiques des aliments bruts, ou de prolonger les durées de conservation (légumes
ou thon en conserve, etc.).
• Groupe 4 : les aliments ultra-transformés
Ces aliments industriels subissent des modifications physico-chimiques majeures. Ils sont destinés à être consommés tels quels ou
réchauffés. Ils contiennent généralement plus de cinq aliments (nuggets, pizzas, etc.).

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2018 - Vol. 12 - N°5