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Au cours des années soixante et soixante-dix sera ainsi publiée, au Brésil, une série
d’articles de critique à Althusser : à São Paulo, par des professeurs de l’Université de São Paulo
ressortissants d’un séminaire sur Le Capital (auquel ont participé, entre autres, des noms illustres de
cette université tels que José Arthur Giannotti, Ruy Fausto, Roberto Schwarz, Bento Prado Júnior et
5
Ivi, p. 73.
6
Infranca A., Los Usos de Gramsci en America Latina disponible en http://www.herramienta.com.ar/herramienta-web-
2/los-usos-de-gramsci-en-america-latina.
7
Löwy, M., “Note sur la réception de l’althussérisme en Amérique latine (années 70)”. Contre Althusser, Pour Marx.
Paris, Les Éditions de la Passion, 1999, p. 311.
8
Ivi, p. 314.
Fernando Henrique Cardoso)9 ; et à Rio de Janeiro, par des intellectuels marxistes qui deviendront
connus, après, par leur initiative d’introduire – avec d’autres comme José Chasin – la pensée de
Lukács au Brésil: Leandro Konder, Carlos Nelson Coutinho et José Paulo Netto10.
Ce contexte de l’héritage althussérien a pourtant bien changé dans le cours des dernières
années. Et c’est justement dans l’État de São Paulo qui se déploie l’activité du groupe lié au Cemarx
(Centro de Estudos Marxistas) à l’Université de Campinas. Ce groupe – dont la plupart des
membres sont des lecteurs et auteurs d’écrits inspirés en Althusser (João Quartim de Moraes, Décio
Saes, Armando Boito, Márcio Naves, entre autres11) – développe depuis 1994, avec plusieurs autres
intellectuels marxistes non althussériens, un très bon travail autour de la revue « Crítica Marxista ».
Il s’agit d’une des plus importantes revues marxistes actuellement existantes en Amérique du Sud.
Le même groupe organise aussi, à chaque deux an, celui qui peut probablement être considéré aussi
le plus important congrès international marxiste de l’Amérique du Sud.
En Argentine, un outre groupe d’études marxiste essaie de remettre en discussion l’œuvre de
Louis Althusser. Ce groupe a réalisé quelques séminaires en cherchant une approximation aussi
avec questions de type psychanalytique. Il s’agit de chercheurs tels qu’Emilio de Ípola, Ernesto
Laclau (professeur auprès de l’University of Essex), Bruno Fornillo, Alejandro Lezama, entre
autres. Partie importante de ces chercheurs ont comme interlocuteur Slavoj Zizek.
À propos de la production marxiste en Amérique du Sud il faut souligner, en outre, le poids
de celle héritière de la tradition lukácsienne. Le Brésil occupe dans ce contexte une position de
relief, et pas seulement dans le cadre sud-américain. Depuis la fin des années cinquante, des
ouvrages significatifs dans le domaine de la critique littéraire 12, ainsi que de l’histoire de la
littérature13 ont été produits inspirés de l’œuvre de Lukács. À partir des années soixante, l’intérêt
pour cette œuvre s’étend à quelques philosophes et sociologues qui iront produire une série de
travaux autour de ce versant important du marxisme. Leandro Konder et Carlos Nelson Coutinho
maintiendront des relations épistolaires avec Lukács lui-même14. On peut rappeler, d’ailleurs,
l’assertion de ces deux auteurs selon laquelle «Gramsci è l’ispiratore delle idee politiche dei quali
9
Cf. Giannotti, J. A., Origines de la dialectique du travail, Préface. Paris, Aubier, 1971; Fausto, R., Marx : logique et
politique. Recherches pour une constitution du sens de la dialectique, Paris, Publisud, 1986, pp. 263-264 ; Löwy, M.,
«Gramsci et Lukács. Vers un marxisme antipositiviste» Critique Communiste, 65 (1987), pp. 33-39; Cardoso, F. H.,
“Althusserianismo ou Marxismo? A proposição do Conceito de Classes em Poulantzas”, in O Modelo Político
Brasileiro, São Paulo, Difusão Européia do Livro, 1973, chapitre V.
10
Cf. Coutinho, C. N., O estruturalismo e a miséria da razão. São Paulo, Paz e Terra, 1972.
11
Les réflexions critiques de João Quartim de Moraes à propos de l’humanisme se sont directement inspirées des textes
d’Althusser. Les essais de Décio Saes, A formação do Estado burguês no Brasil (1888-1891), São Paulo, Paz e Terra,
1990; República do Capital: capitalismo e processo político no Brasil, São Paulo, Boitempo, 2001; ainsi que ses écrits
de sociologie de l’éducation, ont comme référence l’œuvre althussérienne de V.C. Beaudelot e R. Establet, L`École
capitaliste en France. Les essais d’Armando Boito sur le bloc au pouvoir et la scène politique, Cena política e
interesses de classe na sociedade capitalista, A hegemonia neoliberal no governo Lula, A burguesia no governo Lula,
sont explicitement inspirés de l’œuvre de Nicos Poulantzas, Pouvoir politique et
classes sociales; et aussi l’œuvre de Márcio Naves sur Pachukanis s’inspire en Althusser.
12
Entre les plus illustres critiques littéraires, les fécondes productions théoriques d’Antonio Candido, auteur de
Formação da Literatura Brasileira (1957), et de son disciple Roberto Schwarz, sont débitrices de la théorie lukácsienne
du roman.
13
En 1960, Nelson Werneck Sodré – un des premiers intellectuels communistes à prendre contact au Brésil avec
l’œuvre lukacsienne –, dans une édition révisée de son História da literatura brasileira, se refère à Lukács comme son
mestre (Cf. Pinassi, M.O., Lessa, S., Lukács e a atualidade do marxismo. São Paulo, Boitempo, 2002). Alfredo Bosi
aussi, dans son livre História Concisa da Literatura Brasileira, s’inspire de Lukács.
14
Konder, L., Coutinho, C.N., «Correpondência com Georg Lukács» in M.O. Pinassi, S. Lessa, Lukács e a atualidade
do marxismo, cit., pp. 133-156. Selon Infranca, « è vero che l’interesse verso Lukács in Brasile ha rappresentato un caso
unico nel panorama filosofico latinoamericano, ma non c’è dubbio che la mappa delle relazioni tra studiosi brasiliani
che è tracciata nell’intervista, descrive una situazione che rivela una maturità di studi che nessun altro paese
latinoamericano può vantare ». (Infranca, A. «Lukács e a atualidade do marxismo», de M.O. Pinassi e S. Lessa /
«Lukács e os limites da reificaçao sobre História e consciência de classe», de Marcos Nobre, in «Herramienta»
(Buenos Aires) n. 24, 2003-2004; cet article est disponibile aussi dans l’adresse internet
http://www.herramienta.com.ar/revista-herramienta-n-24/lukacs-e-atualidade-do-marxismo-m-o-pinassi-e-s-lessa-
lukacs-e-os-limites-d).
abbiamo necessità; ma Lukács, sul piano filosofico, è il nostro maestro». La bibliographie inspirée
ou fondée directement sur l’œuvre lukacsienne est depuis lors remarquable 15, ainsi que l’intérêt des
nouvelles générations pour cette œuvre. Pour en donner une idée, on peut mentionner le congrès sur
Lukács réalisé dans l’État de São Paulo en 2009, lequel a compté avec une très grande participation
d’étudiants, venus de plusieurs autres régions même très lointaines du pays.
Il faut dire que c’est surtout grâce au travail de José Chasin – intellectuel marxiste dont la
carrière a été interrompue par son décès en 1998 – que Lukács est étudié, aujourd’hui, dans
plusieurs universités, et pas seulement ses écrits d’esthétique, mais principalement ceux de Sur
l’Ontologie de l’Être Social. Ces études ont lieu dans plusieurs régions du Brésil, mais c’est dans
l’État de Minas Gerais qui se trouve le principal groupe d’études sur Marx d’influence lukácsienne,
fondé par José Chasin e Ester Vaisman en 1986. Lecteur infatigable de Lukács et de Marx, Chasin a
laissé une vaste production autour des problèmes brésiliens et de l’analyse de la politique
brésilienne du golpe militaire en 1964 jusqu’à l’élection de Fernando Henrique Cardoso 16. Son écrit
le plus important, dans lequel il expose sa lecture de l’œuvre marxienne à travers une confrontation
fondamentale avec l’interprétation lukácsienne – Marx, estatuto ontológico e resolução
metodológica – a été republié récemment au Brésil, et sa traduction italienne est sortie récemment
aussi par la maison d’édition Mimesis à Milan. Dans ce livre, il met en relief principalement le
caractère ontologique de l’œuvre marxienne et la nécessité de rejeter, par un côté, les lectures
fondées sur l’aspect épistémologique, et de l’autre, l’attention prioritaire donnée à la sphère
étatique-politique. Avec Nelson Werneck Sodré et d’autres, Chasin a fondé, en 1977, la revue
Temas de Ciências Sociais. Et entre les années soixante et quatre-vingt-dix, il a dirigé les maisons
d’édition Senzala, Ensaio et Ad Hominen, par lesquelles il publiera, tout d’abord, Existentialisme
ou Marxisme? et ensuite, Pensée Vécue, parmi d’autres textes de Lukács, tout comme une partie
considérable de l’œuvre de son disciple de l’école de Budapeste István Mészáros17.
En Argentine, la répercussion de l’œuvre de Lukács a été un peu moindre qu’au Brésil. D’après
Miguel Vedda, la production lukacsienne a été vaste, mais est restée renfermée surtout dans le
domaine de la critique littéraire. Des traductions d’essais politiques de Lukács ont été publiées par
José Aricó, dans la revue Pasado y Presente qui, avec Contorno – «una delle riviste letterarie più
importanti della storia culturale argentina»18 –, a été une des plus grandes responsables de la
diffusion de la pensée de Lukács dans ce pays. « Buona parte dell’‘intelligentsia’ argentina di quelli
anni, leggerà Lukács attraverso le lenti di Lucien Goldman »19, ainsi que de Jean Paul Sartre et de
Maurice Merleau-Ponty. Mais ce quadre est en train de changer aussi : « Se l’auge del post-
modernismo durante gli anni Novanta implicò una transitoria perdita di interesse per il marxismo,
l’anno 2001 segnò, per le attività centrate su Lukács – come in generale per l’Argentina –, un punto
di svolta significativo: è da quell’anno che, grazie al lavoro del filosofo italiano Antonino Infranca
(residente allora in Argentina), e al mio modesto apporto, fu possibile dare maggior sviluppo alla
ricezione argentina del filosofo ungherese »20. Une série de congrès internationaux ont eu lieu à
l’Université de Buenos Aires et plusieurs œuvres de Lukács ont été publiées récemment dans ce
15
Exclusivement à titre indicatif, nous pouvons mentionner le livre de L. Konder, Os marxistas e a arte (1967) et son
essai «Lukács e a arquitetura» (1978); ce même auteur a publié aussi une bibliographie suivie d’une anthologie de
textes: Lukács, Porto Alegre, L&PM, 1980; de M. Löwy, Per una sociologia degli intellettuali rivoluzionari.
L’evoluzione politica di Lukács 1908-1929 (1976); de E. Vaisman, «A ideologia e sua determinação ontológica»,
Ensaio, São Paulo, Ensaio, 17/18, 1989, et «A obra tardia de Lukács e os revezes de seu itinerário intelectual».
Trans/Form/Ação vol.30 no.2, Marília 2007; l’anthologie éd. par R. Antunes et W. L. Rêgo, Lukács. Um Galileu no
século XX. São Paulo, Boitempo, 1996; de C. Frederico, Lukács, um clássico do século XX. São Paulo, Moderna, 1997;
de J.P. Netto, Lukács, o guerriero sem repouso. São Paulo, Brasiliense, 1983, entre plusieurs autres.
16
Chasin, J., O integralismo de Plínio Salgado : forma de regressividade no capitalismo hípertardio, São Paulo,
Ciências Humanas, 1978; A miséria brasileira: 1964-1994, Santo André, Ad Hominen, 2000; etc.
17
A necessidade do controle social (1987), Produção destrutiva e estado capitalista (1989), A obra de Sartre (1991),
Filosofia, idelologia e ciência social (1993), O poder da ideologia (1996).
18
Vedda, M. “Sulla circolazione di Lukács in Brasile e in Argentina”. Marxismo oggi. Milano, Teti, 2008/3, p. 20.
19
Ibidem
20
Ivi, p. 22.
pays. La création de la homepage “György Lukács – Pensamiento vivido”, dans le site
www.herramienta.com.ar, semble attester aussi la réalité de ces changements et du renouvellement
de l’intérêt envers le philosophe hongrois.