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, __.J' __ I~ de ce qui n 'est pas encore.

Ainsi
veauce raul~ d dé cOrn
d us façons synonymes e esigner l'o uve Pris
comme edes possibles, la liberté devient un dynrtu~e SUr
le champ s ce qui rend possible la libération. Laarnl,lSllle,
et le (emp d l ' ffj Ibe... ·
.:«: dans le mouvement et ans a ranchiss em 'le
s llllJ rme " EIJe est spontanéité ent Par
détermlOatlOns.
rapport aUX , d, . bl d et pr
, ' , Certes il seraIt eraisonna e e consid ' 0-
ductlvlte, , " d d' erer 1
'be ' ornme la pure negatlon es etermi nisme cl a
li rte c ..... l' SOnt
, ns - et nous-memes, quoi que on fasse
nos acno , 1 l '
le résultat; mais ce a e serait en core l'II
- SOn
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en un sens " " .r Us de
ne pas voir que la hberte est avant tout crea/Ive , . A part'
nnë elle invenre sans cesse et, de m anière imp reV ~r
, j. l
du d0 ,
sible, fait du neuf. , . " "
Aussi est-ce dans IlnJ/an/ qu ~xISte la b berre, faisant de LA LIBERTÉ EN Q UESTION
h que acte une rupture potentielle par rapPOrt à Ce .
ca " qUI
le précède, et le surglssem~t ~ ~n,com~encemenr radical.
Cette temporalité morcelee, lib érée (grace au pardon) du
fardeau des actes accomplis et parfois regrettés, est le cadr
de l'avènement d 'actions or iginales qui SOnt des événemen/J~
Cette importance accordée au futur et à l'instant éloigne
la fatalité et le pessimisme, au profit d e l'espoir, et donne
tout leur sens à la conversion et au m iracle. Grâce à la "! J,":" ,
"
' ''';'~
liberté en effet, à l'instant le plus inattendu, chacun
- même le criminel le plus endurci - peut en droit se
détourner du pire pour faire sien le m eille ur ; ou inverse-
ment . Là est l'ambiguïté de la liberté. Mais dans tous les
cas, la liberté donne l'initiative à l'homme, et peut faire
de tout acte, comme le dit Hannah Arendt, « quelque
chose à quoi on ne pouvait pas s'attendre », et de tour
homme « un commencement et un commenceur » (Qu'el/-
a qu, la libertl ?, p. 222).
Les ~ébats qu 'elle suscite - et l'aspect non conclusif de
ceux-ci - relèvent donc de la nature même de la liberté
qui,. se posant cancre ce qui la limite, s'affirme cancre ses
rem,lses en cause et les soupçons récurrents qu'elle inspire,
" ~ est cette possibilité d'enchère dialectique infatigable
qul .est, en somme, la liberté .. (Jankélévitch, Le j e-ne-JtlÎj'
lfIlDt..·, op. CIl., p. 19). La liberté est dans la lutte.
LA BOÉTIE

LE PA RADO X E DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE


La B o ér ie , Discours de la servitude volontaire,
GF-Flammarion, 1998, p. 136-138.
Si l'on compare la vaillance dom berr é. Le D iscours de la servitude
firent preuve les G recs pour dé- volontaire se propose donc d'ana-
fendre leur liberté face aux lyser « commenr s'est ainsi si
Perses avec la soumission de tout avant enracinée cerre opiniâtr e
un peuple à la tyrannie d'u n seul , volont é de servir, qu'il semble
comme l'a fait La Boét ie au mi- mai n tenan t que l'amour de la li-
lieu du X VI< siècle, l'on ne peut bert é ne soir pas si natu relle ».
que constater le paradoxe La première cause de la servirude
qu 'énoncera ainsi Rousseau : volon raire est la « cout ume»
« L'homme est né libr e, et par- (ibid., p. 150). Les hommes se
tout il est dans les fers » (Du som tellem ent habitu és à leur
contrat social, J, 1). Bien plus, l'on joug qu 'ils ont perd u jusqu 'au
ne peut que s'étonner, selon La souvenir de ce qu 'est la lib ert é.
Boétie, de ceci que l'h omme C'est donc la force de l'hab it ude
semble être, sinon la vict ime qu i est l' ennem i principal -de la
consentante, du moin s l'aut eur liberté politique . Rousseau ana-
de son propre asservissement. lysera cet effet pervers selon le-
Par nature, en effet, nous ne quel un fait social se donne
sommes « serfs de personne » comme un fait de nature en
(Discours de la servitude volontaire, montrant que « les esclaves
p. 140), et « nous ne sommes pas perdent tout dans leurs fers, jus-
nés seulement en possession de qu 'au désir d'en sortir », car si
notre franch ise, mais aussi avec « la force a fait les premiers es-
affectation de la défendre » claves, leur lâcheté les a perpé-
(ibid. , p . 141). Or, de fait, nous tués » (Du contrat social, J, 2). À
nous faisons les complices de cela s'ajoutent les pauvres « ap-
notre tyran, étant « receleurs pâts de la servitude » que sont,
du larron qu i [nous] pille, depuis les Romains jusqu'à la so-
complices du meurtrier qui ciété du spectacle, les jeux et
[nous] tue » et finalement autres « drogueries » (ibid.,
" t raî tr es à [nous-mêmes] » p. 155- 156) , et la structure py-
(ibid. , p. 139). La servitude de ramidale du pouvoir tyrannique
l'homme est telle alors que par laquelle les sujets sont asser-
même les bêtes lui deviennent vis « les uns par le moyen des
un exemple de lutte pour la li- autres » Gbid: p . 164).

43
LA LIBER TÉ EH QUE ST ION
LA BOET IE

e: L'homme [tenant} le p li que la n'est donc pas d


nourriture lu i donne » (ibid. , ibl emand - l " ~ son droit natu rel, et, par man ière Je di re, de
SI e. Même SI' seu1s e lm ""S, ""
p. 150), les serfs s'asservissent et
remettre en .,. 1 . .
le tyran s'engraisse de ce qu'ils
un s « sentent le p id quelqUe
0 1 s du ' s. bete revenu hom me ,' mais encore Je
A '
.' ne, d ési re. pas .en UI SI
.
ne se peUvent empê h JOUg tl rande hardiesse ; je lui permets qu JI a l ~e mi eux Je ne sa~s
lui cèdent de leur propre chef. La c?uer » (ibid., p. 15~ )e~:e.le St. gueUe sûreté de vivre m i sé rabl e~e~t qu une Jou.teus~ ~spe­
Boét ie donne la solution d écon- n est pas question d'h' hberlé q cl vivre à son aise, Q UOI ~ S I pour aVOI r libe rt é JI ne
certante de facili té à ce grave p a- m ais seulement d b erO'iS!llt rance e ., ' 1.
radoxe : il ne suffit que de sou- L ,a ffran ch issem en t e on . sens.' faut que la désirer, s'il n'est besoin qu: ~ u ~ SImple vou orr,
haiter être libre pour l' êt re - qu 'un e p rise de COn , n exige uvera-r-il nat ion au mond e qUi 1 estime encore t rop
~~ . l '
pour le (re)devenir, Cela n 'est pas . l ' SC1enc cl hê e la pouvant gagn er d'un seul souhait, et qUI p aigne
ceci que a lIberté relève cl e e c er , . h
dire que la liberté est au bout du ture d e l' hom me e lana. lon t é à recouvrer le bien lequ el il devrait rac e t er au
, et Une " 1a vo tl'h
fusil, ma is bien plus simplement tance pacifiqu e qu '
, Olque dë
reslS_ rix de son sang , et lequel perdu, tou s les gens u onneu:
que la liberté politique n 'est minée, aux abus p . eler. d oiv ent estimer la vie déplaisante et la mon saluraire ?
qu'affaire de volonté ou de désir, blê , OUVOlt L
pro erne, c est que c'esl là' ..~ Certes comme le feu d'une perire ét incelle devient g rand
A ceux qui veul ent être libres, il beaucoup. deJa
et coujours se renforce, et plus il t rouve de bois, plus il est
prêt d'en brûler, et, sans qu 'on y mette de l,'eau, pour
l'éteindre, seulement en n'y mettant plus J e bOIS , n ayant
C'est chose étrange d'ouïr parler de la vaillance u 1 plus que consommer, il se consom me soi -même et vient
liberté met dans le cœur de ceux qui la défendent., mais a sans force aucune et non plus feu : pareillement les tyrans,
, ,
r 15 ce
qu~ se fau en cous !,~ys, ar cous l~s hommes, tous les jours,
qu un homme matine cent mille et les prive de leur
plus ils pillent, plus ils exigent , plus ils ru inene et d érr u i-
sene, plus on leur baille l , plus on les sert , de tant plus ils
liberté, qui le croirait, s'il ne faisait que l'ouïr dire er non se fortifient et devienn ent tou jours pl us forts et plus frais
le voir? Et, s'il ne se faisait qu'en pays étranges et lointaines pour anéantir et détruire tout ; et si on ne leur baill e rien,
terres, et qu'on le dit, qui ne penserait que cela fût plutôt si on ne leur obéit point, sans combattre, sans frapper, ils
feint et trouvé que non pas véritable? Encore ce seul cyran, demeurent nus et défaits et ne sont plus rien, sinon que
il n'est pas besoin de le combattre, il n 'est pas besoin de le comme la racine, n'ayant plus d 'humeur ou ali me nt, la
défaire, il est de soi-même défait, mais que le pays ne branche devient sèche et morte.
consente à sa servitude; il ne faut pas lui ôter rien, maisne Les hardis , pour acquérir le bien qu'ils demandent, ne
lui donner rien; il n'est pas besoin que le pays se mette en craignent point le danger; les avisés ne refusent point la
peine de faire rien pour soi, pourvu qu'il ne fasse rien conrre peine : les lâches et engourdis ne savent ni endurer le mal, ni
soi, Ce sone donc les peuples mêmes qui se laissene ou plutôt recouvrer le bien; ils s'arrêtent en cela de le souhaiter, et la
se fonr gourmander, puisqu'en cessant de servir ils en vertu d'y prétendre leur est ôtée par leur lâcheté ; le dési r de
seraient quittes; c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe l'avoir leur demeure par la nature. Ce désir, cette volonté est
la gorge, qui, ayant le choix ou d'être serf ou d'être libre, commune aux sages et aux indiscrets 2, aux courageux et aux
quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal: couards , pour souhaiter routes choses qui, étant acquises, les
ou plutôt le pourchasse, S'il lui coûtait quelque chos: a rendraient heureux et contents: une seule chose est à dire 3 ,
ree,ouvrer sa liberté, je ne l'en presserais point, combIen
qu est-ce que l'homme doit avoir plus cher que de se 1. Donne.
2. Gens dépourvus de réflexion.
3. Fait défaut.
1. Maltraite,
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- LA LIBERTE EH QUE STI ON
VOL TAIRE

. . comment nature d é faut a ux h omrne


lle Je ne sars . fi . s marcher q uand je veux marcher
en Iaque . r : c'est la liberté, qUI est cou t e OIS un b ien si et qu e je n'ai poi nc la goutte ..
se dit communémenc sur la li_
pour la dé~l~ .' qu 'elle perdue, cous les m a u x v iennent (Le Philosophe ignorant) ,
bercé de la volonté, renforce la
grand et SI P ~.sant~êmes qui demeure nt après e lle perde nt
dist inct ion encre la liberté d'agir
Cont re la prem ière objec tion qui er la nécessiré de vouloir
à la file, et les lens ûr et saveur, corrompus p ar la s ervi tude ' est faire à cet te d éfi nit ion de la L'homme est « agent quand il s~
'ècem en r leur go d' , . . lib ert é, Voltaire répond qu e
enn 'be é 1 s hommes ne la esirenr P OInt , non pOUr meur voloncairement, patient
la seule ~I cr, esemble sinon que s 'ils la d ésira ient ils l'homme n'est pas lib re autrement quand il reço ir des idées .. (Le
ratson ce ' , ' que Je chien, même s'i l est plus Philosophe ignorant). Il n'y a rien
aurre, ' s'ils refusaient de [Bue ce bel acq u êt se u _ libre qu e lu i, La liberté des ani-
l'auratent, comme . , , sans cause, et l'argumenc qui re-
lemenr parce qu 'il est trop BIse . maux er celle des hommes SOnt pose sur la prétendue indiffé-
quantitat ivem ent d ifférent es rence du choix ne doit pas me
mais qu al irativeme nr sem- tromper: « Les lois de la natu re
blables , Il y aurait donc des éranr tou jours les mêmes, ma vo-
II
degrés de liberté, Tout comme loncé n'est pas plus libre dans les
l'homme, l'animal est libre, dans choses qu i me paraissent les plus
VOLTAIRE la m esure où il a le pouv oir indifférentes que dans celles où
d 'ag ir. Cependant, alors que la je me sens soumis à une force in-
liberté de l'homme est le pouv oir vinci ble" (ibid,), Pas de diffé-
« LA LIBERTÉ N'EST DONC AUTRE CHOSE de « s'ap p lique r à quelques pen-
QUE LE POUVOIR DE FAIRE CE QUE JE VEUX ?» rence donc ent re choisir pair ou
sées, et d'opérer certains mou- impair et choisir de se marier ou
vements ", celle des animaux non, Pour Voltaire, il n'est pas
Voltaire, Dictionnaire philosophique (1764), « consiste à vouloir cr à opérer même besoin de faire référence
art icle « De la liberté ", des mouvem enrs seulement " au prob lème de la g râce divine
GF-Flammarion, 199 7, p . 255- 258. (Traité de métaphysique, VII) . pour nier la liberté d'indifférence
Lorsqu'on lui demande s'il est dialogue, établir en t rois temps La réponse faire à la deuxième et le libre arbi tre,
libre, Voltaire répond qu 'il n'est sa d éfinition de la liberté par rap- objection , qui se réfère à ce qu i
pas en prison, qu'il a la clef de sa .(?Oct à ces notions connexes,
chambre, et qu'il est, par consé- A partir de l'exemple de la fuite
quent, " parfaitement libre" (Le devant le danger que repr ésen- A. - V o il à une batterie de canons qui ti re à nos oreilles ;
Philosophe ignorant, XIII), Cette tent les ti rs de canon, Volraire avez-vous la li berté de l'entendre ou de ne J'ente nd re pas ?
réponse, en apparence légère, est passe de la liberté d 'en entendre B, - Sans douce, je ne peux pas m 'empêcher de J'ente nd re.
en fait lourde de toute une le bruit ou pas, au vouloir d'y A , - V oulez-vous que ce ca n o n e m porte vo t re têre et celles
conceprion de la liberté héritée échapper et au pouvoir de le faire. de vo tre femme er de votre fill e , qu i se prom ènent avec
de John Locke, pour qui " la li- Cela pour établir que la liberté vo us ?
berté consiste dans la puissance est le pouvoir d 'agir - c'est-à-
d~ faire ou de ne pas faire, de B. - Quelle proposition m e faires-vous là ? J e ne peux pas,
dire la puissance, la capac ir é j- et
faire ou de s'empêcher de faire tarit que je suis de sens rassis , vou lo ir ch ose p areille ; cela
non le pou voir de vouloir. « Erre
selon, ce que nous voulons ~ véritablement libre, c'est pou-
rn'esr impossible,
(Essai sur l'entendement humain voir. Quand je peux faire ce ,q~e A. - Bon; vous entendez nécessairement ce canon, et vous
II,2 1, §56), ' voulez nécessairement ne pas mourir, vous et vo t re fam ille ,
je veux , voi là ma liberté ; mars Je
~ q~estion de la liberté, en effet, veux nécessairement ce que je d'un coup de canon à la promenade; vous n 'avez n i le pou-
implique la prise en compre des veux ; autreme nt je vo udrais ~ans vo ir d e ne pas entendre, ni le pouvoir de vouloi r rester ici.
n?rl~ns de volonté, de pu issance, raison sans cause ce qui est rrn- B . - Cela est clair ( ... ).
daman.., Volraire, dans ce vif possib'le, Ma lib~rré consiste à
47
46
VOLTAIRE
'T É EH QUESlIOH
LA LIB En

it une trentaine de pas B. - J'entends


" ce que tour le, monde entend . N e d 'It-on pas
' quence fa . d
_ Vous avez en cons e avez eu le pouV01 r. e mar- tOUS les Jours . « les volontes SOnt libres » ")
A. A '1' bri du canon , vous A.. - Un proverbe n'est pas une raison"' exp l'iquez-vous
pour etre a ~ de pas ? mieux.
c moi ce peu .
cher ave rès clair. ," ' B. -. J'entends que je suis libre de vouloir comme 1'1 me
la esr encore t l ' ue vous n aunez pu evi ter
B. - e C . ' té para ytlq , . 1 plaira.
- Et si vous aViez e ' . vous n'aunez. pas eu e pou -
A . ' , ' te bat ten e , , , ' A. - Avec votre permission, cela n'a pas de se ' .
etre expose a, cet
d 'ê
êtes .. v oUS aunez necessauement
. , "1 'd ' ns , ne voyez-
vous pas qu 1 , est n. icule de dire'. « Je ve ux vou 1air ' » -'(
. d'être ou vous d n et vous senez mort neces-
VOir coup e cano , Vous voulez necessairemenr, en conséquence des 'd ' .
entendu et reçu un , " 1 ees qUi
. ") .
S
e sont p rese ntees a vous. Voulez-vous vous m '
arier, OUI ou.
sairem ent ' , 1 véritabl e, ,"
- Rien n est p US d votre liberte, SI ce n est dans le non?
B. . 'st e onc . B. - Ma is si je vous d isais que je ne veux ni l'un ni l'aut ")
A. - En qu Ol co nsl, d ' .d a exercé de fai re ce que votre , d ' re .
, votre 10 IVI U ") A. - Vous repo~ nez com~e celui qui disait : « Les uns
pouvoir q~e . , nécessité ab solue.
volonté eXigeait dune . la liberté n'est donc autre chose , croient le cardlOal Mazarin mort, les autres le croie nt
m 'embarrassez , ") vivant , et m oi je ne crois ni l'un ni l'autre. »
B. - V ous ru faire ce que je veux . B. - Eh b ien ! je veux me marier ,
que le pOUVOir de ez si la liberté peut être entendue 1
A. _ Réfléchissez-y , et voy A, - Ah ! c'est répondre, cela. Pourquoi voulez-vous vous
autrement. h i de chasse est aussi libre que moi; marier ?
cas mon c ien d I] ' B. - Parce que je suis amoureux d'une jeune fille, belle,
B, - E n ce . ' 1 la ncé de courir q ua n 1 VOIt un
il a nécessalremen~ da va urir s'il n'a pas mal aux jambes. douce, bi en élevée, assez riche, qui chante très bien, dont
lièvre , et
le pOUVOir e co
, d de mon ch ien : vous me te uisez
êd . les paren ts sont de très honnêtes gens, et que je me flat te
Je n'ai donc r~en au- essus d'être aimé d'elle et fan b ien venu de sa famille.
à l'état des bête s. h ismes des pauv res sophistes A. - Voilà une raison . V ous voyez que vous ne pouvez vou -
'1' 1 s pauvres sap lib loir sans raison. Je vous déclare que vous êtes libre de vous
A. - V al a e . V 'A
'l'a bien malade d erre 1 re .
, u rt ous val marier; c'est-à-dire que vous avez le pouvoir de signer le
qui vous ont 1O~~r " Eh ! ne ressem b lez-vous pas ~ votre
comme vot re c ien : -, L c.: m la soif la velUe, le contrat .
' Il choses ' a lai , ' B. - Comm ent ! J e ne peux vouloi r san s raison? Eh! que
chien en ml e . r-ils pas com muns avec
, 1
dormit, es cinq s
. ens ne vous son
. , dorat au t rem ent que par e
1 deviendra cet autre proverbe : Sit pra ratiane uoluntas : ma
lui ? Voudriez-vous avoir 1 a . r la liberté autrement volonté est ma raison, je veux parce que je veux ?
) Pourquoi voulez-voUs avot A. - Cela est absu rd e, mon cher am i : il y aurait en vous
nez. un effet sans ca use .
' ) n chien
que l UI . . ' n n e bea u coUP et ma
B - Mais j'ai une âme qUI ralso d 'de' es simples, et B, - Q~oi ! lorsque je joue à pair ou non , j'ai une raison
. ' Il ' u e q u e es 1 de choisir pair plutôt qu'impair? .
ne rai sonne g ue re . na presq
A, - Oui, sans douce .
moi j'a i mille idées métap~yslq~es . libre que lui : c'est-
- Eh b ien ! vous êtes mille fOIS plus ir de penser ~. - E~ quell e est cette raison, s'il vous pl aît?
A. '11 fo i lus de POUVOI , piU"':AC est q~e ,l' id ée de pair s'est présentée à votre esprit
à-d ire que vo us avez ml e OIS .p en t que luI.
'A libre autrem . UJC J cas to: que 1 Idee opposée . Il serai t plaisant qu'il y eût des
que lui ; ~a,is vous ,n etes I:'as de vouloir ce que ,e ve '
ou vous voulez parce q u'il y a une cause de vou loir, et
B. _ QUOI ! Je ne SUIS pas lib,re)
A. _ Q u 'en t en d ez-vous p ar ~ 49
48
. , ,:~
LA LIBERTÉ EN QUE ST ION
KANT

qu'il y eût quelque cas où vous vouluss'


. lez Sa sur l'existence d'un être a~lu­
Quand vous vou 1ez vous marrer, vous en s ns caus .1 dicion né est donné , se
, id entez 1 e. " SI e con . 1 e me nt nécessaire. Ce conan op-
dominance, eVI ernmenr ; vous ne la sentez p as a raisa don née aUSSI a som m
n rrouve . . ns, ar pose, de manière apparemment
,
jouez à pair ou non , et cependant il faut b· gUand vou .,
en tle re
des cond w o cc p
. irréd uct ib le, une rhèse et. une
len qU'î s , uent l'abso lu me nt meon - . hès e Dans l'antinomIe en
ait une. 1 Y tn conseq 1 1 antlt. . d
. ' e' par lequel seu em enr e effet, .. à partir du fair que• . e
B. - Mais, encore une fois, je ne suis don c p lib d ltlOnn" lOn né esr possible ( 'b
» r r ..,'d
A. - Votre va 1onre" n est pas lib as 1 re;'. con d IC . l'unité synthétique de la .sé Cle ,
1 re , mais vos act ' . 419). La dialeCtlq ~e ~e la ral ~
~ j'ai d 'un côté, à chaque f~ls, u.n
Vous etes 1Jibre d e raire
c..:
quan d vous avez le pouvIons' le Sant. p
son es
r do nc l'operatIOn qUI
concep t q ui se cont.redrt lUJ-
. 1 l' ., . 1 ou de f . . ' s'e'lever en parrant
B. - Mais tous es Ivres que J al us Sur la liberté d'j al:e. conSlsre a « .' . " mêm e, je conclus à la Just?se,de
de la synr hèse cond ltlonnee a la-
férence ... ndlf. l'e ntende m enr dem eure
l' uni té opposée, alors que Je n en
A . - Sont des sottises : il n 'y a point de libert ' d' . q ue Ile "a un e ai pou rta nt non plus aucun
tou jou rs arrac h.e,
é . JU . squ
, ,.
, d . ,d . e Jnd1tré concep t» (ibi d., p. 359).
renee ; c est un mot esnrue e sens , Inventé par d . synr hèse incondltl?nnee qu .il. ne
., . , es gens La troisiè m e antinomie oppose
qUl n en avalent guere. peur jamais arte lOdre» (rbu':,
donc la liberté et la nature, une
p . 354). Les con cepcs de la rai-
causalit é libre et le principe de
son pure - concep cs de « la to-
causalité q ui est au fondement
raliré des conditions pour un
III conditionné do nn é » - résu lrant des sciences. Dans la Critique de
de cerre quête de l'inco ndi - la raison pu re, même si la thèse
KANT rionn é sont les Idées rrans cen- joui r d 'un intérêt pratique, en
da nral es. La Crit ique de la raison tant que « pierre angulaire de la
pure en déno m br e trois : l'â me, morale " (ibid ., p. 4 56) - l'Idée
le monde et D ieu . trans cendantale de liberté est en
L'ANTINOMIE DE LA LIBERTÉ ET DE LA NATURE
C'est la deuxièm e classe des rai- effer « le fon dem ent propre de
sonnement s soph ist iques qu i l'i m p utab ilité d e U']accion »-.
Kant, Critique de la raison pure 078 1, 1 8 ), er de la faveu r du sens commun.
nous int éressent ici - les « anri-
« Troisième conflit des idées transcendanrales , l'empi ris m e de l'antit h èse bé-
nom ies de la raison pure ». La
trad . A. Ren aut, Aubier, 1997, p. 442-447. question de la Iiberr é, q u i esr au néficie de rou te l'ass ise de l'Ana-
Connaître, c'est mettre en- tique - c'est-à-dire transcendant cen tr e de l'œuvre de Kant , se lytique des pr incipes. où le prin-
sem ble une intui ti on sensible, - qu 'elle fait des principes, la pose donc d 'abord au sein du cipe d e causalité a été défini
donnée dans l'espace et dans le raison « se borne à affranchir le sysrèm e des idées cosmo lo - comme « la cond it ion de la va-
temps, et les catégories de l'en- concept d'entendement des limira- giq ues, et dans le cadre de Iidi t é obj ecrive de nos juge-
tendement. C'est ce qu'établi t t ians inévit abl es d'une exp é- l'Antithétique de la raison pure, m ents empi riq ues eu égard à la
Kant dans l'Esthétique transcen- rience sensible et cherche donc c'est-à-dire dans un « conflit de série d es percept ions, et par
dantale, et dans la Logique trans- à l'é te ndre au-delà des limire connaissances apparemment suite [comme} la condition de la
cendantale de la Critique de la rai- de l' empirique (p. 418). Cette
)l
dogmariques » (ibid., p . 426). vérité empirique, et donc de
son pure, en définissant les raison d ialecrique recherche En effet, se demander s'il l'expérience» (ibid., p. 266).
conditions de toute expérience l'inconditionné, la [Oralité, n'existe de causalit é que natu- L'enjeu de ce Troisième conflit des
possible. l'unité et l'absolu. Elle tente de relle relève d 'un conflit des lois ldëes transcendantales est donc
Odr, ans 1a D ialectique trans- ' nce
« trou ver , pour la connalsS a
de la raison pure - à l'insrar de d 'importance puisqu 'il s'agit de
cen,dantale, Kant montre que la cond iti onnée de l'entendement roure investigation portant sur savoir « si je suis libre dans mes
raison veut étend re la connais- l' incondi ti on né par lr~~
l le caractère infini du monde
actions ou si, comme d 'autres
dans l'espace er dans le temps
sance hors des limites de l'ex- l'unité en est achevée " '." : êtres, je suis conduit par le fil
sur la nature de ses composés:
périence : dans l'usage d ialec- p . 338), en suivant ce principe · de la nature et du destin » (ibid.,

50 51
LA LIBERTÉ EN QUEST ION
KA NT

, de mettre en Ce texte de la Critique de 1


a raI
454): il s'aga , d'un son pu re est capital pou - . enco re nécessaire d 'admet tre e n vue de leur explication une
p, ' mOlfiS que, , tOUt
L_I
[)lUan
ce rien
'b1"té de la mora e,
1 questionnement Sur la lib ' ca u salit é pa r lib erté ,
'éla~111
cot, , l'- - - Ile de la SCIence. . car 1' lresume
' 1a grande diffi erte
1: P reu ve, - Supposo ns q u' il n 'y ait pas d 'autre causalité que
de 1autre, ce . , "l ' cu te
et , 11 s sont expnmees, qu 1 ,·y a a" penser la possib lite '!' .
d e l mscripn on de la lib ' lle q ui s'ex erce d 'ap rès les lo is de la nature: dans ce cas,
Telles qu e, e tlt ' hèse de la Troi- erte ce l '1
la t hëse
p<.
et 1an "posent de ma- dans le monde et dans 1 to u t ce qui ar rive p résu p p ose un ét at antérie~r auque 1 su~-
" tSnliTfo1fllt s op cède in évi ta b le m e nt d 'après une règle. Or Il faur toutefois
temps . La liberté. comme ldé:
" ontrad"re
JltJrU
KW] ,
dans la me-
transcendant ale, et Corn que l'ét at a nté rie u r lu i- m ême so it que~que chose qui e~t
ntere c 'une proposition
e où a r hêese d la' lect rq
' ue de la raison me
sur 'universelle ( << tout ar- a rri vé (q u i es t ad ven u d ans le temps, pUIsque auparavant Il
affirmative pure, concerne « une question n 'était p as), ét a nt do nné que , s 'il avait toujours été, saconsé-
rive après les lois de la na-
. d'
à laque lle toute rai, On
t opposée une propo- . q uence n 'aurai t pas ell e non p lus com m en cé de naître, mais
ture ») es . li humalfi~, dans le parcours qui
.. négative partlcu lere ell e a u rai t aussi toujo urs ét é . Donc , la causalité de la cause
srnon , rës 1 est le SIen, doit necessairemenr
(<< /QIIt n
'arrive pas d ap à-dies par laq u ell e q u elq ue ch ose ar rive est elle-même quelque
lois de la nature ", c'est-a Ife se confro nter » (ibid.. p.427).
De plus , la raison ne pouvanr cho se qui est a rri vé, et qui , d 'ap rès la loi de la nature, pré-
qu'« il est possible que que/que
,h9Je arrive librement "). Ces jamais complètement renoncer supp ose à so n rou r un é tat a ntérieu r et la causalité de celui-
propositions prédicatives s'ex- à la tentat ion de l'absolu, elle ci , et ce t é ta t présuppose de m ê m e un état encore plus
cluent donc l'une l'auere, ne pourra peut -être jamais ré- an ci en , etc. Si donc t o u t arrive d 'ap rès de simples lois de la
puisque la vérité de l'~ne im- soudre définit ivement l'opposi- natu re , il n 'y a en t o u r état de ca use q u 'u n commencement
plique la fausseté de 1autre et tion entre la natu re et la li- su ba lterne , m ais jamais un premie r co m m e nce m e nt , et ainsi
réciproquement , Or, ce que berté - oppos ition entre la
n 'y a- t - il en géné ral aucune compl é tud e de la série du côté
montrera Kant, c'est que raison dans son usage théorique
et la raison dans son usage pra- des ca uses p rovenant les unes des au tres, Or, la loi de la
comprises différemment, la
thèse et l'antithèse pourraient ne tique. La Critique de la raism nature co nsis te p récisément en ce q u e rie n n'arrive sans une
s'opposer que comme sub- pratique essaiera cependant de ca use suffisamm ent déterminée a priori. Donc, la proposi-
contraires, c'est-à-dire comme répondre aux questions que ti on sel on laquell e rouee causalité ne se rait possible que
deux propositions particulières pose cerre T roisième nntinomi« : d 'après des lois de la nature se contred it ell e-m êm e dans son
qui pourraient être vraies en la liberté ne se renconrre-r-elk unive rsal ité sa ns bornes, et en ce sens elle ne se peut
même temps. En d'autres vraiment dans « aucune expé- ad m ettre co m m e la seule causalité,
termes, si on distingue nette- rience ,, ? La liberté n'est-elle
ment phéIlomènt et choJe en soi (cf. nécessairement «qu'en dehors En vertu de quoi il taut admet tre une causalité par
texte n° 20), on peut concilier la du rnonde s ? La liberté esr- laquelle quelque chosearrive sans q ue la cau se en soit déter-
thèse et l'antithèse en pensant elle «absence de lois Il Quel
) minée encore à son tour par une ca use antécéde nte d'après
e~,mble, quoique sur des plans est le statut de la liberré ? des lois nécessaires, c 'est-à-dire une absolue spontanéité des
diStlOCts. la nécessité des phé- causes consistant à inaugurer par soi-même une série de
nomènes physiques et la liberté
de l'action, phénomènes qui se déroule d'après des lois de la nature, par
co~séquent une liberté transcendantale, sans laquelle,
meme dans le cours de la nature, la succession sérielle des
phénomènes n 'est jamais complète du côté des causes.
Thèse. - La causalité qui s'exerce d'après les lois de ~a
e Antithèse. - Il n'y a pas de liberté, mais tout clans le
, n'est pas 1a seu1e d'oî
nature ou pUlssenc etre déri
enves lesph '
A

monde arrive uniquement d'après les lois de la nature.


nomenes d d l' , Il est
u mon e considérés dans leur rota rte.
53
52
LA LI BERT É EN QUE STION -
KA NT

Preuve. - Supposons qu'il y ait une liberté au se


. , . 1" ns tta causalité s'y trouve tou jours conditionnée, mais elle promet
dantal constItuant un e espece pa rt lcu ier e de Os.
cen , , d caus l' en g uise de dédo mmag eme nt une unité de l'expérie nce qui
d 'après laquelle les évenements u monde pOUrra" a Ité
. d lent av ' soit in tég rale et conforme à des lois ; au cont raire, le fan-
lieu c'est-à-dire un pouvou e commencer absolu Olt
, ". d ment tasme cie la libert é pro met assurément à l'entendeme nt un
état par conséquent aussi une sene e cons équen d Un
e , '1 ces e repos dans son exp loration de la chaîne des causes , en le
érat : dan s ce cas, ce n est pas seu ernent une '. Cet
l ' ffi d serIe g , menant vers un e causalité incond it ionnée qui inaugure
commencera absolument sous e et e cette spo " UI
. d' . . d ntane!t' d 'elle-m ême son acti on , mais q ui, dans la mesure où cette
mais c'est aUSSI la etermlOatIOn e cette SPOntan '" e,
. 1 , . , 'd ' 1
même à produire a sene, c est-a- ire a causalité
elCe elle
. causalité elle-même est aveug le, int roduit une rupture dans
ue rien ne
, èd e par quoi. l"action qUI. Jntervien
prece
. ' en SOtte
. , le fi l cond ucteur des règl es d 'après lequel seule ment une
q . , 1 dl' t alnsl expérience intég ralement cohérent e est possible.
soit détermlOee se on es OIS constantes. Ma'
. " IS tOUt
commencement lOaugurant une act ion presuppose u '
Remarque sur la th èse. - L'Idée transcendantale de la
de la cause ou' Ielen ' ag ir . pas encore, et un commenc n etat
liberté ne constit ue certes pas , tant s'en faut, tout le contenu
dynamiquement premier d e l' acr
. i n presuppose un état
acrio ement'
du concept psycholog ique qui porte ce nom et qui est en
n "entretIent a~cun, l I~n ' 1 1" ,
ca~sa, ave~ etat ,precédenr de la
gUI
grande partie empi riq ue; elle constitue seulement, en fait,
même cause, c est-à-dire qUi n en resulte d aucune man"iere le concep t cie la spo nta néité absolue de l'action, tel q u' il est
Donc, la liberté transcendantale est opp osée à la loi de ca ~ le fondeme nt propre de l'i mputab ilité de cette act ion. Cette
salité, et une telle liaison des états successifs de causes ef~. Idée est néan moins la vraie pierre d 'achoppement de la phi-
cientes, en vertu de laquelle nulle un ité de l'expérience n'est losophie , laq uelle trouve des difficultés insurmontables à
possible, et qui dès lors ne se rencontre non plus dans admett re un e semblabl e sorte de causalité inconditionnée.
aucune expérience, est par conséquent un p rod uit inconsis- Ce qui donc, dans la question po rt ant sur la liberté du vou-
tant de la pensée. loir, a mis depuis tou jours en si g rand embarras la raison
spéculative, n'es t prop rement que d 'ordre transcendantal er
Ce n'est donc nulle part ailleurs q ue dans la nature qu'il porte uniquem ent sur le fait de savoir si l'o n doit adm ettre
nous faut rechercher l'enchaînement et l' ordre des événe- un pouv oir de com mencer de soi-même un e série de choses
ments du monde. La liberté (i nd épendance) à l'égard des ou d 'ét ats successifs. Comment un tel pouvoir est -il pos-
lois de la nature est certes une libérati on vis-à-vis de la sible ? Il n'est pas exactement nécessaire d 'être en mesure
contrainte, mais aussi vis-à-vis du fil conducteur de toutes de répond re à cette q uest ion. p uisq ue aussi bie n, pour la
les règles. Car on ne peut pas dire qu 'au lieu des lois de la causalité suivant des lois de la nature, nous devons nous
nature ce sont des lois de la liberté qui interviennent dans conte nter de reconn aître a priori qu' une telle causalité doit
la causalité du cours du monde , dans la mesure où, si elle être supposée, bien qu e nous ne comprenions d'aucune
se trouvait déterminée suivant des lo is elle serait non pas manière com ment il est possib le q ue, pa r une certaine exis-
te nce, l'existence d 'un autr e êt re soit posée, et que nous
liberté, mais elle-même purement et simplement narure,En
~oy~ns c,o?traints à ce p ropos de nous en te ni r un iquemenr
ce sens , nature et liberté transcendantale se distinguent
a 1 expenence. En fait, cette nécessité d 'un premier
l'une de l'autre comme la conformité à de s lois et l'absen.c:.
c,ommen:eme nt libre d 'une série de phé nom ènes, nous ne
de lois: la première, certes, inflige à l' en tendemen t la d\,' 1avo~s demonrrée prop rement que dans la mesure où c'était
6.culté qui cons iste à chercher toujours plus haut dans la requis pour rendre comp réhensible une origine du monde ,
ne des causes la provenance des événements, pUIS
séri . que a
55
54
LA LIBERTÉ EN QUESTION -- KANT
;!
'f
.,
.• :
~

,
t que l'on peut tenir toUS les états qui s'en ' hil hes de l'Antiquité (l' école epICU-
cepend an . 'eff d" sUlven fait qu e tOUS ~es) P 1 OStO~us forcés d 'admenre, pour expli-
consécution qUI s e recrue apr ès de simpl t
pour une . l' l ' es 10' tee se son . '
d e 1a
nacure. Mais, pUIsque par a e POUVOIC de comm IS rien ne eXceP d onde un p rem ier moteur, c est -
, ie d ans 1e temps a été encet 1 ouv ements u m , " ,
, fait par soi-même une sene quer es m librement agissante qUI a inaugure en
cout a ~ 'l ' d ,. proUvé
f is (quand bien meme 1 n a pas
une 101 .
onne heu à Un "
' d c:: e saisI à-di r~ une c,~~tee_a:ême cette série d 'états, D e fait n 'ont-Ils
lai ) il nous est désormats permIs e raire commen e premIer et d • ' d e la simple nature d e rend re
c aue , " d . d cer par as eu J'audace a parti r,
-mêmes diverses senes, u POInt e vue de la cau li P
eIles d d d' ib Sa Ite êh
compre ensi
'ble un premier commen cement.
au milieu du courds, u. monl .ebet , aMtt~1 uer à leurs subs~
tan ces un pouvoir
.
agir par 1 erre. aIS qu'on ne se l '
al d " alSSe Remarque sur
l'antit hèse. - Cel ui qui ass ume la
. '
as arrêter iCI par un m enten U qUI conSIsterait à c ' déf de la toute-puissance de la nat ure (p h ys iocrat ie
P " , , 'f roue elense . d d e 1a d oc t rr. ne
que, comme une sene a caract ère sUC.ceSSI ne peut avoirdans en prenant le contre-pie
transcen d an tale) ,
le monde un commencement premIer ~ue par comparaison de la liberté pourrait argum enter de la façon s U lv~.n te
(puisqu'en tout état de cause Il y a toujours dans le mond raisonnements sop hist iq ues de cet te derni ère .
un état antécédent des choses), nul commencement ab e contre les . .
Si vous n'admettez pas dans le m ond e de te rme q UI Sa lt
lurnenr premier des séries ne serait possible durant le cou-, mathématiquement premier dans l' ordre d u te mps, vo u~
du monde. En C' rait, nous ne parl ons pas ICI ' i d u commencurs.
, ez pas non plus besoi n de rech erch er u n terme q UI
ment absolument ~r~mi~r rel.ativement au temps, mais p:r n av
soit dynamiquement premier dans l'o rdre de la ca usa He,
l' ,
rapport à la causalité. SI mamtenant (par exemple) je me Qui vous a ordonné d'imag iner un état abso lume nt p re-
lève de mon siège en toute liberté et sans qu'intervienne mier du monde, et par conséq uent u n co m me nce me nt
l'influence, qui détermine avec nécessité, des causes natu. absolu de la série au cours de laq uelle se succède nt les
relIes, alors , à la faveur de cet événement qu 'accornps, phénomènes et, pour que vou s pui ssiez procure r à votre
gnenr ses conséquences naturelles à l'infini, commence imagination un point où ell e se r~p o s e , d 'imposer des
absolument une nouvelle série, bien que, relativement au limites à la nature sans bo rn es ? Etant don né que les
temps, cet événement soit seulement le prolongement substances ont de tour temps été dans le m on d e, ou du
d'une série antécédente. Car cette décision et cet acte ne moins que l'unité de l'expérience ren d nécessaire une
sont nullement inscrits dans la succession des simples telle supposition, il n'y a pas de diffi culté à ad me t tre
effets naturels et ils n 'en constituent pas un simple pro- aussi que le changement de leurs éta ts, c'est-à-d ire une
longement ; au contraire, les causes déterminantes de la série de leurs changements, aurait exi sté de to ut tem p s,
nature cessent totalement de jouer, dans la série, en et par conséquent que nul prem ier co m m e n cem e nt
amont par rapport à cet événement, qui cerces leur suc- n'aurait besoin d'être recherché, ni d u point de vue
cède, mais n 'en résulte pas - ce pourquoi il faut le dési- mathématique ni du point de vue dynamique. La pos-
gner comme un commencement absolument premier sibili~é d'une telle dérivation infinie , sans position d'un
d'une série de phénomènes, non pas certes relativement premier terme par rapport auquel tour le reste ne fait
au temps , mais cependant par rapport à la causalité. que .s':~s~ivr~, ne se peut rendre compréhensible comme
POSSI~I.ltte meme. Mais si vous voulez pour cela écarter
Une confirmation du besoin qu'éprouve la raison de,se c~~ enigmes de la nature, vous vous verrez contraints
référer, dans la série des causes naturelles, à un premier d ecarter beaucoup de propriétés synthétiques fondamen-
tales (forces fondamentales) que vous pouvez tout aussi
commencement libre saute très clairement aux yeux dans le
57
56
LA li BERT É EN QU EST ION
BERGSON

êrne la possibilité d 'un chan!>e


endre et m . b (:) • IV
peu compr" ' doit our vous devemr sca reuse. Car
ment en general . Ps par l'expérience qu 'i l y a l'
. vous ne rroUVlez pa , .a BERGSON
SI h d 'effectivement reel, vous ne POu rrIez
~uel~ue ,c ose. priori comment une telle succession
jamais decouvnr a ibl UN PROBLÈME MAL POSÉ
. Il d'A e et de non-êrre est pOSSI e.
commue e err
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience
bi ême en tout état de cause, se verrait (1888), chap. rn,
Quand ien m , d li berté .
voir transcendantal e 1 erre pour faire " De L'organisation des états de conscience :
ad mettre un pou d d . la liberté », PUF, 1927, p. 165-166.
hangements du mon e, u mOInS Ce
commencer les C • '
pouvoir ne devrait-il nécessaireme nt .erre qu en de~lOrs .du La constatation cr itique fait e par nisme psycholog ique se ramè-
Bergson selo n laquelle « les nent tous deux à un même mé-
monde (quoique cela demeure roujours une pretention
grands problèmes m étaphy- canisme , profond ém ene inca-
téméraire que d 'admettre, extérie~rement à l'ensemble siques SOnt généralemene mal pable de rendre compte de la spé-
global de toutes les intuitions possibles , en~ore un objet posés » (La Pensée et le Mouvant, cificité irr éduct ible de l'acre
qui ne peut être donné dans aucune perception possible). p. 104 ) ne s'i mpose sans do uce libre. Mais, et c'est là le cenere de
Simplement, dans le monde lui-même, ne peut-il jamais n ulle part avec autant de force l'analyse bergsonienne, que l'on
être permis d'attribuer aux substances un tel pouvoir , que dans le cas de la liberté. Ce essaie de nier la liberté ou de la
problème comm un à la méta- prouver, on commet la même er-
parce que dans ce cas disparaîtrait pour la plus grande
ph ysique et à la psychologie reur , et on est voué au même
partie l'enchaînement des phénomènes se déterminant peu t-il tr ouver sa solution g râce échec, car la libert é se refuse, par
réciproquement, avec nécessité, selon des lois universelles à la seule recti fication de son nature, à rou te définition. Vou-
(enchaînement que l'on nomme nature), et avec lui dis- énoncé ? N'était-il alors qu 'un loir expliquer la liberté, c'est vou-
paraîtrait la caractéristique distinctive de la vérité empi- faux p robl ème ? C' est ce que loir déterminerl'indéterminable.
rique, celle qu'e lle permet de différencier du rêve l'ex- l'Essai sur les données immédiates de Qu'un acte libre soit défini pat sa
la conscience tente d'établ ir. contingence, par son irnprévisi-
périence. Car au regard d'un tel pouvoir de liberté En réalité, selon Bergson , la si- bili té ou encore par son caractère
n'obéissant à aucune loi, on ne peut plus guère pense; tu at ion est la 'suivante : « Le inconditionné, dans cous les cas
une nature , puisque les lois de cette dernière SOnt conti- moi, infai llible dans ses consta- on ne peur échapper au déter-
nuelle~ent , transformées par les influences qu'exercerait tations immédiates, se sent libre m inisme, car au fond on confond
cet.te liberré et que le jeu des phénomènes, rég ulier et et le déclare ; mais dès qu 'il toujours le qual itatif (la liberté )
cherche à s'expliquer sa liberté, il et le quantitatif (la nécessité).
unt.forme, selon la simple nature, est ainsi rendu confus
et incoh érenr. ne s'aperçoit plus que par une es- Tout le texte de Bergson repose
pèce de réfraction à travers l'es- sur une série de couples d'op-
pace [...J. De là un symbolisme posés qui relèvent de cette op-
de nature mécaniste, également position fondameneale du remps
impropre à prouver la th èse du authentique et de son symbole
libre arbitre , à la faire spatial - de la durée et de l'éten-
comp rend re, et à la r éfurer » due. Tant qu'on ne d istingue pas
tibid., p. 137). En effet, le dérer- ces deux ordres ni les deux as-
min isme ph ysique ou la concep- pects d u moi qui y sont associés,
tion associat ionniste des états de on ratera la liberté, qui est du
conscience propre au détermi- côté du « temps concret », du

58 59
LA LIBE RTÉ EN QUEST I ON
BERGSON

Le problème initial ne laisse '


s qUI, s'écoule »' de la -r' ,1
pas al?rs la plac~ , à une aUtre dif,
« [emp , du " progrès », sym bole spatial : et dès que l'on admet cette éq uiv a-
« successIOn »" " [ du « fait ficulré, celle de 1 ImpossibiIiréd
de la « spontaneite » e , lence , on aboutit, par le développement même de la
li t Au contraIre, renir un discours Sur la liberté ~
s'accomp issan », '1 formule qu 'on vient d 'énoncer, au plus inflexible dé ter-
La liberté ne peur-elle gU '
,
SIon se d éfait de cette, tenace
d
1-
s'éprouver? Ne peut-on prouve m in isme.
l USI'on, qui esr à l'origIne
é
u pro-
urra la Iiib erre' de J'acte qu ,en agiSSarer D éfinira-t-on l'acte li bre, « celui q u' on ne saurait pré-
blërne de la Iiberr , on po lt
librement , de la même faço voir, m ême q uand on en connaît à l'avance toutes les
co mprendre de l'intérieur ,"
ce , ' n
« rappore du moi concrer,a acte qu on ne pourrait , expliquer 1e co ndi ti ons »? M ai s concevoi r toutes les co ndi t io ns
qu'il accomplir » ,e ~ érabll~ par ~e mouvement qu en matchant ) com me données , c'est, dans la d urée concrète, se p lacer
moyen de l'intuition qu « agIr En tour cas, comme le dit VIa: au moment m ême où l' acte s'acco mpli t. Ou bien alors
librement, c'est reprendre pos- dimir J ankélévitch, à propos de on admet que la m ati ère de la d ur ée psych ique peut se
session de soi, c'est se replacer la conception bergsonienne de la
rep résenter sym boliq uem ent à l'avance, ce qui revient
dans la pure durée » (ibid. , liberté, « c'est cerre transitivité
et c est ce partrcipe present " [le
1 U o . '" ' (.oo ] à traite r le temps comme un mi lieu homogène, et
p. 174). Moyennanr donc, un ra-
dical changement de m éthode, se-faisant], qui représente le m ys- à ad met t re sous u ne nou velle forme l'équivalence absolue
er une conversion éthique, la li- tère et j'ipséité de la liberté » , Er de la d u rée et de "son symbole. En app rofond issant cette
berré authentique peur être sai- ce gui est sûr, c'est gue la seconde définition de la liberté, on aboutira donc encore
sie dans l'acre libre, fruit d'un compréhension de la liberté ne au déterminisme.
dynamisme inrerne, émanation va pas sans une compréhension Définira-t-on enfin l' acte libre en disant qu'il n 'est pas
du moi fondamenral. du temps. nécessairement déterm iné par sa cause? Mais ou ces
mots perdent tout espèce de signification , ou l'o n entend
par là que les mêmes causes intern es ne provoq ueront
On appelle liberté le rapport du moi concret à l' acte qu'il
pas toujours les mêmes effet s. On admet don c qu~ les
accomplit. Ce rapport est indéfinissabl e, précisément parce an técédents p sych iques d 'un acte li bre sont suscep ti bles
que nous sommes libres. On analyse, en effet, une chose, de se reproduire à nouveau, que la liberté se déploie dans
mais non pas un progrès ; on décompose de l' étendue, m ais une durée dont les m oments se ressemblent, et que le
non pas ~e la durée, Ou bien , si l'on s 'obstine à analyser temps est un milieu homog èn e, comme l'espace. Par là
quand meme, on transforme inconsciemment le progrès en même on sera ramené à l' idée d 'une éq ui valence entre la
c~ose, et la durée en étend ue. Par cela seul qu'on prétend durée et son symbole spa tial ; et en pressant la définition
deco~poser le temps concret , on en déroule les moments qu 'on aura posée de la liberré, on en fera encore une
dans 1 espac~ homogène ; à la place du fait s'accomplissant fois sortir le déterminisme.
on met le fair accompli t ,
, e comme on a commence par figer En résumé, route d emande d 'éclai rcissement, en ce qui
en quelque sarre l'act ' , , d ' .
, d ' rvrre u mOI, on VOIt la spontanéité se concerne la liberté, revient sans qu 'on s'en doute à la
q
r~~~t~~teendl,nfier~i~ etdla liberté en nécessité. _ C'est pour-
e nlnon e la lib ' d '
question su ivante: « le temps peur-il ~e représ;nter adé~
minisme, erre onnera raison a u dérer- quarernent par d e l'espace ? " - A, quoI no~s repondons.
Définira-t-on en effet l' rb oui , s'il s'agit d 'un temps écoule ; non , SI vo,us parlez
une fois accompli "1 ~cte 1 re en d isant d e ce t ac te, du tem ps q ui s'écoule. Or l' acte libre se produ~t da?s le
, qu 1 eut pu ne p l'ê ) M ars. temps qui s'éc oule, et non pas dans , le tem~s ecoule., La
assertion - comme l" as etre . cette
d'une équivalence ab~~ertlOn contraire - im p liq ue l 'idée liberté est donc un fair, et, parmi les faits que Ion
o ue entre la durée conc rè te et son constate, il n'en est p as de plus clair. Toutes les diffi-
60 61
LA 1I B[ ~ T [ H QU0110H
I U TU

Jo 1 bl rn el le pro" l luj· m m , n ill rll ., Il fhrnliUlt l om m" li-


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uc roLJV r , b ft 'l U', Il fil; 1 1" ':1/" 11 11/. l,.
J U'xt n uit d 1 "'" t ,,Ji r /1
cl , II' lf fl,r c'-r"r un lIu<.'C'cuion 1" r un /ll m u · ndl t' dr Il I ii pro!', lil1r ll , fa r il
qu' l'ée nu ~ 1 '''0/11 lim l " Ut lit 111 .tJl t " .HVII i
rCl'rr.l t'/IIl" .. 11111' 1ilII' rrr. 11 11 d,."
1 néi lé, t f lit1r l' I l 1te l 1 liber: d lll lli Ull lnJ.(U 0 '
dr ml l jhrrr ~ , lI f1t' ~i l l lil l;(J ' 1 " 1"
'II ""'" "" l'II''' j' "I , Ll' r IJItdC'
f

Il • vil! -mrn nt lnrr lui. ill , ,." dar" 1,. Imll. I)'II/ If" l'''' ,
drl mil . fl lluriofl r I l'Il '" ln- q d:tm Il' rf"~ ll r,J , III trI"'l d,. I n l' .
'111 1'111' fr 1f"f' jr v il (Ilrnm r ,i.
~' ''''hilllf' rnC' ftw l'prllllv r III
1U lion Cil Il''1111 omm" /orm Jd) rlé d'autrui n IdJld., J1. ~ 17 ),
v (J j cu v Il llIili u du ruond " Hl (J' urr l'"rl , 1 lib r l é dt'
(ibid" p. ~ H H ) , ' l/ UI le n'~ ~ rd l'llll ~ r.e " . 111'1/11, ( U V qu{" ., j
SAI 'l'RE onlllÎpré. clI1 d 'uurru]•• jf' " ,ii ( ~tl'I\I\ LI lI~ rf~ r <.rl lt llhjcuiv •
Cil C'~d il VU/{I" " Uhitl. , p, ' 1tl), I/ I/U : u la 1il>rrr f r""' t'IIt1 111/1
puilqllr ( r rlC' lih rrl ~ ' Illi mt' fi' , , "m pl/' /'l (ail rt'rll tr r d ll ", lu li.
~ rde fi it dt' mo ; lin l impl/' oh· ruari'JN Ir \ Iimirr. ",(,jl lt llhl('. ,
L PRO L 'M D LA lB R D'AU UI
1 1. m Ù 1 rrninc, rn'uurlbu e r 1 rn hoi, i, . n d' rre Iibc:rtt li.
ou I I I trU(;I t-r .., L li b n é m ilét' pllr ht lib 're f J l' urre "
Surlrr, I.'fllrul Ir Nlilll l ( 1 ~tl 3),
d'sutru] NI l' " klliémuiull \ublile (IIJld,, p, ~ H H ) , Lu lrall" 'nJ il''''
' llIu l l'jl-mr purr i«, dlllp, J,
dt LOUle 1 1I C~ plia ihililé. n , Ht 1fU ll'tl' ll d c rC'I I' WOIIl transccn-
• J. ih"rt ~ t:l 1111 rid r ~ : 1• •ituulio ll " ,
"Ylllél ri q ucrneru , .. dè" l o r~ ' Illt' dillll e ,
D, u Ml)" proehuin ", v nllim rd, 1 9t1 ~ , l' , 'R J · ~Htl , j't'KIm -, j'éIUbl i. 1I11/' limltr- dr 1..(' probl ~m t' dt 1:, I jb C'rl ~ d'au.
D ns le ~ r ncl rr 1[6 ~ ll r ln I Îb('rr ~ [..,1 le ~C nft du monde: lul I t f lr ln lihr rr6 d' Autrui, j(~ rfl lt l'till du", I.'fl.lr! II 1, Ntant n
qu 'est 1.'~/rt " 1, Niant, S rm alil,,1 ~ U!Jid,, l" '77), m - c cr lirnir er chacun d m doit-il ~ . in virsblernem ' UI-
pose plusleun repri.e. le 1" 0· nièr« }.( n érnl c donc, J'hom m , pro j r rr c C rce lirnir autour ch r une réflexion sur le.
blême d' urrui. Pour lui, ce n'est défi ni comrn liberté, doit f ire: Je l'Autre " (ibid" p, 4(,0), pOllibilitt3 Jt' ~ lllld li r cette li·
p tallt l'cxilll:ncc de: J'uUlre 'lui fac:c 1 un l'Clcf/i
(t c.:iem propr - AUl rui n:pré. IIlc-l·il ulot la li- bene: avct' Iii miellllc, t 'cl r· -J irc:
fi II problème, m IÎl 1t' fllÎI 'Ille, melll humllif\ d'nJvcrsilf .., ~Juj mite j nd épa ~ ablt' dt' II1U lihcrté l};lcr 1I11t' rfOcx joll
Cil };! la fui l
tout w mmc moi, il soit un li· r(o~ ult e dt III l~r611c rK t' d !l (lutre: , ef lu négalion rudkul dt 011 IIh· poliriquc cl nlllrlllc )
berc~ , !;j l'cxili(cmt· d'uutrui !l'nffi rme
Autru i fi ie cJ 'cmbl ée p rt;e d d'c:JJC'·m mt' comme IIne: néces-
l'ordre du d onn ~ , et s' flirme sÎré de fi it d n 1 rnpport fon- pporc un limiee d fnic m
comme une scructure de 1 . itua- dam nt 1de MoÎ ~ l'Alit re - li 1 ffJ t, par 1 surgi semene cl l'Aucre
tion 1 qud le lu réul ité humaine Co}.( i(() de: l'exiJtcnce d'uu t rui c: pparaiss ne c rrain s cl c rminution que je JUil n!I 1 5
le trouve w nfromée, Chlt<:u n elt c:onfolltl II V!:I.: mon propre: ' 0 - voir cha i i , M voi i, n Œe, J uif ou Ary n, b u ou
IOlljlJlm déjà plooSé dans un 8 ico .. (ihid,. l' , 297) - , s'affi rme
mondé de s i ~ n; lÎcn ri ona 'I Ut les aussi du m ~ m c wur ~a liberté, laid, manchot , te, Tour c l , je 1 sui pOlir l'autre, an
utre. ont fixées pOlir lui, et qlli Alors, " l'ori,l( in du proh l ~m e
pair d 'appr h nd r c sens que j'ni dehors ni plus forr
lont donc indépendances de son de l'exisrent'e d'a utru i, jl y il une raison de 1 modifi r, L l an~ g s ul m' ppr odra c que
choix. Si l'homme est libre, il elr présupposit ion fondament ale : j suis; ncor ne ra-c j m is que comm ob je~ d'i nc n-
UlSi "en (;ondition ", el la si- auerui, en d'fee. ('es t l' tllllre. cion vid : l'inruicion m' n se jamais r fus . SI ma ~ac
tWltion est le rapport de cene c'est-ll·dire le moi yuÎ n'esl pas ou mon aspect physiqu n '~r ir qu'un i~ag .. n A~r~1 o,u
çondition à lin 1iberré. Dans la moi " (ihid,, p, 27~ ). Autrui est
mesure où « le pour-soi surs it aussi libre que moi : Autrui n'est
l'opinion d'Autrui sur moi nous en u~ nons roc ,fi ni , mal
dan. un monde qui est un donc pas un pur en-soi, et 1 Moi [...] il s'ag it de carnctèr s objecrï,fs qUI ,m définrssenr dans
monde pour d'autres pour-soi, n'est plu seulement pour-Joi, mon tr pour autrui; d~s qu une liberté aucre que la
63
62
lA LIBER tE EN QUESTION

. c de moi je me mets à xisr r dans Un


. e surgit en Il ce ' C" I , . e situ rion qu i a un dehors et qui, de ce fait même, a une
rruenn . nsion d'être et , cette rOIS, 1 ne s ag it pas POUr
nouvelle dlm;1. sens à des exista nts bruts, ni cl dimension d'a liénat ion que je ne puis aucunement lui ôter,
. de COOlt'rer un , e pas pl us q ue je ne puis agir directement sur elle. Cene
mOI n1pte le sens qu e d autres o nt conféré à
reprendr à mon co . ' Cf. limi te à ma liberté est. on le voit. posée par la pure er simple
. b' . ' st moi-même qUI me VOIS conrers- Un
cert lOS 0 Jets . c e d :>. existe nce d'autrui, c'est -à-dire par le lait que ma transcen-
. " s la ressource de r pren re u mon compte
sens et Je n III pa . 'ê d é ' dance existe pour une t ranscendance. (...l Ainsi. sur quelque
.,. uisqu'i l ne sauraIt m cre onn SInon à
ce sens que J al p .' d ' plan qu e nous nous placions, les seules limites qu'une
. d'
titre JO IC 1 d' t'on vide AII1SI que lque chose e mal - selon
• ' . libert é rencont re, elle les trouve dans la liberté. De même
'mension - e. iste à la façon du donné; du
cette nouve Ile dl ." , qu e la pensée. selon Spinoza, ne peut être limitée que par
moins pOlir moi, puisque cet êt re que. Je SUIS est SUbI, Il est de la pensée, de même la liberté ne peur être limitée que
sans tlrt exisll. Je l'apprends ct le subis dans et par les rela. par la liberté et sa limitation vient , comme finitude interne,
tions que j'entret iens avec les autres; ~ans et, p~r. leurs du fait qu'elle ne peut pas ne pas êt re liberté. c'est-à-dire
conduites mon égard; je rencont re cet erre à 1orig me de qu'elle se condamne à êt re libre ; et. comme finitude externe
mille défenses et de mille résistances que je heu rte à chaque du fait qu'étant libert é, elle est pour d'autres libertés qui
instant : p rce que je suis un mineur, je n'aurai pas tel et tel l'appréhendent librement, à la lumière de leurs propres fins.
droit - parce que je suis un J uif, dans certaines sociétés, je Ceci posé, il faut d'abord noter que cette aliénation de la
serai privé de certaines possibilités, etc. Pourtant, je ne puis situation ne représente pas une faille interne ni l'introduc-
ln a/iCJjM façon me sentir Juif ou me sent ir mineur ou paria ; tion du don né comme résistance brute dans la siruarion celle
c'est tel point que je puis réag ir cont re ces interdictions qu e je la vis. Bien au cont raire. l'aliénation n'est ni une
en déclarantque la race, par exemple, est une pure et simple modification interne ni un change ment partiel de la situa-
imagination collective; que seuls existent des individus. tian; elle n'apparaî t pas au cours de la temporalisarion ; je
Ainsi je rencontre ici tou t à coup l'aliénat ion totale de ma ne la rencontre jamais dans la situation et elle n'est. ~
personne : je suis quelq ue chose qu e je n'ai pas choisi conséq uent, jamais livrée à mon intuition. M is, par ~C1n.
d'être I... l. cipe, elle m' échappe, elle est l'extériorit,é même d~ l~ SItua-
Nous venons. il faut le reconnaître de rencontrer une tion, c'est-à-d ire son êcre-dehors-pour-l autre. Il s agit donc
limite ritlle à notre liberté, c'est-à-d ire' un e manière d 'être d'un caractère essentiel de route situ rion en général; ce
qui s'impose à nous sans que notre libert é en soit le fon- caractère ne saurait agir sur son conte~u, ~ais il.est. accepté
dem.ent. I...l La véritable limite de ma libert é est puremenr et repri s par celui même qui se '1 nt. SltIùlIlO~ . AIOSI., le 5:ns
et SImplement ~ans le fait même qu 'un autre me saisit même de nacre libre choix est de faire surgir une s.ltuatlon
c?m ~e aucre-obJet et dans cet aucre fait corollaire que ma qUI. l' expn. me et dont une c ractéristique essentielle . est
srtuanon d' être aliénlt, c'est- -dire d'exister comme for~e e~ SOI po~r
. . cesse pour l'aut re d' erre ê srruan
' .on et devient. forme
ob[ecrive dans laquell ., . à' l'aut re. Nous ne pouvons échapper à cette a.lténatlon. PUIS-
' . . e 1exrste titre de str uct ure objecti ve. qu'il serait bsurde de songer même eXlst~r autrement
C est cette obJectIvation alié d " .
li . 1 nante e ma SItuation qUI esr , . . Cette c mctéristique ne se manifeste pas par
ImIte conStante et spëcifi d . . qu en SItu non. . Il 'é ve dans
l' bi ' . 1 que e ma SItuat Ion, tout com me
une r ésist nee interne mais, au contmue, e e s prou
o JectlVatron de mon êt ' ..
· .
la 1Imite e mon être E re-pour-sol
d en et re-pour-aut rui est . .,
' . et par son lOS ISISS bïitê
l même ' C'est donc, finalement.
. non
caractéristi . . t c est préCIsément ces deux limites un obseacle de front que rencontre la liberté. ma.ls une sdorte
En un motq~~S f~uldrerés.entent les bornes de ma liberté. .
de force centrtfuge d ans s nature même, une faiblesse ans
, t e eXIStence d 'autru i, j'existe dans une
65
I..A
LA LIBERTÉ EN QUES TION
SAR TR E

, Ile entreprend aura t ou jours


• C ' e cout ce qu e .1 . , h . l'au tr e confè re des lim ites à ma situation, mais je ne puis
sa pâte qUI raIt qu, as choisie, qUI Ut ec ~ppe et q UI,
U ne face qu 'elle 0 aura p. ce Une libert é q Ut se voudrait éprouver ces li m ! t~s q~e si je reprends ,cet être-Rour-l'autre
re eXIsteO . , e je suis et SI Je lUI donne un sens a la lumi ère des fins
Pour l'autre, sera.pu 1 ir du m ême coup ce ca raCtere. qu . A , . ,

tque vou 01' la nature de laa lib ' ue j'ai choisies. Et, certes, cette assornp non meme est a re-
liberté ne pourrai. 1 erre, car il q ., Il . ,
'1 ' partlent pas a ~ '1 ne'e , elle a son de hors, mais c est par e e que Je peux eprouver
pourtant, .1 .0 dap nature . d' al'lleurs , y en eur -i une, on ne
mon êt re-de hors comme dehors.
n'y a pas ICI e . '. l'existen ce des autres est un
. l' d 'dUIre puisque d
pourrait en e . t . mais venir au mon e comme
. ., ment contlOgen , d 1"
fait ennere
, C des autres c ,est venir au mon e com m e a le~
liberte en race . lib " est choisir d'être d ans ce monde-
nable. Si se voulOir 1 cel c. qui se veut tel voudra aussi la
ci en face des autres , ce UI
Passion .de sa. liberté. ~
La situanon a renee, 1'" d'autre part, et , mon propre , etre-
ali. ,éné, ne sont pas a b J'ectivement déceles et d constates
. par
mm. . en premier . l'leu,
. en effet ' nous venons
. e VOIr que,l'. par
. '. t ce qui est aliéné n'existe que pour autre.
pnnClpe, cou . A Ile érai
M aIS,. outre une pure constatation, SI meme e e etait
en , Ffi '
pOSSI
'ble , serait insuffisante .Je ne puis, en e et,
A l ' éprouver cette
aliénation sans, du même coup, reconnaître aut,re comme
transcendance. Et cette reconnaissance, nous 1 avons vu,
n'aurait aucun sens, si elle n'était libre reconnaissance de la
liberté d'autrui. Par cette reconnaissance libre d'autrui à tra-
vers l'épreuve que je fais de mon aliénation, j'assume mon
être-pour-autrui , quel qu 'il puisse être, et je l'assume pr~­
cisémenr parce qu 'il est mon trait d 'union avec autrui.
Ainsi, je ne pu is saisir autrui comme libert é que dans le
libre projet de le saisir comme tel (il reste, en effet, toujours
possible que je saisisse librement autrui comme objet) et le
libre projet de reconnaissance d 'autrui ne se distingue pas de
la libre assomption de mon être-pour-autrui. Voici donc
que ma liberté, en quelque SOrte, récupère ses propres
limites car je ne puis me saisir com m e limité p ar autrui
qu :en ta?t qu'autrui existe pour moi et je ne puis faire
qu aurrur exisre pour moi comme subjectivité reconnue
qu 'en assumant ~on être-pour-autrui. Il n'y a pas de ce rcle :
~als par .la lt.bre assomption de cet êt re-alié né que
J eprouve, le fais soudain que la transcendance d 'autrui
exrsre pour moi en tant que telle. (...} Ainsi , la liberté de
67
66
;. ......

Il

LES MANJFESTATIO S DE LA LIBERTÉ


f VI
1
PLATON
'.
i• LE MYTHE DE LA LIBERTÉ
.i
( Platon, LJ RipNbliq"f, livre X , 6 17d -62Ck,
{
rrad. R. Baccou , GF·Fl ammarion, 1966. p . 382-3 8.5.
!
i
liberré t'sr l'nf- chaînes, con rrn ue il su bir les eF-
f Pour PIaron, la . d
J,, ro ire dt." l'lime st'u/e, c~ r It' ~orps , f~rs il long rerrne dt' sa servrru . e.
. nr r ien r irreméd la ble- C l'sr Ct' qu e monrre le dernier
1UI , app ' d ' 1oppemenr d u l IVre' X de L6
, _
1 menr au dom aine d e la neces-
. , Dans le pO/don, pour i/Jus-
eve
RIpJlb/iqut. Dans ce passage,
,.r" ttet site.
le rapporr com plexe de l 'âm e ap~ès avOl~.
. dé " l"
montre rm rnor-

•1
er du corps, Placon uri lise ta/lfé d e 1ame, Socrate amène
1 l'image d 'un «em prisonne- G/au con à considérer les cens é-
f rnenr » : « c 'es t une chast', dit-il , quences d e la justice et de l'i n -
, l
l que connaissenr bien ceux qui ju sri ce pendan c la vie, du poi nr
aspirenr à apprendre : au mo- de vue des hom mes, ec après la
i
!
menr où la philosophie a pris
possession de leur âme, e/Je érair,
rnorr, du poinr de vu e des dieux.
C'est là qu 'inrervienr le m yrhe
i cerre âme, rour bonnemenr en- d'Er le Pamphyl ien - myrhe
chaînée à l'inrérieur d 'un corps, qu 'on interprétera comme l'éca-
1 agrippée à lui, con rrai n re aussi
d 'examiner rous les êtres à rra-
blissement de la li becré origi-
naire,

1 vers lui comme à travers les bar- 'R even u à la vie douze jou rs après
reaux d 'une prison au lieu de le
fairt' elle-même et par elle
avoir été ru é dans une bacaille
Er esr en mesure de raconrer 1;
1 seule » (82e). Cette siruation
se~ble inexrricable, car « ce
voyage pau morrem des âmes. Les
âmes [ustes monrenr vers le ciel,

,1 qu Il! a de plus terribl e dans cet


~mp{Jsonnemene, c'est qu 'il esr
l,œuvr~ de l'appérit , de sacre que
tandis que les i njus res des-
cend en r a u sein de la terre la
durée du séjour des unes et des
c est 1en h • , l ' •
came ur-meme qui autres étan t proporrionnelle à
~oOpèrt' de la ~anière la plus ef· leur degré respeccif de jusrice ou
ca: eé à PEarfalre ~on érar d'en - d 'injusrice. De rerour du ciel
cham» n ense ' 1" ,
la mani'è're d t' se dél' rgnanr a am e pour les unes, er de ln terre pour
d '
la philo h ' rer u corps, les au cres, et après avoir passé
. sap re sera donc J'ou- 1 d '.
vtJère de sa l 'bé . que que temps ans le Iieu rn-
I rarron 'd " A 1
Cependane, même libér ' d rerme raire, es ames sont mises
corps, l'âme' ee . u en présence du grand système de
mates mora~xq~, porte le~ mg- la Nécessité, er de ses filles la-
e ses anCIennes chésis, Clôrhô er Atropos, r:pré-
71
LE I HAN lfElTAT IOHI DE LA LI BE RTÉ
PlATON

senrant la première le passé, ~a sab il ité .


"
C'est pour
qUoI 1
.
deuxième le présent, et la rror- commenrarre que fait So e . 1 vie à laquelle il sera lié par la nécessité. La vertu
, . d 'E
reett r repose Sur l'affi
crate cl
' II
premIer a
,
l
" de maître: chacun de vous , se on qu 1
" 1 l 'h onore
sième l'avenir,
lib ' ne réside p nnatfon
que 1alerte na POlOt ' b 'l ' ,
C'est donc à ce moment qu'est
, II as essen . la dédaigne, en aura plus ou moins. La re~ponsa uite
donnée aux âmes tour juste ré- ne ernenr dans une cont'
lngence ~;partienc à celui qui choisit. Dieu n 'est pOlllt respon-
compensées de la ven u de leur abso1ue ou dans la pas 'b"l' .
vie précédente, ou contrites en- d' ho i fi " SI 1 !te
un c OIX JO ru , mais qu 'elle n sable. » , '
core de leurs vices passés, la pos- peut se maru"fiester que d e
À ces mots, il jeta les sorts et chacun ramassa celui qUI
sibilité non seulement de re- l'autonornie et la justess ans cl , ir tombé près de lui ( ... ]. Chacun connut alors quel ra ng
hoi , c ,est-à-di re dans la juse ' U erai , 1 l'hiierop '1a
êroo h ante eta
naître à la vie corporelle, mais CaIX , Clce l ' était échu pour choisir. Apres ce a,
SurCOUf de choisir elles-mêmes Le mythe d Er est donc le " ' Ulvant eux des modèles de vie en nom bre supeneur êrieu r de beau-
d' , , reClt de , d
leur sore. Au seuil de leur nou- une expenence décisive pOUr à celui des âmes p résences , Il y en avait e routes
cou P 1 .
velle vie, les âmes sone placées prou~er la ,nécessité de la philo. orr es : routes les vies des animaux et toutes es vies
dans un état de liberré absolue.
Mais, malgré les procédures qui
sophie et 1essence éth ique de 1
libe rté. a
~umaines ; on y t ro u vai t des tyrannies , les unes qui duraient
garantissent la contingence de jusq u'à la m ort, les autre~ i~terrompues ~~ ~ilieu, q ~i finis~
Ce récit, qui clôt La Répllhliqlle
l'ordredu choix, par le hasard du saienr dans la pauvre té, l exil et la mendicit é. Il y avait aUSSI
est de grande importance pou;
tirage au SOrt, et la cont inge nce toute pensée de la liberté, car elle des vies d 'hommes ren ommés soi t pour leur aspect p hy-
du choix lui-même, grâce au en résume route la difficulté. En sique, leur beauté , leur fo rce ou le u r ap titude à la lutte, soi t
large évenrail de modèles de vie effet, la liberté s'y manifeste pour leur n o b le sse et le s g rand es qualités de leurs ancê tres;
et à l'absence de déterminations certes dans route la pureté de son on en trouvait égalemenc d 'obscures sous tous ces rappores,
extérieures, toutes les âmes ne concept, mais elle est situ ée hors et p our les femmes il en était d e m ême. Mais ces vies
savenr pas profiter de la chance du temps - dans un après du
exceptionnelle qui leur est don- n'impliquaient aucun caractère déterminé de l'âme, p arce
temps qu i est aussi un avant , Par
née de se déterminer elle-même que cell e-ci devait n écessairement chang er suivant le ch oi x
l'intermédiai re d 'un mythe est
li,bremem, Cela signifie qu'une donc affi rmé le double caractère qu 'elle fais ait , Tous les autres él émencs d e l'exist ence éraient
vie ne ,s au ~ai t être exempte de mêlés ensemble, et avec la richesse , la pauvreté , la maladie
de la liberté : sa très haute di-
d~ter~I1l natlons, mais que celles- et la sanré; encre ces extrêmes il existait des partages
gnité (son orig ine est sacrée), et
CI ~olve m être choisies par l'âme
l'ambiguïté de son srarut (elle se moyens. C'est là, ce semble, ami G lauco n , qu 'est pour
qUI aura à les subir, La liberté
manifeste dans un mythe). l'homme le risque capital ; voilà pourquoi chacun de nous,
fonde donc avant tout la respon-
laissant de côté taure autre étude, doir surtout se préoccuper
Donc , lorsqu'ils arrivè 'l 1 de rechercher et de cultiver ce lle-là, d e voi r s 'il est à m ême
semer à Lache E d ' borel 1 eur fallut aussitôt se pré- de connaître et de découvrir l'homme qui lui donnera la
esis. t a ord hi h
ordre' pu is pre 1 Un rerop ante les rangea en capacité et la science de discerner les bonnes et les m auvaises
' , nant
d es mod èles de v ' '1 Sur es gen d L hé conditions, et de choisir toujours et partout la meilleure,
aux e ac esis des sorts et
, ,:
aInSI le, 1 monta sur u ne esrrad e e' evee
l ' et parl a , dans la mesure du possible, En calculant quel est l'effet des
~
A «Déclarat ion de la vier ' ' i élémencs donc nous venons de parler, pris ensemble puis
Ames éph émères lIge Lachesls , fille d e la Nécessité, ,'" séparément, sur la vertu d 'une vie, il saura le bien et le mal
" , vous a ez corn
Clere ee renaître ' 1 d' . mencer une nouvelle ca r- ~ que procure une certaine beauté, unie soit à la pauvreté soit
" qUI, vous tira a con itron m orte Il e. C e n ' est point
, un •
genre
Votre " era au SOrt c'est vous h ' ,
1
;.
à,f a richesse, er accompagnée de telle ou telle disposition de
1ame ; quelles sont les conséquences d 'une naissance illustre
A ,
genle, Que le premIer ' ' dé , -memes qUI c oisirez •f
esigne par le SOrt ch oisisse le 1 ou obscure, d'une condition privée ou publique, de la force
!
72
73
PLATON
ou de la faiblesse, de la facilité ou de la d '
apprendre, et de routes les qualités sembl bl Ifficulté '
' a es d l ' ~ a avait passé sa vie précédente dans une cité bien policée, et
nature Iles ou acquises , quand elles SOnt rn êlë 1 e arne
autres; dee sorte o u 'en rapprochant tOUtesees es u nes au);
sorte qu 1 appris la vertu par l'habitude et sans philosophie, Et l'on
, d d ces cons'd' peut dire que parmi les âmes ainsi surprises, celles qui
tians, et e~ '" per anr p~ e vue la nature de l'à 1 er~.
venaient du ciel n'étaient pas les moins nombreuses, parce
pourra chOISIr entre une VIe mauvaise et u , me, il
" ne VIe bo qu 'elles n'avaient pas été éprouvées par les souffrances ; au
appelant mauvaise celle qUI aboutirait à rend rs nne, contraire, la plupart de celles qui arrivaient de la terre, ayant
, ,
mjuste, et bonne ce Il e gUI' 1a rendrait plus J'UStre aIne plUs
, d ' 1 e, sans avo' elles-mêmes souffert et vu souffrir les autres, ne faisaient
egar a tour e reste; car nous avons vu que pe d Ir point leu r choix à la hâte. D e là venait, ainsi que des hasards
, , l '
vie et ap res a mort, c est le m eille ur choix qu '
' n am cen , e;
.
du tirage au sort, q ue la plupart des âmes échangeaient une
fiau' e E '1 fi d ' , on PUIsse '. bon ne destinée po ur u ne mauvaise ou inve rsement. Et aussi
, t ,1 autdgar edr cette opiruon avec u ne in flexibilité '
adam antme en esce n anr ch ez H adès , afin d e ne P I ' . bien , si chaque fois q u'un homme naît à la vie terrestre il
ëbl ' l' 1
ser e oui r, a non P us, par les richesses et les m ' , bl '
as se ais- s'appliquait sainement à la philosophie, et que le SOrt ne
bi Isera es l'ap pelât po int à choisi r parmi les derniers, il semble,
a Jets de cet te nature ; d e ne p as s'exposer en se J'et
d ' , am SUr d 'après ce qu 'on rapporte de l'a u-delà, que non seulement
es tyranrues ou des condi ti o ns se m blables, à causer des '
maux sans nombre et sans remède, et à en souffrir soi-même \ il serait heureux ici-bas , ma is que son voyage de ce monde
de plus grands encore; afin de savoir, au contraire, choisir :, en l'autre et son retour se feraient , non par l'âpre sentier
souterrain, mais par la voie unie du ciel.
toujours une condition moyenne et fu ir les excès dans les ;
Le spectacle des âmes choisissant leu r condition, ajoutait
d~u: sen~, en cette vie autant qu 'il es t p oss i ble, et en toute . Er , vala it la peine d 'être vu , car il était pitoyable, ridicule
vie a verur ; car c'est à cela qu 'est attaché le plus g rand bon-
heur humain. et étrange. En effet, c'était d 'après les habitudes de la vie
précédente que, la plupart du temps , elles faisaient leur
Or donc, selon le rapport du messager de rau-delà . choix, [ ,..] Enfin l'âme d 'Ulysse, à qui le sort avait fixé le
l'hi ,
le~ophante avait dit en jetant les sorts: « Même pour le . dernier rang, s'avança pour choisir; dépouillée de son ambi-
dernier venu ' s'il rfait
i
hoi sense, et persevere
un cnoix , , avec ar d eur "
tion par le souvenir de ses fatigues passées, elle tourna long -
da?s l'existence choisie, il est une condition aimable et : temps à la recherche de la condition tranquille d 'un hom me
pomr mauvaise , . Que ce lUI' qUIi C choi
oisira l e premIer
' ne se .: privé; avec peine elle en trouva une qu i gisait dans un coin,
montre poinr négligent, et que le dernier ne perde point dédaignée par les autres; et quand elle l'aperçut, elle dit
courage " », Comme 1'1 venair ' d e prononcer ces paro 1es, diir :
E r, CelUI a qui le prerni qu'elle n'eût point agi autrement si le sort l'avait appelée
' , rerrner SOrt , " echu VInt
etait ' tout d rort ' 1l-
la première, et, joyeuse, elle la choisie. Les animaux, pareil-
c h oisir la plus gra d ' C l' t
l' idi 'I l , n e tyrannie et, emporté par la la le et t lement, passaient à la condition humaine ou à celle d 'autres
aVI ire, 1 a pnt ' " L' •
, . '1 ' sans examlOer suffisamment ce qu Il rai- [ animaux, les injustes dans les espèces féroces , les justes dans
sait, 1 ne VIt P , "1 ~
son oinr qu 1 y était impliqué par le destin que ~ les espèces apprivoisées; il se faisait ainsi des mélanges de
possesseur mang , , r
d' h erarr ses enfants et commettraJt i toutes sortes.
autres orreurs " , , '1 '
se frapp l , , ' mais quand tl l'eut examinée à loisir. 1 l Lors donc que routes les âmes eurent choisi leur vie, elles
a a pOItnne d' l ' s'avancèrenr vers Lachésis dans l'ordre qui leur avait été fixé
tissemenrs d l'hi et ep ara son choix, oubliant les aver- 1
maux '1 , e le~ophante ; car au lieu de s'accuser de ses ! par le sort. Celle-ci donna à chacune le génie qu'elle avait
, 1 S en prenaIt à la fi ,.. ,
qu 'à lui-même C'" oreune, aux démons, à tout plue~t préféré, pour lui servir de gardien pendant l'existence et
. etau un de ceux qui venaient du ciel: 11 accomplir sa destinée.
74 7S
LE S MAN IfESTATIONS DE LA LI BERTÉ

ARISTO TE

VII
Le second fair appel à la morale peuvent do nc être qu 'indéter-
ARISTOTE mi nées.
com m une.
L'hyp othèse de la nécessi té des Le secon d aspect de la réfutation
futurs est d 'abord une absurdité, aristotélicienne d u fatalis me lo-
LA CONTINGENCE au sens où elle relève d 'une er- gique repose sur la p rise en
reur de raisonnement. La log ique con sidération des conséq uences
Aristote De /'" n 'est pas une sp hère in dép en - d 'u ne celle concep tio n d u fu tu r.
chap. IX, « L'opposit ion des fu~u tnte:Prétafioll Selon cette dern ière en effet,
. rs ContJnge • da nt e de la réalité; elle doit au
rrad . J . Tri cor, Vrin , 1989 nts . , contrai re s'y confo rme r po ur pré - pour laq uelle to ut ce qui sera
C' T d' . ,dl' , ' p. 95-103 tendre à un e quelco nque vali- do it être de toute éte rn ité , l'ac-
,est a~ "" leu ~ n dtrall;Oe e 0 - p n nc rps de COntradiction ' '
grque rarsanr parti e e rganon p liq ue a ux pro '. Sap_ dit é, Pour A ristote, « les p ropo - ti on humain e n 'aurait plus de
qu 'A risrore
' re'fiure 1e fatalism
c: '
e Iières po rtan r suPOSitIOns
1 fu singu- sitions so nt vraies en tant sens, puisque le destin ne lu i fe-
lozi , bli
oglque er era rr que e monde 1 puyanr su r la »Ô»
r •
e rur S'ap- qu'elles se conform enr aux rait aucune pl ace : « En vertu de
cr. . h
d es arrarres umames est un ' ven te forrn II choses mêmes " . Aussi est-i l ra- ce raisonnement [seul est pos-
sel on laquelle A ee
' , ne peut pas
ê
dicalement di fférent de dire que sible ou bien ce qui est vrai ou ce
mond e contingent. Traitant des A er non-A en . rre
' d m~e~pk « tout être, quand il est, est né- q ui sera vrai ; tout ce qui ne sera
Jugements et es propositions , le Mégariq ues sou rie ' ,s
, , DI" .L · d nne ne que S'II cessairement, et [...} dire, d 'une pas est im possible}, il n 'y aurait
traire e mterpr(tatfon oit faire esr vrai de dire q ue A 'l ' "
face u br d' est, 1 etait manière absolue, qu 'il est néces- plus ni à délibérer, ni à se donner
a pro eme une extension vrai de maniè re absol "
sairement ». Il faut bien s'en- de la peine. » C'est ce qu 'on
ab~sive des raisonnements de la dire d e rour te mps dued' : est-a-
logi d ' , e Ire que tendre sur le sens de la nécess ité : appellera l' « arg um ent pares-
gue au omame prarique. A sera Il y aurai t d 1 dans un cas, il s'agit de la simple seux » , dont Cic éron donne un
Même s'il étudie avec pré ' , '" ~ , onc, se on
la Jo ' d '1 CISlOn eux , un e necessite retrospective reconnaissance d'une nécessité exemple, dans son Traité dll des-
gique, ont 1 est le prerni d l' .
à défin' Ei' rer e exrsrence de A. Dans cette conditionnelle qui . prend en tin (X II, 28) : « Si ton destin est
Ir et. o~mahser les termes perspeerive on déd ui t de A sa compte l'existence des êtres , de guérir de cette maladie, tu
et 1es pCInClpes Arisro écess i "
montre at 'f" te se n cessire presenre er indé niable, alors que, dans le second , on au - guériras, que tu aies appelé ou
renn a ne pas . . , r.
rait affaire à une nécessité absolue.
confondre la hè d d' ma rs aUSSI sa n écessit é rurure, non le médecin; de m ême, si ton
régie par le sP, " u iscours, Toure affirmarion ou négation Ce que montre Aristote, c'est destin est de n 'en pas guérir, tu
pnnClpe de contra " ~ d que la nécessité de l'alternative
diction et le d ' - amsi conçue revee onc une por- ne guériras pas, que tu aies ap-
"
nons humaine Car omame des ac - r ' l '
ee onro ogrque, pursqu . ,eIl e ne ne doit pas être confondue avec pel é ou non le médecin; or ton
mOntre le chs, , ' comme le se conrenre pas de décrire une la nécessité des membres isolés destin est l'un ou l'autre ; il ne
, apme IX de c ' l' é " , .- de cette alternative. A insi , convient donc pas d 'appeler le
tralté, la confus' d e rea Ir , mais Impose la pensee
Ion e ces deux d' d . " " t « chaque chose est 011 n 'est pas , médecin . " On voit bien que cet
ord res de choses ' un esnn inh érent aux evene- !
f i '
1 me, c est-à-dir'
mene au
' fata
. - me d '
nrs et au iscours qw es an- ~ , l ' sera 011 ne sera pas » . Ce qu 'il argument « est tel que, si nous
, e a un neceSSlta 1 1 montre auss i, c'est qu 'on ne peut l 'admettions, nous resterions,
ClSme qui exclUt . - noncenr en les énonçant. De a i
· tOUte bben ' ,
h umaJne. e sone, er c'est là la conséquence . pas énoncer ind ifférem m ent des toute notre vie , dans une
Ce Sont Diodore et 1 . discutée par Aristote, l'indéter· Propos itions affirma t ives ou né- com plète inac ti on " .
de Mégare qui oneeS ~op~lstes mination des futurs est niée. La gatives sur les choses futures Mais plus fondamentalement
d comme on peut le faire sur des
cerre hYPOthèse et fi ' eve oppé libené humaine devient dès lors qu'une démonstration d 'un vice
le~r conception d d al~ reposer impensable. 1 réalités présences. La logique for- de la pensée logique et qu 'une
ralso
, nnements (app
u eStJn sur d A '
es nsrore utilise deux argumentS i
i melle ne peut pas faire l'écono- réfutation par les conséquences,
l oglques Co aremment) Fu 1 mie de la prise en compte du
. mme l'ex ' pour ré ter ce fatalisme O· le chapitre IX du traité De l'in-
tOte dans l ' POse ACIS- ' . d temps. Les propositions portant terprétation présente une démons-
gra h es SIX premiers glq.ue. Le premier relève du 0-
P es du texte Po para- mame de la logique et repose sur des événements futurs _ tration de la contingence, et peut
, ur eux l ' n'ayant pas encore eu lieu - ne
,e sur une conception de la vérité. être lu , à ce titre, comme la mise
76 n
LES "ANIFESTAflONS OE LA LIBERTÉ 1
ARIIT OTE

en évidence de la condition. de d'une décision politique


' h ne fin de compte, d 'ho mm' et, en, des universels, mais qui ne sont pas prises un iverselleme nt,
possibilité de la Jiberre umar . e
fi n'y a poine cependa~e de la sont doués d;~nitiat.ive, C';Stq~ , cerre nécessit é ne joue pas [... J.
part d'Aristote d'apologIe excès- que montre expénence;" I.e ! Mais pour les fucurs portant sur des singuliers, la solut ion
sive de cene contingence, car sI
choses futu res o ne leur pro .
lPe n'ese plus la même. Si, en effee, roure affirmaeion ou nég a-
- CI' est plus le signe d'un dans la dé libé ration et Indc •
celle tion esr vraie ou fausse, nécessai reme nt aussi toute chose est
manque que la marque d'un pri- acrron. » Il y a alors évid ans ;•
l'acri
d d ' ern, ou n'est pas. Par conséquent, si une pe rson ne affirme que
vilège. En effee, ce chapitre re.- ment ., es egres hen t re la Pur en.é
relie chose sera, tandis qu' une aut re personne affirme que
pose à la fois sur une cosmologIe cess rre et un ,asard aveu 1
er une anehropologie se1on 1es-
di E .
Comme 1e rr p rcurs , « la ' g e. cette même chose ne sera pas, il faur évidemme nt de route
. , . ne.
quelles les aerions des hommes cess l~e est Ir resp o nsable, le ha. nécessité que J'une des de ux dise la vérité, puisq ue route
doivene s'inscrire dans le mond e sard instable, mais [...] nOtre vo, affirmation ou route négation est vraie ou fausse. (L'affir-
sublu naire qui, à la différence de loncé est sa ns m aître " (Lettre ' mat ion et la négation ne peuvent pas, en effet , être vraies
la sphère des astres régie pa r un e Ménécée, 133). M ême s'il y a de: sim ultanéme nt dan s des cas de ce ge nre.) Car s'il esr vrai de
immuable nécessité, image de « te nd ances", le monde de 1
dire que le blanc est ou q ue le blan c n'est pas, nécessaire-
l'im mobilité divi ne, est un pra tique humain e est un monda
• . e m ent le blan c est ou le blanc n 'est pas. Et réciproquement
monde conring en r. Dans ce ou to ue peut arrrve r ou ne pas ar.
monde, « les choses qui n 'exis- river. Pour Pierre Aubenque
si le blanc est ou si le blanc n'est pas, il était vrai de l'af-
rent pas en acte renferm ent la com m en ta te ur d 'Aristote, " l'in: firm er ou de le nier ; et si le blanc n'est pas, on est dans
puissance d'être ou de ne n 'être détermination des futurs est ce l'erreur ; et si on est dans l'erreur, le blanc n'est pas. Il en
pas, indifféremment », Ce/a ex- qui fait que l'homme en est Je résulte que J'affirmation ou la négation est nécessairement
plique la nécessaire indéterrni- principe ; l'inachèvement du vraie ou fausse .
nation des propositions portant monde est la naissance de S'il en est ainsi, rien n 'est, ni ne devient, soie par l'effet
sur les futurs. Et l'exem ple pris l'homme » ; la contingence est du hasard, soit d 'une manière indéterminée, rien qui, dans
par Aristot e dans ce texte d 'un e « ouverture à l'activité, à la fois
J'avenir, puisse indifféremment être ou n'être pas; mais tout
bataille navale - q ui relève d 'une hasardeuse et efficace, des
situation de guerre, c'est-à-dire hommes " , « invitation toujours découle de la nécessité, sans aucune indéterm inat ion. En
du domai ne poli tiq ue - illustre renouvelée à j'initiative de effet , ou bien c'est en affirmant qu 'on dit la v érité ou bien
bien le fait q ue les affaires hu- j'homme " (La Prudence chez c'est en niant, sinon un événement pourrait indifféremment
maines s'inscrivem dans cerre Aristote, p , 106). La contingence se produire ou ne pas se produire: car le mot indétermination
sphè re de la COnti ngence. Le du monde est la liberté des n 'est rien de plus que J'indifférence à se comporter, dans le
principe de Cont radic ti on ne d é- hommes qui , lorsqu'ils agissenr, présent ou dans J'avenir, de telle façon ou de telle autre,
cide pas de l'opportuni té d 'une doivent alors délibérer et choisir
En outre, si une chose est blanche en ce moment, il était
bataille parciculière ou de la (cf. texte n° 14).
g uerre en gé néral, car il s'ag it vrai antérieurement d 'affirmer qu 'elle serait blanche, de
sorte qu'il était roujours vrai de dire de n'importe quel évé-
nement qu'il est ou qu'il sera. Mais s'il éraie roujours vrai
L'affirmation ou 1 é . é de dire qu 'une chose est ou sera, il n'est pas possible qu'elle
a n gan on porranr sur les choses pr -
sentes ou passées
. ,
é .
est n cessaa em ent vraie ou fausse et les ne soit pas ou qu'elle ne sera pas ; or ce qui ne peut pas ne
prOpOSltlOns COnt d ' , ' pas se produire ese dans l'impossibilité de ne pas arriver, et
, . ra icrorres portant sur des universels er
pClses unlv erseUeme . . , . ce qui esr dans J'impossibilité de ne pas arriver arrive néces-
l 'autre rausse
c . nt, SOnt toujours aUSSI 1 une vraie er
. JI cl A ' • sairement. Il en résulte ainsi que rous les futurs se pro-
·
Singu l' Par en est e meme (...] dans le cas de sUJees
rers , ar conrre, SIS"1 " duisent nécessairement. Par suite, rien n'arrive d'une
agit de propositions portant sur
70 79
LES IfAH I Ff ST AT/OHS OE LA LIB '
ERTE

AR I STOTE
manière indétermin ée ou par l'effet du h
Y a hasard, J'1 n 'y a pas necessire. ,. , asard ' Ca r l'a Où ' .
Il n'est pas non plus possible de p ré te nd I/. n'est pas le fait d 'avoir été affirmés ou niés qui fera les évé-
marion, ni la négation ne sonr vraies q u'on re q Ue ni j'aFi/i nements se réaliser ou non, quand bien même on les aurait
, , .' ne peu r, annoncés dix milIe ans à l'avance ou à n'importe q uel autre
par exemple de tel evenement rn qu'il se ré l ' r pas die
ne se rea , l'rsera pas. D 'a b or d , 1'1 en résulterai ta Jsera' ,nI. qU'ilt moment. Il en résulte que si, de tout temps, les choses se
, erarr" faussev Iaa nnegarron
é , ne serait pas qUe " S I j'adi c. . comportaie nt de telle façon qu e l'un e des propositions
manon rausse, c cont radictoires fût conforme à la vérité, il étai t nécessaire
SI,. a, son tour, ce Ile- ci" e rarr . rausse,
fausse. J' affirmatJ'o vraIe' et que '
n POur' , qu 'elle se réalisât ; et l'ensemble des événements s'est tou-
pas être vraie. En second lieu , supposons qu 'il ' rait nt , jours [dans J'hypothèse] déroulé de façon à arriver nécessai-
dire qu 'une chose est à la fois blanche et g rand s~Jt vrai de rement. Car ce dont on a d it avec vérité qu'il sera ne peut
qua1Ires · , d oivenr ' 1"UI appartenrr nécessaireme e . lces ' cleux . manquer de se réaliser: et ce qui est arrivé, il était toujours
, "1 . fifi
l autre ; et s u esr vrai a rrner qu 'elles lui app ' une et ,. vrai de dire qu'il se réaliserait.
d ' nt

demain, ' eIles l Ul' apparrren iendronr réellemenr de arrJenclro


' nt Mais si ces conséq uences sont inadmissibles (l'expérience
. 'd d" , main. Mai nous montre, en effet, que les choses futures Ont leur prin-
pu~~gu o~ a. met q,ue ,.un evenemenr on ne peut dire ' .
gu Il se réalisera, rn qu Il ne se réalisera pas le 1 cl ,nI cipe dans la délibération et dans l'action, er que, d 'une
l"JO d'ererrnmarron , . A Il en eIllaln manière gé nérale, les choses qui n'existent pas toujours en
e e-rneme disparaîtra. Si on d '
'II . . pren pOU r acte renferment la puissance d 'être ou de n 'être pas, indi f-
exemp1e une barai e navale, 11 faudraIt qu 'on ne ' cl"
, 1 b '11 " pUIsse lIe, féremment ; ces choses-là peuvent aussi bien êrre que ne pas
ru gue a arai e aura 1Je~, ru qu'elle n 'aura p as lieu.
Tellessom donc, avec d autres de même nature le b être , et par suite arriver ou ne pas arri ver. [...]), il est par
di '1 '
!
Ite~ ou on,est ~ntralO~ si 'o~ admet que, p our tau re affir.
A , S a sur- . suite évident [dis-je] que ce n 'est pas par l' effer de la néces-
siré que toutes choses SOnt ou deviennent ; en fait, tantôt
manon et negat,JOn (qu Il s agrsse soit de propositions par.
on a affaire à une vérirable indétermination, et alors l'affir-
tant s~r, les universels et prises universellemenr, soit de ;
mation ou la négation ne sont pas plus vraie, ni plus fausse
~:~~SltlO?S portant "" le singulier), nécessairem ent l'une ' l' une que l'autre, tantôt la tendance dans une direction don-
aue pp~seed~ est vraie, et l'autre fausse , et qu'il n 'existe ' née esr plus forte et plus constante, bien qu 'il puisse arriver
une ln etermm'
. anon d ans le devenir mais qu 'au , que ce soit l'autre qui l'emporte et non pas elle.
ContraIre toutes h '
nécessité E c oses SOnt et deviennenr par l'effet de la Que ce qui est soir, quand il est, et que ce qui n 'est pas
. n "vertudde ce raison nemenr,l'1 n 'y aurait '1 p us ni'
à délibérer ne soir pas, quand il n 'est pas , voilà qui est vraiment néces-
, ru a se onner d l '
si nous accoIllpl" 1 e a peine, dans la croyance gue ' saire. Mais cela ne veut pas dire que tour ce qui est doive
.
SJ nous ne l'acco l'
ISSans te le actio l' l '
n, te resu rar SUIvra, et que
, nécessairement exister, er que tout ce qui n 'est pas doive
"
Rren n empêche mp JSSons
fiC pas ' 1 .
' ce resu rar ne SUIvra pas, ' nécessairement ne pas exister; car ce n 'est pas la même
h ' en e let que d' .
amme prédise un ' " , I X mille ans à l 'avance, tel , chose de dire que tour être, quand il est, est nécessairement,
,evenemen '
COntraire : ce qui Se ' l' r et que tel autre prédise le ' et de dire, d'une manière absolue, qu 'il est nécessairement.
ces cl ' , rea Isera n' · , ' Il en est de même pour tour ce qui n 'est pas . - C'est la même
eux prédIctions • queIle .ecessalrement II ' c est celIe de ,
~~ment-là. Peu iIllpo qu e e soit, qui était vraie à ce : distinction qui s'applique aux propositions contradictoires.
n au pas en r , c rte, au surpl , . " Chaque chose, nécessairement, est ou n 'est pas , sera ou ne
. rait lormé u affi us, qu on art ou qu on
est cl3.Jr q l ' ne rma ' ') . sera pas, et cependant si on envisage séparément ces alter-
' " cl
cl eprr e l'affi ue a réalité n'en non ou une négation : 1 .
· est pas .
rmatlOn Ou cl e 1a ne' mOms . ce qu'elle est , en natives, on ne peut pas dire laquelle des deux est nécessaire .
_ gatJon de tel ou rel. Carce Je prends un exemple. Nécessairemenr il y aura demain une
80
81
LEI IlAHlfESTATIONS DE LA LIBERTÉ
lUCRE CE

bataille navale ou il n 'yen aura pas ; m ais il '


, "1 . d .
saire qu 1 y ait em am une bataill e nav ale
neSt pas '
neees,' d ceS atomes dans le vide. Les cère fondateur. C'est sur elle que
, , . " 1" , pas plus e , d repose la critique d'un destin d i-
n est necessaire qu 1 n y en art pas . Mais qu'il ' 'lU'i1 tomes sont « les prinCIpes es
n "y ait pas d ' une batar'11 e navale voilà'
ernain Y a it Ou 'lu"Il achoses " (v. 50) ou, d'lt autre- vin, c'est-à-dire la mise en valeur
. E . l ' . ' quI est né ment, « matière, corps généra- de la créativité de la nature: la
saire . t puisque es proposirions SOnt vrai es e ces. teurs, semences des choses ». nature « accom p lissant tout
n tant g , II
se conforment aux choses mêmes, il en résulte' id U e es « corps premiers" (v. 59 -60) , Ils d'elle-même sans nul secours di -
. d ., eVI emme vin" est « li bre et dépourvue de
que SI ces errueres se comportent d 'une man" , nt sont solides et simples, c'est- à-
. " lere Jnclér maît res tyranniq ues " (v, 1091 -
minee et sont en puissance de contrai res il en ' er- dire insécables; ils sont éternels, 1092), Et cette hypot hèse, pa r
, d A ' sera neee invisibles, sans couleu r ni autres
sairernent e m em e pou r les propositions co cl ' ,s- conséquent, rend aussi possible
' nrra lCtOlre qualités. La varié té de leur forme
correspondantes. C est bien là ce qui se passe P I A S est finie, mais les atomes sem- l'établissement de la libe rté psy-
. . . . . our es erres
qUI n existe nt pas toujours ou qUI ne SOnt pas to . ; blables sont innom brables. Les chol og ique. La liberté humaine
, l f: UJours non ne peut donc pas être dite inex-
existants. 1 aur alors nécessairement que l'un d cl ' atomes sont animés d'un « mou-
, . di e es eux vement incessant et var ié " pl icabl e parce qu e sans cause,
propos rnons contra ictoires soit vraie et l'autre ca ' :
, fi' 1. Usse, mais ' (v, 97), et c'est leur ag itation et puisqu 'elle a son fonde ment dans
ce, n est,. pas orcernenr
l celle-ci plut ôt que celle-la' . c ' "
. en rait r leurs compositions dans le grand la liberté naturelle.
C est n Importe aquelle, et , bien que l'une soit vraisembl ~ : vide qui sont à l'origine des De la même façon que le vide est
blement pl~s vraie que l'autre, elle n'est pas pour ~e : choses, la condit ion première et indis-
pensable du mouvement des
m,omen.t vraie ou fausse. Par suite, il n 'est évidemment pas Cette explication strictement
matér ialiste de l'univers n'en- atomes , et de la composition des
necessalre, que de. deux propositions opposées entre elles traîne-t-elle pas un détermi- choses , la dév iat ion des atomes -
(',omme l affirmation et la négation , l'une soit vraie, et nisme sans faille? La liberté même légère - est la condition
l a~tre , fausse. En effet, ce n'est pas à la façon des choses qui n'est-elle pas radicalement exclue cosmologique et ontologique de
existenr que se comportent celles qui, n 'existant pas encore, d'un tel univers? la liberté. En effet , dire que « rien
S?nt seulement en puissance d 'être ou de ne pas être, mais , Tout au contraire, Lucrèce ne naît de rien , par miracle di-
cherche à établir la liberté au sein vin " (v. 150), c'est libérer la na-
c est de la façon que nous venons d'expliquer.
même de la matière . La spécificité ture de l'emprise des dieux , mais
de la théorie lucrécienne est c'est aussi rendre autonome l'ac-
qu'elle s'inscrit en faux à la fois tion humaine . Par analogie avec
VIII contre la croyance à un destin fixé la déviation des atomes, on peur
f par les dieux, et contre un fata- dire de la liberté qu'elle est un
LUCRÈCE , lisme qui découlerait d 'une ex- écart - ou la poss ibilité de cet
~ plicacion matérialiste du monde. écart - entre un monde prédéter-
t Ce qui permet de sauver la liberté miné et la création du neuf. C'est
LES ATOMES ET LA LIBERTÉ ! dans ce système, c'est une notion parce qu'il y a de la liberté au
héritée d'Épicure: la notion de cœur même de la matière, c'est-
Lucrèce, De la nature, livre II, v. 217-293, ', cn'inamenb(déViation), Les atomes à-dire parce que les atomes ne
trad, J, Kany-Turpin, \ e tom ent pas verticalement sont pas astreints à un détermi-
GF-Flammarion, 1997, p. 127-131. t dans l'univers, mais ils dévient. nisme absolu, que le mouvement
Les deux , premières parties du de Démocrite et d'Épicure. Lana- L~ c/inamen est une hypothèse in- n'est pas purement nécessitant et
grand poeme philosophique de ture des choses est composée demontrable, paradoxale, mais que la volonté est libre, La liberté
Lucrèce
. établissent une cosmo- donr la fausseté ne peut être dé-
1ogle et une h ' d'atomes et tout dans l'univers humaine est alors une force de ré-
P ysiq ue reposant infini s'e~plique uniquement par mOntrée, La force de cette hypo- sistance contre la nécessité, et un
sur le matérialisme atom isnque
' , thè se réSIide d onc dans son carac-
l'organisation et le mouvement immense pouvoir d'initiative.

82 83
LES , Ifnr TlO S DE LA U I Hrt
LUCR t Cl

(DJaro la -hore qui I~" .em porte, en 'en~ de leur flOid . ' cout m li ernenr ' n h an to ujo u rs.
tout d roit À trll\-ers I~ vide . en un temps mdéci . Enfin" 'cs d' u n n -ien un urre n Î t n ordre fi
. i t~uJou d ' lin . on 1 tome ' ne p~n nene ,
en . li~w: indâ.-i-, I~ arorn d évien t un ~u ;
r 1 ~l~ 1 ~ ec ou m ne q ui brise le loi du de ti n
iusre de quoi dire q oe Il" mou ment r modifié , l'initl 1tl " t' 1un rn d e e uce e t ' l'infi ni,
~ déclinai. on . {OU , com me gouttes de pluie nN-'he e u .
et ernpe- 1 rerre d 'où iene u. rre 1 nt ,
rom~~nt de haut en dan le vide infini, ' l libre , r toUd~ , cet~ volonté ar chée w de tin
Enrre eœ n ull e rencontre. nul choc ible, I d' LI Vient 1 -je, l ' '
r ~l • r d 'aller où nou cond u it notre P Ir
u narure n 'surai r donc jarnai rien créé. 1 UI no u perme
.l q d'i L1 .J:- hir nou au i nos mou ernent .
iÙS. si l'on pffise que les romes 1 . plu lourd. I et mnec i e ri tm Ii fi és
\ non . en un m oment na en un leu · . ~
AfWlt en Ji ne droite plus ire ' travers le vid e, l ' . N'nt l'ineeneion de notre eu l espn t .
rombmt ur 1t"S plu légers et produisent .n i 1 rn s SUI"" ine 1 volo nt é d e c h cun
dom d'Il
~ chocs à l'orig ine des mouvements créate urs, ' Car' dené ce
1 · "
idem mene l'inir i r ive et c' e t a p rrrr e e
on s'ëcsrre bien loin du raisonnement vrai. 1 prenl mou eme nes se d istribuent dans le corps.
Tour ce qui combe t vers ronde ou l'air subtil
â que e, nlt <: q u 'à l'i nstant où s'ouv rent les stalles
doit accélérer chure â proportion de on poids, 1, 1 edés' vms-t u r - •
l e Ir des ch evaux n'arrive pas à s élancer . ~
parce que le corps de l'eau et la t ure ténue de l'ai r I. uss i i re q uï l se forme dans leur esprit , ,
ne peuvent recarder également toutes les choses f ~ coure 1 m e de m cière dans ro~ganlsme
mais plus vire cèdent ux plus lourdes, vaincus, i doit être m ise en branle à travers les divers ~emb.res
uUe parr au com 're, à nul moment, .
! et suiv re d 'un commun effort l'intention de 1espnr.
le vide ne saurai t exister sous un co rps insi, ois-ru, la source du mouvement est le cœur,
qu 'il ne lui cède ussi rôc, comme le eut sa nature. 1 c'est de la volonté qu 'il procède tour d 'a?<>rd, ,
Ainsi rous les atomes doivent-ils dans le vid e inert e pui s il se com m u niq ue à l'ensemble de l'organisme.
aller à vitesse égale malgré leurs poids iné ux, t Rien de tel lorsq ue nous avan çons, poussés .
Jamais donc les plus lourds ne pourrom rornber d 'en ur l par une force étrangère, puissante et contrargnante.
sur les plus légers ni produire d 'eux-mêmes les chocs Dans ce cas , en effet, toute la m rière de notre corps
qui som ' l'origi ne des mouvements d ivers se trouve évidemment entraînée malgré nous
• e auxquels la nature accomplit son œuvre . jusqu' à ce que la volonté la freine en rous nos membres.
Oui , encore une fois, il faut que les arornes Comprends-ru maintenant ? Bien qu'une force externe
~t un peu. d 'un minimum, pas davantage, souvent nous pousse et nous fasse avancer malgré nous,
~ nous n'inventerons pas des mouvements ravis, précipités, quelque chose en notre poitrine
obliques démentis par la réalité. a le pouvoir de combattre et de résister.
Car, nous ~e voyons bien, c'est un fait d 'expérience : C'est à son arbitre que route la matière
;: chute ~ ,les ~orps pesan ts ne peuvent d 'eux-mêmes doit aussi se plier dans le corps et les membres
~~Ir a 1oblique de façon perceptible. se laisser refréner, ramener au repos.
~ qu Ils ne dévient nulleme nt de la verticale, Il faur donc reconnaître que les atomes aussi,
qUJ de soi-même pourrait donc s'en apercevoir ? OUtre les chocs et le poids, possèdent en eux-mêmes
une cause motrice d 'où nous vient ce pouvoir

85
LES I1AN1FEITAlIOIiS DE LA LI BEUÉ
HUilE

, . OUS le voyons, de rien ne procède .


pUisque rien, n . d définitions intellig ibles de la né- la nat ure , ma is aussi q ue cette
' 1 'cl empêche que [Out arrive par es chocs , cessité et de la liberté permet-
OUI , e pal s , 'l' ' , conjonction a été uni versell e-
C ërrangère mais SI esprit fi est pas tr aient alors , dans cette perspec- ment reconnue parm i les
par une lorce ' , , '
, . s ses actes par la n écessit é Interne, rive, de concilier ces deux idées, hommes et qu'elle n'a jamais été
regl en cou êd ' ' 1 ' , , mettraient d'accord rous les soum ise à la discussion, soit en
s"uln' est pas, cel un vaincu , ', re' UlC a a passrvi re, hommes et rend raient possible ph ilosop hie, soit dans la vie cou-
, l'effet
C'est de la légère deV latlon des atomes' l' uni fication de la théor ie et de la
Il " rante " (ibid, p, 157) .
en un lieu, en un temps que rien ne détermine. l'catique. Si, cela étant, on continue à op -
A la différence des sciences ma- poser une prétendue liberté des
théma t iq ues ou ph ysiques, u: le actes à la nécessité de la nature,
IX principal ob stacle à notre pe rfec- c'est que l'on renfo rce indûment
tio nnement dans les scienc es la causalité naturelle qui est celle
HUME mo rales ou métaphysiq ue s des corps et q ue, en retour, on
(scien ces dont relève le problème amoind rit la nécessité prat ique.
de la libe rté) est l'obscurité de s O r, selon Hume, le fait qu e la
L'ÉVIDENCE DE LA LIBERTÉ CONDITIONNELLE ; idées et l'am biguïté des te rmes " nécessité soit plus apparente
\
(ibid., p . 128 ). Hume mont re dans les opérat ions des corps que
Hum e, Enquête sur l'entendement humain (1758), r do nc que si la nécessité étai t bien da ns celle des esprits ne const i-
sect ion VIII , « Liberté et nécessité . f com prise, elle serai t reconnue tue en aucun cas une preuve de
prem ière part ie, trad. revu e pa r M, Beyssade: 1 com m e le seul p ri ncipe d es ac- la libe rté , Et , dan s la mesure où
GF-Flammar ion, 1983 , p, 160- 165. 1 t ions hu ma ine s. Si l' on prend on ne peut pas concevoir la né-
Hum e réfléchit au problème de par la m ême nécessité que celle [ act e des limitations de notre en - cessit é aut rement que com me
la li?erté à parti r d 'un paradoxe: !
que nous re m arq uo ns dans le do- tendeme nt, et si l' on accepte le « la constante conjonction d 'objets

la vie courant e des hommes est m ain e d es choses et des événe- 1 fait que la seule idé e de nécessité semblables et (. ..) l'inf érence, q ui
r~gie par une nécessité qu e ceux- rnents naturels, Il n 'y a pas de 1 et de causalité que nous puis- en résul te , d 'un ob jet à l'au tre"
CI ne pensent même pas à mettre saut d 'un domaine à l'autre. 1 sions avoir « naît entièrement de (ibid., p . 151), il est clair q ue les
en question, mais ~ue. pour.tam , L'opposition entre la nécessité el l'observat ion d 'une un iformité acti ons doivent être considérées
du point de vue th éoriqu e, ils se la liberté est un malentendu, dans les opé rations de la nature com me nécessaires par rapport
r~fusem tous ~ adm:ttre, La sec- dans la mesure où, pour Hume, 1 où des obj ets sem b lables sont aux m ot ifs et au caractère de
l'agent, et aux circonsta nces de
n on VlII de 1 Enquete sur l'enten- c'est à un problème de définition 1\ constamment conj oint s les uns
évid ' aux autres, et l'esprit détermin é l'action, Comme le pr écise alors
dement
,
humain met en
' 1 ence ce que se resume le pro blê
erne me-
par acco ut umance à in férer l'u n la premi ère note du texte, ce
1
r
decalage
des ns
em re d'une part ce qu e
,pens,em de la nécessit é et
e a Ilbecre - les philos ophes
h ' ib
tap ysique de la li erre. 1 '
différents philosophes s'enten-
d aient
'
S' les

sur l e mot 1' 1 seraiit ma. 1


de
p,
l'appa rit ion de l'autre " (ibid,
15 1), alors on est oblig é
n'es t pas parc e que cerre néces-
sit é nou s échappe qu 'il faut en
tout .,comme les. aut res - , et la ' " é d 'admettre « u ne uniform ité concl u re à une q uelconq ue
n ifesre qu'ils ont tOujours et
manlere dom ils a g ' ,
d' issenr, et d accord à propos de la c ose
h ! dans les m ot ifs et dan s les actions conti nge nce prat ique ; en effet,
des hommes aussi b ien qu e da ns d 'une part « la connexion ent re
autre dpart ce qu 'ils d isenr
' ,a qu'il dés igne Hume espère on d C 1 routes les causes et rous les effets
les opérati ons des corps " (ibid.,
prop os e ces pensées et de ces « faire paraître que toUS les
actes. p. 153), et « il pa raî t non seu le- est égalem ent nécessaire et (...)
C'est l' évid d' hommes se sont toujours aC' , ment qu e la con jonct ion ent re son incert itu de apparente dans
' III en~e une
un iverse e qUI est le poi d dénécessité cordés sur les deux doctrines de \' les moti fs et les actes volontaires certains cas pro cède de l'opposi-
, uJ<
part de 1 . oinr e e- la nécessité et de la liberte, a • est aussi régulière et un iforme tion secrète de causes
be ' d Ha concepti on de la Ii- sens que toute la controverse a il' que celle q ui se trouve entre la contraires " , et d 'autre part, « on
cre e um e Pour l ' ff, r
le domai ne d . l' , Ul en e et , jusqu' ici roulé simplement SU 1 cause et l'effet en toute part ie de peut fréquemment expl iquer les
5
e cen on est rég i d es mots » tibid. , P: 150). De
87
86
LEI HA HlfElTATI OHI DE LA LI BE RTÉ
--
r ésolutions h umaines les p lus ir- et donc seul pe ur '
~~ u l ières et les plus inattendues '
der l a phdosoph nOlis s ''1 a un e d ifféren ce en t re les effets qu i résuleent
' aUVeg
si l'on con naît tou tes les c ircons - , le Cil] '. ~ '
scept iq ue qui se l ' , Plrtsle suppose r q~a~rielle et ce ux qu i nai ssent J e la pe nsée ~t d e
tan ces particu lières de caractère
m en de ses capacit '
Imite à ' ~
'lit. de la f~rce M ' un e fois que nous sommes co nva lOCUS
et de situa tio n ~ (ibid" p, (56), , es, Qu l "Inee·ll JD'ence. ais è d
« p ouvoir intérieur » aOI ~~ 1:> issons rien d e plus su r toute esp ce e
En cons équence de cerre défi ni- nou s com ma ndons par leqUtl
us ne con na lSS O , bi
. nOtre c qu e n? é u 'uniquem ent la constante conjonction d es 0 j ets et
rion J e la nécess ité , la libert é se notre esp fl t, il semble 1I . orp\ ~ causallt , q ' cu t l've d e l' esprit d e l'un à l' autre, et que no us
réd uit à un e " libert é co nd it ion- « échap pe r pour ta ,<j li doivf ' .férence conse
l,zn), d .
ne lle », qui ne résid e qu e dan s lI)Ollrs à d e l' aveu de cous les hommes, ces eux err-
rec herc hes les pl us dili nr.. trOUvons que, . 1 .
l'ab sen ce de cont ra int e opposée il (ibid. p 13 2) C 1 1geotes. , terviennent dans les aerions vo ontarr es, nous
" ,omme le consean ces JO , , ~ 1
la volonté, Arrivé il ce point d e ~ re p lu s aisément pousses a reconnaltre que a
marque K ant, dans la P if< rr, ouvons et B '
l'a nalyse, Hume considè re que la Critiqlle de la raison pn aCe dt, P , s 'te' est co m m u ne à tou tes les ca uses, ien que
rallql même neces l " b
roure autre concep tion de la li- « 1e concept de la libe ' " . ement puisse contredIre les system es d e nom reux
berté ne peut relever q ue d'une . d' rte esr 1. ce rarsonn . , d' ' . d
p ierre achoppement de hi l hes en attribuant la n écessite aux ete rm lOatl o ns e
m étaph ysique abstruse qui dé- , , touslei p 1 osop ' fi ' h il
emplrlJtes » . la volonté, nous trouverons , à la re exion, que ces p 1 o-
passe de loin notre entendement ,
'en séparent en paroles seulement et non par leur
sop h es S , l' d . '
se ntl 'm ent réel. La nécessité, au sens " ou on pren . ICI~ ce
J'ai souvent examiné quelle pouvait bien être la raison: n 'a jamais encore été rejetée , nt ne peut jamais erre
mo e, 1 '
po ur laq~elle tous les hommes, b ien q u' ils aient toujour ~ rejetée, je pe nse, par u n phil osop he. On peu~ seu ernenr pr:-
sa hé . s"
ns esrranon, recon nu la doctrine de la nécessite' cl ~ cendre, peur-être , que l'esprit peut per~evOlr, dans les ope-
l ' ans ,
tolite eur p rat rque et dans tous leurs raisonnements am t rat ions de la m ati ère, quelque connexion de plus entre la
pourta nt man ifest é tant d e rép ugna nce à la reconnaît;e en ; cause et l'effet; et que ce t te co nnexion n 'intervient pas dans
paroles
, et Ont, p"lu rôr m ontre, ' a" toute ep oq ue, une rendanœ]f les actions volontaires d es êtres intelligents. Or, qu 'il en soi t
a professer l'opini on co ntraire. Le fait peut s'expl iquer id ainsi ou non, ce la peut p araître seulement à l'examen; et il
pense. ' de la man lere " SUIVante, . S·1 nous examrnons
, ' ,1
les ope-] incombe à ces philosophes d e justifier leur assertion en défi-
rations des corps et la production des effets par leurs causes,!' nissant ou en d écrivant ce tte nécessité et en nous la faisane
nous trouverons qu e toutes nos f:acu l tes ' ne peuvent Jamais
' ' voir dans les op érations des causes m atériell es.
nous porter,
plus l in d l '
0 10 ans a conna issance de cette relation:
, l Il sem ble rai t, ce rtes, qu 'on commence par le m auvai s
que la SImp le obs 'd' " , bout de cette question sur la lib erté et la nécessi té q uand
bi erva tlon une conjonction constante entre de ]
o Jets particuliers et d ' d , . ~ on y pénètre en examinant les facul tés de l'âme, l'action d e
,, un e ren ance de 1 espn t à passer, par ;
une transnion co " d '
utumlere, e 1 apparition de l'un à lal l'entendement et les opérations de la volonté, Qu'on d iscute
'1

croyance en l'a ure.


l" t M ais ' biien que cette conclusion sun' d 'abord une question plus si m p le, à savoi r les opérations des
d Ignorance humain
, ' 1 "
e soi r e resu1cat de 1 exam en le plus serre,'1 corps et de la m atière brute et in intellig ente, et qu 'on essaie
e cette qu estlOn 't si l'on peut former à leu r sujet une idée de causali té et d e
'
Crorre , nou s ent rete nons une forte tendance a;
que nous " ; nécessité au tre que celle d 'une con jonct ion co nstante
la penetrons plus avant dans les pouvoirs de i
nature et que no ~
à un , u s percevon s quelque ch ose de sem blable '', d 'obj et s et de l'inféren ce consécutive d e l'esprit d e l'un à
e conneXlOn n ' , cl ' l'autre. Si ces circo nstances forment en réalité le tout de la
nous t , ecessalre entre la cause et l' effet , Qu an r
de nos p
ournons a nouve 'fi '
, au nos re exions vers les operations 1
, ' '. nécessité que nous co ncevons dans la matière et si ces cir-
ropres eSpClts '1! Consta .nces interviennent aussi , de l'aveu universel , dans les
Connexio l ' ~t que nous ne sentons pas de pareil e f- ~

n ent re e mot f l' . , "


1 et ~CtlOn , nous sommes portes a 1· ope rati ons de l' esprit , la discussion est term inée ; du moins
BB B9
LES A IH ST H I S DE LA li t E TË
un E
,
<'
faut-il avouer qu 'elle est désormais p Ureme
nr verbal
aussi longtem ps que nous Supposerons hâtive m e. Mais F U n ; ur réaliser notre projet d e conciliation sur cette
JHJUS po , . , 1 1 ,.
avons quelque autre idée de nécessi t é et de ca~~u~ fIoQs " . de la liberté et de la necessr re, a pus epineuse
queSCIOn 1 1 ,.
les opérations des objets extéri eurs, cependanr Ire dans ' . de la méraphysique, laquelle est a p us epineuse
queSCIOn
. d 1 d
pouvons nen trouver e P us an s les anions vola ' nt
que noUs ' des sciences, il ne faudra pas beauc~up de motsp our prouver
' il est ImpossJ
I'espnr, ' ibl e d e con d w' re 1a q uest ion à nraues
u .Jo
~ us les hommes se som toujours accord es sur la doc -
. d erernunee
' " nesolu.. :' que ro I d l ' ., et
non tout en p roc éd an r sur une hypothèse , de la li berté aussi bien q ue sur cel e e a necessire
rrrne . "
erronée. La seule méthode pour nous détromper c' aUSsi ;, route la discussion, sous ce rapport aUSSJ, a ete pure-
d' . 1'" , esr de : : t verbale. Car, qu 'entend-on par li berté quand on
re~onter ~1~ hau~ ; exam iner etroJ[~e du champ de k ' liq ue le mot aux actes volonraires ? ous ne pouvons
sCleoc.e qw s applique aux causes matenelles, et de notn appernenr entendre que ces actes sont SI. peu lies
A
' aux monifs ,
convaincre que tour ce que nous en connaissons c'esr la sur
inclinations er circonstances que les uns ne suivent' pas des
conjonction constan ce et l'i nférence mentionnées ci-dessus. autres avec un certain degré d 'uniformité et que les uns
ous pouvons peur-être trouver que ce n 'est pas sans dif. , n'apportent aucune inférence qui nous pe~e([e de .conclure
ficulrés qu e nous avons été amenés à fixer de telles limites : l'existence des autres, Car ce SOnt des fairs marufesres et
étroi tes à l'entendem ent humain; mais nous ne pouvons ~ reconnus. Par liberté, alors, nous pouvons seulement
ensuite trouver de difficultés quand nous en venons à appli- ! entendre lin pouooir d'agir 011 de ne pas agir se/on les ditermi-
quer cene doctrine aux actions de la volonté. En effet, ; nations de la 1IOlonté ; c'est-à-dire, si nous choisissons de rester
comme évidemment ces actions Ont une conjonction régu. : en repos, nous le pouvons; si nous choisissons de nous mou-
lière avec les motifs, les circonstances et les caractères, et ~ voir, nous le pouvons aussi, Or, cette liberté conditionnelle
que nous tirons tou jours des inférences des uns aux autres, i
nous sommes bien obligés de reconnaître en paroles cette f fréquemment que, m accomplissant les act ions elles-mêmes, nous ayons Je
nécessité que nous avons déjà reconnue dans routes les d éli- i sentiment de quelque chose de rel ; et comme nous prenons aisément l' un
pour l'autre des ob jets semblables, on a utilisé ce sentiment comme
bérati~ns de notre existence et à chaque pas dans notre ! preuve démonstrative, et même intuitive, de la liberté humaine. Nous
conduite et dans nos actions 1. i sentons que nos actions SOnt soumises à notre volonr é en la plupart des
~ cas, er nous nous imaginons sentir que la volonté elle-même n'est soumise
~
à rien; car, si on le nie, nous sommes incités à faire un essai et nous
1. La prédom ' d 1 d -
mance e a octrine de la liberté peut s'expliquer par :
i Sentons aJors qu'elle se meut aisément en toUS sens et qu'elle produit une
une autre cause . une fa · us t
, usse sensation, un semblanr d'expérience, que no i image d 'elle-même (ou une vellé ité, comme on dit dans les écoles) même
avons ou .
poUvons avoir d lib
rr, e roerte ou d'indifférence dans la p uparr 1
0 • 1 dt' du côté où elle ne s'est pas fixée. Cette imag e, ce mouvement fictif, nous
nos acnons. La née ' . d' , " ' ,
de l' " essue une actIOn quelconque soit de la matlere, SOI! nous en persuadons, nous aurions pu à ce moment le parfaire en mou-
espCIt n est pas à pro ' 's ' vemenr réel ; car, si on le niait , nous trouverions à un second essai que
dans 1" "premem parler, une qualité dans J'agent, mil ,
erre pensant ou 1 Ir · , JI '
consisre essenri II me rgenr qUI peut considérer J'action; e t r cette fois il pourrait s'achever ainsi , Nous ne considérons pas que le dés ir
d 'objers amérieuie emem dans la d - , , , ' 6' etl f chimériq ue de monrrer notre liberté est ici le motif de nos actions. Cer-
l' erermlOatlon de ses pensées a 10 e '}
l'oppose à la nëcessi éexI~rence de cette action ; la liberté, quand 00 j rain~menr, semble-t-il, bien que nous puissions nous imaginer que nous
certain, relâchememIr , n esr que ' I'absence d e cette d ëcerm inan" on e r UO "\ senClons en nous de la liberté, un spectateur peur communément inférer
, , une cenalOe ind 'lff ' tl '
nos actions de nos morifs et de notre caractère ; même s'il ne le peut, il
ou a ne pas passer de l'id' d ' , 1 :=rence, que nous sentons a p~ f'
Or, nous POuvons ob ee un obJer a celle de l'objet qui lui succède, " conclur de manière générale qu'il le pourrait, s'il conneissair parfairemenr
h' server que bi , \
umalOes, nous senrion , Ien que, en riflichùJant sur les acllOn! r rOUres les circonsrances de notre situation er de notre tempérament et les
rence, et que nous soy s rarement un rel relâchement une relie indiffé- 1<.
flus secrets ressorts de notre complexion et de nos dispositions. Or c'est
d ons commun - ,
tain
emenr e leurs morifs er des d ISpo ' ement " capables l'
. de les inférer très cel' 've essence même de la nécessité selo n la précédente doctri ne (note de
H ume}.
Slrlons de 1agent, pourtant il artl
90
91
LEl IIAN/FElTATI ON! DE LA LI BER TÉ
KANT

appartient, de l'ave u universel, à rour ho .


. . d 1 mm e qUI n' la liberté qu 'on oppose à la nécessité, ,:"ais
pnsonruer ans es chaînes. Alo rs , il n 'y a l'a aucun est' Pal citée plus haut~ l 'même cho se que le hasard qur, de
discussion. SUjetde à la cont ralO te , est a
non . n' existe nullement.
Quelq ue d éfin iti on que nous puiss ions d l'aveu unanIme,
· berré
11 erre, nous d evo ns sorgneusemem
' observe r de onner. de 1a,
. ., ux crrCOll.\. '
tances requIses; premièrement, la d éfinition doit '
l" .d d fi' d. s acCorder ·
, x
alvlec :VI enS~e u aJ[b; secon ement; ~ lIe doi t s'accorder aVec[
e e-rneme . 1 nous 0 servons ces CICcOnstances et si n ( KANT
rendons intelligible norre défi nition , je suis persuadé;~ ;
tous les hommes se trouveront d 'un seul avis à son sujet. i LA LIBERTÉ ET LA LOI MORALE
Tout le monde reconnaît que rien n 'exist e sans une cause ,
Kant , Critique de [a raison pratique <.178 8 ),
de son existence et que le mot hasard , quand on l'examine; « Des principes de la raison pure pratique n ,
de près , est purement négatif et ne désigne aucun pouvoir i rrad. F. Picavet , PUF , 1966 , p . 29-30.
réel qui existerait quelque part dans la nature. Mais on pré. l l'expéri ence n , dans la mesure o.ù
Dans la Critique de la raison pu re,
tend que des causes son t nécessaires er d 'autres non. Voici i la remarq ue sur l'antithèse ~e la
la liberté est un concep t de la rai-
alors l'avantage des d éfinitions. Qu'on définisse une causer T roisième antinomie repoussait le
son certes nécessaire, ma is au-
sans comprendre, comme élément de la définition, la r quel aucun ob jet qui lui corres-
pouvoir transcendantal de liberté
_ « pouvoir de commencer de
ponde ne peut être donné dans
connexion nécessaire avec son effet ; et qu 'on montre disrino ]
l'expérience.
remenr l'origine de l'idée exprimée par la définition, et t soi-même une série de choses ou
La liberté n'est peut-être pas
d ' érar s successifs " - « en dehors
j'abandonnerai volontiers toute la controverse. Mais si l'on : du monde n (cf. texte n" 3). Or, inaccessible à tour type d 'expé-
accepte la précédente explication du sujet, il faut tenir cette t parta nt de l'acquis fondamental rience cependant, si l'on consi-
définition comme absolument irréalisable. Si des objets ( de la conciliation possible de la dère , comme le fait Kant dans ce
n'avaient pas entre eux de conjonction tégulière, nous r liberté avec les lois de la nature, texte, que nous pouvons en
la Crit ique de la raison pratique prendre conscience grâce à la
n 'aurions jamais formé de notion de cause et d'effet ; cette :
médiation de la loi morale .
conjonction régulière produit cette inférence de l'en~e~de- [ montre que la liberté se man i-
L'appel de la loi morale au cœur
feste bel et bien dans le monde;
ment qui est la seule connexion que nous PUISSIOns ; elle en fait le fondement de la du su jet - la célèbre loi fonda-
comp rendre quelque peu. Quiconque tente de définir la ; morale et redéfinit son statue. mentale de la raison pure p ra-
cause en excluant ces circonstances sera obligé, soit d'em- l Le texte suiva nt - il s'agit du dé- tique ; « Ag is de relie sorte q ue
ployer des termes inintelligibles, soit des synonyme~ ,du t but de l'Analytique de la raison la maxime de ta volonté puisse
terme qu 'il tente de définir 1. Si l'on admet la définJtJon i prati que - rappelle la grande dif- roujours valoir en même tem ps
; fic ulté qu'i l y a à considérer le comme principe d 'u ne lég isla-
mode d 'accès au concept de li- rio n universelle n - doit être
. 1. Ainsi, si l'on définie la cause cequi produit que/que chose, on rem:u:que f. berté, com pte tenu de l'utilité considéré comme l'ouverture de
a is ém ent que produir« l'S C synonyme de causer, De même, si l'on dé/ÏnlC la ;
avérée du mécanisme po ur la l'horizon des possibles, et
ca~ ce par quoi quelque chou existe, la définitio n l'sc suje tte à la même ~
constitu tion de la science. En comme l'expérience de la lib erté.
objection. Car, qu'emend-on par ces mots, par ql/oi ? Si l'on avait die une 1
cause l'SC Ce après quoi une t.hOSe existe' consta mment nous aurions comprJs , les .• DUrre, .. nous ne pou vons ni avoir Dans l'ord re d e nos con na is-
termes
d de
. Ce
~ su je r ,
la défini tio
rte ~onStance forme l'essence même de la nécessiré er noUl
n en avons pas d aucre Idée [noce de Hume).
,
!
n. ar c l' SC, en v érir é, tour ce que nous connalsSons !, Imméd iatement conscience [de
C ' . '
la libert é], ni [en} conclure
l'existence par l'intermédiai re de
sances, l'i mpérieuse loi morale
vien t en effet en premier , mani-
festant dans le d omaine sensible
!
92 1 93
1
tH U IFE H ATI O S DE LA ll lE lT É
IUT
l-
son ~t inrelligible qui n '~ t ~ïntl uence sur (sa] . ;
est U liberré transcendan we. mHlatJo~ JO (ibid., p. 17 1).~' ~ qu ' « indépendance" par rapport la liberté dans son sens positif,
Dès li P,qA"t de la Critiqw dt IJZ le prerruer cas, entre la ~ ~ aUX penchants sensibles - , mais c'est-à-di re la libe rté comme
~ f'rllll"lIt . Kant montre que d ose, ou la pâtisserie, et ~ r qu 'elle met surtout en évidence .. autonomie ".
~ ,
œrœ implication réciproq ue de t~nœ. ~~tre. 1e penchant au p/aj. ~
u loi morale et de la liberté n'est s rr et 1 mstrncr de survie
d , OUla l
.
La liberté et la loi pratiq ue incondit ionnée s'i m p liq u e nt
pas un cercle vicieux: .. Pour peur e . la ~Ort, c'est-à-dire la ~
(...} réc iproquement l'u n e l'aut re . J e ne d ema n de p as ici
qu'oc ne songe pas à trouver ici perspecnve d une renonciation' !
des irItPllJiqItClaI, paree que je roue plaisir, on reste au Div i ~ m aintenant si elles sont d is t i nctes en fait, n i si une loi
oomme maintenant la liberté la
condition de la loi morale, et que
d.e .~ ?étermination par la :
sib ilit é. Dans le second cas
! incondit ionnée n 'es t p as p lutôt si m plement la consci ence
, au -: d 'une raison pure pratique , n i si cette d ernière es t identiq ue
je soutiens par la suite C.••] que contrai re, lorsque la marc est • au co n cept posi tif d e la li b erté; m ai s je demande d'oùprend
la loi morale est la condition sans préférée à la COntraint e, c'est le è naissance n otre connaissance de ce qui est incondi tion n elle-
laquelle nous ne pouvons devoir q ui p rime, et la libené ; ment pratique, si c 'est de la liberté o u de la loi pratique.
d'abord devenir cnscintJs de la li- qui s'exprime. Le su jet ~t résis- r Elle n e peu t naître de la li berté, dont nous ne pouvons n i
berté, je rappellerai seulement ter au p rince ; et .. l' hétérogé- ;:
avo ir immédiatement conscience , p ui sq u e le prem ier
que la liberté est sans doute la n éir é des princ ipes de dérer- ~
,a/ù, tssmdi de la loi morale, mais m inarion (em pi riq ues et ;
concept en est négatif, n i conclu re l' exi sten ce p ar l'i nter-
que la loi morale est la rat to co- rationnels), est révélée par cette : média ire de l'exp éri en ce , puisque l' exp é ri en ce ne nous fai t
~ de la liberté. Car si la loi résistanc e d 'u ne raison prat ique- i connaître que la loi des phénomènes et partant que le méca-
morale n'était d'abord claire- men t lég islative contre tout pen- :' n isme de la nature, juste le contraire de la liberté. Donc c'est
ment conçue dans notre raison, cham qui tend à s'y mêler . ~ la loi morale, dont nous avons immédiatement conscience
nous ne nous croirions jamais au- (ibid., p. 98 ). À la cont rainte i (d ès que nous formulons des maximes de la volonté), qui
torisés à admettre une chose telle physiqu e des penchants se subs- t
q~e la liberté (quoiqu'elle n'irn - s'offre d'abord à nous et nous mène directement au concept
tirue l'oblig at ion morale du dt- ~
plique pas contradiction). Mais voir. La liberté se man ifeste dans ~ de la liberté, en tant qu 'elle est représentée par la raison
s'il n'y avait pas de liberté, la loi
le respect pour la loi morale. f comme un principe de détermination, que ne peut dominer
morale ne se trouverait nulle-
m~O( en nous Jt (noce, p. 2 ). La
Ce texte établit donc que , même t aucune condition sensible et qui, bien plus, en est totale-
101 morale est donc ce par
si on ne peut à proprement parler ~ ment indépendant. Mais comment est possible la conscience
• quOI. percevoir la liberté, du moins ;"
on connaïr la liben é, et la libe ' de cette loi morale ? Nous pouvons avoir conscience de lois
la 00" rte peUt-on savoir qu 'elle existe. U pratiques pures comme nous avons conscience de principes
.co mon de possibilité de la
101 morale. loi morale conférant en effet à la
théoriques purs , en observant la nécessité avec laquelle la
Cet .. ordre des concepts en liberté une « réaliré object ive
qu i, bien que seulement pra- raison nous les impose et en faisant abstraction de toutes les
nous Jt est confirmé par la .
en re d d mise tique, n'en est pas moins indu- conditions empiriques qu'elle nous impose. Le concept
. gar e deux expériences
qUI nous m bitable Jt (ibid., p. 49), elle s'af- d 'une volonté pure tire son origine des lois pratiques pures,
" Ontrent comment
grace a la loi morale rh ' firme alors comme .. la seule de comme la conscience d 'un entendement pur, des principes
découvre .. la libe . '. . ~mme routes les Idées de la raison spë-
c'est-à-d' 1
bar
n e Jnteneure,
Ire e POuvoir de se dé- CUlative dom nous connaissons (1 f théoriques purs. Que ce soit là la véritable subordination de
nos con ce p t s, que la moralité nous découvre d'abord le
rasser de lïmponun ue ' . priori la possibiliré " (ibid., p. 2). -
lente des
c;~_ . penchants de telle
vio- Et, par l'exemple, Kant montre t concept de la liberté, que par conséquent la raison pratique
........0 qu aucun d' que la loi morale révèle non seu- 1 propose d 'abord, avec ce concept , le problème le plus inso-
celui ' eux, pas même
qUI nous est le plus h lemem la liberté dans son sens , luble à la raison spéculative pour la mettre par là dans le
c er,
négatif - la liberté en cane t plus grand embarras , c 'est ce qui ressort clairement de la
f 95
LES IIUIfESJ UI IS DE LA LII EITÉ lG EL

considération suivante: puisque, par le concept de la XI


liberté, rien ne peut être expli~ da ns ~es ph~nomènes, qut
le mécanisme naturel, au contraire, doit toujours y consti. HEGEL
tuer le fiJ directeur, qu'en outre la raison pure, si elle Veut
s'élever à l'inconditionné dans la série des causes, tombe LA UBERTÉ DANS L'HISTOIRE
dans une antinomie où elle se perd dans l'incomp réhensible
Hegel, LA RAi.Jqn dam l'bistoire : inmJ IlaÎtm il id
d'un côté comme de l'autre, tand is q ue Je dernier (le mé~ phiJMqphu de l'himi,.e, trad. K. Papaioanllf!U,
nisme) est au moins utile dans l'explication des phéno- Plon, 1% 5, p. 75-76 et p. 83-8~.
mènes, on n'aurait jamais eu l'audace d 'in trod uire la établit que la liberté es la véricé
Dans JOfl cours de 18;0 IUr la
liberté dans la science, si la loi morale et avec elle la pbiJowphie de l'histoire univer- de l'esprit. En disant que .. nous
raison pratique n'étaient intervenues et ne nous avaient selle, H egel montre que. la . li- sommes tous immédiatement
imposé ce concept. Mais l'expérience confirme aussi cet berré se manifeste dans l 'hiseoire. convaincus qu'une <kt propriétés
ordre des concepts en nous. Supposons que quelqu'un edle-ci est diDnie comme .. la de J'Esprit est la libené; mais
manifestation du processus d"'in (quel la philosophie nous
affirme, en parlant de son penchant au plaisir, qu'il loi
abtolu de I'esprit dans ses plus montre que cowes les propriéUs
est tour à fait impossible d 'y résister quand se présente
hatues 6gures : la marche sn- de l'Esprit ne JUbsisum que
l'objet aimé et l'occasion : si, devant la maison où il dudle par laquelle il parvient â gtâu à la liberté. .elles De jC)Of
renconrre cette occasion, une potence était d ressée pour u vérité et prend conscience tOUUS que des moynJI de la I~
l'y attacher aussitôt qu'il aurait satufait sa passion, Dt tOi " . Or. la liberté étant la dé- berté, que fOUteS la rcdlerchenl
rriompherair-il pas alors de son penchant ? On ne doit termination fondamencaJe de et la produisent". Hegel dis-
l'esprit, l' h istoire univetselle est tingue deux accès pcwibla ~
pas chercher longtemps ce qu'il répondrait . Mais dernaa-
le dkeWppémenc 4fiaJeccique de ceeeevérité de l'esprit.
dez-Iui si, dans le cas où son prince lui ordonnerait, en Dans un premift' temps, il 1 a tJf1
la liberté. On peut donc dire, en
le mtn:açant d 'une mort immédiate, de porter un &us reprenant le t itre de la granM faYotr imrmdw de la dhetmi-
témoignage contre un boneêee homme qu'jJ voudrait œuvre de 1807, que la phhlo- nation de J'esprit par la libtrti.
perdce JOUJ un prétexte plausible, il tiendrait comme ménofogje de J'~it eu l'h. Hegel J'éoonçai al... dam La
postibk de vaincre son amour pour la vie, .i grand qu'il coite de la liberté. Prinâpn de la pbi~ Jg JnJiI =
puisse ifre, Il n'OJml peut-être aJJOrer qu'il le ferait ou Oà le 4fébut de La Railllfl dmzJ .. la liberté se prbenk œmme
qu'il ne le feraie pal, mais il accordera wu hésiter que /'hiJkJIre. Jkgel pose que I~ une donnée de la COfIICieace CI
coire oaIYtrJtJIe se ~e tfam qu'iJ fmt admeure ". L'a ituou
cda lui eJt poHib1e, Il juge donc qu'il peut faite une k domaine de J'esprit. DU, en de la lihem It' prouYe creUt·
chose, PMu qu'il a conscience qu'il doit la u ire et JI d'autres termes, "efpf'it ~t la mime immédiautneot.
f«.OODaÎ( ainti en lui la libttté qui, NOl la loi morale. lUbsuna: de l'hiJtOite, « t'M Dans tJf1 tetDnd taDpf, ce NYGit
• Ier. ' t~ inconnue, le cW.kno de l'histoire uni- doic dn-enit COI1KiftJc de tai-
·tIJdk qœ l'&prit .utpc la mbnt. La philosoplW, ftI
"-lm la plut concrm". Cac que faYoU ~l:acjf, coa6mat
aJon déretminam abstraite- donc k . .oU' imm6d_. le mm
benI ce qu'eN l'apric qut' la li- complète' CI lui doftoe ton . éri-
It'pramu comnw N wbf- ui* K'I». AJorJ. leJ cUutmia:a-
: le premier ~raphe cfu cao. 4f'abofd . . . et iftcom.
~,~
de H.pt
'* u œta 4f'~
crodIeu).
pIha de' l'esprit . c:œmmx
~ dat» f t pw la pbi~
91
LEI I1ANII EITATlONI DE LA LIBERT E
! HEGH

phil' spécuhHive qui se veut être sië me purug rnphe du texte " i ~. t
' .t
sente l es rro rs g runues étapes d ~
"'o. , lre > : ce qui imp lique qu e dron montre en effet que III vo-
tout à la fois le reflet du proces- toi ' ,
sus spirituel et son l1(h ~vement. l'~V(Jlllti(Jn de III compréhensi t Jr po
ur Hegel. u d es con u ne n rs en-
1'0 "
lonté est d 'abord i l/dillrn" n.
de 1n lib 1 erre. i. L'Iusrurre
" unive011r , rs , l'Afrique ct, rient,• Il ont (c'es t la ~ liberté du vide » ), puis
Ln phénoménologie de l'~sprit sc {lC
jnnl il is t' li cette Idée [de liberté] "'/trmil/k , er enfi n I1I1/odlttrminit .
donn e comme ln chronique nt- selle est d onc l'hi stoire d 'un rn , f
lenrendu, cnr ln liberté n'est n i ~' l cr 11 (' l'ont pas encore • (RI/ cyr/a- Dans (l' d ern ier moment du d é-
renr ive et rornlis nre de l' érn n- pldit , § 4H2) - , cl ics ~t'uvent veloppern enr dialectique de la
cipatÎon J e l'esprit par m,ppo~t li liberté d 'un seul. ni ln liberté da J
aussi erre con sid ~récs, à 1 échelle volonté libre - qu i est aussi le
rour Cl' q ui n'est p s lUI , C est qu elqu es-un s, elle est celle dee ~
de l'in dividu , comme des ~tn~s but de l'histoire universelte s-,
pourquoi l'esprit, ct ln liberté l'h omm e en ~é néra l. Pour les " de l'évolut ion de ln personnalité ~ 1 li~rt é consiste (...) à vouloir
qu i en est ln substancr , sont d é- Orientaux. lu liberté est nbsolue [, (tige intilnti le, lige vir il, âge quelque chose d e d éte rrru n é,
finis essent iellernenr comme ac- mais c'es t la libert é d'un seul : ~ ma t). Er J 'un point de vue psy- sans cesser d'être au p rès de soi
Iillill. Comme le dit ln Pfi/net dl' le ty r 10 , Pour le mond e gréeo: ~ cholog iq ue. on peut considérer J ans CCU l' d ërerm iniré et en
LA Phlnomlnologit dt t'apri) , romnin, ln libert é st conçUe r qu'II Y n des deg rés dans la 1i- reven nt de neuve u à ['un i-
.. l'e prit ne l' trouve jnrnnis de rnunière nristocrarique : CCtt~ t berté de ln volonté. L'lmrodurlion verset " .
cl ns un état Je rcpo , m lis il est k ilt lilltffll (I ll lib rrë étililluc) e t ~. des PrillCÎpti d, Id philosophi, du
toujours emporté dan un mou - (e lle des hommes libres, que Ce t
vernenr indéfinimen t progres- soit pnr ln nnissnncc ou par III sa, t [Ln n ru r de (' fi pri t se 1 i se conn ît re P r son oppos é
sif » , À l'inverse dl' 1 mati ère gesse, Mai cette liberté ne peut ~
êcre qu ' ibsrrnite : d 'un e parr, les l exnC t, Nous opposon l' Esp rit 1 mati ère. De rnême que
qui ne peut êrre qu 'tI/ soi, l'esp rit
1.' t ppel é devenir pONr sai. Le maîtres dép ndenr, quant leur i 1 sub sr nc de ln m riëre est la pes nreur, de meme 1
but de son développement est de l'xi uence ,concrèt 1 de l eu ~s es- f. lib rc sc 1 ub sran c de l' Esp ric. Nous sommes cous
devenir elf« ti f, c'e t-t -d ire esprit claves. cl urr p i r t , ln liberté ~ imm édi acem nt conv incus qu'une des propriétés de l'Es-
libr«. 'c mouvemen t est un pro- tout intérieur e des stoïcien est [ prit sc la lib rr é ; m is 1 philo op hie nou montre que
cessus dialectiq ue pllr lequ el considérée plU H egel co m me ~. rout es les propri été d l' Esprit ne subsiscenc que grice 1
l'esprit se révèle lui-même " born ée ». Ce n'est donc que (: libert é, qu 'II ne sone to ue s que des moyen de 1 libert é,
comme esprit objectif et comme dans le mond e ger maniq ue que 1 que routes 1 r ch rchent r 1 prod uisent . Une de ' conn j -
liberté. Et, .. d~ lors qu e les in- peur se manifester , g râce RU
dividus et les peup les se sont une christ ianisme qui accord e A sances qu 'np] orte la philo op hie spécul ariv , c'est q u 1
foi repr ésent é le concept bs- l'homme comme tel une v leur t libert é esc l'unique v érir é de l' E prit . La m ti ère est pe nte
trai t de 1 liber té qui est pour infinie, ln libert é rendue effec- j dans la mesure où exi te en elle une rend nee vers le cenere.
elle-même, rien d'a utre ne pos- rive. L'effectivité complète et i Elle est essenri II m ne com ple e c et constit uée de p r-
sède cerre puiss nee invincible, idéale de III lib ert é est celle d 'une 1 ries s parées qui routes tend ne vers un cenere; il n'y donc
pr écisément parce q u'elle est libert é qui rég it in fim la sphère t pas d 'unité dan la m rière, Ell e t une juxt position
l'essence propre de l'esprit . er du droit . 'f
Il fnut noter q ue si les grandes
d' lérnenrs et cherche son unir é ; elle cherche donc on
comme son effect ivité même "
(Enryclop il des stimœs philoso- ères de la liberté correspondent 1 contraire er s'efforce de se dépasser ell -rnême. Si elle y r-
phiqNti en obrigi, § 482). ussi trois gro ndes aires géa- l ven ir, elle ne sera it plus m rière ; elle serait boli e com me
Mais avant d'~ [fe comprise dans gra phiques - la fin de LA Rai.loll t telle, Elle cend vers l'idéalité, car dans l'unité elle est idéelle.
route sa vérit é, la liberté se pré- da'IJ l'his/oi,., rapp elle qu e le so- L'Esprit u conr raire jus temenr en lui-même son cencre :
sente sous des formes inadé- leil se I~ve l'Ori ent . c'est- à-dire il cend lui aussi vers le cenr re - m is il esc lui -même ce
quates. C'C'St la nécessité int erne qu e .. l'hi scoire univ erselle va de
l'Est il l'Ouest . c r !'Europe est cencre. Il n' p s son unicé hors de lui, mais 1 crouve n
de ce développement qui consti-
tu e les différences époq ues de véritablem ent le terme de l'Asie, lui-même, Il esc en lui-même et demeure dans son propre
l' histoire universelle. Le rroi- le commencement de certe his' élémenr (!Jti Jieh). La m cière a sa substance en dehors d 'elle :

98 99
LEll1 AN lfE ST ATIOH I OE LA LI BE RTÉ
HEGEl

1
, l'Esprir est ce qu i dem eure dan s son propre él ' 1 , ourq uo i ils fur ent libres. Mais les G recs, tout com me
mars . 1 lib é ' ,
, en cela que consisre a 1 err , car SI Je suis dé
eenellt '
1 c~tp . 1
er c esr , ' ,
ie me rapporee a autre chose qUI n est pa s moi
pell. f
, ~ les R0 m a ins , savaIent seulement que quetqaes-uns . sont
danr, J h ' ' , et Je r lib non l'homme en tant q ue tel. Cela, Plaron et Arisror e
J res, , 1 G
ne pUlis exisrer sans cerre c ose exrerreure. " J e suis l'b î
J re t, l' raien t ; c 'est pourq uoI non seulement es recs ont eu
quan d je suis dans mon propre élément (bel !!Jl r)
, . (
l d~~~~c1aves don t dép en daient leu r vie ~t auss i l' existence de
Lorsque l'Esprit rend ve:s son pr?pre cen ere , Il tend à par- : belle liberté ; m ais encore leur liberr é elle-même fut
faire sa liberté, Si !.'on dir que 1 Esprit est , cela ,seenble t 1eur ' 'fié
fl eur périssabl e, bornée, contr. ngenre et a srg ru aussr.
d'abord signifier qu il est quelque chose de tout fait, Mais 1 une dure servi tude pour rou e ce qUI. est proprement humai umarn .
il est actif L'accivité esr son essence. Il est s?n p~o~re pro- I une " l iè .
C sont les nations germa711ques qUI, es prerru res, sont arrr -
duit , il est son commenceme~r er sa fin , S~ libert é n est pas . é:s par le ch ristian isme, à la conscience que l'homme en
une existence immobile, mars une n égation constante de 1 ;ant 'qu 'hom m e est libre, que la lib ert é sp.iri t uelle const itue
tour ce qui conteste la liberté. Se produire, se faire l'objet • raimenr sa nature propre. Cette conscience est apparue
de soi-même, se connaître soi-même : voilà l'acrivité de ~'abord dans la reli gion , dans la plus intim e région de
l'Esprit. C'est de cette manière qu 'il esr pour soi . Les choses l'esprit; mais réaliser ce 'principe .dans le mo~d~ profane,
naturelles ne sont pas pour elles-mêmes; c'est pourquoi fut une autre tâche, dont 1 accornplissemenr a eXIge un long,
elles ne sont pas libres. L'Esprit se produit et se réalise selon un pénible effare d 'éducation. Ainsi , par exemple, l'adop-
sa connaissance de lui-même; et il agit en sorte que ce qu 'il
sait de lui-même devienne une r éalit é. Ainsi tout se ramène .•
1 tion du christianisme n 'a pas entraîné immédiatement
l'abolition de l'esclavage; la liberr é n 'a pas aussitôt régné
à la conscience de soi de l'Esprit. Quand il sair qu'il est dans les États; les gouvernements et les constitutions n 'ont
libre, c'est cour autre chose que lorsqu 'il ne le sait pas, 1 pas été d 'emblée rationnellement organisés ou même fondés
Quand il ne le sait pas, il est esclave et satisfait de sa ser- sur le principe de liberté. C'est cette application du principe
vitude ; il ne sait pas que l'esclavage est contraire à sa aux affaires du monde, sa pénétration et les transformations
nature, C'est seulement l'expérience de la liberté qui libère qu 'il y apporte, qui constituent le long processus de l'his-
l'Esprit , bien qu 'en soi et pour soi il demeure toujours toire. J'ai déjà parlé de la différence qui existe entre le prin-
libre .] cipe comme tel et son application , c 'est-à-dire son introduc-
( ..,] tion et son accomplissement dans la réalité de l'esprit et de la
,D 'apr~ cerre définirion abstraite, on peut dire que l'his- • vie: c'est là un concept fondamental de notre science et il
torre unIverselle est la présentation de l'Esprir dans son faut s'en bien souvenir. La différence dont nous avons fait
effare pour acquérir le savoir de ce qu'il est en soi. Les Orien- état en anticipant quelque peu sur le principe chrétien où la
taux ne s~ve~r pas que l'Esprit ou l'homme en tant que rel liberté prend conscience d'elle-même, vaut aussi essentiel-
est en SOI -meme lib re, Parce qu "1 l '1 e
1 s ne e savent pas, 1 s n lement pour le principe de la liberté en général. L'histoire
Ie sone pas Ils ' ,
rb '. savent unIquement qu un seu! homme esr universelle est le progrès de la conscience de la liberté: c'est
1 re, MalS une telle lib " 'arbi b ar b anie,
' 1 erce n est qu ar irraire, ce progrès et sa nécessité interne que nous avons à recon-
abrutlSsemene
. de Ja pass.on . meme la douceur la doC!'1'Ité
' A naître ici .
cl es paSSIOns ap A ., ,
paran ICI comme un accident naturel comme En évoquant d 'une manière générale les différents degrés
que1que chose d' bi . ' ,
cl ar irrarre, - Cet Unique n 'est donc qu un de la connaissance de la liberté, j'ai dit que les Orientaux
espere et non un h lib L
conscienc cl , omme 1 re, un homme tour coure . a Ont su qu'un seul homme est libre, le monde grec et romain,
e e la lIberté s'est levée d'abord chez les Grecs, que quelques-uns SOnt libres tandis que nous savons, nous,
100
/01
LES MAN IFE STATIONS DE LA LI BERTÉ
- HABE RT

t OUS les hommes sont libres, q ue l'homme f


que . d .fiL:' d en tant XII
'homme est libre. Ces 1 rerenrs sra es constitu
qu . . d l 'hi ent les
époques qu e nous d isting uons ans
. 1 Il l'
IS to lre universell
e et
r, N ABE RT
la division sUl va~t aq,ue e no us a traldterons. Mais cette ~
remarqu e n'est faite qu en passant ; nous evons auparavant ~
expl iqu er q uelques concepts. . l LA CROYANCE À LA LIBERTÉ

Nabert , L 'Expérience intérieure de la liberté (92 4 ),


No us disons donc q ue la co ns cie nce que l'Esprit a d f·.··.

'
liberté et par consequent, l a rea' [iIre de sa l1'bert 'é, constituee Sa
ê III , § 2, PUF, 1994, p. 137· 144.
en général la Raison de l'Esprit et donc l~ destination d~ f D'un côté, le passé pèse de tout pai r avec celle de l' exp ér ience
son poids sur l' acre acco mpli, le dans laq uelle elle se manifeste.
monde spirituel. Or, dans la mesure où celui-ci est le monde
rendant objectif et nécessaire ; de En effet, « je ne sais rien de ma
substanciel auquel est su bord onné le monde physique, dans libe rté, si ce n'est qu 'elle n'est ja-
l'autre, chaq ue nouvelle act ion
la mesure où, pour parler sp écularivernenr, ce dernier n'a semble venue de nulle part et ou- mais un e possession d 'ét at , et
aucune vérité en face du m onde de l'Esprit, elles constituent verte à rous les possi bles : l'ac - q ue cha cun de m es actes remet
aussi la fin ultime de l'univers. Cel a étant, la liberté telle tion humaine s'i nsc rit to uj ours en qu est ion l'idée que j'ai le
qu 'elle est énoncée, reste encore vague ; elle est un mot qui inévitablement dans une chaî ne d roit d 'en avoir » (ibid. , p . 136 ).
de phénomèn es, m ême si ses La liberté est « le con cep t d 'une
comporte une infinité de significations ; et comme elle est
motifs sont le début de quelque causalité dont nu l élém ent
le Bien suprême, elle entraîne une infinité de malentendus, chose de neuf. préalabl em ent donné dans la re-
de confusions, d 'erreurs et contient routes les extravagances 1 C'est en affrontant cette arnbi- p résentation n'explique l'exer-
possibles. Aucune époque n 'a plus que la nôtre connu et t guïté fondamentale de tour acte cice et dont l'ac te attes te cepe n-
ressenti cette indétermination de la liberté. Toutefois, nous 1 que Jean Naberr m ontre que la dant un e posirivir é spiri tu elle et
nous en tiendrons , pour l'instant, à ces généralités. Nous liberté est ce qui se manifeste une richesse interne suscep tible
dans cet entre-deux. Pour Na- d 'alim enter une réflexion qui ne
avons noté aussi l'importance de la différence infinie qui
bert, la liberté n'est pas une ab s- revient pas sur l'i nvention des
existe encre un principe existant seulement ensoi et un prin- traction, mais est ce qui se ma- idées po ur en dét erminer les
cipe existant réellement. En même temps, c'est la liberté nifeste dans la réalité d 'un acre condi tio ns, mais pour s'appro-
elle-même qui renferme en elle-même l'infinie nécessité de concret, lequel s'ancre, en prier la p rod ucti vit é qu 'elles
devenir consciente - car selon son concept elle est connais- amont, dans la proc essual ir é ps y- m anifestent » (ibid., p . 18 3 ).
sance de soi - et par là même de devenir réelle. En fait, elle chologique d 'une consc ience, et , La liberté est une « facult é
en aval, dans le monde des faits. d 'inve ntion et de producrivit é »
est elle-même la fin qu 'elle réalise , l'unique fin de l'Esprit.
Dans L'Expérience de la liberté, q u'il faut ressaisir non dans un
[La substance de l'Esprit est la liberté. Par là est indiqué Nabert tente donc de « faire un e savoir d 'entendement, mais
a~ssi le b.ut qu'il poursuit dans le processus de l'histoire; place à la liberté, en ne mettant g râce à un « d iscou rs inté-
c est .la libert é du sujet, afin que celui-ci acquière une la causalité psychol og ique n i rieur » qu i est un constant re-
co~.sclence morale, afin qu 'il se donne des fins universelles, trop loin du moi, car elle risque tour sur soi de la conscience.
qu I~ I~s mette en valeur ; c'est la liberté du sujet, afin que ~e ." perdre dans l' impersonna- Cette auroréflexivité de la pro-
lite de la pensée, ni trop près des ducti vité de la vie spirituelle
celu:-C1 acqui.ère une valeur infinie et parvienne au point
donn ées concrètes de la vie men- est l'expér ience intérieure qui
ex~reme de lui-m ême. C'est là la substance du but que pour- tale qui la rabattraient sur le génère la croyance à la liberté.
SUit l'Esprit du monde et elle est atteinte par la liberré de plan des événements » (p . 54 ). Ma is Nabert insiste bien sur ce
chacun.} La speCI "fi Cité
' de la liberté et de fait que « si la croyance par la-
SOn mode de manifestation va de quelle je m 'assure de l'exis-

102 103
LES "U l fEITATlOIS Of LA LI IE IT É IIABHT

reoce de ma liberté n'a pas Ces cat égo ries correspo ndent sant donc avec Kant contre au-delà de son exp ressio n li -
comme poi nt d 'applic ati on un donc chacune à une man ifes_ Kant pourrair-on d ire, Naberr mitée » (ibid.. p. 115 ), la cau -
jugement engagé dans une dé- cation de la croyanc e à la li. essaie de saisir dans leu r spé- sal ité psychologique et le
cision concrète d u voulo ir, c'est berté et s'o rdon nent comme les cificité rad icale la « croyance dynamisme irréduct ibl e de la
une croya nce en l' ai r, une différenrs degrés de Son his- en une liberré qui passe no tre conscience.
croyance qu i accompag ne un to ire , dans laq uell e .. chaque nature accomplie et subsiste
jug em ent [OU[ spéculati f su r form e de la croyan ce ne sau-
l'exis tence de la libe rt é vegarde l'i dée ple ine de la li. La liberté ne commence qu'au mom ent où, dans une
humai ne, et dont on ne voit bert é qu'en acceptant de re-
décision concrète dont nous ne pouvions éviter de nous
pas comment il se relie à prendre conr act avec la
causal ité du su jet, grâce aux représente r les condit ions, se découvre à nous, comme par
l'analyse de la volonté libre "
(ibid., not e, p. 140). actes qUI commencent une sorte de choc, un surplus de réalité spirituelle que la
.. L'expérience de la liberté ne consrammenr de propager la pensée ent reprend de s'incorporer. Tell e est l'origine d'une
pe Ut être qu'un tr avail d 'appro- cr isra llisarion d'une croyance expérience int érieure dans laquelle la pensée se tr availle
fond issement interne et d 'ana - nouvelle » (ibi d., p. 176), pour s'égaler à la causalité de la conscience. La liberté
lyse destiné à rejoindre la cau- même si en fait, • route act ion manque à sa propre idée si elle demeure enfermée dans une
salité du sujet par la est à la fois l'e xp ression de
définition spéculative . Elle ne se produit qu 'autant qu 'elle
découverte des catégories de la notre caractère , le com mence-
cons cie nce agissante" (ibid., m ent d 'une personnalité, et la est l'enjeu d 'une expé rience intérieure qui, se renouvelant
p. 146), N abert disting ue t rois sui te d 'une causalité qu i atteste et se transfo rmant par l'action elle-même, est constamment
catEgories de la liberté q ui sont en chaque conscience l'infinité sollicitée d 'aller plus loin qu 'il ne lui semblait d'abord
les .. diffé rentes form es de la de la vie spi ri ruelle .. (ibid., qu'elle dût aller dans la découverte de la productivité spi-
conscience, qu i nous ap parais- p, 185 ). rituelle qui soutie nt tous nos actes. L'intuition de cette pro-
sent dans la réflexion q ue nous Comme Kant, et comme Berg-
duct ivité nous est interd ite, mais il y a une réflexion de cette
faisons sur nos acte s» tibid., son, Nabert montre que la li-
p. 134) . La libert é se mani feste berté ne peur être que défor- productivité sur elle-mê me qu i en développe la signification
d 'abord com me caractère, c'est - mée pa r l'entendement cr les et nous perme t de la ranger sous l'idée de liberté, pourvu
à-dire com m e ce q ue l'acre tenrar ives de la co nnaissance que nous sachions refouler l'ent reprise toujours renaissante
laisse derrière lui, et qui cor- object ive. Comme Kant égale- de ~'.e~cendement qui s'applique à discerner dans la spon-
respond à l'idée de fatalité . Le m ent, po ur qui .. com me je ne taneIte apparente de nos actes le déterminisme de leurs élé-
cara ctère dé te rmi ne l'acte lib re pu is rien penser sans catégorie, ments.
dont il représe nte le passé. il faut d 'abord, pour l'idée ra-
Considéré ensuite dans le mo- t ionne lle de liberté [ ...] cher- , Par ce redoublement de l'acte dans une réflexion qui
ment de son exécution, l'acte cher une catégorie q ui est ici s a~proprie la causalité de la conscience, naît une croyance
relève de la croyance à la per- la catégorie de la causaliti .. qu~ raconre l'histoire de notre liberté. Croyance parce
sonnaliti, dans laquelle la li- (Critique tU la raison pratiqUl, qu elle remplit trois conditions : de correspondre à l' él é-
be rté se pense sous la form e p. 110), N abe rt pense la libert é ~ent pratique de la vie spirituelle, puisqu'elle naît avec
d 'une .. totalit é mobile et ou - com m e causali té li b re. Par
cont re, à la différence de Kant,
ac~e, et ne dure que par une réflexion sur l'acte ; de se réfé-
verte de décisions dont la réelle ' , d ' un SUjet
rer' a la. causal rte ' qUI. est au-dela, de toute déter-
d isconri nuité se laisse pourtant Nabert m ontre que la croyance
minatIOn
, . pa r un savoir ' ,. et en fi n d 'envelopper des Idées
. où
ramener à un même dessei n " à la liberté ne peU[ pas prendre
en compte la considération
se precIse
<ibid ., p. 168) . Enfin la liberté s' 'fi . pour nous et par nous, sur différents plans, la
alMIII4 correspo nd à l'idée de d'une quelconque loi , fût-ell e Ignl catIOn q '" l' ,
atte . , ue revet cette causa rte pour une conscience
l'i nfini té des poss ib les futurs . morale (cf. texte n° 10) . Pen- ntlve a ses propres choix.
104 105
us A If EH ATl t S EL lI ' BT É
IAIElT

U n 'esr doec pas de l'opposition et de la contradiction des caraCtèt"e de la causalité psychologique. Mais pour cela
pIlSSàoos que naît, par une sort e d 'usure du déterminisme, même, il n'y pas beaucoup de sens, peut-être, à en parler
UDt' espérieoœ de libert é ou plutôt de libérarion à l'égard des
comme si elle pouvait jamais nous être adéquatement donnée
iOccl5 qui nous maintenaient en esclavage, Dans roure déci- par une expér ience, de quelque manière qu'on la conçoive.
sion quelque peu profonde nous éprouvons qu'il ya un élé- Pour nous, qui ne pouvons éviter d 'apercevoir nos actes sous
lJleO{ réfractaire à ceux de nos procédés intellectuels gui les espèces des représentations contenant le dessin des mou-
s'appliquent à l'étude du donné. C'est la pression de cet élé- vements à réaliser dans le monde ou des désirs qui portent
ment sur l'expérience intérieure qui suscite la méditation où ces représentations, la liberté ne peu t se trouver que dans
naît, soes la menace constante d 'avoir à céder aux exig ences l'idée d'un acte dont nous au rions produit les éléments psy_
de r enœodemeot , une croyance qui précise, rectifie et JUStifie chologiques. C' est pourquoi la liberté demeure une hypo-
i la lOis DOUe première certitude de productivité. Et en deve- thèse route spéculative si son idée ne prend pas corps dans
Dam l'hiscoire d 'une croyance, l'expérience intérieure de la une croyance commençant avec l'acte volitif et conjuguant
liberté devient aussi l' histo ire des idées par lesquelles cette notre réflexion sur cet acte avec l'histoire de notre liberté.
croyance échappant ainsi à la pure subjectivité d 'un senti - Or, nous serions immédiatement arrêtés dans cette
ment fajt apparaît re les catégories de la liberté. Chacune de réflexion, s'il y avait, entre la voliti on et le motif, le moindre
ces idées ou de ces catégories opè re comme une cristallisation intervalle qui pût nous faire supposer que la causalité de la
de la croyance. À aucun moment, la causalité qui t raverse conscience, occupant cet intervalle, est je ne sais que lle force
mou cette histoire n'est l'objet d 'une certitude statique qui additionnelle dis tincte de l'acte q ui donne les motifs. Ter-
nous dispenserait de prolonger norre méditation, et, au sur- minée à elle-même, la volition ne laisserait alors aucune place
plus , si le concacr se perdait encre ces catégories et les actes à une expérience précisément destinée à souligner, du point
coocrets qu'dies nous permettent de ressaisir par le dedans , de vue de la liberté , le genre de spiritualité qu 'elle comporte .
noue croyance elle-même n'aurait plus d 'objet. Car elle n'est Tour au contraire, ces motifs qui se redoublent dans la
pas sur le prolongeme nt d 'une défini tion systématique et réflexion, ces idées où se dépl oie l'acte volitif tour d 'abord
œoœpruelle de la libert é, affectée seulement d 'un caractère ramassé en un point de notre vie psychologique , ne SOnt rien
d 'incertitude. La croyance à la liberté ne porte pas su r la réa- moins que la causali té elle-même, reprise par une expérience
lité plus ou moins probable de ce que nous suggère le concept a.u cours de laquelle s'évanouira peut-être le mirage d 'une
philosophiq ue de la libert é. Pas plus que la liberté, elle n'est libert é d'i ndi fférence, ma is non sans que se décou vre par ail-
lépanhIe de l' expérience qui revient su r nos décisions pour leurs. une plus juste perspective sur les rapporrs de la
s'emparer, au tant qu'elle le peut, de la causalité dont elles cO~l ence et de la vie psychologique. Ainsi adossée aux
témoigoenc. Entre les faits psychologiques qui, laissés à e~­ mOtIfs, la croyance pourra, non pas expliquer qu'ils soient
mêmes. nous ôteraient plutôt l'idée de tout ce q ue notre Vie tels, mais nous amener à défin ir notre liberté.
peut comporter d 'imprévisibles initiatives, et l'acte en deçà 1 C?n ne peut, en effet , se borner à considérer la croyance à
duquel nous ne pouvons remonter, la croyance à la libe.rcé a libert é com me une certaine tension de la conscience à
rempl it UM fonction médiatrice par quoi le sujet de l'acn o.n l'occasion d 'un acte. Comment apprécier des tensions diffé-
J'tUt 6ser le deg ré ou le genre de liberté q ui lui est perm is r~,tes de la conscience ag issante? En raison de la rnulripli-
dt s'aaribuer. Nous ne voudrions cependant pas d ire que J.g C
l'Ite d. es e'1'eroenrs moteurs qui entrent dans le sentiment de
liberté eH sulm.antieUement identique avec la croyance que actIon ? On ne nie pas que la conscience spontanée procède
~ en formom. La liberté n'est rien , si elle n'est pas un SOUvent de cette manière, mais c'est , sur la causalité de la

106
.... 107
1(1 "UIf (lIATIOU DE LA l ll ElTt
IAH ,

conscien,'c. 1 source d'une ill us ion , qui pour se renoUveler chi t la conscience pour encrer en possession de l'essence que
, cr tenir doit S3ns cesse demander seco urs aux <1o nn,,__
et 5 en "' . ' Il ' .~ j'â me ne cesse jamais d 'ê rre, même quand elle paraît dominée
muscul ire. er motrJ c~s. Plarcdc ql'u e . es 5IuIPp leent à la l'au. par la p uissance d es choses extérieures. Et il est bien difficile
vr ( ~d es ~ lé me nts sp irlt,ue 5 e actloln , r. y a un sentiment qu 'une p hi loso p h ie de la liberté évire ce double écueil, ou de
·s. ance , qui pourraI[ passer pour a rorrne la plU! (,.,• ....
••te laisser la causali té du sujet dé tac hée de tour conœxce,
de PU I ~ . . •
l croyance à la libert é, si on co nse n ra rr a le mettre à moment si ng ulier et irrationn el dam l'uni vers physique et
de d' • . SOn
r n!( . crès bas, au ~dessous udne c roya~ce ou Intervient déjà dans J'univers sp iritue l, ou de subordonner cette causalité à
1 réflexion, Or, JI est san~ oure vrai q~e la croyance est une réalité, à une essence ou à un ordre de valeurs q u 'elle peut
d' bord une réaction ma ssl,ve de la con5Cl~nce à l'occasion s'approprier, mais non pas produire, Q ue faire de la liberté.
d'un acr ,ec, en ce sens, qu elle est un senrimenr. Mais tOUt guand on l'a définie d 'abord dans J'absolu, de relle sorre q u 'on
acre, pour peu qu'i l soit autre ~h~se qu 'uneréponse rapide à ne voie même plus com m ent elle peur appartenir à la cau-
une sollicitati on externe. a, S I 1on peut di re, une certaine salité d 'un sujet ? Si on ne se résigne pas à suppri mer cout
épaisseur psychologiq ue, ~'~st pa r une so udaine cereitude commerce, non seulement encre la li berté et la raison , maîs
qu'il se révèle à nous, AUSSI VI te pourtant que cette cereitude entre la liberté et la causalité d 'une conscience individuelle ,
est née, elle sem ble appeler du fond d e la co nsci ence des sen- il faud ra bien cependant coordonner la liberté à une loi
tim ents et des pensées q ui la ren force nt et l'éte ndent, Ce SOnt morale ou à des valeurs ou à un principe premier qui lui res-
de nouvelles ressources que l'acte a d égag ées , sans qu 'il soie tituent une p lace dans la vie spirituelle, et, cenere I'inrenrion
possible de discerner si elles ont co ns pi ré à le p rod ui re, ou si du philosophe, cerre coordination conduit à ranger la liberté
elles en sone déjà les suites, Avant que l' acte ait pris le carac- sous le principe qui ne devrait servir qu'à l' illustrer. Ainsi la
tère d'un fait et pendant le temps où s'ébauche nt encore les loi mo rale, chez Kant, n 'est pas seulemenc la ratio cognoscendi
mouvements qu i le réali sent, la conscience se trouve tra ns- de la liberté; elle est amenée de telle sorte dans le SYStème
formée, parfois dans un autre se ns que ne lu i fa isaient prévoir qu 'on comprend mal que la liberté puisse parfois aller contre
les éléments préparatoires de l'acte, et toujours plus profon- la loi.
dément qu 'elle ne pouvait le pressentir, D ès lors, com ment Au contrai re, si la liberté su rgit aux différents moments
éviterait -elle de confronter ce qu 'elle cro yait qu 'elle était ou de l'histoire d'une croyance qui a pour matière les d écisions
ce qu' elle voulait être avec ce qu 'elle devient ? La tension de conc rètes d 'une conscience et pour soutien une causalité
la conscience se double d 'un effort nai ssant pour apprécier la demeurant toujours au-d elà des idées ou des formes qu'elle
causalité du sujet, et par là elle se convert it en une croyance, revêt dans et par la croyance, il devient vrai de di re que
Mais les étapes de la croyance à la l iberté ne des sinent pas J'exigen ce d 'intelligibilité, inséparable de rou re réflexion su r
la co~rbe d'un e évolution régulière qui conduirait la nos actes, se trouve compati ble avec la causali té de la
conSCIence à exprime r d'une manière progressivement plus conscience et ne lie pas le soi et le pour-soi à une loi q ui assi-
complète un ordre ou un e réalité préexi stante comme fait, g nerait, dès le p rincipe, un e règ le de développem ent à notre
~ar exemp le, la monade de Leibniz promue à un rang supé- activité,
rieur à mesure qu e ses percepti ons sont plu s distinguées, La En m ême temps, cette croyance est une expérience, car le
croy~n c.e ~ la libert é tom berait si elle lai ssait p eser sur elle, pass~ge d 'une form e d e la croya nce à une autre est un passage
dès IOClulneo ,I'idé . , sur lequel eIl e seraIir
l e d ' un or d re objectif conti ngent qui ne s'effectue que par l' action et par I'ébran-
t~nu~~e se régler, ou si elle devait seulem ent, com m e chez le~ent qu 'elle imprime aux motifs et aux pensées qui rete-
p us un philosophe, indiquer les degrés que monte et frao- naIent la personnalité dans un certain cad re, Si la croyance à

108 109
. namÎt s' immobiliset • ~ mais ce qui se fait, constante lOlU s.a fOntlI! p$"cbQlogique ou
llltSou 1-- - '
e en quelqueS pO. I\i définitif . parce qUe i~ en question de l'être par sociolegique, le d&erroi~ re-
1 Iiberd se (l~Ud'ar~ ne S{l0~ 1,:", ~lIe-même il flÛ t. La d ia. ::.
rnomenr:; ue 1 aCtion . ,
;;lre lui-même. L'homme est
r b~ dans la Oles ure où il n'est [a-
\he. en f,it dt' la - . ....i jj IN,
c'es t-à-dire ' d 'une conduite de
ces . t dfnouer ce q
e di,l1ect iqu e qUI 0 emprunte I 15 un en ·soi , même s'il li un fuite et d 'un ~ processus de' dis-
l'acrlOn peu 1 croyan<e es r \10 ' voir. Elle demeure mal_ mil .
~é, même SI autrui li! iltrr, ue
,l ' ib cracrion devant ran80~ »
lec~ique de :5 aUX cQnd icioos d u :;:em in faisant. les grandes . .caracffre... La tb.!ité humaine (ilNd.. il- 76) pti lesqeelsIe mol
pas es noc?'quoiqU'eUererrouve'gfe la vie morale ou ~Ii un 1'1..- dans la mesure où elle e-st. cherche à se masquer à Ni-m&nc
edeSOI • ' O urs enga 1 cl • est , DI <-
tff'SS , ' où s'esr roul 1 isément d ns e OCttines che ment au monde et à elle- 5a liberté. Vaine rentative cepen· .
d '~ recu ons rait p us a ' be" . art1l 'L . L ' I' h
Er l'on percey nce ê la 11 rte qUI Vit da.ns me"me . « La IllJCct<" c est erre u- dam que cerre esquive de la li-
leuse.
g ' losophiq ues 1ec 0 " h de la croya l' . . main me ttan t son passé hors jeu berr ê, car l'évidence de celle-ci
oyance ne se p lait pas, JUsqu'à est trop font , l e déterminisme
P"h I e humaine , S,I' cerre cr d iê • cl écrérant son propre néan t -
à une gran e v n te e repr ésen, en' L 'd
5
p. 64), L'h omme n 'est que • ne peu t rien contre l'fvidellC?
~:nir mé<Onnalssab l:. co nstruits d 'abord pour d 'autres (1,,1 " 'J '
. u'il a à être. ' n est q~ son de la liberté. aussi se donee-r-jl
, t de co ncep t ce q'et il n'est que J'L ioe- rcé , Son es- comme croyance de refuge,
tattOOS e •
.... ..ges. ' d em ent ou, en d au t res termes , de prole es ' t « en suspe ns dan s sa li- comme le terme idéal vers lequel
........ de 1ente n d' bi " é sene
C'est surr ou.t rée d ans sa fon ction , 0 ject rvit • que la bert é • (ibid" p. 60) . , nous pouvons fui r l'angoisses .
la raison consl~éb é reçoit si l' o n Il Y prend garde, des . pour sà'rtre~ l'évidence ?e la. li - En fin de compte, la d éfense ré-
.croyance ...~ , la Il ert . , fica r 'ton quan d eIles ne becté se m an ifesee d~,ns 1ango1H:. flexive contre l'angoisse fi 'est
' 1 èrenr ' sa SlgOl , SC " le mod e cl etre de la li- qu 'une manifesta t ion indi recte
dét erminations ,q~1 d~truire, La vér itable oppos it ion n'est qUI
he té e comme conscie nce d' erre-
ience de la liberté ,
vont pas JUSqu à. a
on d it, en t re
la liberté et le d éterminism e, mais
, ('/d p
lu I .. , · '
64) " la sais ie réflexive
...
N ier la libert é, c'esr encor e affir-
mer sa liberté, Confirmanoa sup-
pas. comme et la conSCIence . de la libe rté . par ell e-mem e "
'ente nd em e nt (ibid" P: 75). c'est -à-dire ce par pl érnent aire de ce q ue la liberté
entre l
quo i l'homme prend conscien ce est , non pas • une qualité sura-
de sa liberté. On peut JOUtée ou une propriitl de ma na-
XlIl comprendre la di fficu lré qU,e re- rure », m ais bien ; et m êm e
présen re cette prise ~e consc le~~e m algré mo i, • l'étoffe de mon
SARTRE de na rre libe rt é. qUI es r la saisie être " (ibid" p, 49 3). C'est aussi
du néant que nous sommes. C'est Jà Je signe de. la faCt ic ité de la li-
pour en ~aire rée~nomie qu.e le be rté elle-mê me; c' est-à-dire le
CONDAMNÉ À tnE LIBRE II détermirusme essaie sans relache rappel que .. la réalit é. humaine
«JESUlS peur se choisir comme elle l'en-
de rabattre le pour-soi - la t rans-
Sartre, L'Ê,rt ft If Nia~t 0943l cendance - sur l'e n-soi - les tend , mais ne peur pas ne pà:s se
quanl~~ partit, chap. ], « dara " , ce qu i est donné, la fac- chois ir. (ibid.. p , 535), q u'elle
ond' ion premi«e de l'action, c'est 1. librnl,. tiCité. Mais que ce soi t sous sa est do nc libre d e tout. sauf de ne
.. La c I t callimard. 1943, p. 49}-491 forme cou rante, tou t autant que pas êt re libre ,
la d éfin ition de la liberté ltJlOII
DaN ce texte, qu i d énnit onto- sut la d istinction fondamrnu~ Ce qui pourra nous aider à atteindre la liberr é en son
logiquement la liberté '. Sartre u'oeere L'Êtrr ft Je N"'~t tom . cœur, ce sont les quelques remarques que nous devons à
montre comment celle-CI se ~a- q y - , • à"
l'en-soi et le J!oII1'-SIll, c est: -<lIllprésent résumer ici. Nous a vo ns; en effet, établi {...} que si
-r: bi souvent de manière
n\leste ien 1 entre d 'une part n ue, qUI est Cl
. _ .J · re mais 'dans tom es la négation vient a u monde par .la réalité humaine, celle-ci
11JU1 ~ .. , . • bso- qui est. et d 'autre,p'rilt 11&Ill,. :'
ClIS ' com~ une .klden<:e .'. li conscience, qUI dt ce qUI n!ll ; doir être un être qui peut réaliser une ruptUre néantisante
\\Je. III
110
LES HAH lfE STA TlON S DE LA LI BERTÉ
SART RE
1
aVec Ie mon
de et avec soi-même ; et nous avi ons étab/'
1 qUe f
1
chiques . L'en-soi s'est em pa ré d e to us ces « data ,., le mob ile
la pOSSI'b'l'1 J
té permanente de cette rupture , ne faisai t qu 'une
rovoque l'acte com me la cause son effet, to ut est réel, tout
avec 1a liblrte é Mais
. , d'autre part,,nous
. avions constate
. ' qUe
ibilit é permanente de ne anrrser ce que Je suis es r plein. Ainsi, le refus d e la liberté ne peut se con cevoir
cet te pOSSI l " I'h sOUs ue com me tentat ive pour se saisir com me être-en-soi ; l'un
fi de ( l'avoir-été» ImplJque pour omme Un ty q de pair avec l' autre; l a rea' l rt
' e humai
urnarne est un erre d ans
d ~rn:etenc: particulier , Nous avons pu alors détermine/eà va ê A

eXJS d l ' fi ' , lequel il y va d e sa lib erté dans son être parce qu 'il tente
. d 'analyses com me celle e a m au vaise 01 , que la r'
parti r " ' E
A
ea· perpétuellem ent de refuser de la reconnaître. Psycholog i-
li h maine erait son p ropre neant. tre, pour le pour-so'
ê

ire u " "1 D ., r, quement, cela rev ient, ch ez chacun de nous, à essayer de
c,est ne'a ntJ'ser 1en-sor, qu J est . ans ces , condmons
" ' /a prendre les mobiles et les motifs comme des choses. On tente
liberté ne saurait être n en autre que cette neantJsatJOn, C'est de leur en conférer la permanence ; on essaie de se dissi-
ar elle qu e le pou r-soi échappe à son êt re comme à son muler que leur nature et leur poids dépendent à chaque
p
essence c'est par elle qu "1 ' h
1 est toujours autre c ose que Ce
moment du sens que je leur donne, on les prend pour des
qu'on ~eut dir~ de ,lui, ca; au moi~s es~-il cel~~,qui écha~pe constantes : cela revient à considérer le sens que je leur don-
à cette d énominatron meme, celu i qUi est d éjà par-dela le nais rout à l'heure ou hier - qui , celui-là, est irrém éd iable,
nom qu 'on lui donne , la propriété qu 'on lui reconnaît. Dire parce qu'il est passé - et d'en extrapoler le caractère figé jus-
que le pour-soi a à êtr e ce ~~ 'il est,. dire ,q u 'il .es,t c,e qu'il qu 'au présent. j'essaie de me persuader que le motif est
n'est pas en n'étant pas ce qu Ii est , dire qu en lUI 1existenœ comme il était . Ainsi passerait-il de pied en cap de ma
précède et conditionne l'essence ou inversement, selon la conscience passée à ma conscience présente : il l'habiterait.
formule de Hegel, que pour lui « Wesen isr was gewesen Cela revient à tenter de donner une essence au pour-soi. De
ist » , c'est dire une seule et même chose, à savoir que la même façon on posera les fins comme des transcendances,
l'homme est libre. Du seul fait, en effet, que j'ai conscience ce qui n 'est pas une erreur. Mais au lieu d'y voir des trans-
des motifs qui sollicitent mon action, ces motifs sont déjà cendances posées et maintenues dans leur être par ma propre
des objets transcendants pour m a conscience, ils sont transcendance, on supposera que je les rencontre en surgis-
dehors ; en vain chercherai-je à m 'y raccrocher : j'y échappe sanc dans le monde: elles viennent de Dieu, de la nature,
par mon existence même. Je suis condamné à exister pour de « ma » nature, de la société. Ces fins routes faites et pré-
toujours par-delà mon essence, par-delà les mobiles et les humaines définiront donc le sens de mon acre avant même
mot ifs de mon acte: je suis condamné à être libre, Cela que je le conçoive, de même que les motifs, comme pures
signifie qu 'on ne saurait trouver à ma liberté d 'autres limites données psychiques, le provoqueront sans même que je
qu'elle-même ou, si l'on préfère, que nous ne sommes p~ m'en aperçoive. Motif, acte, fin constituent un « conti-
lib res de cesser d'être libres , Dans la mesure où le pour-SOI nuum » , un plein. Ces tentatives avort ées pour étouffer la
veut se masquer son propre néant et s'incorporer l'en-soi liberté sous le poids de l'être - elles s'effondrent quand sur-
comme son véritable mode d 'être il tente aussi de se mas- git tout à coup l'angoisse devant la liberté - montrent assez
que r sa liberté. Le sens profond' du détetminisme, c'est que la liberté coïncide en son fond avec le néant qui est au
d 'éta blir en nous une continuité sans faille d 'existence ~n cœur de l'homme. C'est parce que la réalité humaine n'est
soi. Le mobile conçu com me fait psychique, c 'est-à~~lre pas assez qu 'elle est libre, c'est parce qu'elle est perpétuel-
comme réalité pleine et donnée, s'articule, dans la VISIO~ lement arrachée à elle-même et que ce qu'elle a été est séparé
dererrmrusre,
' " .
sans Solution de continuité, à la déClsJOn' et a par un néant de ce qu'elle est et de ce qu 'elle sera. C'est,
l'acte, qui sone conçus également comme données pSY- enfin, parce que son être présent lui-même est néantisation

112 113
..
lES "U lI l ST ATlO IS Of u LIB H TE

forme du fi reBet-reB& t ». L'homme .


us 1 ' ' est 1Jb
e qu'il n'est pas 01 m pr ence à soi. L'être , ft
UJ
'I1 est ne urait être libre, La liberté, c'est prée' qé est
ce q U d l'h IS III
n t qui est 1/1 u cœur e omrne et qui con"ta1' ent
le l' d 'A ' nt L
ité humaine à se if.am '
, u leu etr«. Nous l'av li
ur 1 réali té humaine, tre c est se, otu r : rien ne 1ons
. ê ' h ' , . ,\'tl'
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du dehors. ni du dl:Uans non pus, qu e le puisse rtcrvoi, t
tJ«'t/1Itr, Elle est entièrement bandonnée, sans aucun ,ou
d'aucune oree, l'insoutenable nécessité de se fai e ~de
' cl re dérau. '1 A'IOSI,, 1a l'lbené n'estre l:tft
ju que dans le mom
être : elleest
. ,
l'êtrede l'homme, c'est-à-di re son néant
' d' b d l'h
SI 1on conce It Il or ' omme comme un plein. il seran'
li7l
eCre.
r: III
bsurde de chercher en l ur, par après, des moments 0 d
régions psychiques où il serait libre : autant cherch: des L'AGENT LIBRE
vide dans un récipient qu'on a préalablement rempli r, U
qu, wc b0 rd s. L'homme ne saurait' cre tantôt libre et tanc'
ê JUS'

esclave: il est tout entier et toujours libre ou il n'est pas~

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