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Qui dirige l'Allemagne ? | Claire Demesmay, Hans Stark
Texte intégral
1 Dans les sociétés occidentales contemporaines, les intellectuels constituent une
catégorie sociale complexe et difficile à cerner : en France, l’Institut national de la
statistique et des études économiques (INSEE) doit procéder périodiquement à sa
réactualisation. Vouloir la saisir dans sa globalité apparaît comme une gageure.
En revanche, il peut paraître judicieux de l’éclairer à partir des débats publics
suscités et alimentés par les « grands » intellectuels – écrivains, universitaires,
artistes, etc. En République fédérale d’Allemagne (RFA), des hebdomadaires
comme Der Spiegel et Die Zeit, ainsi que le quotidien Frankfurter Allgemeine
Zeitung (FAZ), accordent une place de choix à ces débats, tout particulièrement à
travers les interviews et les recensions dont ils se sont faits spécialité. C’est cette
entrée que nous avons choisie pour notre étude qui porte sur les débats de ces
dernières années, bien entendu mis en perspective.
2 En Allemagne, on appelle traditionnellement les intellectuels Dichter und Denker
ou Schriftsteller et, dans la littérature sociologique, die Intellektuellen ou die
Intelligenz. On les regroupe également sous l’appellation Der Geist. En RFA, ils
ont connu des situations très contrastées. Au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, les intellectuels de droite et d’extrême droite sont disqualifiés. Seule la
voix des intellectuels progressistes se fait entendre, non sans mal : il arrive que les
occupants occidentaux les musèlent, et les gouvernants de l’ère Adenauer les
fustigent systématiquement. Ils constituent en effet la seule force d’opposition
radicale au pouvoir conservateur, surtout depuis le ralliement du SPD
(Sozialdemokratische Partei Deutschlands), en 1959, à l’économie de marché et à
la politique extérieure de Konrad Adenauer : c’est en 1962, à l’occasion de la
Spiegel-Affäre que cette opposition se découvre. Une période faste s’ouvre à eux
avec l’arrivée à la chancellerie de Willy Brandt, l’ami de ces intellectuels libéraux
de gauche. Aussi assiste-t-on, entre 1969 et 1974, à ce que l’on a appelé la nouvelle
alliance de « l’esprit et du pouvoir » (Geist und Macht), quand le chancelier se
trouve entouré et soutenu par des écrivains illustres : Günter Grass, Heinrich Böll,
Siegfried Lenz, Hans Magnus Enzensberger, Martin Walser, etc. C’est un moment
favorable pour les intellectuels de gauche, qui semblent alors assumer une
fonction d’avant-garde intellectuelle et avoir conquis une position hégémonique,
rendue par la fameuse formule : « Der Geist steht links » (« L’esprit se situe à
gauche »).
3 La lune de miel est cependant de courte durée. Non seulement l’accord est moins
parfait avec le pragmatique Helmut Schmidt, mais, dès le milieu des années 1970,
un renversement de tendance (Tendenzwende) s’opère. On assiste à un
éclatement du champ intellectuel. De nouvelles tendances, à la fois conservatrices
et alternatives, source d’hétérogénéité, se font jour (« die neue
Unübersichtlichkeit », Jürgen Habermas). Une « nouvelle droite » intellectuelle se
met en place pendant les années 1980 (Botho Strauss, Ernst Nolte, Heimo
Schwilk, Rainer Zittelmann, Martin Walser « seconde manière », etc.), faisant
perdre à la gauche son hégémonie culturelle : en 1987, le sociologue Claus
Leggewie titre alors l’un de ses ouvrages Der Geist steht rechts (« L’esprit se situe
à droite »)1. La nouvelle tendance intellectuelle dominante se caractérise par un
reflux des préoccupations politiques et sociales et une montée concomitante des
problématiques identitaires, individuelles et/ou collectives, à l’image de la
« nouvelle subjectivité » qui apparaît dans le domaine littéraire – Jürgen
Habermas parle à ce sujet d’une sorte de « cheminement vers l’intériorité »
(« Weg nach innen »). Cette tendance se maintient par-delà l’unification
allemande. Dans ces conditions, les intellectuels qui fréquentent aujourd’hui la
chancellerie sont forcément moins nombreux qu’à l’époque faste de Willy Brandt :
Der Spiegel ne cite plus que deux « grands », Günter Grass et Peter Schneider2,
auxquels on peut ajouter l’historien Heinrich August Winkler, Martin Walser
étant devenu entretemps un habitué des manifestations de la CSU (Christlich-
Soziale Union) bavaroise !
Notes
1. Cl. Leggewie, Der Geist steht rechts. Ausflüge in die Denkfabriken der Wende, Hambourg,
Rotbuch, 1987.
2. « Macht und Geist », Der Spiegel, 13 mai 2002, p. 202.
3. W. Mittenzwei, Die Intellektuellen. Literatur und Politik in Ostdeutschland von 1945 bis 2000,
Leipzig, Verlag Faber & Faber, 2002, p. 543.
4. Ibid., p. 505 sq.
5. W. Lepenies, Aufstieg und Fall der Intellektuellen in Europa, Francfort, Pandora, 1992, p. 56
sq.
6. Ibid.
7. J. Poumet, « Relire les auteurs de la RDA », Allemagne d’aujourd’hui, n° 163, janvier-mars
2003, p. 100.
8. H. Kant, Abspann. Erinnerung an meine Gegenwart, Berlin, Aufbau-Verlag, 1991.
9. W. Mittenzwei, op. cit. [3], p. 505 sq.
10. J. Poumet, op. cit. [7], p. 100.
11. Ch. Wolf, Leibhaftig, Munich, Luchterhand Literaturverlag, 2002.
12. R. Boudon et F. Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982.
13. Ch. Wolf, « Wir im Osten haben erlebt, wie unerwartet Veränderungen plötzlich eintreten
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14. Der Spiegel, 22 mars 2004, p. 184-186.
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19. M. Güde, L. Raiser et H. Simon, Zur Verfassung unserer Demokratie. Vier republikanische
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20. D. Goeldel, « La chute du Mur comme rupture culturelle : la question de l’identité de la RDA
dans le discours des intellectuels sur l’unification allemande (1990-1991) », in J. Benay (dir.),
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Nancy, Bibliothèque des nouveaux cahiers d’allemand, 1996, p. 173-186.
21. H. M. Enzensberger, Aussichten auf den Bürgerkrieg, Francfort, Suhrkamp, 1994.
22. P. Schneider, « Die falsche Gewissheit », Der Spiegel, 26 août 2002, p. 168-170.
23. Der Spiegel, 23 juin 2003 : « Ich kann sagen, dass mich die Ablehnung des Präventivkrieges
durch die Mehrheit der Bürger meines Landes ein wenig stolz auf Deutschland gemacht hat. Zum
ersten Mal hat die Regierung von dieser (1900 erlangten) Souveränität Gebrauch gemacht, indem
sie den Mut hatte, dem mächtigen Verbündeten zu widersprechen… » [« Je dois dire que le refus
par la majorité de mes concitoyens d’une guerre préventive m’a rendu un petit peu fier de
l’Allemagne. Pour la première fois, le gouvernement a fait usage de cette souveraineté, obtenue en
1900, en ayant eu le courage de contredire le puissant allié… »].
24. G. Grass, « Siegen macht dumm », Der Spiegel, 25 août 2003, p. 140-144.
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26. J. Habermas, « Verfassung für Europa », Die Zeit, 28 juin 2001.
27. P. Schneider, « Zeit der Rechthaber », Der Spiegel, 23 juin 2003, p. 158-159.
28. P. Zadek, « Kulturkampf? Ich bin dabei », Der Spiegel, 14 juillet 2003.
29. M. Walser, « Das Abbilden von Scheusslichkeiten ist die restlose Ausrottung der
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30. P. Schneider, « Sieg der Sterne », Die Zeit, 30 août 2001, p. 43 et 46.
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71. J. Strasser, op. cit. [34], p. 230.
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sie mit Langmut zu ertragen », in Th. Assheuer, op. cit. [72].
74. Der Spiegel, 30 décembre 2002, p. 134.
75. Die Zeit, 4 mars 2004, p. 53-54.
76. Elke Schmitter, « Warnung vor den Vipern », Der Spiegel, 28 juillet 2003, p. 114 sq.
Auteur
Denis Goeldel
Vaillant, Jérôme. Vogel, Wolfram. (2009) L'avenir des partis politiques en France et en
Allemagne. DOI: 10.4000/books.septentrion.15859
Vaillant, Jérôme. (2009) L'Allemagne unifiée 20 ans après la chute du Mur. DOI:
10.4000/books.septentrion.15927
(2008) Unternehmenskommunikation bei Privatisierungen öffentlicher Unternehmen.
DOI: 10.1007/978-3-8349-9885-9_2