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Histoire COMMUNISME

Article détaillé : Histoire du communisme.

Origines[modifier | modifier le code]


Ancêtres du socialisme et du communisme[modifier | modifier le code]

Médaillon à l'effigie de Thomas More.

Gracchus Babeuf.

Le concept de communisme désigne tout d'abord l'idée de mise en commun des biens matériels,
puis par extension une organisation sociale où la propriété privée serait absente. On trouve des
ancêtres lointains et indirects du communisme et du socialisme dans la pensée antique,
notamment chez Platon qui imagine dans La République une cité idéale, divisée en trois classes,
et dont les dirigeants mettraient leurs biens en commun. Il ne s'agit nullement d'une société
égalitaire, seule l'élite de la cité étant concernée. Sparte qui, selon Plutarque aurait mis en place
un régime de communauté de biens au sein de sa classe dirigeante, est un autre exemple de
cette forme de « communisme » antique102. Le concept de partage des biens est également
présent dans la pensée chrétienne103, et tout particulièrement, sous la Renaissance, dans
des hérésies issues notamment de l'anabaptisme. Au XVIe siècle, durant la guerre des Paysans
allemands, l'idéologue millénariste Thomas Münzer prône la constitution de « communautés de
saints », où tout serait partagé104. Par la suite, des anabaptistes, inspirés par les idées de
Münzer, animent à Münster en 1534-1536 un régime théocratique fondé sur la communauté des
biens105.
Durant les siècles suivants, l'idée d'une société égalitariste basée sur le partage des biens
constitue un élément essentiel du courant de pensée utopiste. Le philosophe et
théologien Thomas More signe en 1516 le livre Utopia qui constitue le modèle de la littérature
utopiste : il y décrit un pays idéal où règne l'harmonie. En 1602, le moine Tommaso
Campanella publie La Cité du Soleil, autre ouvrage fondateur du courant. More comme
Campanella s'inspirent nettement de La République de Platon106,107,108. L'imaginaire utopique
continue de nourrir la critique sociale radicale, avec comme point commun le fait de considérer la
propriété privée comme une source d'injustice : on retrouve cette idée chez des auteurs
des Lumières comme le curé Meslier, Morelly, Dom Deschamps ou Godwin109,110.
En France, sous le Directoire, Gracchus Babeuf mène en 1796 la conjuration des Égaux 111. Très
proche, sur le plan des idées, du communisme au sens contemporain du terme, Babeuf
préconise une société égalitaire, fondée sur l'abolition de la propriété particulière. Il prône par
ailleurs la prise du pouvoir via un coup de force organisé par un état-major secret incarnant
l'avant-garde révolutionnaire. Pour l'historien Michel Winock, la méthode de Babeuf annonce
celles de Blanqui et de Lénine ; plus largement, Winock voit dans la Révolution française la
prémisse de divers éléments du socialisme et du communisme, sur les plans des idées et de la
pratique112,113,114. Philippe Buonarroti, camarade de Babeuf, s'emploie par la suite à diffuser les
idées « babouvistes »115. Restif de la Bretonne, à la même époque, contribue à donner son sens
contemporain au mot communisme, qu'il rattache à la pensée de Babeuf116.
Le communisme au sein du mouvement socialiste[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Socialisme.

Articles connexes : Socialisme utopique, Social-démocratie, Blanquisme, Anarcho-


communisme et Histoire de l'anarchisme.

Le drapeau rouge, utilisé comme symbole du mouvement ouvrier à partir du XIXe siècle.
Étienne Cabet.

Durant les premières décennies du XIXe siècle, l'idée communiste se rattache au


courant socialiste, qui se développe alors dans le contexte de la révolution industrielle et des
bouleversements sociaux et économiques qui l'accompagnent. Le socialisme naît sous la forme
d'une école de pensée anticapitaliste, qui vise à résoudre la question sociale en améliorant le
sort de la classe ouvrière : il devient une expression politique du mouvement ouvrier. L'idée d'une
société fondée sur le partage des biens matériels est très présente dans le courant pré-
marxiste du « socialisme utopique » : le Britannique Robert Owen, inspirateur du courant
dit « oweniste », prône l'auto-suffisance des ouvriers au sein de communautés coopératives et
tente de mettre ses idées en pratique dans des expériences comme celle de New
Harmony aux États-Unis117,118.

Karl Marx et Friedrich Engels.

Au sein du mouvement socialiste, le terme communistes tend à désigner, dans les années 1840,
un ensemble de tendances radicales, principalement celles qui insistent sur notion de lutte des
classes et qui ne comptent pas sur la bonne volonté des classes dominantes pour changer la
société. Babeuf demeure une « figure mythique » et une référence commune pour les tout
premiers « communistes », bien que certains se démarquent de son œuvre et de son
action4. Auguste Blanqui, notamment, envisage une révolution violente, qui se traduirait par
une dictature du prolétariat avant le passage à une société communiste29,119,4.
L'échec de la tentative d'insurrection de Blanqui, en 1839, sonne le glas d'une certaine
mythologie révolutionnaire. Il amène les intellectuels socialistes à considérer que la réalisation
d'une nouvelle société ne peut plus dépendre d'une action purement « militaire ». En France, on
voit alors se développer un ensemble de courants cherchant à analyser la société de
manière « scientifique », ou s'orientant vers des formes de mysticisme4. Le
mot « communisme » lui-même est popularisé par des écrivains comme le Français Étienne
Cabet. Ce dernier, auteur du livre Voyage en Icarie dans la tradition de More et de Campanella,
rejette l'idée de lutte des classes et se réclame d'une forme de communisme chrétien. Il attire
autour de lui de nombreux disciples avec qui il se lance, aux États-Unis, dans une expérience
de vie communautaire sur le modèle de l'Icarie, qui tourne cependant au désastre29,4.
En Allemagne, le socialisme se diffuse d'abord dans les milieux intellectuels, sous l'influence des
Français. En 1836, à Paris, des socialistes allemands en exil fondent, à l'initiative de Wilhelm
Weitling, la Ligue des justes, qui prône un communisme empreint de mysticisme chrétien,
comparable à celui des anabaptistes. Cette idéologie de type religieux, apparentée à
l'« icarisme » de Cabet, est empreinte de principes non-violents120. En juin 1847, la Ligue des
justes prend le nom de Ligue des communistes sous l'impulsion de Karl Marx et de Friedrich
Engels. D'abord liée à la Société des saisons blanquiste, elle se veut internationaliste et adopte
comme devise le mot d'ordre « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ». En février 1848,
Marx et Engels publient la « profession de foi » du mouvement, intitulée Manifeste du parti
communiste. Les auteurs posent les bases d'une conception à visée scientifique du socialisme ;
ils affirment en outre une orientation nettement révolutionnaire et rejettent tant le « socialisme
utopique » que les conceptions chrétiennes du communisme. L'idée communiste, telle que la
conçoivent Marx et Engels, est désormais associée à l'athéisme121,122.

Le Capital, principal ouvrage d'économie politique de Karl Marx.

Les idées socialistes apparaissent au premier plan de la politique européenne lors du Printemps
des peuples. L'échec des insurrections de 1848 ne donne qu'un coup d'arrêt provisoire à la
diffusion du socialisme, qui continue de se développer en Europe parallèlement au syndicalisme.
En 1864, plusieurs organisations socialistes se réunissent au sein de l'Association internationale
des travailleurs (ou Première Internationale), dont Marx rédige les statuts provisoires.
L'Internationale se défait avec le temps, du fait notamment des divisions entre les partisans de
Marx et ceux de l'anarchiste Mikhaïl Bakounine, mais les idées socialistes continuent de
progresser123,124. L'épisode de la Commune de Paris de 1871 contribue à entretenir une
mythologie révolutionnaire dans l'imaginaire socialiste et, plus tard, communiste125.
Le marxisme, courant de pensée dérivant des œuvres de Marx et Engels et qui se présente
comme un « socialisme scientifique », acquiert durant le dernier quart du XIXe siècle une position
dominante au sein du socialisme européen, bien que son degré d'influence soit inégal selon les
pays. Si le terme communisme continue de faire partie du vocabulaire socialiste et d'être
revendiqué par d'autres tendances politiques, comme l'anarcho-communisme, il ne désigne pas
alors un courant de pensée distinct, et connaît une certaine désuétude126,127. En France, le
marxisme est surtout présent chez les guesdistes. Au Royaume-Uni, il a peu de poids chez les
travaillistes. Les idées marxistes sont au contraire dominantes chez les sociaux-
démocrates allemands, autrichiens et russes127.
À la fin du XIXe siècle, dans la majorité des pays européens, le socialisme évolue sensiblement
vers le réformisme. Le conflit entre réformistes et révolutionnaires se déclare notamment en
Allemagne. Eduard Bernstein, l'un des principaux idéologues du Parti social-démocrate
d'Allemagne (SPD), ayant constaté que les prédictions de Marx sur l'effondrement du capitalisme
ne se réalisaient pas, préconise en effet un dépassement du marxisme. Il juge que les socialistes
doivent cesser de se voir comme le parti du prolétariat et devenir un vaste parti démocratique, qui
représenterait également les classes moyennes, et que la social-démocratie doit renoncer à la
révolution pour aspirer simplement à une plus grande justice sociale. La « querelle
réformiste » (Reformismusstreit) tourne au désavantage des thèses de Bernstein, qui sont
condamnées en 1899 lors du congrès du SPD. Mais malgré cette défaite apparente des
thèses « révisionnistes », le socialisme européen n'en continue pas moins de se recentrer, avec
comme conséquence un décalage croissant entre un discours toujours officiellement
révolutionnaire et une pratique de plus en plus réformiste127. Il conserve néanmoins une aile
d'extrême gauche, qui compte en Allemagne Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht parmi ses
représentants. Rosa Luxemburg se distingue notamment en prônant une révolution prise en main
par le prolétariat lui-même, partis et syndicats devant se contenter d'« éclairer » les ouvriers sans
prétendre les diriger128.

Lénine, vers 1900.

L'Empire russe, qui est toujours, à la fin du XIXe siècle, une monarchie absolue, connaît contexte
particulier. Les militants socialistes y sont réprimés, et le courant révolutionnaire est
particulièrement fort. Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), formé en 1898 lors
d'un congrès clandestin qui ne réunit que neuf participants, est contraint de s'organiser dans
l'illégalité et l'exil. De nombreux révolutionnaires russes sont dispersés à travers l'Europe et,
jusqu'en 1905, le mouvement socialiste russe demeure illégal129,130,131. C'est dans ce contexte
qu'en 1902, Vladimir Oulianov, dit « Lénine », publie le traité politique Que faire ?, dans lequel il
prône notamment l'organisation de la révolution par un parti clandestin, hiérarchisé et discipliné,
qui constituerait l'avant-garde du prolétariat132,133. Léon Bronstein, dit « Trotski », rejoint à la même
époque les milieux socialistes exilés134. Le mouvement socialiste russe connaît, dans les
premières années du XXe siècle, de profondes divisions et conflits incessants : dès le second
congrès du POSDR, en 1903, les partisans de Martov s'opposent à ceux de Lénine. Les premiers
reçoivent le nom de mencheviks (« minoritaires »), et les seconds
de bolcheviks (« majoritaires »)135,136.
La révolution russe de 1905 éclate en janvier ; à partir du mois de mai, des travailleurs et soldats
russes s'organisent en conseils (en russe : Soviets)137. Les émigrés politiques, parmi lesquels
Trotski et Lénine, rentrent progressivement en Russie pour tenter de profiter de cette révolte
spontanée. Une tentative d'insurrection est écrasée à Moscou et le mouvement révolutionnaire
décline ensuite dans l'ensemble de la Russie138,139. Si les principaux chefs révolutionnaires sont à
nouveau contraints à l'exil, les partis socialistes sont cependant légalisés : bolcheviks et
mencheviks ont désormais des députés à la Douma. Des militants bolcheviks demeurés en
Russie - parmi lesquels Joseph Djougachvili, connu sous les pseudonymes de « Koba » puis
de « Staline » - contribuent à financer le mouvement par des activités illégales140,141. Le parti
socialiste russe demeure en outre irrémédiablement divisé entre bolcheviks et mencheviks142.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, l'Internationale ouvrière apparait impuissante et
discréditée. La majorité des partis socialistes européens soutiennent en effet la politique belliciste
de leurs pays respectifs143. Lénine espère pour sa part sur une défaite de la Russie, car cela
pourrait y faciliter la révolution144. Mais sa ligne demeure minoritaire en Europe, y compris chez
les socialistes opposés à la guerre. Les bolcheviks — dont beaucoup de militants et l'ensemble
des députés sont alors arrêtés en Russie — semblent éloignés, à l'époque, de toute perspective
d'accès au pouvoir145,146.

Naissance du régime bolchevik et de l'URSS[modifier | modifier le code]


Révolution en Russie[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Révolution russe et Révolution d'Octobre.
Durant le conflit mondial, l'Empire russe souffre durement des combats sur le Front de l'Est.
L'économie du pays s'effondre, portant le coup de grâce au régime tsariste, déjà politiquement
discrédité. En 1917, au début du mois de mars (fin février selon le calendrier julien) éclate
la révolution de Février, premier acte de la révolution russe. Des députés de la Douma créent un
comité destiné à servir de gouvernement provisoire ; dans le même temps est formé le Soviet
des députés ouvriers et des délégués des soldats de Petrograd, sur le modèle des conseils de la
révolution de 1905. Le tsar Nicolas II abdique. Si certains mencheviks et socialistes
révolutionnaires ont participé à cette révolution spontanée, les bolcheviks n'y ont jusqu'ici tenu
aucun rôle147. Alors que la Russie est toujours en guerre, le gouvernement provisoire, dirigé
par Gueorgui Lvov puis par Aleksandr Kerenski, préfère attendre la convocation d'une assemblée
constituante pour mener les réformes comme la redistribution des terres. En outre, le Soviet de
Petrograd lui dispute la réalité du pouvoir148,149.

Timbre soviétique commémorant la révolution d'Octobre.

Avec l'aide du commandement allemand qui souhaite contribuer à déstabiliser la Russie en y


faisant entrer des fauteurs de trouble potentiels, Lénine et d'autres révolutionnaires exilés
retournent sur le sol russe. En chemin, Lénine rédige un document connu ensuite sous le nom
de Thèses d'avril, qu'il présente dès son arrivée à la réunion des bolcheviks150,149 : il y préconise le
remplacement du gouvernement provisoire par un cabinet socialiste, ainsi que la redistribution
des terres aux paysans, l'arrêt de la guerre, l'auto-détermination des peuples et la transformation
des Soviets de travailleurs en organes de gouvernement151 ; il prône également « la création
d'une Internationale révolutionnaire (...) contre les social-chauvins et contre le « centre » », et le
contrôle des Soviets par le Parti. Les bolcheviks, qui entretiennent l'agitation152, prennent le
contrôle des détachements armés des Soviets, bientôt baptisés gardes rouges153. Mais
l'insurrection des journées de juillet est un échec total154 ; Lénine doit se réfugier en Finlande. En
son absence, les bolcheviks continuent de profiter du chaos politique et gagnent des élus aux
Soviets, aux comités d'usine et dans les syndicats. En août, la contre-offensive sur le front de
l'Est, décidée par Kerenski, est un désastre qui discrédite le gouvernement provisoire155. En
septembre, Trotski, désormais allié aux bolcheviks, est élu président du Soviet de Petrograd156.

Portrait de Vladimir Ilitch Lénine par Isaak Brodsky.

Durant son séjour en Finlande, Lénine rédige L'État et la Révolution, ouvrage dans lequel il
théorise le passage du stade d'un État bourgeois à celui d'un « État prolétarien », qui, après une
phase de dictature du prolétariat provisoire, s'éteindra ensuite de lui-même pour aboutir à la
phase du communisme ; il n'y aborde que furtivement la question de l'usage de la violence,
considérant qu'il ne faudra réprimer qu'une « minorité d'exploiteurs »157,158. Il envisage par ailleurs
le remplacement du nom « bolcheviks » par celui de Parti communiste159.
Au début du mois d'octobre, Lénine revient clandestinement en Russie. Il plaide auprès de son
parti pour une prise du pouvoir par la force, avant que le deuxième congrès panrusse des Soviets
puisse se réunir et former un gouvernement de coalition qui priverait les bolcheviks du monopole
du pouvoir160. L'insurrection est décidée : Trotski se charge de créer un Comité militaire
révolutionnaire du Soviet de Petrograd161. Dans la nuit du 24 au 25 octobre (7 novembre du
calendrier grégorien), les troupes du Soviet s'emparent des bâtiments stratégiques de la capitale
et Kerenski prend la fuite. Au matin du 25 octobre, Lénine proclame le renversement du
gouvernement provisoire162,163. Quelques heures plus tard, le deuxième congrès des Soviets
s'ouvre : les mencheviks, les SR et le Bund s'en retirent pour protester contre le coup de force
des bolcheviks. Ils laissent ainsi les mains libres à Trotski, qui fait adopter un texte condamnant
les SR et les mencheviks. Peu après, le congrès adopte un texte rédigé par Lénine, qui
attribue « tout le pouvoir aux Soviets » : le pouvoir est cependant dans les faits détenu par les
bolcheviks, à qui le retrait des autres partis permet de s'attribuer la légitimité populaire. Le
lendemain, Lénine prend la tête d'un gouvernement composé de bolcheviks, le Conseil des
commissaires du peuple (Sovnarkom). D'emblée, les bolcheviks prennent des mesures
autoritaires en interdisant des journaux d'opposition164.
Fin novembre, lors de l'élection de l'assemblée constituante, les socialistes-
révolutionnaires remportent la majorité, devançant largement les bolcheviks165 ; en janvier 1918,
la constituante est déclarée dissoute par le Sovnarkom dès le lendemain de sa première session.
Le Congrès des Soviets et l'ensemble des Soviets sont mis sous contrôle du gouvernement
bolchevik. Un décret sur la terre, qui légitime les confiscations des terres de grands propriétaires
survenues depuis 1917, permet aux bolcheviks d'obtenir, pendant un temps, le soutien d'une
grande partie de la paysannerie164.
Survie du pouvoir soviétique[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Guerre civile russe, Terreur rouge (Russie), Communisme de
guerre, Nouvelle politique économique et Union des républiques socialistes soviétiques.
Le régime des bolcheviks est encore très instable : la Russie reste en guerre contre les Empires
centraux, et le nouveau gouvernement est incapable de se défendre malgré la transformation de
la Garde rouge en Armée rouge. Pour éviter l'effondrement, Lénine décide en mars de signer une
paix séparée avec les Empires centraux : le traité de Brest-Litovsk sauve le nouveau régime, au
prix de la perte de la Biélorussie, de l'Ukraine et des pays baltes. En interne, Lénine doit
composer avec l'opposition de personnalités comme Trotski, Nikolaï Boukharine et Karl Radek,
qui souhaitaient une « guerre révolutionnaire » que le nouveau régime n'a pas les moyens de
mener. À la même période, lors du septième congrès des bolcheviks, le Parti est rebaptisé Parti
communiste de Russie (bolchevik), afin de souligner son aspect révolutionnaire et de se
distinguer des autres socialistes166. Après la paix coûteuse avec les Empires centraux, les
bolcheviks doivent encore se battre sur plusieurs fronts : les socialistes-révolutionnaires de
gauche, jusque-là alliés des bolcheviks, entrent en rébellion ; les Armées
blanches, soutenues par les Alliés, font quant à elles peser une grave menace sur le nouveau
pouvoir ; les territoires de l'ex-Empire russe sombrent dans une guerre civile d'une extrême
violence. Pour survivre, le gouvernement bolchevik improvise une organisation militaire, et un
mode de fonctionnement économique appelé « communisme de
guerre ». Trotski professionnalise et réorganise l'Armée rouge au prix d'une discipline
impitoyable, et fait encadrer les troupes par des Commissaires politiques garants de la ligne
idéologique. Les partis d'opposition sont interdits, et un vaste programme
de nationalisations permet d'étatiser et de mobiliser l'économie. Des réquisitions agricoles sont
pratiquées pour assurer le ravitaillement, provoquant des insurrections dans la paysannerie :
Lénine, qui les attribue aux seuls paysans riches (« koulaks »), ordonne de les réprimer avec la
plus grande violence167,168.
Les institutions autonomes nées de la révolution (Soviets, comités d'usine, syndicats) sont
subordonnées au Parti : le régime s'emploie ensuite à dominer l'ensemble de la société civile, via
une bureaucratie grandissante dont les membres reçoivent le nom d'apparatchiks. Le monde
du travail est mis sous contrôle : les ouvriers, censés être au pouvoir par l'entremise du Parti, se
voient refuser le droit de grève. Le régime s'appuie également sur une police politique, la Tchéka,
dirigée par Félix Dzerjinski : la peine de mort, abolie quelques mois plus tôt, est rétablie.
La famille du tsar est massacrée, et les opposants réprimés. La répression à grande échelle ne
débute vraiment qu'après que Lénine réchappe, le 30 août 1918, à une tentative d'assassinat par
la SR Fanny Kaplan168. Le 5 septembre, le Conseil des commissaires du peuple décrète une
politique de Terreur rouge visant les contre-révolutionnaires et les « ennemis de classe »169 :
la Tchéka et l'Armée rouge mènent une campagne de répression d'une violence et d'un arbitraire
extrêmes, qui se déroule en parallèle aux massacres commis par les Blancs170. À partir de 1921,
le clergé russe est victime de massacres171. Un système de camps est mis en place pour y
détenir prisonniers, déserteurs, « otages issus de la haute bourgeoisie », fonctionnaires de
l'ancien régime, etc., arrêtés à titre préventif et enfermés sans jugement172. La forte présence
de Juifs parmi les chefs bolcheviks donne par ailleurs naissance à la thèse antisémite du « judéo-
bolchevisme », qui assimile les communistes aux Juifs. De nombreux pogroms sont commis
pendant la guerre civile, notamment lors de la terreur blanche173.

Contre-offensive de l'Armée rouge contre l'Armée blanche de Koltchak, à l'hiver 1919.


En 1919-1920, les bolcheviks parviennent à triompher du gros des armées blanches, auxquelles
les Alliés, tout juste sortis de la guerre mondiale, n'ont apporté qu'une aide limitée. Ils doivent
cependant toujours affronter les divers gouvernements indépendantistes - notamment
en Ukraine - les anarchistes de Nestor Makhno, mais aussi, jusqu'en 1923, les « armées
vertes » des paysans révoltés174,175. Les bolcheviks reprennent le contrôle d'une majorité des
anciens territoires impériaux, où sont proclamées des Républiques socialistes soviétiques.
Les pays baltes, la Finlande et la Pologne orientale leur échappent cependant : la défaite contre
les Polonais lors de la guerre de 1919-1921 marque notamment un reflux pour la Russie
soviétique, qui avait un temps espéré y étendre la révolution. Né dans des circonstances très
précaires, le premier État communiste de l'Histoire survit in fine au chaos politique et à la guerre
civile173.
L'économie de la Russie soviétique est, à la fin de la guerre civile, dans un état désastreux, du
fait notamment de l'application improvisée du communisme de guerre. Les insurrections
paysannes, dont la révolte de Tambov est l'une des plus importantes, redoublent d'intensité.
Une terrible famine sévit dans plusieurs régions. Le Parti communiste connaît outre de vifs débat
internes : l'Opposition ouvrière réclame que la gestion de l'industrie soit confiée aux syndicats,
une position que Lénine dénonce comme de l'« anarcho-syndicalisme »176. Trotski, lui, souhaite la
fusion des syndicats avec l'appareil d'État et une gestion militarisée de l'économie177.

Premier blason de l'URSS.

En mars 1921, le gouvernement bolchevik doit affronter la révolte de Kronstadt. Sur ordre
de Trotski, l'insurrection est écrasée ; la répression fait plusieurs milliers de victimes et de
condamnations à mort ou à la déportation177. Cet épisode achève de sonner le glas de
l'anarchisme en Russie où les libertaires, initialement ralliés au régime bolchevik, ont été
réprimés dès 1918178. Les bolcheviks se consacrent ensuite à la chasse aux opposants
socialistes-révolutionnaires et mencheviks, et à la lutte contre les grèves et le « laisser-
aller » ouvrier, au combat contre les insurrections paysannes, et à la répression contre l'église179.
C'est dans ce contexte que le Xe congrès du Parti communiste entreprend de réorganiser le
fonctionnement du régime et de l'économie du pays. Les factions au sein du Parti sont interdites,
tandis qu'une résolution, adoptée sous l'impulsion de Lénine, élève le rôle dirigeant du parti
unique au rang de composante du marxisme. Les révoltes, dont celle de Kronstadt, ayant montré
l'urgence de procéder à des réformes et d'améliorer les conditions de vie de la population, Lénine
parvient à faire adopter par le Parti son projet de Nouvelle politique économique (NEP), qui met
fin au communisme de guerre. Le commerce extérieur est libéralisé et la création de petites
entreprises privées autorisée. Lénine entend ainsi assurer une transition vers le socialisme180,177.
Le XIe congrès, en 1922, poursuit la réorganisation du Parti : Joseph Staline devient Secrétaire
général, fonction apparemment technique mais qui lui permet de contrôler les nominations de
cadres et de constituer un réseau. Le 30 décembre 1922, l'Union des républiques socialistes
soviétiques (URSS) naît d'un traité qui réunit au sein d'une fédération la république socialiste
fédérative soviétique de Russie et les autres Républiques socialistes soviétiques issues de l'ex-
Empire russe181.
Le nouvel État normalise progressivement ses relations internationales : dès 1922, le traité de
Rapallo établit des relations diplomatiques et commerciales avec l'Allemagne de Weimar.
L'ensemble des pays occidentaux noue ensuite des contacts avec l'URSS. À partir de 1924,
Staline s'oppose à la ligne de Trotski ; ce dernier prône une « révolution permanente », soit
l'exportation à court terme du modèle soviétique par le biais d'une révolution internationale,
condition indispensable à ses yeux pour bâtir le « socialisme ». Staline impose au contraire la
politique du « socialisme dans un seul pays », qui vise à consolider en priorité
le « socialisme » dans la seule URSS afin de se donner les moyens de réaliser plus tard la
révolution mondiale182.

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