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RÉALISME MORAL (A)

Publié en mars 2017

Résumé
Le réalisme moral est une famille de théories métaéthiques très importante, principalement du point de vue de
l’in uence qu’elle a eue sur les débats métaéthiques contemporains. En métaéthique, les réalistes moraux
soutiennent qu’il existe des vérités morales objectives et que ces vérités correspondent à des faits ou des
propriétés qui existent indépendamment de ce que les agents pensent ou croient. En d’autres mots, pour un
réaliste moral, les actions sont réellement bonnes ou mauvaises, et ceci indépendamment de ce que nous
pensons, croyons, ou disons. L’objectif de cette entrée est de proposer une dé nition inclusive du réalisme
moral, d’introduire les différentes versions du réalisme moral et de donner au lecteur une vue d’ensemble des
positions réalistes sur les questions fondamentales qui dé nissent le champ d’étude de la métaéthique. La
première section de cette entrée est une introduction au réalisme moral. La deuxième section porte sur
l’ontologie morale, et c’est dans cette section que les différentes versions du réalisme sont introduites  : le
réalisme non naturaliste, le réalisme naturaliste non réductionniste et le réalisme naturaliste réductionniste. La
troisième section porte sur la psychologie morale, où le débat sur le lien entre morale et motivation est introduit.
La quatrième section introduit les débats en sémantique morale concernant le descriptivisme et le minimalisme
sémantique. La cinquième et dernière section porte sur l’épistémologie morale et introduit certains arguments
inspirés du scepticisme contre le réalisme moral.

Table des matières


1. Introduction

a. Le réalisme moral est une thèse métaéthique


b. Le réalisme moral en quelques mots
c. Les principaux types de questions métaéthiques

2 O t l i l
2. Ontologie morale

a. Moore et l’argument de la question ouverte

i. Une limite importante à l’argument de la question ouverte


ii. Propriétés morales : propriétés étranges ?

b. Le réalisme naturaliste

i. Qu’est-ce qu’une propriété naturelle ?


ii. Le réalisme naturaliste non réductionniste
iii. Le réalisme naturaliste réductionniste

c. Le réalisme non naturaliste 2.0

3. Psychologie morale

a. Quelle relation entre moralité et motivation ?


b. Moralité et motivation : un argument antiréaliste ?
c. Réalisme moral et externalisme

4. Sémantique morale

a. Énoncés moraux et descriptions du monde


b. Réalisme moral et minimalisme sémantique

5. Épistémologie morale

a. Dé sceptique I : la justi cation des croyances morales


b. Dé sceptique II : le problème du désaccord moral

Conclusion

Bibliographie

1. Introduction

Le réalisme moral est une famille de théories métaéthiques qui cherche à préserver certaines caractéristiques
intuitives de notre discours moral ordinaire. On dit souvent que les réalistes moraux prennent notre discours
moral « au pied de la lettre ». Plus spéci quement, les réalistes moraux soutiennent qu’il existe des faits moraux
(il y a dans le monde des actions qui sont réellement bonnes et d’autres, réellement mauvaises) et que le
discours moral décrit ces faits. Les défenseurs du réalisme moral sont ainsi motivés par l’idée qu’il existe des
vérités morales et que leur position métaéthique est la plus à même d’expliquer l’existence de ces vérités. En
effet, il est important de ne pas dé nir le réalisme moral comme étant uniquement la position métaéthique selon
laquelle il existe des vérités morales, car même certains auteurs anti-réalistes soutiennent qu’il existe des vérités
morales (par exemple les constructivistes moraux) Le réalisme moral est la position selon laquelle ces vérités
morales (par exemple, les constructivistes moraux). Le réalisme moral est la position selon laquelle ces vérités

dépendent de l’existence de faits. Dire que les vérités morales décrivent des faits, plus spéci quement de faits
«  indépendants de l’esprit  », est, pour les réalistes moraux, la meilleure façon d’expliquer le statut
« ontologique » de ces vérités.

a. Le réalisme moral est une thèse métaéthique

Bien qu’il n’y ait peut-être pas de démarcation franche entre la métaéthique et l’éthique normative, il est
important de spéci er que le réalisme moral est une théorie métaéthique. Pour reprendre une explication
courante, l’éthique normative s’intéresse à des questions de premier ordre, tandis que la métaéthique s’intéresse
à des questions de second ordre. Le réalisme moral n’est pas une théorie normative, au sens où le
déontologisme de Emmanuel Kant ou l’utilitarisme de John Stuart Mill sont des théories normatives. Pour donner
un exemple, les réalistes moraux ne cherchent pas à répondre à la question « est-il bien de donner la moitié de
son revenu annuel à Oxfam ?  », mais plutôt à la question «  qu’est-ce que la nature du bien ?  » Les réalistes
moraux ne cherchent donc pas, du moins pas directement, à spéci er ce qu’il est bon ou mauvais de faire. Ils
cherchent plutôt à spéci er la nature du bon et du mauvais, en af rmant que le bon et le mauvais sont des
propriétés objectives des choses.

b. Le réalisme moral en quelques mots

Parce que le réalisme moral vient en plusieurs versions qui peuvent varier radicalement, il peut être dif cile
d’identi er correctement ce qui unit les différents défenseurs de cette option métaéthique. C’est pourquoi le but
de la présente section n’est pas tant de proposer une dé nition que tous les réalistes moraux accepteraient
nécessairement que de présenter une version paradigmatique du réalisme moral que la plupart des réalistes sont
susceptibles d’accepter. C’est dans ce contexte nécessairement insatisfaisant, étant donné le risque de laisser
certains réalistes moraux de côté, que l’on peut tenter de comprendre les réalistes moraux comme étant les
métaéthiciens qui acceptent les deux thèses suivantes (Finlay 2007, 820-821) :

(1) Certains jugements moraux ont une valeur de vérité objective, c’est-à-dire que la valeur de vérité de ces
jugements n’est pas déterminée par les attitudes que certains individus ou agents ont envers ces jugements.

(2) Certains jugements moraux sont vrais en vertu du fait qu’ils décrivent de manière appropriée des faits, des
entités, des relations, ou des propriétés (ces faits, entités, relations, ou propriétés peuvent être naturels ou non
naturels).

En acceptant ces deux thèses, les réalistes moraux acceptent aussi le cognitivisme moral, soit la thèse selon
laquelle les jugements moraux expriment des croyances morales qui peuvent être vraies ou fausses. Cette thèse
se distingue du non-cognitivisme, selon lequel les jugements moraux expriment des états mentaux autres que
des croyances ; par exemple des désirs ou d’autres attitudes conatives, qui ne sauraient être vraies ou fausses.
En effet, si j’ai le désir de devenir un astronaute, il semble dif cile d’af rmer que ce désir puisse être vrai ou
faux, bien qu’il puisse être farfelu ou irréalisable. Mais si je crois que je suis un astronaute, il est possible de dire
que cette croyance est vraie ou fausse. Les réalistes moraux soutiennent que les jugements moraux expriment
des croyances, et non pas des désirs (thèse qui peut aussi être appliquée aux autres jugements normatifs). Il est
toutefois important de noter qu’il est possible d’accepter le cognitivisme sans accepter le réalisme moral, comme
le font les théoriciens de l’erreur et les constructivistes.

Aussi, pour bien comprendre la position réaliste, il est important de préciser la façon dont les réalistes moraux
entendent la position selon laquelle «  la valeur de vérité des jugements moraux n’est pas déterminée par les
attitudes que certains individus ou agents ont envers ces jugements, » ou autrement dit : la thèse selon laquelle
la valeur de vérité des jugements moraux est « indépendante de l’esprit ». En soutenant cette thèse, ce que les
réalistes cherchent entre autres à faire, c’est nier que la valeur de vérité des énoncés moraux dépend
causalement, contre-factuellement ou constitutivement de l’esprit (Clarke-Doane 2012, 316-317). Pour ne donner
qu’un exemple, prenons le cas des constructivistes moraux pour qui un énoncé moral est vrai seulement s’il est
le résultat d’une certaine procédure ou délibération rationnelle (Clarke-Doane 2012, 316 ; Korsgaard 1996). Pour
les constructivistes, la vérité morale est constituée par ce qui est impliqué par le point de vue pratique d’un
agent rationnel  ; la valeur de vérité des énoncés moraux est donc dépendante de l’esprit, au sens où elle est
constituée par l’esprit (ou par une délibération rationnelle). C’est ce genre de position que les réalistes rejettent
en soutenant que la valeur de vérité des énoncés moraux est indépendante de l’esprit.

À propos du langage moral, les réalistes moraux acceptent le descriptivisme. Appliqué au discours moral, le
descriptivisme est la thèse selon laquelle les énoncés moraux décrivent des faits du monde. Intuitivement, il
semble y avoir une certaine parité entre les énoncés « cette tasse est bleue » et « cette action est moralement
inacceptable, » dans la mesure où ces deux énoncés cherchent à décrire (ou décrivent, s’ils sont vrais) des faits
du monde. L’énoncé «  cette tasse est bleue  » décrit le fait que cette tasse est bleue, et, pour les réalistes,
l’énoncé « cette action est moralement inacceptable » chercherait, tout comme le premier énoncé, à décrire un
fait. Ce fait serait que cette action est moralement inacceptable. Pour les réalistes, cet aspect descriptif du
discours moral est au cœur de celui-ci et il doit être préservé et expliqué.

Il est toutefois important de noter que les réalistes ne sont pas les seuls à accepter le descriptivisme. Les
théoriciens de l’erreur, pour qui il n’existe pas de faits moraux, acceptent aussi le descriptivisme. En effet, les
réalistes moraux et les théoriciens de l’erreur s’accordent sur le fait que les énoncés moraux ont pour but de
décrire des faits du monde, et qu’ils ont ainsi une valeur de vérité (au sens où ils peuvent être vrais ou faux).
Toutefois, contrairement aux réalistes moraux, les théoriciens de l’erreur ne croient pas qu’il existe des faits
moraux qui pourraient rendre vrais même certains énoncés ou jugements moraux. Pour les théoriciens de
l’erreur, parce qu’il n’existe aucun fait moral, tous les énoncés moraux sont faux. Mais ce n’est pas la conclusion
à laquelle arrivent les réalistes moraux, pour qui certains énoncés moraux sont vrais dans la mesure où ce qu’ils
décrivent du monde est effectivement le cas  : si c’est un fait que cette action est moralement inacceptable,
alors l’énoncé moral «  cette action est moralement inacceptable  » est vrai. Bref, les réalistes moraux,
contrairement aux théoriciens de l’erreur, croient qu’il existe des faits moraux.

c. Les principaux types de questions métaéthiques


La métaéthique est orientée autour de quatre principaux types de questions  : des questions d’ordres
ontologique, psychologique, sémantique et épistémologique (à ce sujet, voir aussi l’entrée grand public sur la
métaéthique). Dans cette section, on présentera ces différents types de questions avant de voir les réponses
que les réalistes y apportent, en insistant tout particulièrement sur l’ontologie morale.

Les questions d’ordre ontologique concernent, par exemple, l’existence de faits moraux indépendants de l’esprit.
Si de tels faits existent, sont-ils, comme les faits physiques, naturels ? Ou ne sont-ils pas plutôt irréductiblement
normatifs, c’est-à-dire ni réductible ni identique aux faits naturels  ? Sont-ils alors non naturels  ? Quelle est la
différence entre un fait naturel et un fait non naturel ?

Les questions d’ordre psychologique concernent la relation entre jugements moraux et motivation. Plus
précisément, certains métaéthiciens considèrent que les jugements moraux doivent motiver les agents à agir. Par
exemple, si je crois qu’il est mal de torturer un chaton par pur plaisir, alors je devrais être motivé – ou disposé –
à ne pas effectuer ce genre d’action  ; si je juge qu’il est bien de donner 5% de mon revenu annuel à des
organismes de charité, je devrais être motivé à effectuer ce genre d’action. Évidemment, il ne s’agit pas ici de
soutenir que je réaliserai les actions que je considère bonnes en toutes circonstances, mais que je serai tout au
moins disposé à accomplir ces actions. Il semble donc exister un lien entre nos jugements moraux et la
motivation à agir en conformité avec ces jugements. L’af rmation de cette relation est parfois appelée
« l’internalisme motivationnel » ou « l’internalisme du jugement. » Si les réalistes acceptent l’existence de cette
relation, ils doivent l’expliquer  ; s’ils la rejettent, ils doivent nous donner des raisons de croire qu’elle n’existe
pas.

Les questions d’ordre sémantique concernent la signi cation des énoncés moraux et la possibilité qu’ils soient
vrais ou faux. Un débat majeur en sémantique morale, très important pour le réalisme moral, est celui de savoir
si les jugements moraux décrivent des faits moraux ou s’ils sont l’expression d’émotions qui prescriraient ou
condamneraient certaines actions au lieu de décrire des faits moraux. Ce débat oppose, entre autres, le réalisme
à l’expressivisme.

Les questions d’ordre épistémologique concernent l’existence et la possibilité d’une connaissance morale.
Comment pouvons-nous être justi és à croire que, par exemple, il est mal de torturer des chatons par pur
plaisir ? Ce genre de questions est, il faut le souligner, tout particulièrement important pour les réalistes moraux
qui croient qu’il est possible de savoir qu’une action est bonne si elle est bonne ou qu’une action est mauvaise si
elle est mauvaise.

2. Ontologie morale

a. Moore et l’argument de la question ouverte

Dans ses Principia Ethica (Moore 1903), George Edward Moore présente ce qu’il appelle «  l’argument de la
question ouverte  », qui aurait pour conclusion que le bien est une propriété «  sui generis  » qui n’est pas
analysable en des termes non moraux. L’élément central de l’argument de Moore consiste à montrer qu’aucun

candidat possible au titre d’analyse du bien ne peut véritablement constituer une analyse de cette propriété.
Moore maintient cette dernière af rmation en faisant remarquer que toute question concernant le bien est
condamnée à demeurer « ouverte », dans la mesure où la réponse à celle-ci ne saurait être déterminée par la
signi cation des termes de la question.

Supposons que nous croyons qu’une action est bonne si elle maximise l’utilité. Ainsi, nous pourrions dire que,
lorsque nous soutenons que x est une action bonne, nous soutenons en fait que x est une action qui maximise
l’utilité. Selon cette thèse, le bien serait analysable en termes de maximisation de l’utilité.

Pour Moore, l’analyse du bien en termes de maximisation de l’utilité pose problème parce que la question
suivante reste ouverte  : certes, x maximise l’utilité, mais x est-elle une action bonne  ? Cette question est
ouverte car il est possible d’admettre que x maximise l’utilité sans admettre que x est une action bonne, et ceci
sans se tromper dans la compréhension des concepts en jeu. De plus, si le bien pouvait être analysé en termes
de maximisation de l’utilité, la question «  est-ce que x est une action bonne  ?  » devrait être équivalente à la
question «  est-ce que x maximise l’utilité  ?  » Toutefois, ces deux questions ne sont pas équivalentes. Par
exemple, répondre «  oui  » à la deuxième question ne semble en rien nous contraindre à répondre également
« oui » à la première. C’est pourquoi il ne serait pas possible d’analyser le bien en termes de maximisation de
l’utilité, et c’est pourquoi la question « l’action x est-elle bonne ? » restera une question ouverte, et ceci même
s’il est le cas que x maximise l’utilité.

Dans le but de rendre l’argument de Moore plus clair, il est important de considérer ce qu’est une question
fermée ; saisir ce dernier élément devrait en effet rendre plus compréhensible la notion de question ouverte. Par
exemple, la question « Félix est un célibataire, mais est-il non marié ? » sera considérée fermée dans la mesure
où, du fait même de la dé nition de « célibataire » et « non marié », il n’est pas possible pour Félix d’être un
célibataire sans être aussi non marié. La question est considérée fermée, car de la signi cation même des
concepts ou termes en jeu, il n’est pas possible d’y répondre autrement que par «  oui  », à moins que nous
trompions ou que nous ignorions ce que veut dire « célibataire » ou « non marié. » Mais, selon Moore, tel n’est
pas le cas lorsqu’il est question du bien. En effet, on peut tout à fait af rmer que, même si l’action x maximise
l’utilité, elle n’est pas bonne pour autant. Ou, tout du moins, la réponse à la question «  x est une action qui
maximise l’utilité, mais est-elle bonne ? » n’est pas donnée par la signi cation des concepts « maximisation de
l’utilité » et « action bonne. »

L’argument de la question ouverte de Moore généralise ce constat à toutes les analyses du bien. En effet, Moore
dit qu’il sera toujours possible, pour toute analyse actuelle et possible du bien, de considérer les questions
concernant le bien comme des questions ouvertes. La conclusion que Moore tire de cet argument est que le
bien ne peut pas être dé ni ou analysé en d’autres termes que lui-même  ; c’est en ce sens que le bien (tout
comme, vraisemblablement, les autres propriétés morales) est une propriété sui generis. L’af rmation que le bien
est une propriété sui generis est une thèse caractéristique du non-naturalisme moral, et c’est en ce sens qu’il
est approprié de dire que Moore est un non-naturaliste.
i. Une limite importante à l’argument de la question ouverte

L’argument de la question ouverte de Moore a certaines limites et celles-ci ont été soulignées par plusieurs
métaéthiciens, même si certains continuent d’utiliser cet argument (Cuneo 2013; Darwall, Gibbard et Railton
1992). La limite principale est que Moore semble présupposer qu’un énoncé moral du genre «  x est bon si et
seulement si x maximise l’utilité  » ne peut constituer une analyse du bien que s’il est analytique, c’est-à-dire
qu’un énoncé ne peut constituer une analyse correcte du bien que s’il est vrai en vertu même de la signi cation
des concepts, des termes ou des prédicats impliqués (rappelons l’exemple du célibataire non marié). De
l’impossibilité de trouver un tel énoncé analytique (justement parce que toute question concernant le bien sera
une question ouverte), Moore conclut que le bien ne peut pas être analysé en d’autres termes. C’est en ce sens
que le bien est une propriété sui generis.

Toutefois, certaines relations entre concepts ou prédicats ne sont pas analytiques, mais synthétiques. Un
exemple maintenant classique est la relation entre les concepts « eau » et « H2O ». Il est pour le moins douteux
que nous puissions découvrir, par simple analyse conceptuelle ou sémantique, que ce qui est de l’eau est aussi
de l’H2O. Pourtant, c’est bien le cas que tout ce qui est de l’eau est aussi de l’H2O. De cet exemple, nous
pouvons conclure que, bien que les concepts ou prédicats « eau  » et «  H2O  » ne soient pas identiques, ils
référent tous deux à la même chose (peu importe le nom que nous donnons à cette chose). En d’autres termes,
la propriété d’être de l’eau est la même propriété que la propriété d’être du H2O, même si la question « x est de
l’eau, mais est-ce du H2O ? » est, au sens de Moore, une question ouverte. Il pourrait en être de même de la
propriété d’être bon qui, malgré la présence de questions ouvertes, pourrait être identique à la propriété de
maximiser l’utilité. Cette relation d’identité pourrait être synthétique, au sens où elle ne pourrait pas être
découverte seulement par analyse conceptuelle ou sémantique. Il s’agit ici d’une limite importante à l’argument
de Moore.

ii. Propriétés morales : propriétés étranges ?

Une critique généralement partagée contre la position de Moore et contre le réalisme non naturaliste est que, si
cette position est vraie, elle implique l’existence de propriétés étranges (« queer »). C’est exactement l’idée que
J.L. Mackie (1977) a développé avec «  l’argument de l’étrangeté.  » En effet, pour Mackie, si les propriétés
morales devaient exister telles que Moore les décrit, elles seraient étranges, c’est-à-dire différentes de toutes les
autres propriétés du monde qu’il nous est possible de connaître.

La raison pour laquelle Mackie considère que les propriétés morales telles que Moore les conçoit devraient être
considérées étranges est que, si une action devait être bonne ou mauvaise, alors il faudrait que cette action
puisse avoir un « doit-être-fait » ou « ne-doit-pas-être-fait » intrinsèque à elle-même, qui pourrait constituer une
raison d’agir indépendante de notre psychologie. Pour Mackie, les faits du monde sont pourtant neutres : s’ils
nous motivent, c’est parce que nous avons certains désirs. Par exemple, le fait que la cafétéria de mon
université sert de la poutine végane le mercredi midi peut être une raison d’aller à la cafétéria le mercredi midi,
mais il semble que ce fait ne constitue une raison d’agir qu’à la seule condition que j’aie aussi le désir de manger
une poutine végane. Sans ce désir, pourquoi irais-je à la cafétéria pour manger de la poutine végane ? En effet, il
semble que, sans ce désir, je n’aurais pas de raison de me déplacer vers la cafétéria de mon université. Toutefois,
semble que, sans ce désir, je n aurais pas de raison de me déplacer vers la cafétéria de mon université. Toutefois,
à en croire l’interprétation que fait Mackie de la position de Moore, il semblerait que les faits moraux sont en

mesure de constituer des raisons d’agir indépendamment nos désirs ou notre psychologie, et c’est – entre autres
– pour cette raison que Mackie et les théoriciens de l’erreur considèrent que les faits moraux (l’expression «
valeurs objectives » étant aussi parfois utilisée) n’existent pas.

b. Le réalisme naturaliste

Ce qui distingue les réalistes non naturalistes tels que Moore des réalistes naturalistes est que, pour les
seconds, les propriétés morales ne sont pas des propriétés sui generis, appartenant à leur propre genre
métaphysique et distinct des propriétés naturelles. Bien que les réalistes naturalistes puissent défendre que les
propriétés morales sont irréductibles à tout autre type de propriétés naturelles (par exemple, aux propriétés
chimiques, physiques, psychologiques, sociologiques, etc.), il n’empêche que, pour eux, il n’est pas nécessaire de
postuler une nouvelle catégorie métaphysique pour être un réaliste moral. Il est tout à la fois possible de
défendre que les propriétés morales existent et qu’elles sont naturelles et ainsi de s’abstenir de défendre que les
propriétés morales sont sui generis.

i. Qu’est-ce qu’une propriété naturelle ?

Bien que cette question puisse paraître simple, les caractéristiques qui font d’une propriété une propriété
naturelle sont toujours débattues en philosophie, ce qui rend la réponse à la question «  qu’est-ce qu’une
propriété naturelle ? » plus complexe qu’il n’y parait au premier abord. La meilleure façon de déterminer ce qui
fait d’une propriété une propriété naturelle est d’établir une liste de caractéristiques qui rendraient
inévitablement une propriété qui les possède naturelle. On peut ainsi penser à certaines caractéristiques, comme
pouvoir faire partie d’une relation causale, pouvoir être connue seulement a posteriori, être l’objet d’étude des
différentes sciences empiriques, etc. L’option la plus intéressante est probablement de partir d’un exemple
paradigmatique de propriété naturelle et de déterminer les caractéristiques essentielles de cette propriété. On
pourrait prendre comme exemple la propriété d’être un proton  : en étudiant les caractéristiques de cette
propriété, nous pourrions ainsi déterminer les caractéristiques essentielles de toute propriété naturelle.

Parce que la liste des caractéristiques qui fait d’une propriété une propriété naturelle est hautement spéculative
et très débattue, je n’en dirai pas davantage sur les caractéristiques spéci ques que devraient avoir la propriété
d’être un proton et, par extension, les propriétés morales pour être des propriétés naturelles. L’important pour le
moment est de noter que, pour les naturalistes, peu importe ces caractéristiques : si les propriétés morales sont
des propriétés naturelles, alors elles auront ces caractéristiques. De cette manière, peu importe les
caractéristiques qu’une propriété doit avoir pour être une propriété naturelle : si nous voulons défendre que les
propriétés morales sont des propriétés naturelles, il nous suf ra de défendre que les propriétés morales
partagent les caractéristiques essentielles qui font d’une propriété une propriété naturelle.

ii. Le réalisme naturaliste non réductionniste

Pour les réalistes naturalistes non réductionnistes, les propriétés morales, bien que naturelles, restent
néanmoins des propriétés qui ne sont pas réductibles aux autres types de propriétés naturelles. Ce qui distingue
les réalistes naturalistes non réductionnistes des réalistes non naturalistes est que les réalistes naturalistes non

réductionnistes n’acceptent pas la thèse non naturaliste selon laquelle les propriétés morales ne peuvent pas
être des propriétés naturelles. En effet, bien que les non-réductionnistes partagent certaines intuitions avec les
non-naturalistes, les premiers acceptent que les propriétés morales partagent les caractéristiques essentielles
des propriétés naturelles, alors que les seconds nient que tel est le cas. Pour reprendre les propos de Dancy, il
est possible d’identi er cette famille de réalistes comme étant celle qui défend que tous les faits moraux sont
des faits naturels, même s’il n’est pas possible de reporter ces faits au moyen d’autres termes que les termes
moraux (Dancy 2006, 127).

La thèse principale des non-réductionnistes est que les propriétés morales sont à la fois connues de manière
empirique et qu’elles peuvent faire partie de relations causales, comme c’est le cas pour les propriétés naturelles
paradigmatiques. Les propriétés morales sont ainsi des propriétés naturelles, mais cela n’implique pas que les
propriétés morales sont réductibles à d’autres propriétés naturelles, que les concepts moraux sont réductibles à
des concepts non-moraux, ou que les termes moraux peuvent être remplacés par des termes non-moraux.
Comme l’af rme Sturgeon, le fait que les propriétés morales sont causalement ef caces représente une raison
de croire qu’elles sont naturelles, et ceci même s’il n’est pas possible de réduire ces propriétés à d’autres
propriétés naturelles (Sturgeon 2006, 101). Les propriétés morales seront causalement ef caces si elles peuvent
expliquer causalement des phénomènes du monde et plus spéci quement certaines de nos croyances morales.
En effet, pour les non-réductionnistes, les propriétés morales sont une catégorie particulière et distincte de
propriétés naturelles (Kirchin 2012, 50).

 Réalisme naturaliste non réductionniste et explications

Un réaliste naturaliste non réductionniste comme Sturgeon soutient que les propriétés morales (ou les faits
moraux) sont, tout comme les propriétés naturelles, nécessaires à la meilleure explication de certains
phénomènes du monde et de certaines de nos expériences. Sturgeon fait aussi partie d’une famille de réalistes
non réductionnistes communément appelée le « réalisme de Cornell ». Cette famille de réalistes porte ce nom
pour la simple raison que ses principaux défenseurs ont soit enseigné soit étudié à l’Université Cornell (Boyd
1988 ; Brink 1989 ; Copp 2003 ; Sayre-McCord 1996 ; Sturgeon 1988).

L’argument des réalistes de Cornell pour l’existence des propriétés morales, tel que reconstruit par Miller, est le
suivant (Miller 2013, 145) :

1. P est une propriété réelle si, et seulement si, P fait inévitablement partie de la meilleure explication de
notre expérience.
2. Les propriétés morales font inévitablement partie de la meilleure explication de notre expérience.
3. Donc les propriétés morales sont réelles.

(À cet argument, et dans le but de soutenir le réalisme naturaliste, il faut aussi ajouter les thèses selon
lesquelles les explications pertinentes sont causales et les propriétés causalement ef caces sont nécessairement
naturelles.) La première prémisse énonce un critère d’existence, selon lequel il est possible d’af rmer qu’une
entité existe si, et seulement si, elle fait partie de la meilleure explication de notre expérience, où la meilleure
explication de notre expérience sera une explication causale. Sturgeon donne quelques exemples pour soutenir la
deuxième prémisse. En voici un (Sturgeon 1988, 232 ; Miller 2013, 149) :

Le fait qu’Hitler était moralement vicieux explique – parmi d’autres facteurs – pourquoi il a fait les actions x, y, et
z  ; le fait qu’il ait commis les actions x, y, et z explique pourquoi un agent A croit qu’Hitler était moralement
vicieux ; le fait qu’Hitler était moralement vicieux explique – parmi d’autres facteurs – pourquoi l’agent A croit
qu’Hitler était moralement vicieux.

Selon les réalistes de Cornell, il conviendrait de conclure de cet exemple qu’une propriété morale (ou un fait
moral) entre inévitablement dans la meilleure explication des croyances morales que l’agent forme à propos des
actions d’Hitler. Toute explication de cette expérience qui ne ferait pas mention de cette propriété morale aurait
un pouvoir explicatif moindre et, ainsi, ne constituerait pas la meilleure explication de cette expérience.

Évidemment, il est loin d’être évident que les propriétés morales doivent faire partie de la meilleure explication
de notre expérience. La possibilité que les propriétés morales ne fassent pas partie de la meilleure explication de
notre expérience – ce que nous pouvons appeler « le problème de l’explication », d’abord introduit par Harman
(1977) – représente une dif culté importante pour les réalistes de Cornell. De façon brève, Harman soutient qu’il
n’est pas nécessaire de faire référence aux propriétés morales ou aux faits moraux pour expliquer – par exemple
– nos croyances morales. Pour reprendre l’exemple du paragraphe précédent, il serait possible de dire que
d’autres faits que les faits moraux peuvent tout aussi bien expliquer pourquoi l’agent A croit qu’Hitler était
moralement vicieux. Par exemple, certains faits psychologiques ou sociaux peuvent expliquer pourquoi l’agent A
a cette croyance. Harman pourrait ainsi dire que le fait social qu’il n’est pas admis dans notre société de
commettre les actions x, y et z explique pourquoi l’agent A a cette croyance. Pour Harman, faire référence à un
fait psychologique ou social plutôt que moral ne crée aucune perte explicative. Si c’est le cas, alors l’argument
cité plus haut n’est pas fondé. Ce débat, concernant le concept de « meilleure explication » est complexe et il
n’est pas possible ici de faire le tour de la question  ; le lecteur est toutefois invité à l’explorer plus en détail
(Cuneo 2006; Harman 1977; Majors 2003; Sturgeon 1988).

Réalisme naturaliste non réductionniste et survenance

En métaéthique, on tient généralement pour acquis que les propriétés morales «  surviennent  » sur d’autres
propriétés. En effet, le principe de la survenance fait l’objet d’un large consensus en métaéthique, et pas
seulement chez les réalistes moraux. En quelques mots, le principe de la survenance implique, d’abord, qu’il ne
peut y avoir de différence au niveau moral sans y avoir de différence au niveau non moral. Certains
métaéthiciens, particulièrement les réalistes moraux, préfèrent comprendre le principe de la survenance comme
étant l’idée que les propriétés morales dépendent d’autres propriétés pour exister (plus spéci quement, pour
être instanciées par un objet ou un état de choses). Appelons pour le moment ces autres propriétés des
propriétés descriptives : une propriété est descriptive s’il est possible de la désigner sans employer de prédicat
normatif (bien qu’imparfaite, il est préférable d’utiliser l’expression « propriété descriptive », car elle rend claire la
distinction entre les propriétés morales et les autres propriétés naturelles). Le principe de la survenance

implique, ensuite, que tout individu (ou objet, état de choses, évènement) qui a exactement les mêmes
caractéristiques descriptives qu’un autre individu qui avait en plus une certaine propriété morale (par exemple : la
propriété d’être bon) aura lui aussi la même propriété morale. Par exemple, si nous jugeons que Saint-François
est un homme bon, nous devrions aussi dire que tout homme qui a exactement les mêmes propriétés
descriptives que Saint-François est aussi un homme bon.

Est-il possible pour les réalistes naturalistes non réductionnistes d’expliquer ce phénomène de la survenance
sans pour autant nier leur engagement envers le non-réductionnisme  ? Plus spéci quement, pourquoi deux
individus qui ont exactement les mêmes propriétés descriptives devraient-ils aussi avoir les mêmes propriétés
morales, si les propriétés morales ne sont pas réductibles aux propriétés descriptives  ? Pour répondre de
manière satisfaisante à ces questions, il ne suf t pas de dire que les propriétés morales sont des propriétés
naturelles, il faut aussi expliquer comment ces propriétés peuvent être instanciées par des états de choses ou
par des individus.

Le problème se pose avec encore plus de force si on considère que les propriétés morales ne semblent pas être
des propriétés fondamentales du monde, comme pourraient l’être les propriétés microphysiques. Elles semblent
plutôt être des propriétés d’ordre supérieur, c’est-à-dire que ce ne sont pas des propriétés que les objets,
individus ou états de choses ont sans avoir d’autres propriétés. Pour reprendre les propos de Mackie (1977, 41) :

Quelle est la relation entre le fait naturel qu’une action est délibérément cruelle – parce que, disons, elle, cause
de la douleur par pur plaisir – et le fait moral que cette action est mal  ? Il ne peut s’agir d’une relation
nécessaire d’implication, logique ou sémantique. Pourtant ce n’est pas suf sant de dire que les deux propriétés
se produisent en même temps. La propriété d’être mal doit, d’une manière ou d’une autre, être une
conséquence des propriétés naturelles ou survenir sur ces propriétés  ; cette action est mal parce qu’elle est
délibérément cruelle. Mais qu’est-ce qui, dans le monde, est signi é par ce « parce que » ?

Les réalistes naturalistes non réductionnistes doivent donner une explication de cette relation entre propriétés
morales et descriptives, mais il est loin d’être évident que cela peut être fait sans renoncer au non-
réductionnisme.

Une stratégie que les réalistes non réductionnistes peuvent adopter consiste à prendre comme exemple les
différentes relations métaphysiques avancées en philosophie de l’esprit pour rendre compte de la relation entre
les propriétés physiques et les propriétés mentales, comme les relations de réalisation ou de constitution. Nous
n’en dirons pas plus ici sur cette, car cela nous conduirait trop loin. Il reste toutefois important de noter que la
survenance des propriétés morales représente un dé important pour les réalistes naturaliste non
réductionnistes.

iii. Le réalisme naturaliste réductionniste

Dans cette section sur le réductionnisme, nous allons nous concentrer sur un seul exemple de réalisme
naturaliste réductionniste, soit la version proposée par Frank Jackson (1998). Néanmoins, avant de nous pencher
sur l’analyse réductive des propriétés morales telle que proposée par Jackson, il convient de passer en revue les

différentes forme de réductionnisme.

Il existe au moins deux grandes options ouvertes au réductionniste qui voudrait défendre la réduction des
propriétés morales à d’autres propriétés (pour le bien de l’exposé, il sera tenu pour acquis que les
réductionnistes veulent réduire les propriétés morales aux propriétés descriptives, bien qu’il existe en théorie
d’autres possibilités). D’abord, il est possible de réduire une propriété morale à une propriété descriptive simple.
Un exemple serait de réduire la propriété d’être bon à la propriété de maximiser l’utilité. C’est ce genre de
réduction que les utilitaristes pourraient proposer.

Cette option ne semble toutefois pas très populaire dans la littérature métaéthique. Une raison qui pourrait
expliquer pourquoi est qu’il est souvent tenu pour acquis, même par certains réductionnistes, que les propriétés
morales peuvent survenir sur différentes propriétés descriptives. Ceci revient à soutenir que certaines actions,
même si elles ne maximisent pas le plaisir, peuvent être bonnes  ; ou, pour le dire autrement, que plusieurs
choses qui ne partagent pas les mêmes propriétés descriptives peuvent être bonnes. C’est ce qui pourrait
expliquer pourquoi la plupart des réductionnistes semblent préférer la deuxième option, selon laquelle une
propriété morale serait réductible à une propriété descriptive complexe telle une propriété disjonctive.

Une autre distinction importante lorsqu’il est question du réductionnisme est qu’il est possible d’accepter soit le
réductionnisme analytique soit le réductionnisme synthétique. Pour les réductionnistes analytiques, il existerait,
pour tous les faits moraux, une façon de décrire ce fait en termes moraux et une façon de décrire ce même fait
en termes descriptifs (i.e. non moraux), et ces deux descriptions seraient synonymes l’une de l’autre. De plus,
selon les réductionnistes analytiques, il nous serait possible de connaître ces relations d’identité entre faits
moraux et faits descriptifs par analyse conceptuelle ; il n’est donc pas nécessaire de faire usage de méthodes
empiriques pour connaître ces relations d’identité. Pour les réductionnistes synthétiques, il existerait, pour tout
fait moral, une manière morale et une manière descriptive de rapporter ce fait, mais, contrairement aux
réductionnistes analytiques, ces réductionnistes ne croient pas que ces deux manières de décrire le même fait
sont analytiquement équivalentes. De plus, cette relation d’identité entre faits moraux et descriptifs devra être
découverte de manière empirique. Bien que les réductionnistes synthétiques partagent certaines intuitions avec
les réalistes de Cornell, ces derniers ne croient pas qu’une telle réduction soit possible. Pour les réalistes de
Cornell, les termes moraux demeureront irréductibles. Il ne serait donc pas vrai que, pour tout fait moral, il existe
un fait descriptif qui lui soit équivalent, ce que les réductionnistes – analytiques et synthétiques – défendent.

Dans la suite de cette section, l’option réductionniste de Jackson (1998) sera introduite, qui est mieux décrite
comme étant une défense du réductionniste analytique. Pour Jackson, les propriétés morales (ou ce que Jackson
appelle les propriétés évaluatives) sont réductibles et identiques aux propriétés descriptives. Mais Jackson ne
croit pas qu’une propriété morale puisse être réduite à une propriété descriptive simple, il croit plutôt qu’une
propriété morale doit être réduite à une propriété descriptive complexe, en l’occurrence à une propriété
descriptive disjonctive. Il est préférable de présenter l’argument de Jackson en deux étapes. La première est
censée établir qu’une propriété morale donnée est coextensive avec une propriété descriptive disjonctive, la
deuxième que ces deux propriétés sont identiques.
deuxième que ces deux propriétés sont identiques.

Par exemple, si nous essayons de faire une analyse réductionniste de la propriété d’être bon, nous pouvons
d’abord dire que, pour toute action bonne, il sera possible de donner une description purement descriptive de
cette action sans faire référence à cette propriété morale. Par exemple, plutôt que de dire que l’action x est
bonne, il serait possible de dire que l’action x maximise l’utilité, la propriété de maximiser l’utilité étant la
propriété descriptive sur laquelle la propriété morale d’être bon survient. Nous pouvons ainsi appeler la deuxième
description, celle où le vocabulaire moral est éliminé, D1. Et pour toute action qui aura la propriété morale être
bon, il sera possible de faire la même chose  ; nous devrions donc avoir les descriptions D1, D2, D3, etc., où
toutes ces descriptions feront uniquement référence à des propriétés descriptives. Parce que D1, D2, D3, etc.
sont purement descriptives, la disjonction de toutes ces descriptions (D1, ou D2, ou D3, ou…) sera aussi
descriptive, c’est-à-dire que cette disjonction ne fera usage d’aucun vocabulaire moral.

Nous pouvons appeler la disjonction de D1, D2, D3, etc., tout simplement D. Dans la mesure où la disjonction D
est complète, elle fait référence à toutes les propriétés descriptives sur lesquelles la propriété d’être bon
survient  ; D fait ainsi référence à toutes les propriétés descriptives que peuvent avoir les actions qui ont la
propriété morale d’être bon. De plus, la propriété morale d’être bon implique («  entails  ») D, et D implique la
propriété morale d’être bon. En effet, à chaque fois qu’une action aura la propriété morale en question, cette
action aura aussi D, car elle aura une des propriétés qui instancie D. De plus, si une action a D, elle aura
nécessairement la propriété morale d’être bon, car D fait référence à toutes les propriétés descriptives sur
lesquelles la propriété morale survient (et que la thèse de la survenance implique que si deux entités sont
identiques d’un point de vue descriptif, elles sont aussi moralement identiques). La propriété morale d’être bon
et D sont donc nécessairement coextensives : à chaque fois qu’une action aura l’une, elle aura nécessairement
l’autre. Malgré tout, est-ce le cas que la propriété d’être bon est réductible et identique à D ?

C’est le cas si on accepte la conception des propriétés défendue par Jackson, selon laquelle une propriété doit
pouvoir permettre de faire une distinction entre différentes possibilités. Autrement, une propriété est redondante
au sens où, justement, elle ne permet pas de distinguer entre différentes possibilités (Brown 2011, 210). Pour
Jackson, il n’existe pas de propriétés redondantes (ou du moins ces propriétés ne doivent pas être considérées
comme étant réelles). Ainsi, si deux propriétés ne permettent pas de distinguer deux possibilités différentes,
alors ces deux propriétés sont identiques. Voici deux exemples qui permettent de mieux comprendre comment
des propriétés peuvent distinguer deux possibilités différentes. Le premier est la propriété d’avoir trois angles et
la propriété d’être une gure fermée à trois côtés. Le deuxième est la propriété d’être le nombre 2 et la
propriété d’être un nombre entier pair. Pour chaque exemple, les propriétés sont identiques car elles ne
permettent pas de distinguer deux possibilités différentes. En d’autres termes, les propriétés concernées sont
coextensives. Les propriétés morales sont ainsi identiques aux propriétés descriptives parce que les propriétés
morales ne sont pas nécessaires pour faire des distinctions entre différentes possibilités qui ne pourraient pas
être rendues par les propriétés descriptives. Ainsi, toute distinction entre possibilités que la propriété d’être bon
pourra permettre de faire pourra être aussi faite par D (Jackson 1998, 123). Pour Jackson, ceci implique que la
propriété morale d’être bon pourra être réduite à D, qui est une propriété descriptive complexe. Ces deux
propriétés sont donc identiques. De manière plus formelle, voici l’argument de Jackson, appliqué à la propriété
propriétés sont donc identiques. De manière plus formelle, voici l argument de Jackson, appliqué à la propriété
d’être bon :

1. Si toute action qui possède une propriété morale possède aussi nécessairement une propriété descriptive
(en vertu du principe de la survenance), alors la propriété morale et la propriété descriptive sont
coextensives.
2. Si deux propriétés sont coextensives, alors elles sont identiques.
3. Toute action qui possède la propriété morale d’être bon possède aussi nécessairement la propriété
descriptive D.
4. Donc la propriété morale d’être bon est identique à la propriété descriptive D.

Bien entendu, il sera possible d’appliquer cet argument à toutes les propriétés morales, et pas seulement à la
propriété d’être bon.

c. Le réalisme non naturaliste 2.0

Avant de conclure cette section sur l’ontologie morale, il est nécessaire de dire quelques mots supplémentaires
sur le réalisme non naturaliste, qui a fait un retour important en métaéthique ces dernières années. L’objectif
n’est pas ici de présenter en détail les théories non naturalistes après Moore, mais plutôt de souligner qu’il
existe toujours des non-naturalistes. Les non-naturalistes contemporains acceptent avec Moore que les
propriétés morales sont sui generis, c’est-à-dire ont leur propre genre métaphysique. Là où les non-naturalistes
contemporains se démarquent de Moore c’est qu’ils tentent d’apporter de nouvelles raisons de croire que les
propriétés morales sont sui generis, au-delà du simple argument de la question ouverte. Dans cette section, je
vais me limiter à présenter une seule de ces raisons  : les propriétés morales sont tout simplement trop
différentes des propriétés naturelles pour être des propriétés naturelles (Enoch 2011; Huemer 2005).

Voici cet argument, tel que formulé par Michael Huemer (2005, p. 94) :

1. Les propriétés morales sont radicalement différentes des propriétés naturelles.


2. Si deux propriétés sont radicalement différentes, l’une n’est pas réductible à l’autre.
3. Donc, les propriétés morales ne sont pas réductibles aux propriétés naturelles.

Pour Huemer, les propriétés morales semblent complètement différentes des propriétés naturelles. Par exemple,
la propriété morale d’être mal est complètement différente de la propriété naturelle de peser cinq kilogrammes.
Soutenir que ces deux genres de propriétés (moral et naturel) ne sont pas radicalement différents représenterait,
en quelque sorte, une erreur de catégorie.

Pour Enoch aussi, les propriétés morales (ou les propriétés normatives) sont tout simplement trop différentes
des propriétés naturelles pour être considérées comme étant des propriétés naturelles. Les propriétés morales
auraient donc des caractéristiques que les propriétés naturelles ne pourraient tout simplement pas avoir du fait
même qu’elles sont des propriétés naturelles. Pour ne nommer qu’une seule de ses caractéristiques, il serait
possible de dire que les propriétés morales constituent des raisons catégoriques d’agir, ce qui ne serait pas le
cas pour les propriétés naturelles. Pour faire référence à un exemple utilisé plus tôt : étant donné que le fait que
la cafétéria de mon université sert de la poutine végane le mercredi midi est un fait naturel, il est clair qu’il ne
peut pas constituer une raison catégorique d’agir d’une manière ou d’une autre. Ceci ne veut pas dire que ce fait
naturel ne peut pas constituer une raison d’agir (ce serait le cas si, par exemple, j’avais le désir de manger une
poutine végane), mais cette raison ne sera pas catégorique.

Pour les non-naturalistes, il n’est pas possible de dire la même chose à propos des faits moraux et des
propriétés morales. Le fait qu’il est mal de torturer des chatons par pur plaisir constitue une raison catégorique
de ne pas s’engager dans ce type d’action, et ceci peu importe notre psychologie, nos désirs, ou la situation
dans laquelle nous nous trouvons. Cette raison sera ainsi dite catégorique, au sens où elle s’applique à tous.
Voilà donc, disent les non-naturalistes, une caractéristique qu’un fait moral ou une propriété morale peut avoir,
mais qu’un fait naturel ou une propriété naturelle ne peut pas avoir. Si cela est vrai, nous aurions une raison de
croire que les propriétés morales ne sont pas des propriétés naturelles  ; elles seraient plutôt, selon les non-
naturalistes, des propriétés sui generis, c’est-à-dire qu’elles auraient leur propre genre métaphysique (Dancy
2006).

Tout comme il est possible de dire que les propriétés morales ont des caractéristiques que les propriétés
naturelles ne peuvent pas avoir, il est possible de dire que les propriétés naturelles ont certaines caractéristiques
que les propriétés morales ne peuvent pas avoir. Un exemple serait le fait que les propriétés naturelles peuvent
être étudiées en utilisant les méthodes des sciences empiriques, alors que ceci ne peut pas être le cas pour les
propriétés morales. Cette dernière raison ferait ainsi référence au fait que l’éthique semble jouir d’une certaine
autonomie par rapport aux sciences empiriques. Dire que l’éthique est autonome revient plus spéci quement à
af rmer que les conclusions morales (« il est bien de faire x », « il est mal de faire y », etc.) ne peuvent pas être
découvertes ou déduites par des raisonnements ou par des arguments qui ne comprennent pas, minimalement,
une prémisse morale. Une prémisse morale pourrait être un standard moral, qui serait un énoncé moral universel
tel que «  il est toujours mal de causer de la douleur par pur plaisir à un être sensible.  » Ce serait parce que
certains standards moraux existent qu’il est possible d’arriver à certaines conclusions morales particulières ; et
c’est en ce sens que l’éthique jouirait d’une autonomie par rapport aux sciences empiriques et faits naturels. Il
faudrait donc conclure que les propriétés morales ne sont pas des propriétés naturelles.

3. Psychologie morale

a. Quelle relation entre moralité et motivation ?

Selon plusieurs métaéthiciens, les jugements moraux entretiennent une relation privilégiée avec la motivation à
agir. Comment expliquer, si elle existe, cette relation privilégiée  ? Cette question est encore plus brûlante si,
comme le soutiennent les réalistes moraux, les jugements moraux expriment des croyances et si, comme
plusieurs le pensent, les croyances sont incapables de nous motiver à agir. En effet, il est généralement accepté,
du moins en métaéthique et en philosophie de l’action, que les croyances ne sont pas suf santes pour nous
motiver à agir ; les désirs sont nécessaires pour nous motiver à agir. Cette idée nous vient de David Hume, pour
qui les passions (ce que les philosophes appellent aujourd’hui les désirs) sont ce qui nous meut (il est important
de noter que ce qui est dit dans ce paragraphe ne représente pas nécessairement la philosophie de Hume, mais
plutôt la façon dont certains métaéthiciens se sont inspirés de ce philosophe). Les croyances nous guident dans

l’action, mais elles ne sont pas la force qui nous pousse à agir. Pour reprendre un exemple précédent, mon désir
de manger de la poutine végane ce midi est ce qui me motive à me déplacer vers la cafétéria de mon université,
bien que le fait que je me dirige en direction de la cafétéria doit aussi être expliqué par ma croyance que la
cafétéria de mon université sert de la poutine végane. En l’absence d’une telle croyance, mon désir ne me dirait
pas spéci quement comment agir, mais il n’en demeure pas moins la force qui me pousse à passer à l’acte ; sans
ce désir, point d’action. En effet, ma croyance que la cafétéria sert de la poutine végane ne me motivera pas par
elle-même à agir ; je dois aussi avoir le désir de manger une poutine végane. Ainsi, s’il est vrai qu’il existe une
relation privilégiée entre jugements moraux et motivation, les réalistes moraux doivent trouver une manière
d’expliquer cette relation qui ne les oblige ni à renier leur engagement envers le cognitivisme moral, ni à rejeter
l’idée selon laquelle les jugements moraux expriment des croyances.

b. Moralité et motivation : un argument antiréaliste ?

Certains antiréalistes moraux présentent la question de la relation entre jugements moraux et motivation comme
étant une raison de rejeter le réalisme moral, et ainsi d’accepter l’antiréalisme moral. Ceci est rendu possible par
la thèse acceptée par ces antiréalistes sous le nom de « l’internalisme motivationnel » ou de « l’internalisme des
jugements  », soit la thèse selon laquelle il existe une connexion nécessaire entre jugements moraux et
motivation. Pour les antiréalistes, si nous nions cette relation nécessaire entre moralité et motivation, nous
changeons le sujet de la discussion, le faisant passer de la moralité à autre chose.

Il est possible de donner des exemples pour justi er l’internalisme motivationnel, la plupart de ces exemples
faisant appel à certaines intuitions que nous aurions à propos de la moralité. Imaginez un cas où un agent
considère qu’il est moralement obligatoire de faire un certain type d’action, tel que donner 5% de ses revenus
annuels à des organismes de charité. Si nous croyons que cet agent est sincère, nous nous attendrons aussi à
ce qu’il agisse lui-même de manière à respecter ce qu’il considère moralement obligatoire. Imaginons maintenant
que nous lui posons la question suivante « si cela était possible pour vous, est-ce que vous donneriez 5% de vos
revenus annuels à des organismes de charité ? » et que sa réponse est « bien sûr que non ! » Devant son refus
d’agir d’après ce qu’il considère lui-même comme étant moralement obligatoire, une des options qui nous sont
offertes est de conclure que son jugement moral n’était pas réellement sincère. Pour les internalistes, c’est la
conclusion que nous devrions accepter. Si un agent n’est pas disposé à agir selon ses jugements moraux, alors
cet agent n’était pas sincère.

En effet, si nous éliminons la possibilité que cet agent ait une bonne raison de ne pas donner 5% de ses revenus
annuels à des organismes de charité (une bonne raison pourrait être qu’il doit aider nancièrement sa mère qui
vient de perdre son emploi), il nous semble douteux que cet agent juge sincèrement et réellement que nous
sommes dans l’obligation morale de faire une telle action, puisqu’il n’est pas lui-même disposé à accomplir cette
action. Pour les antiréalistes, le fait que nous soyons prêts à conclure que l’agent ne juge pas sincèrement que
nous avons le devoir d’accomplir une telle action s’il n’est pas lui-même disposé à accomplir cette action prouve
que nous croyons qu’il existe une relation privilégiée entre moralité et motivation. C’est justement cette intuition
que le principe de l’internalisme motivationnel tente de capturer.
que le principe de l internalisme motivationnel tente de capturer.

Pour certains antiréalistes, si l’internalisme motivationnel est vrai, alors la seule manière de défendre le réalisme
moral est de conclure que les propriétés morales ont un certain pouvoir motivationnel intrinsèque. Mais
comment des propriétés peuvent-elles avoir un pouvoir motivationnel intrinsèque  ? Et si toutes les autres
propriétés n’ont pas ce pouvoir intrinsèque, pourquoi seules les propriétés morales l’auraient  ? Pour ces
antiréalistes, il faut éviter à tout prix de défendre que les propriétés morales ont un pouvoir motivationnel
intrinsèque, car il s’agit d’une thèse métaphysique farfelue. Les réalistes moraux pourrait en réponse rejeter
l’internalisme motivationnel, mais, parce que nous avons des intuitions très fortes envers la véracité de
l’internalisme motivationnel, cette option ne semble pas très intéressante.

C’est dans cette mesure qu’il semble que l’internalisme motivationnel pose problème pour le réalisme moral.
Dans tous les cas, il faudrait, à tout le moins, que les réalistes moraux nous donnent quelques raisons soit de
croire que l’internalisme motivationnel est compatible avec le réalisme moral (Enoch 2011; Smith 1994), soit de
croire que l’internalisme motivationnel est faux (Brink 1986; Shafer-Landau 2000).

Certains réalistes, dans le but de montrer que l’internalisme motivationnel et le réalisme moral sont compatibles,
rejetteront la conception humienne des croyances et de la motivation (Nagel 1970). Selon cette conception, je le
rappelle, les croyances sont inaptes à nous motiver à agir ; seuls les désirs peuvent remplir ce rôle. En rejetant
la conception humienne des croyances et de la motivation, ces réalistes rejetteront ainsi la thèse que les
croyances sont inertes d’un point de vue motivationnel, du moins en ce qui concerne les croyances morales. Ils
peuvent ainsi soutenir que les croyances morales sont suf santes pour nous motiver à agir. L’internalisme
motivationnel ne poserait donc pas de problème au réalisme moral, car il est possible d’accepter l’internalisme
motivationnel et de rejeter la conception humienne des croyances et de la motivation.

Les réalistes moraux peuvent aussi conserver la conception humienne et soutenir que les croyances morales ne
sont pas des croyances ordinaires, qu’elles sont plutôt des états mentaux complexes ou hybrides, à la fois
cognitif et conatif. Du fait de cette complexité ou de ce caractère hybride, les croyances morales pourraient ainsi
nous motiver à agir (ce qui ne serait pas le cas, par exemple, pour nos croyances sur le monde microphysique).
Cette dernière idée revient à af rmer que les croyances morales ont les deux « directions d’ajustements » que
les états mentaux pourraient avoir. Parler de direction d’ajustement est utile pour mettre au clair la différence
fondamentale entre les croyances et les désirs (ou entre les états cognitifs et conatifs).

Les croyances ont généralement une direction d’ajustement esprit-monde, c’est-à-dire qu’elles doivent s’ajuster
au monde. Par exemple, si je réalise que ma croyance que je suis un astronaute est fausse (parce que je ne suis
pas un astronaute), alors je devrais ajuster ma croyance dans le but qu’elle corresponde à l’état du monde selon
lequel je ne suis pas un astronaute. Les désirs ont, de leur côté, une direction d’ajustement monde-esprit, au
sens où le monde doit s’ajuster à nos désirs. Par exemple, si j’ai le désir de devenir un astronaute (et que je ne
suis pas déjà un astronaute), je dois agir de façon à modi er le monde pour qu’il corresponde à mon désir. Ainsi,
je devrai entreprendre une série d’actions qui me permettra de devenir un astronaute, et ainsi j’aurai modi é le
monde à l’image de mon désir.
Certains réalistes, dans le but d’expliquer la relation privilégiée entre moralité et motivation, diront que les
croyances morales ont les deux directions d’ajustements (il est généralement tenu pour acquis qu’un état mental
ne peut avoir qu’une seule direction d’ajustement), ce qui rend ces états mentaux tout à fait uniques (je
conserve le terme de «  croyance  » pour parler de ce type d’état mental, bien que le terme «  besire  » – un
amalgame entre belief et desire – ait été proposé dans la littérature) (Zangwill 2008). Si cette position peut être
défendue, alors il est possible d’expliquer comment nos croyances morales peuvent nous disposer à agir, et c’est
le cas parce que les croyances morales sont, comme les désirs, des états motivationnels (parce qu’elles
partagent la même direction d’ajustement que les désirs, en plus d’avoir la direction d’ajustement, par exemple,
des croyances empiriques). Cette position, en plus d’être compatible avec l’internalisme motivationnel,
permettrait aussi de préserver les thèses essentielles au réalisme moral, entre autres que les jugements moraux
expriment des croyances qui peuvent être vraies ou fausses.

c. Réalisme moral et externalisme

Certains réalistes optent pour une stratégie différente et rejettent plutôt l’idée d’une relation nécessaire entre
moralité et motivation, ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il n’existe pas de relation contingente entre ces deux
éléments. Ces réalistes sont des externalistes, au sens où ils ne croient pas, justement, qu’il existe un lien
« interne » entre jugements moraux et motivation.

Pour les externalistes, cette relation est contingente, au sens où elle dépend des désirs que l’agent a déjà, de
ses traits psychologiques, etc. L’idée essentielle est que rien, du seul fait qu’un agent énonce de manière sincère
un jugement moral, ne peut être déduit avec certitude sur la disposition de cet agent à agir. En effet, la relation
entre jugement moral et motivation n’est pas nécessaire, mais contingente. L’avantage de défendre
l’externalisme est que les réalistes moraux pourraient ainsi conserver la conception humienne des croyances et
de la motivation, selon laquelle – je le rappelle encore – les croyances ne sont pas suf santes pour motiver un
agent à agir. Les externalistes n’ont pas à rejeter cette conception humienne, seulement l’idée selon laquelle il y
a une relation intime entre moralité et motivation. Un agent peut donc sincèrement dire qu’il faut faire x sans
être motivé à faire x, la relation entre son jugement moral et sa motivation étant contingente. Aussi, il est bon
de noter que les externalistes peuvent toujours défendre que la plupart des agents sont disposés à agir selon les
jugements moraux qu’ils expriment sincèrement  ; ils peuvent donc soutenir qu’il existe une relation entre
moralité et motivation, mais cette relation est contingente plutôt que nécessaire.

4. Sémantique morale

a. Énoncés moraux et descriptions du monde

Lorsqu’il est question de sémantique morale, il est approprié de dire que tous les réalistes moraux acceptent que
les énoncés moraux peuvent être vrais ou faux, et que la valeur de vérité d’un énoncé moral est indépendante
de l’esprit des agents. De plus, les réalistes acceptent généralement que la valeur de vérité des énoncés moraux
est déterminée par l’état du monde, c’est-à-dire qu’un énoncé moral sera vrai dans la mesure où il décrit de
manière appropriée un fait moral. Ainsi, les réalistes soutiennent que les énoncés moraux sont descriptifs.
manière appropriée un fait moral. Ainsi, les réalistes soutiennent que les énoncés moraux sont descriptifs.

Il est possible de rappeler un exemple donné plus tôt dans cette entrée, où une certaine similarité entre les
énoncés « cette tasse est bleue » et « cette action est mauvaise » était suggérée. Pour les réalistes moraux, il
n’existe pas seulement une similarité de surface entre ces deux énoncés, mais aussi de fond : ces deux énoncés
ne seront vrais que s’ils correspondent au monde. Les réalistes se démarquent ainsi de certains antiréalistes
moraux, pour qui il existe une asymétrie entre les énoncés « ordinaires » qui expriment des attitudes cognitives
(telle que l’énoncé «  cette tasse est bleue  ») et les énoncés moraux, qui expriment plutôt des attitudes
conatives. Ces antiréalistes s’appuient sur l’intuition que, lorsque nous disons, par exemple, qu’une action est
mauvaise, nous évaluons le monde plutôt que nous ne le décrivons. Les énoncés moraux seraient plutôt utilisés
pour évaluer nos propres actions et celles des autres, pour in uencer les actions de nos proches, etc. Ils ne
seraient donc pas des descriptions du monde ; Ils auraient un rôle différent de celui des énoncés sur le monde.

Les réalistes, en réponse à ces antiréalistes, soutiennent que leur position a certains avantages, entre autres
son pouvoir explicatif. En effet, en soutenant que le discours moral est relativement similaire aux autres types de
discours, le réalisme moral semble avoir un avantage certain lorsqu’il est question d’expliquer, par exemple,
comment les énoncés moraux peuvent faire partie d’inférences, au prix de laisser quelque peu de côté l’aspect
pratique du discours moral. Ainsi, de cette façon, les réalistes auraient l’avantage de pouvoir expliquer
simplement pourquoi les énoncés moraux partagent les mêmes caractéristiques que les énoncés ordinaires.

b. Réalisme moral et minimalisme sémantique

Au niveau sémantique, un problème potentiel pour les réalistes moraux est que le minimalisme sémantique
puisse être vrai. Selon les minimalistes, dire que certaines énoncés sont vrais est identique au simple fait
d’af rmer ces énoncés, ce qui permettrait ultimement d’accepter une conception «  dé ationniste  » des faits
moraux et des propriétés morales. Pour les minimalistes, il n’existe pas de différence entre l’énoncé « il est mal
de torturer des chatons par pur plaisir » et l’énoncé « il est vrai qu’il est mal de torturer des chatons par pur
plaisir ». Le deuxième énoncé n’est qu’une réaf rmation du premier. De même, selon la conception dé ationniste
des faits moraux, l’énoncé «  c’est un fait qu’il est mal de torturer des chatons par pur plaisir  » n’a aucune
implication métaphysique  : il est identique à l’énoncé «  il est mal de torturer des chatons par pur plaisir.  » La
vérité des propositions morales n’implique donc pas l’existence de faits moraux, au sens où les réalistes moraux
comprennent l’existence de ces faits. C’est exactement la stratégie qu’empruntent les quasi-réalistes, et plus
spéci quement Simon Blackburn (1993 ; 1998). Si le minimalisme peut être défendu de manière satisfaisante, et
sans impliquer de problèmes sémantiques importants, alors nous sommes en droit de nous demander ce qui
justi e l’engagement ontologique des réalistes moraux envers les faits moraux. Toutefois, il n’est pas dans
l’objectif de cette entrée d’évaluer la véracité du minimalisme en sémantique morale. Les détails de ce débat
seront donc laissés de côté.

5. Épistémologie morale
Il est juste d’af rmer que, pour une très grande majorité de réalistes moraux, la connaissance morale est
possible, c’est-à-dire qu’il nous est possible, d’une manière ou d’une autre, de connaître certaines vérités
morales. Bien qu’il soit logiquement possible de soutenir que les faits moraux existent sans que nous puissions
les connaître, cette option ne semble pas très intéressante pour les réalistes moraux. En effet, il ne semble pas
suf sant, pour réellement endosser le réalisme moral, de soutenir que les faits moraux existent de manière
indépendante de l’esprit, sans que nous puissions aussi connaître ces faits. Ce que les réalistes veulent
réellement, c’est que les faits moraux existent et que nous puissions les connaître. Évidemment, soutenir que la
connaissance morale est possible soulève la question de savoir comment il nous est possible de connaître les
faits moraux.

Il existe au moins deux options, lesquelles semblent opposer, tant sur le plan métaphysique que le plan
épistémologique, les réalistes naturalistes et non-naturalistes  : soit il nous est possible de connaître les faits
moraux de manière empirique, soit nous devons les connaître de manière a priori. Selon la première option,
l’expérience est nécessaire pour connaître les faits moraux, tout comme l’expérience est nécessaire pour
connaître les autres propriétés naturelles. Il va de soi que les réalistes naturalistes acceptent cette option, étant
donné que pour eux ils n’existent pas de différence importante entre les propriétés morales et les autres
propriétés naturelles. En effet, toutes ces propriétés sont naturelles. Évidemment, même si c’est l’option qu’ils
sont le plus susceptibles d’accepter, les réalistes naturalistes ne sont pas contraints à accepter une telle option.
Par exemple, un naturaliste analytique, qui croit que les prédicats moraux sont synonymes aux prédicats
naturels, pourra soutenir que la connaissance morale est a priori.

Du côté des réalistes non naturalistes, il est fort probable qu’ils décident de s’éloigner de toute analogie avec les
sciences empiriques, entre autres parce qu’ils croient que les propriétés morales appartiennent à une autre
catégorie métaphysique que les propriétés étudiées par les sciences empiriques. Les réalistes non naturalistes
sont ainsi plutôt susceptibles d’accepter que les faits moraux peuvent être connus de manière a priori, c’est-à-
dire que l’expérience empirique n’est pas nécessaire pour découvrir les faits moraux. Il serait possible, en effet,
de découvrir les faits moraux et les vérités morales par pure ré exion ou par analyse conceptuelle. Plutôt qu’une
analogie entre la moralité et les sciences empiriques, il existerait une différence fondamentale entre ces deux
domaines : alors que l’expérience empirique est nécessaire pour connaître les faits scienti ques, la pure ré exion
est suf sante pour découvrir les faits moraux. Plus récemment, on a pu voir certains réalistes proches du non-
naturalisme défendre une analogie entre la moralité et les mathématiques (Scanlon 2014).

a. Dé sceptique I : la justi cation des croyances morales

Le réalisme moral, autant dans sa version naturaliste que non naturaliste, suggère qu’il nous est possible de
connaître les vérités morales, et donc que, fort probablement, certaines de nos croyances morales sont vraies. Il
semble que, pour qu’elles soient vraies, ces croyances doivent aussi être justi ées. Cela veut dire, du moins
selon la compréhension standard de cet enjeu, que nous devons avoir de bonnes raisons de croire qu’une
croyance particulière est vraie. Par exemple, il n’est pas suf sant que je croie qu’il est mal de torturer des
chatons, et que ce soit un fait qu’il est mal de torturer des chatons, je dois aussi être justi é à croire qu’il est
chatons, et que ce soit un fait qu il est mal de torturer des chatons, je dois aussi être justi é à croire qu il est

mal de torturer des chatons. Les métaéthiciens sceptiques envers le réalisme moral ou qui ne croient pas que la
connaissance morale soit possible pourraient dire que nous ne sommes jamais justi és à croire qu’une croyance
morale est vraie.

À cet égard, les naturalistes et les non-naturalistes proposeront des réponses différentes. En effet, les
naturalistes sont plus susceptibles de proposer une réponse au dé sceptique qui s’articulera autour du
cohérentisme (Sayre-McCord 1996), alors que les non-naturalistes sont plus susceptibles de proposer une
réponse qui s’articulera autour de l’intuitionnisme (Huemer 2005). Évidemment, il ne s’agit pas ici de soutenir
que les naturalistes ou les non-naturalistes doivent accepter ces réponses.

Le cohérentisme moral af rme qu’une croyance morale particulière n’est justi ée que dans la mesure où elle est
membre d’un ensemble de croyances maximalement cohérent. Un ensemble de croyances maximalement
cohérent sera constitué de croyances qui jouissent d’une connexion privilégiée les unes aux autres, de telle
manière qu’elles se supporteront mutuellement. Ainsi, c’est le fait qu’une croyance particulière est supportée par
d’autres de mes croyances, et qu’elle vient à l’appui d’autres de mes croyances, qui rend cette croyance justi ée
et qui fait que j’aurais des raisons d’adopter cette croyance. C’est donc la cohérence entre les croyances
morales – ce que nous pourrions aussi appeler leur support mutuel – qui justi e ces croyances. Bien qu’elle
puisse être acceptée par un non-naturaliste, il s’agit là d’une solution plus susceptible d’être acceptée par un
naturaliste, principalement parce qu’elle est plus facilement élaborée dans un cadre où l’observation empirique et
l’expérience jouent un rôle important.

L’intuitionnisme, de son côté, consiste à défendre que certaines croyances morales sont évidentes par elles-
mêmes (« self-evident »), et que les croyances morales qui ne sont pas évidentes par elles-mêmes peuvent être
inférées de croyances qui, elles, le sont. Dire que certaines croyances morales sont évidentes par elles-mêmes
implique que, pour ces croyances, rien d’autre n’est nécessaire pour les justi er : le simple fait d’entretenir cette
croyance est suf sant pour que nous soyons justi és à l’entretenir. Toutefois, il ne faut pas ici confondre le fait
que nous sommes justi és à entretenir une croyance évidente par elle-même avec le fait que, à chaque fois que
nous croyons avoir une telle croyance, nous avons réellement une croyance qui est évidente par elle-même.
Nous pouvons évidemment commettre des erreurs et faillir à identi er, dans l’ensemble de nos croyances, celles
qui sont réellement évidentes par elles-mêmes. Pour donner un exemple (repris de Fisher 2011, p. 149), ce n’est
pas parce que quelqu’un soutient que sa croyance que le racisme est moralement acceptable est une croyance
évidente par elle-même qu’il a nécessairement raison. Identi er quelles croyances sont réellement évidentes par
elles-mêmes est un dé pour les non-naturalistes qui acceptent l’intuitionnisme. L’intuitionnisme est souvent
associé au réalisme non naturaliste, principalement parce que plusieurs non-naturalistes l’ont endossé. Toutefois,
aucune thèse sur la nature des propriétés morales ne peut être inférée du simple fait d’accepter l’intuitionnisme.
Il est donc possible d’accepter à la fois l’intuitionnisme et le naturalisme (Fisher 2011, 150).

b. Dé sceptique II : le problème du désaccord moral


Selon certains métaéthiciens sceptiques envers le réalisme moral, le fait qu’il existe des désaccords moraux
persistants concernant certains enjeux moraux représente un argument pour rejeter le réalisme moral, voire
même un argument pour accepter l’antiréalisme moral. Ici, il est important de préciser de quel genre de
désaccord nous parlons, car il n’est pas vrai que le simple fait que deux agents ne s’entendent pas sur une
question morale particulière soit suf sant pour tirer quelque conclusion que ce soit. En effet, il s’agit plutôt de
tenter de défendre qu’il pourrait exister, même chez les agents rationnels qui ont une connaissance parfaite – ou
du moins suf samment adéquate – des faits non moraux, des désaccords moraux insolubles (Enoch 2011, p. 207;
Par t 2011, vol. 2, p. 545; Shafer-Landau 1994, p. 332).

Par exemple, il serait possible d’imaginer deux agents rationnels – deux agents qui ne sont pas intellectuellement
aveuglés par leurs émotions, qui ont des raisons de croire ce qu’ils croient, etc. – avec une connaissance
adéquate des faits non moraux – ils savent, par exemple, que les chatons ont la capacité de ressentir de la
douleur – et qui sont en désaccord quant à la question « est-il moralement acceptable de torturer des chatons
par pur plaisir ? » Un agent dira qu’il est moralement acceptable de torturer des chatons par pur plaisir, alors que
l’autre agent dira que ce type d’actions n’est pas moralement acceptable.

Sur la base de ce type d’argumentaire, certains métaéthiciens concluent qu’il est préférable d’accepter le non-
cognitivisme, car nous aurions de bonnes raisons de croire que les jugements moraux ne cherchent pas à décrire
des faits du monde, mais plutôt, par exemple, qu’ils expriment des émotions morales. Le fait que, par exemple,
deux agents rationnels avec une connaissance adéquate des faits non moraux puissent ne pas avoir les mêmes
émotions pourrait expliquer pourquoi il existe des désaccords moraux persistants. D’autres métaéthiciens,
comme les théoriciens de l’erreur, préféreront conclure que les réalistes ont raisons de croire que les jugements
moraux cherchent à décrire des faits moraux, mais qu’il n’existe pas de faits moraux qui pourraient correspondre
à ces jugements (Mackie, 1977). Le fait qu’il n’existe pas de faits moraux auxquels les jugements moraux peuvent
correspondre pourrait expliquer les désaccords moraux persistants.

Il existe au moins deux stratégies que les réalistes peuvent adopter dans le but de répondre à ce type
d’argumentaire. La première stratégie consiste à nier que la situation imaginée soit possible (Shafer-Landau
2003, pp. 221-227). En effet, les réalistes pourraient défendre que, dans un cas qui nous apparaît être un cas de
désaccord moral insoluble, soit un des deux agents est irrationnel (ce qui pourrait être le cas s’il commet une
erreur de raisonnement ou d’inférence), soit un des deux agents n’a pas une connaissance suf samment
adéquate des faits non moraux. Dans les deux cas, il s’agit de dire que ce que certains métaéthiciens nous
demandent d’imaginer n’est pas possible.

Selon la deuxième stratégie, les réalistes moraux pourraient accepter qu’il existe des désaccords moraux entre
agents rationnels et avec une connaissance adéquate des faits non moraux, mais que ces désaccords ne
concernent pas les questions morales les plus fondamentales, que ce ne sont que des désaccords moraux de
surface qui cachent un même accord sur les questions morales les plus fondamentales (Sayre-McCord 2015). Les
réalistes pourraient ainsi dire que les désaccords moraux sont possibles seulement s’il existe aussi un accord sur
quels principes moraux fondamentaux sont corrects. Sans cet accord, il n’est pas possible pour deux agents de
quels principes moraux fondamentaux sont corrects. Sans cet accord, il n est pas possible pour deux agents de
discuter du même sujet ou de la même question, au sens où cette discussion nécessite que ces deux agents

s’entendent préalablement sur quelque chose. Sans cet accord, il ne serait même pas possible d’avoir des
désaccords moraux ; ces derniers concernant plutôt les implications que les principes moraux fondamentaux ont
ou devraient avoir. Dans les deux cas, la stratégie des réalistes moraux consiste à remettre en doute les
implications de l’argument du désaccord moral, soit en soutenant que les désaccords moraux insolubles
n’existent pas, soit en soutenant que les désaccords moraux concernent seulement des questions de surface et
qu’ils cachent un accord important sur les principes moraux fondamentaux.

Conclusion

Le réalisme moral est une famille de théories métaéthiques. Les réalistes moraux soutiennent qu’il existe des
vérités morales objectives, et que ces vérités décrivent des faits qui existent indépendamment de l’esprit et des
attitudes des agents. Minimalement, le réalisme moral vient en deux versions  : naturaliste ou non naturaliste.
Les naturalistes et les non-naturalistes s’accordent sur le fait que les vérités morales objectives existent, mais ils
sont en désaccord sur la nature ontologique de ces vérités. C’est l’opposition la plus importante au sein de la
famille métaéthique qu’est le réalisme moral.

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David Rochelau-Houle
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Comment citer cet article? 


Rochelau-Houle, D. (2017), « Réalisme moral », version académique, dans M. Kristanek (dir.), l’Encyclopédie
philosophique, URL: http://encyclo-philo.fr/realisme-moral-a/

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