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14/6/2021 "La folie identitaire est ce qui nous menace le plus" - K.

Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle

Allemagne Postcolonialisme Tribune

« La folie identitaire est ce qui nous


menace le plus »
Horst Bredekamp
| 31 mai 2021

Non seulement une certaine pensée postcoloniale est


diamétralement opposée à ce que l’on peut considérer comme
une politique de gauche mais elle relève d’une politique
identitaire qui menace de détruire la pensée anticoloniale même
– et serait structurellement anti-juive. Telle est l’idée que Horst
Bredekamp, le grand historien d’art, ancien professeur aux
universités de Hambourg, de Berlin, et de Princeton, et l’un des
fondateurs du Forum Humboldt de Berlin, défend dans une
tribune parue dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), en
mars dernier. Ce texte a suscité un écho considérable sur la
scène intellectuelle et médiatique allemande et anglophone.
Nous le reprenons dans K. , en le mettant en contexte : au sein
d’une controverse sur la ‘décolonisation’ de l’art et des musées.
 

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Manifestation contre le Forum Humboldt, par Oliver Feldhaus. (justlisten.berlin-postkolonial.de)

Contexte :

Il y a quelques mois, l’ancien président du Bundestag, Wolfgang Thierse, a publié dans le


grand quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) un article fustigeant le
tournant vers une politique identitaire du parti social-démocrate allemand (SPD).

Thierse étant lui-même membre historique du SPD, la présidence actuelle du parti a jugé
nécessaire de déclarer publiquement « la honte » qu’elle éprouvait face aux prises de position
de leur camarade. Qu’est-ce qui leur paraissait honteux ? Thierse appelait le parti à
promouvoir une politique apte à produire des égalités réelles au lieu de creuser de plus en
plus les gouffres imaginaires qui séparent les différentes identités culturelles rassemblées
sur le territoire national allemand ; aussi, il s’inquiétait d’une certaine mainmise des discours
dits « postcoloniaux » sur le discours politique et public dans son ensemble. Sans aller jusqu’à

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affirmer l’existence d’une « cancel culture » allemande, il déplorait une tendance à vouloir
faire table rase du passé, en déclarant l’ensemble de l’histoire de l’Europe coupable, et
seulement coupable.

Thierse, avant d’entamer une carrière tardive d’homme politique, était universitaire, en RDA.
Germaniste de formation, il a travaillé d’abord à l’université puis pour le ministère de la
culture de la RDA dans le champ de l’histoire de l’art. Après avoir été limogé du ministère, il a
édité un dictionnaire des concepts fondamentaux de l’esthétique et collaboré à l’écriture de
scénarios pour des films documentaires. Ce qui explique en partie pourquoi il a été nommé
membre de la commission en charge de la reconstruction culturelle du centre de Berlin en
2001. Les discussions de l’époque portaient essentiellement sur un point : faut-il ou ne faut-il
pas détruire le Palais de la République qui se trouvait planté au centre de Berlin, tel un
héritage gênant de l’ancienne RDA.

Ce Palais de la République, joyaux de l’architecture de l’Est mais profondément infesté


d’amiante, a été érigé en 1973 en lieu et en place de l’ancien château de Berlin (c’est-à-dire
du siège antique du pouvoir prussien). Ce dernier a été partiellement détruit pendant la
Seconde Guerre Mondiale et définitivement démoli par la RDA en 1950.

Palais de la République, Berlin Est, 1986 © wikimedia commons

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Le Chateau de Berlin qui abrite le Forum Humboldt, 2020 © Wikimedia commons

La commission a décidé de détruire ce qui était perçu comme un vestige dictatorial et de


reconstruire l’ancien château de Berlin à sa place. L’idée consistait à le reconstruire, mais tout
en désactivant le symbole impérial qu’il représentait. A cette fin, on se proposait d’y installer
un musée précisément consacré non pas à la supériorité culturelle de la Prusse, de
l’Allemagne ou de l’Europe, mais à la grandeur de toutes les cultures non-européennes. Le
projet fut approuvé. Ainsi naquit le Forum Humboldt qui aujourd’hui occupe l’intérieur du
château prussien reconstruit au centre de Berlin.

Depuis 2001, les préoccupations politiques ont changé. On ne s’intéresse plus à l’acte
profondément ambivalent consistant à détruire un ancien symbole de la RDA auquel la
population de l’Allemagne de l’est était en partie sincèrement attachée, et à ériger à sa place
un symbole de l’Empire allemand tout autant controversé. Ce qui est en cause désormais se
trouve à l’intérieur du château : ses collections ethnographiques, leur origine parfois
criminelle, leur lien intrinsèque avec le projet impérial incarné par le château lui-même. C’est
en tant que membre de la commission à l’origine du Forum Humboldt que Thierse a été
confronté concrètement au discours postcolonial qu’il critique. Il y a fait face autour d’un
objet concret, qu’il connaît bien, et auquel il a réfléchi pendant deux décennies au moins : le
Forum Humboldt et ses collections.

Il n’est alors pas étonnant de voir un autre membre fondateur du Forum Humboldt venir à sa
rescousse dans un tel débat sur les politiques identitaires. En l’occurrence il s’agit d’un
historien d’art de renommée mondiale, Horst Bredekamp. Une fois l’émotion politique
retombée, ce dernier a lui aussi pris la plume dans le FAZ. Son objectif était de mesurer le
prix de la pensée et critique postcoloniale. Pour conduire son analyse comptable, lui aussi
parle de l’objet concret Forum Humboldt.

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Nous reproduisons dans K. l’article paru dans le FAZ, accompagné par ailleurs d’un entretien
que nous avons mené avec lui. L’intervention de Bredekamp témoigne du coût exorbitant
d’une certaine pensée postcoloniale, précisément celle que Thierse a osé critiquer, lequel
consiste selon lui dans l’oubli d’une pensée juive européenne. Oubli qui, en l’occurrence, est
identique à sa négation, voire à son assimilation à la culpabilité européenne générale. – Julia
Christ

Horst Bredekamp : « La folie identitaire est ce qui nous


menace le plus »
 

Horst Bredekamp lors d’une conférence en mars 2015 à Düsseldorf, par Marcus Cyron © Wikimedia commons

Wolfgang Thierse et moi-même sommes les deux dernières personnes encore actives qui ont
poursuivi et accompagné la conception et la mise en œuvre du Forum Humboldt, et cela
depuis exactement vingt ans maintenant. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui l’atmosphère
initiale, la liberté, l’indocilité et l’ouverture presque physiquement palpables au sein de la

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commission dite Swoboda, qui a eu pour objectif d’insuffler quelque peu d’esprit dans le
projet de réparation du centre érodé de Berlin.L’idée de réunir l’université Humboldt, en tant
que fondation subsidiaire de la Kunstkammer du palais de Berlin , les bibliothèques
berlinoises et les collections extra-européennes de Dahlem dans un même navire dédié à
l’esprit libre, politiquement indépendant et polémique, a enthousiasmé l’ensemble des
parties concernées[1]. Actuellement, cependant, cette idée se voit réduite à une seule
formule qu’on peut à juste titre qualifier de délirante : le Forum Humboldt serait une
forteresse d’art spolié.

Il n’y a pas d’alternative à l’antiracisme et à l’anticolonialisme, et la sensibilité de la jeune


génération en particulier donne de l’espoir pour l’avenir. Dire que la République fédérale a
été aveugle au chapitre colonial de l’histoire allemande ne peut être affirmé de manière
générale, même s’il reste absolument crucial de diriger sa conscience plus vigoureusement
encore vers ce chapitre. Dès le début, toutefois, il est apparu que le noyau dur du soi-disant
post-colonialisme, bien qu’employant une rhétorique de gauche, était animé par des
principes et des objectifs diamétralement opposés à la définition de ce qui peut être
considéré comme une politique « de gauche ». Faire des phrases grandiloquentes sur le droit
à l’autodétermination des peuples et des cultures, voilà qui était et reste l’outil coercitif d’une
emprise totalitaire sur la langue, l’histoire et l’avenir. L’effacement d’une tradition
anticoloniale dans laquelle le Forum Humboldt voulait et veut se situer est à ce titre
particulièrement pervers.

Pour un concept de culture issu des chaumières, et non pas des palais[2]

J’ai discuté à plusieurs reprises avec Wolfgang Thierse de la façon dont les grandes salles du
Forum Humboldt devraient être caractérisées par les noms qu’on leur donnait. J’ai proposé
en premier lieu les noms d’Aby Warburg et de Franz Boas[3], les deux grands érudits juifs qui
ont jeté les bases pour que ni le concept de culture et ni celui de la destination de l’homme ne
soient définis de manière statique et hiérarchisée, mais par leurs évolutions internes et leur
relationnalité. Pourtant, sous la pression d’une idéologie qui ne comprend pas que les
cultures se déplacent, se croisent, s’entremêlent, que les oppresseurs ne peuvent pas
nécessairement imposer leurs idées et que les objets et les images créent souvent des
dynamiques singulières, la discussion s’est durcie pour finalement ne connaître qu’un seul
thème : la restitution des « biens spoliés ».

Qui nierait que les torts avérés doivent être réparés et que l’on doive demander pardon ?
Cependant, la majeure partie des collections pré- et anti-impériales de Göttingen, Leipzig,
Nuremberg et Berlin, par exemple, est issue d’un concept de culture qu’il faut aujourd’hui
qualifier d’anticolonialiste, de libéral et de social-démocrate au sens plein du terme. Il

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s’agissait, concernant ces collections, de ne pas rassembler principalement de l’art de haut


niveau, mais des objets quotidiens qui avaient une utilité fonctionnelle pour les peuples
indigènes, ainsi qu’une valeur épistémologique et esthétique très élevée pour les
ethnologues agissant de la sorte, car ils représentaient l’incarnation d’un concept de culture
qui n’était pas déterminé depuis les palais, mais depuis les chaumières. C’est la raison pour
laquelle le musée d’ethnologie de Berlin[4] a rassemblé plus de dix fois plus d’objets que le
centre de la plus grande puissance impériale, Londres. Ce que la modernité détruisait devait
être préservé au niveau microcosmique. Dire que ce geste n’est qu’une approbation de
l’injustice relève d’une logique perverse qui tourne en dérision les arguments et les
discussions de l’époque.

Souvent, le populisme n’émane pas seulement d’agitateurs à demi-habiles, mais aussi des
universités et d’autres institutions académiques. À ce jour, aucun des protagonistes n’a
commenté le fait que le musée d’ethnologie de Berlin a été jugé si incapable et si peu disposé
à servir les intérêts coloniaux qu’un Musée de la domination coloniale a été créé à Berlin-
Moabit[5], ouvert par le Kaiser lui-même, et dépassant en taille le musée d’ethnologie déjà
existant. Quelle erreur que de confondre ce Musée du colonialisme avec le musée
d’ethnologie ! Lorsque le Musée colonial fut rapidement fermé en 1915 par manque d’intérêt
du public et que les pièces d’exposition durent être réparties dans d’autres musées, le Musée
d’ethnologie de Berlin refusa de reprendre ces fonds empoisonnés.

Définition antiraciste de la collection

C’est dans le climat d’une définition antiraciste et non-hiérarchique de la collection qu’Aby


Warburg et Franz Boas ont développé leurs idées. Dans ce contexte, Franz Boas, qui était
l’assistant du directeur Adolf Bastian au Musée d’ethnologie de Berlin, a développé une
anthropologie qui constitue encore le fondement d’un concept de culture s’opposant
catégoriquement à toute représentation hiérarchique des cultures. Sans la tradition du
révolutionnaire Georg Forster, des frères Humboldt et des savants juifs comme Moritz
Lazarus et Heymann Steinthal[6], tous deux professeurs à l’université de Berlin, l’avancée de
Boas est impensable. Quiconque rappelle aujourd’hui cette œuvre d’une vie entière, est
dénoncé en tant que témoin à décharge d’une pensée d’extrême droite. Mais l’effacement
rhétorique de cette tradition poursuit la même politique réactionnaire que les
gentilshommes de l’empire wilhelminien et les destructeurs de culture nationaux-socialistes,
qui ont jeté les écrits de Boas aux flammes.

Il y a deux ans, j’ai assisté à une conférence à Buenos Aires à laquelle ont participé un grand
nombre d’universitaires de toute l’Amérique du Sud. Le nom de Karl von den Steinen[7] revint
sans cesse, qui, depuis le musée d’ethnologie de Berlin, avec un concept de culture qui va des
entailles gravées dans des arbres à la sculpture, a rendu intelligibles les cultures des peuples
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indigènes de la jungle brésilienne et a mis par écrit leurs récits et cosmologies. Sans sa
conception large de la culture, issue de la tradition libérale germanophone, a-t-on alors
souligné à plusieurs reprises, on ne saurait rien sur l’histoire de ces populations du Brésil.
C’est le même Karl von den Steinen qui a nommé comme principe presque sacré de la
collection : « Sauvez, sauvez, sauvez ». Voilà qui est un langage non pas du vol, mais de la
préservation contre les pillages des puissances impériales. Situer de telles expressions et
pratiques de collection dans le contexte du colonialisme, et donc les discréditer d’emblée,
c’est transformer chaque individu en un rouage d’un gigantesque engrenage auquel il n’y a
pas d’échappatoire.

Structurellement anti-juif

La caractéristique la plus effrayante du post-colonialisme réside dans sa cohérence


structurellement anti-juive. On a beaucoup discuté et écrit sur l’antisémitisme existant ou
simplement présumé d’Achille Mbembe. Or, ce dont on ne parle jamais, c’est la suppression
de l’impulsion des anthropologues juifs, qui ont été hautement sensibles à toute question
touchant au racisme. Cette stratégie est conforme à l’objectif qui consiste à déplacer les
coulisses du débat d’Auschwitz vers la Namibie et de nier ainsi la singularité absolue de la
Shoah.

C’est à ce geste totalitaire que Wolfgang Thierse s’oppose. Il faut être bien naïf pour ne pas
se rendre compte qu’au bout d’une politique identitaire, telle qu’il la critique, on ne
retrouvera pas une réalité multiculturelle éclairée, mais la pureté d’une orientation aussi
propre qu’inhumaine. Ce qui rend l’identitarisme tellement choquant et insupportable, c’est
la manière impitoyable avec laquelle il sépare les groupes ethniques et leurs cultures les uns
des autres. Quand aucun Noir ne pourra plus jouer un Blanc au théâtre et quand aucun
traducteur européen ne pourra plus transcrire le texte d’un Asiatique, quand les identités ne
se côtoieront plus qu’entre elles, les fanatiques de la pureté auront gagné – et cela sans se
douter à quel point ils sont proches des slogans de la  lingua tertii imperii[8]. Voilà qui
supprimerait tout ce qui fait le charme de toute culture : développer l’empathie pour
l’étranger, l’emmener dans sa propre autodétermination et se transcender soi-même. A quel
point faut-il être naïf pour considérer que l’opposition aux conséquences de la politique
identitaire, qui doivent être comprises comme un assaut uniforme contre toute forme de
pensée libérale et même sociale-démocrate, est une cause et une raison de honte ?

L’AfD [Alternative für Deutschland, parti d’extrême droite allemand] et pire encore sont un
défi permanent, mais qui devrait être gérable. Il sera sans doute plus difficile de surmonter
l’assaut identitaire contre la raison, car il s’est retranché derrière l’éthos d’une rhétorique de

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libération de la gauche. Wolfgang Thierse a eu le courage de nommer la différence entre le


langage et l’effet, et de faire comprendre que le politiquement correct signifie la fin de la
social-démocratie. Pour cela, elle devrait lui ériger un monument.

Horst Bredekamp

Traduit par Julia Christ

Notes

1 Note du traducteur : La Kunstkammer de Berlin était une sorte de cabinet royal


rassemblant des objets à la fois culturels et naturels. Fondée au milieu du 16e siècle,
détruite pendant la guerre de trente ans, reconstruite à partir de 1640, elle était un
lieu de collection de toute sorte d’objets issus des cultures antiques ou extra-
européennes, mais aussi, et en majorité, de naturalia.  La partie « naturalia » a été
intégrée dans les collections de l‘Université Humboldt à sa fondation en 1815, les
objets culturels ont, eux, été distribués au cours du temps dans des musées différents.
Le Forum Humboldt rassemble des collections issues de la Kunstkammer, des
différentes bibliothèques berlinoises et de l’ancien musée des cultures de Dahlem qui
avait accueilli après 1945 les collections du musée d’ethnologie de Berlin, et du musée
d’art asiatique. L’auteur insiste sur les lieux de provenance des collections du Forum
Humboldt pour souligner qu’il n’accueille pas de collections issues des entreprises
coloniales de Guillaume II.
2 Ndt : L’opposition entre palais et chaumières – notoire en Allemagne – vient à l’origine
d’un pamphlet de Georg Büchner, intitulé Der hessische Landbote et qui inclut l’appel :
« Paix aux chaumières ! Guerre aux palais ! ». Dans ce texte Büchner rappelle l’égalité
du genre humain et interroge la prétendue supériorité culturelle des habitants des
palais.

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3 Ndt : Aby Warburg (1866-1929) était un historien d’art, juif allemand. Il est
notamment connu pour la bibliothèque qu’il a fondée rassemblant une immense
quantités d’ouvrages traitant de toutes les cultures mondiales. La bibliothèque
Warburg, qui était fréquenté par Panofsky, Cassirer et Scholem, avait pour but de
transformer l’histoire de l’art, de la littérature et de la musique en y intégrant tous les
faits culturels d’une société donnée. En ajoutant au corpus de la bibliothèque des
ouvrages sur des domaines tels que l’astrologie et la magie, Warburg a anticipé de
nombreux développements dans la compréhension moderne de l’histoire des sciences.
La bibliothèque a été sauvée des nazis en 1933 par son déménagement à Londres où
elle se trouve encore aujourd’hui (https://warburg.sas.ac.uk/). Franz Boas (1858-1942)
était pour sa part un anthropologue juif allemand. Après ses études en Allemagne, il a
émigré aux États-Unis où il a fondé ce qu’on appelle l’anthropologie relativiste, c’est-à-
dire une approche non évolutionniste des cultures, selon laquelle chaque culture a sa
propre signification et valeur en elle-même qui ne permet aucune hiérarchisation.

4 Ndt : Le musée d’ethnologie de Berlin a été fondé en 1873. Il rassemblait une partie
des collections de l’ancienne Kunstkammer. Le reste des collections était issu de ce que
son directeur, Adolf Bastian, appelait des « Voyages de collectes ». Convaincu du fait
que l’expansion de l’Europe de part le monde était en train de détruire les cultures
extra-européennes, Bastian s’est donné pour objectif de « sauver » un maximum
d’objets de la destruction. Le principe du musée était purement scientifique et
documentaire. Ainsi les pièces n’y étaient pas exposées de manière didactique, mais
rassemblés à des fins d’études scientifiques.
5 Ndt : Le musée colonial a été fondé en 1899 et fermé en 1915. Contrairement au
musée d’ethnologie de Berlin, il rassemblait des objets d’art et de culture volés au
cours des entreprises coloniales de l’Empire wilhelminien. Après sa fermeture en
1915, une petite partie de ses collections a été reprise par le Musée Linden de
Stuttgart. La majeure partie était censée être intégrée dans le musée d’ethnologie de
Berlin qui refusait de l’accueillir. Sous la République de Weimar, ces objets ont été mis
dans un entrepôt. Après 1945, ils ont été transportés en URSS, si bien
qu’effectivement il est impossible qu’ils se retrouvent actuellement dans la Forum
Humboldt.
6 Ndt : Moritz Lazarus (1824-1903) et Heyman Steinthal (1823-1899) comptent pour
les fondateurs de la psychologie des peuples. Horst Bredekamp explique leur travail
dans l’interview que nous avons mené avec lui.

7 Ndt : Karl von den Steinen (1855-1929), était un psychiatre et ethnologue allemand à
qui on doit, entre autre, les premières études des méthodes de guérissons de maladies
psychiques dans des cultures extra-européennes et une documentation exhaustive des
mythes et cosmologies des peuples indigènes du Brésil.
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8 Ndt : Horst Bredekamp se réfère ici à l’ouvrage de Victor Klemperer, Ligua Tertii
Imperii (1947) (LTI, La langue du troisième Reich, Paris, Poche, 2003) qui analyse la
manipulation de la langue allemande par la propagande, puis les usages quotidiens, du
troisième Reich.

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