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24/09/20
Matthieu.Remy@univ-lorraine.fr
La « French Theory » existe afin de réunir un ensemble de penseurs qui ont été utilisés par le
département de lettres américain pour essayer de trancher avec le département de la
philosophie qui ne s’intéressait pas à la pensée européenne. Michel Foucault, Jacques
Derrida, Gilles Deleuze, Jean Baudrillard, Louis Althusser ou Jacques Lacan sont
importants dans la pensée européenne et cela faisait quelques décennies que certains penseurs
n’avaient pas traversés les océans.
Différents types de cultural studies existent. Tantôt anglaises, tantôt américaines. Quel Est le
discours universitaire qui peut nous faire tenir le coup dans ses études et ce domaine ? Quelle
image est véhiculée dans le milieu de la culture ?
Saisir une démarche scientifique (Essayer de prendre à défaut ce qui existe déjà et
essayer d’aller re-tester ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas.)
Les penseurs de la French Theory, malgré cette « mise en case » des Etats-Unis sont des
penseurs qui ont tous un intérêt et réflexion qui force à se pencher sur leur époque, l’idéologie
de l’époque et de faire leur propre critique.
A travers un corpus de textes précis, nous tenterons de vérifier si cette association de penseurs
à la fois proches et distincts les uns des autres est réellement pertinente, tout en voyageant
dans la pensée française contemporaines, des années 60 jusqu’à la fin du XXème siècle.
« French Theory » est un très bon livre explique ce phénomène. Il a été écrit par François
Cusset et prend le problème depuis son origine, c’est-à-dire depuis le désir qu’ont eu certains
intellectuels américains vis-à-vis d’une pensée française anticonformiste, à la fois radicale et
exigeante, appliquée à dénoncer les méfaits des contrôles sociaux tout genre. Ce cours
regroupe un ensemble de penseurs étant marxistes et aussi regroupe de nombreux
psychanalystes. Les partisans du libéralisme économique pensent encore selon le marxisme,
en tant qu’adversaire. Ce sont deux réflexions assez récentes, le marxisme datant de 150 ans
et la psychanalyse 100 ans.
Nous nous proposerons donc de faire un panorama de cette pensée critique faite de
singularités. A travers l’exploration des concepts élaborés par Louis Althusser, Michel
Foucault, Monique Wittig, Gilles Deleuze, Helène Cixous, Jean Baudrillard, Simone de
Beauvoir, Jacques Lacan, Françoise Dolto, Jacques Derrida, Julia Kristeva, Pierre
Bourdieu, Geneviève Fraisse et Nathalie Heinich, nous aurons accès non seulement à une
certaine pensée française des années 1950-2018 mais aussi à sa perception par l’université
américaine.
L’après-guerre des intellectuels
Lors de l’après Seconde Guerre Mondiale, les concepts de société de consommation
apparaissent dans les années 50-60-70, et bouleverse notre rapport aux choses. L’œuvre La
révolution rêvée de Michel Surya invoque le problème de révolution depuis l’URSS et
invoque les problèmes de ce système. Le communisme a été bien installé en France avec le
Parti Communiste Français. Aux premières élections libres, le communisme est choisi après la
poigne de Staline lors de la 2nd Guerre Mondiale. L’armée rouge et Staline sont auréolés d’une
vague d’ondes positifs, les voyant comme libérateurs alors que les soviétiques vont imposer
une main mise politique sur les pays de l’Est. Comme les communistes en France ont joué un
rôle important pendant la Résistance, cela envoie une bonne image. Le parti communiste est
interdit dès 1940, plus précisément en août 1939, étant déclaré comme illégal. Une fois le
pacte rompu ; un parti communiste se réorganise. La résistance s’organise avec beaucoup
d’intellectuels tels que René Charles.
« Démocrature » : Aujourd’hui, Bolsonaro, Trump.. De plus en plus de pays montrent une
politique dure, et pose de nos jours la question du totalitarisme.
Henri Lefebvre = pensée de l’après-guerre, né en 1901, écrit Critique de la vie quotidienne.
Il a vu ses œuvres se faire censuré, défendant un marxisme qui n’était pas mis le plus en avant
par le parti communiste. La question de l’aliénation dans le communisme est une question
chez le jeune Marx a été de savoir ce qui, dans notre vie quotidienne prolonge l’aliénation que
le système capitaliste fait exister dans le travail.
Marx explique que dans le travail, l’ouvrier est aliéné triplement :
on lui vole la marchandise qu’il fabrique
son savoir-faire
son temps libre.
Capital = On fait travailler des gens, et on récupère une toute petite part de l’objet et l’amasse
dans un capital qui va lui permettre de continuer à l’évaluer, investir dans un domaine sans
faire participer ceux qui ont donné cette petite part. Il y a fabrication d’une sorte de
patrimoine sur l’utilisation de travail d’autrui.
Louis Althusser
Marxiste et passeur, il a très vite compris qu’il fallait recourir à la théorie pour revitaliser
l’attrait des jeunes générations pour le marxisme.
Né en 1918 à Birmandreis, Louis Althusser entre à l’Ecole Normale Supérieure en 1939, peu
de temps avant d’être mobilisé, pris dans la débâcle et fait prisonnier. De retour de cinq
années de captivité en Allemagne, il devient agrégé-répétiteur de philosophie à l’ENS, poste
qu’il occupera jusqu’en 1980.
Il adhère au Parti Communiste Français en 1948, tout en continuant à entretenir des liens
étroits avec le catholicisme, lui qui a été membre d’organisations de jeunesse catholiques. Il
publie un premier livre sur Montesquieu en 1959 puis entame une réflexion intense sur Marx
qui va l’amener à proposer une lecture singulière de celui-ci. Il est l’une des figures les plus
marquantes du communisme.
Le premier capitalisme est très violent et réduit presque à l’esclavage. C’est de l’exploitation
de l’homme par l’homme. Pour Marx, il explique que c’est l’histoire qui crée la pensée. Les
gens établissent une continuité dans la réflexion intellectuelle. Les penseurs de la French
Theory sont des antis idéalistes, ils descendent de Marx. Marx dit que la pensée vient du « sol
de l’histoire », c’est du matérialisme dialectique. Il y a une histoire qui a toujours été celle de
l’opposition de classes dominantes et dominée, et cette pensée doivent être prise en compte et
les exploités doivent réagir contre cette exploitation et réagir car ils sont le plus nombreux.
C’est une pensée du milieu XIXème siècle.
Il écrit donc une série d’articles publiés dans des revues philosophiques communistes, qui
deviendront le recueil Pour Marx, publié en 1965 aux éditions François Maspéro. Ce recueil
obtiendra un succès très important, devenant le manuel de marxisme de toute une génération
de jeunes normaliens se destinant à la fois au militantisme et à la carrière universitaire.
La chine devient maoïste et communiste en 1949. Mao, ayant un problème de démographie
chinoise essaye de réduire considérablement le nombre d’habitants du pays. Des technocrates
viennent dicter aux villages comment faire, mais ils se retrouvent à déménager, et finalement
finiront par mourir de faim.
L’un de ces séjours aura lieu au début du mois de mai 1968. A posteriori, il verra dans les
« événements » une « révolte idéologique de masse ».
Toujours considéré comme une référence de premier ordre au début des années 70, Althusser
est aussi embarqué dans le courant structuraliste : il est associé à Lévi-Strauss, Jakobson ou
Lacan parce qu’il s’est intéressé à eux et à leurs méthodes, reprenant certaines inflexions
scientifiques autour de la question d’une structure englobante qui détermine les éléments qui
la contiennent.
En théorie politique, cela donnera son célèbre article sur les « appareils idéologiques d’état »
Ces « appareils idéologiques d’état » sont les outils utilisés par une structure politique pour
infuser partout l’idéologie qui la détermine. Althusser reprend là la distinction
infrastructure/superstructure de Marx pour essayer de distinguer les institutions qui
composent la superstructure, lieu de l’idéologie émanant de l’infrastructure. Pour Althusser,
c’est encore et toujours l’infrastructure, c’est-à-dire la composition économique d’un état
politique, qui impose l’idéologie et formule ce qui est favorable à une organisation du travail
spécifique.
08/10/20
Althusser et le communisme :
Althusser entre au PCF en 1948. Cette même année, malgré le pacte de Varsovie, la
Yougoslavie communiste fait sécession de l’URSS : c’est la rupture Tito-Staline. On
commence partout à se méfier du stalinisme, et la Yougoslavie préfère ne pas s’aligner dans le
bloc de l’Est pendant la Guerre Froide. Bien que Tito soit lui-même un dictateur ayant voulu
réunir de force des populations aux cultures, langues et religions très différentes, le
totalitarisme en URSS fait peur. Il n’y a en effet là-bas pas de multipartisme, aucune liberté
d’expression pour les opposants, pas de presse libre et pas de séparation des pouvoirs
exécutifs, législatifs et judiciaires.
Le PCF reste tout de même très important dans la sphère politique. Le parti compte nombre
d’adhérents et de sympathisants après-guerre, en plus d’une grande influence dans la presse.
On compte même plusieurs victoires aux élections municipales. Dans ces villes les conditions
de vie des ouvriers s’améliorent, la solidarité entre habitants se développe et des services sont
mis en place, bien que l’idéologie communiste ait tendance à s’instiller dans la vie privée, par
la recherche et l’exclusion de tout pro-américain ou libérales. Tout cela montre que la
population française était très politisée. Bien que l’hyper-individualisme ait donné la
possibilité de penser ce que l’on veut, il a aussi mené à la déstructuration politique des
individus.
Althusser essaie à la fin de sa vie de réconcilier communisme et catholicisme. Avant ça, il
s’adonne surtout à des réflexions sur le Marxisme et à la sensibilisation communiste auprès de
ses étudiants. Il rencontre beaucoup d’intellectuels plus jeunes ou de sa génération comme
Foucault et Lacan. A posteriori, on estime qu’il était bipolaire et gravement dépressif, ce
qu’il l’a mené à avoir des cure de sommeil à Sainte-Anne, du repos intensif et forcé jugé
inefficace aujourd’hui.
Dans toute son œuvre, il développe une relecture de l’œuvre de Marx. Bien que la pensée
communiste ait des racines pré-marxistes, c’est Karl Marx et Friedrich Engels qui, avec Le
Manifeste du Communisme (1848), conceptualisent le terme. Ils dénoncent l’état de la société,
théorisent la lutte des classes entre dominés et dominants. Ils émettent aussi l’idée que la
bourgeoisie a remplacé l’aristocratie après avoir utilisé le peuple lors de la Révolution
Française. Ils dénoncent aussi les méfaits du libéralisme que l’économiste anglais Adam
Smith a fondé dans La Richesse des nations (1776). Selon ce dernier, le capitalisme et le
libéralisme économique recherchent l’intérêt de chacun par l’enrichissement. Cependant, le
premier capitalisme duquel Marx est contemporain est très violent et exploite la vie des
ouvriers.
Karl Marx faisait partie de l’école matérialiste en histoire. Il pensait que l’Histoire engendre la
pensée, et non l’inverse. L’Histoire serait en fait la lutte des classes, et quand le prolétariat se
sera réapproprié les marchandises fruits de leur savoir-faire, le capitalisme s’écroulera et ce
sera la fin de l’histoire. Avec la création de la Première et de la Deuxième Internationale,
deux organisations désirant la révolution mondiale, Marx devient activiste. Beaucoup des
penseurs de la French Theory hériteront de sa philosophie.
Avant d’établir ces théories, Marx adoptait une démarche plus idéaliste et humaniste, ce dont
la gauche démocrate non-révolutionnaire s’inspirera. De ces deux moments de la vie de Marx
naîtront deux courants de pensée de la gauche. Eduard Bernstein inventera l’orientation
social-démocrate en pensant que la révolution n’est pas nécessaire et que le capitalisme
pourrait être renversé légalement, par l’élection et les réformes. De l’autre côté, Lénine fonde
le bolchevisme et mène la révolution en Russie. Ces deux visions constituent la gauche des
années 1910 et l’influenceront pendant les années à venir, notamment lors du congrès de
Tours en 1936, où le SFIO social-démocrate et le PCF aligné sur l’URSS se séparent.
Althusser étudiera beaucoup ces deux visions, et finira par mettre de côté le jeune Marx,
préférant le Marx idéologue, scientifique et politique. En 1965, il publie Pour Marx, un
recueil d’articles où il montre la « coupure épistémologique » dans la carrière de Marx et sa
préférence pour la seconde partie. Son ouvrage est publié chez les Éditions Maspero, connu
pour leur engagement à gauche. Ce débat sur les deux Marx est profondément ancré dans les
réflexions des intellectuels de l’époque. À l’ENS, au cours de plusieurs séminaires, il amène
ses étudiants à lire Le Capital (1867), réfléchir le communisme et s’y engager. Parmi ses
étudiants, on trouve Jacques Rancière et Étienne Balibar.
Plusieurs de ses étudiants deviendront des militants maoïstes dans les années 60. En 1949, la
Chine, sous l’égide de Mao Zedong est devenue communiste. Dans un premier temps, elle
s’aligne sur l’URSS et le stalinisme. Après la mort de Staline en 1953, Nikita Khrouchtchev
entame un processus de déstalinisation, et Mao s’éloigne de son voisin soviétique. De son
côté, il a pour volonté de faire passer son pays de 800 millions d’habitants dans l’ère
industriel. En 1958 commence alors la politique du Grand Bon en Avant : les familles rurales
majoritaires sont forcées à se spécialiser dans un pan de l’industrie. Cependant, cette politique
est un échec total. L’agriculture est abandonnée, la campagne des quatre nuisibles est un
échec total et l’économie est durablement déstabilisée. Commence alors une famine qui fera
entre 20 et 40 millions de morts entre 1958 et 1962.
Pour contrer la colère montante du peuple, Mao met en place la campagne des Cents Fleurs.
La liberté d’expression est rétablie et les intellectuels peuvent commencer à exprimer leur
opposition au parti. Mao profite en fait de cette expression pour débusquer ses adversaires et
les évincer, par l’emprisonnement ou l’exécution. Mao lance ensuite la Révolution Culturelle.
Il embrigade la jeunesse dans un culte de la personnalité et la manipule pour créer une armée
supplémentaire : les gardes rouges. Ces derniers deviennent rapidement une milice chargée de
punir tous ceux semblant opposés à Mao.
Alors que l’URSS semble vouloir coexister pacifiquement avec les États-Unis capitalistes,
Mao développe un discours fondamentaliste à propos du communisme. Il prône un retour au
‘’vrai’’ communisme, que l’URSS aurait dévitalisé. Dans le monde entier se créent des
mouvements révolutionnaires comme le Weather Undergound en États-Unis.
Althusser préfère observer de loin les agissements de Mao, mais n’empêche pas ses étudiants
de s’en revendiquer, ne connaissant pas la réalité de la dictature chinoise. Au contraire, il
s’opposera farouchement aux mouvements étudiants réclamant plus de droits comme un
salaire. En effet, il trouvait que ces demandes n’étaient pas au service de la révolution
prolétarienne en faisant des étudiants des « petits-bourgeois ».
En outre, il s’est beaucoup intéressé à la psychanalyse, d’où sa collaboration avec Jacques
Lacan. Althusser mourra après une fin de vie chaotique et le meurtre de sa femme dans une
crise de délire.