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Évènements de 1956 en Pologne et en Hongrie

Articles connexes : Soulèvement de Poznań en 1956 et Insurrection de Budapest.

Le drapeau hongrois, dont le symbole communiste a été retiré, lors de l'insurrection de Budapest.

Les répercussions de la déstalinisation lancée par Khrouchtchev se font sentir dans l'ensemble
du bloc de l'Est, mais ont des conséquences particulièrement importantes en République
populaire de Pologne et en République populaire de Hongrie. Après avoir entendu l'allocution de
Khrouchtchev au congrès du PCUS, le dirigeant polonais Bolesław Bierut tombe malade,
apparemment victime d'un infarctus, et meurt à Moscou457. Edward Ochab, qui lui succède,
entame une relative libéralisation458. Plusieurs dizaines de milliers de prisonniers politiques sont
libérés, parmi lesquels Władysław Gomułka et ses alliés. En juin, une manifestation ouvrière
à Poznań dégénère en véritable soulèvement, vite réprimé par l'armée polonaise ; l'agitation
populaire s'accroît néanmoins et des cadres de l'appareil du Parti ouvrier unifié
polonais réclament bientôt le retour au pouvoir de Gomułka. Au cours des bouleversements
d'octobre, Gomułka revient à la tête du Parti, avec l'appui des Soviétiques qui souhaitent éviter
une situation comparable à la crise hongroise. Gomułka, attaché aux intérêts nationaux de son
pays, bénéficie alors d'un réel soutien populaire. Mais, bien qu'annonçant un programme de
réformes, il garantit aux Soviétiques qu'il ne touchera pas à leurs intérêts en Pologne : la
démocratisation polonaise demeure limitée459,457.
En Hongrie, la situation évolue au même moment de manière bien plus dramatique : en
juillet 1956, Mátyás Rákosi doit, sous la pression des Soviétiques, céder à Ernő Gerő la tête
du Parti des travailleurs hongrois. László Rajk est réhabilité au mois d'octobre, sept ans après
son exécution. Le 22 octobre, une manifestation étudiante débouche sur la publication d'un
manifeste révolutionnaire qui réclame le départ des staliniens et le retour au pouvoir du
réformateur Imre Nagy. Le lendemain, la statue de Staline au centre de Budapest est abattue ;
l'agitation vire bientôt à l'insurrection ouverte. Imre Nagy, redevenu chef du gouvernement, est
d'abord réticent face au mouvement, mais évolue bientôt vers un soutien aux contestataires. Fin
octobre, il forme un gouvernement de coalition avec des non communistes ; le 31 octobre, il
annonce le départ de la Hongrie du Pacte de Varsovie et proclame la neutralité du pays. Les
Soviétiques décident alors de reprendre le contrôle et font intervenir l'Armée rouge, qui écrase le
soulèvement. János Kádár, qui avait soutenu Nagy, accepte de former un nouveau
gouvernement favorable à l'URSS. Nagy est jugé à huis clos, puis pendu459,457.
Poursuite de la déstalinisation et rupture avec la Chine[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Campagne des Cent fleurs et Rupture sino-soviétique.
Mao Zedong et Nikita Khrouchtchev en 1958.

Les événements de Hongrie ont un effet désastreux sur l'image de l'URSS, qui se trouve encore
dégradée dans le monde entier, quelques mois après la révélation des crimes de Staline. Dans le
monde entier, les partis communistes perdent à nouveau de nombreux militants et
sympathisants ; certains, comme le PCF et le PCI conservent cependant un poids électoral
important. Le PCF, initialement décontenancé, se convertit à la déstalinisation ; le PCI affirme
progressivement une liberté de ton et une autonomie accrues457,460.

Statue du « Grand leader » Kim Il-sung à Pyongyang, Corée du Nord.

La déstalinisation a également des conséquences en République populaire de Chine : le Parti


communiste chinois adopte en 1956 un mode de fonctionnement plus collégial ; la pensée Mao
Zedong disparaît temporairement des statuts officiels. Deng Xiaoping devient secrétaire général
du Parti, dont Mao demeure le président461. Le contrôle policier de la population demeure
cependant rigide. Le laogai, un système de camps comparable au goulag soviétique, est créé :
selon des estimations très approximatives, plusieurs dizaines de millions de prisonniers y
auraient transité au fil des décennies462. La collectivisation agricole est accélérée, mais la logique
productiviste conduit à un échec économique ; le malaise social et politique s'accroît en Chine463.
Mao prend acte des difficultés et décrète, en février 1957, une « campagne de rectification » -
dite « campagne des cent fleurs » - en encourageant la critique sur l'action du Parti. Cette
initiative aboutit cependant, dans les milieux intellectuels et étudiants, à un nombre si important
de critiques que Mao finit, dès l'été, par faire réprimer les contestataires au cours de
purges « anti-droitistes ». Après l'échec de cette « libéralisation contrôlée », Mao fait de l'« anti-
révisionnisme » l'une de ses priorités idéologiques464,461.
En Corée du Nord, Kim Il-sung, lui aussi en désaccord avec la déstalinisation, entreprend de
développer l'identité propre de son régime. Il élabore une idéologie à usage national, le Juche. La
Corée du Nord, gouvernée selon une logique militariste, pratique un culte de la personnalité
exacerbé autour du « Grand leader » Kim Il-sung465.
En URSS, Nikita Khrouchtchev affirme son pouvoir en éliminant ses adversaires,
comme Kaganovitch, Molotov et Malenkov, qu'il fait exclure en 1957 du Comité central lors de
l'« affaire du groupe anti-parti ». Le no 1 soviétique encourage une certaine libéralisation culturelle
- qui ne s'étend cependant pas au domaine religieux - et s'efforce d'améliorer les conditions de
vie en URSS. La recherche spatiale fait l'objet, notamment pour des raisons de prestige, d'une
attention particulière466. La déstalinisation, si elle apporte en URSS et dans le reste du bloc un
réel relâchement politique, demeure finalement d'une ampleur relative. Les abus les plus criants
sont supprimés du code pénal, mais celui-ci conserve des articles permettant de punir toute
forme d'opposition. Aucune étude en profondeur de la période stalinienne n'est menée.
La censure est maintenue, bien qu'elle devienne plus souple et permette la publication
d'ouvrages comme Une journée d'Ivan Denissovitch d'Alexandre Soljenitsyne467,468. Sur le plan
international, Khrouchtchev adopte une posture délibérément agressive. Il donne la priorité à
l'armement nucléaire, considérant la dissuasion atomique comme le meilleur moyen de prévenir
un conflit avec l'Ouest. Il innove en outre par rapport à Staline en jouant la carte tiers-mondiste :
soutenant les mouvements de décolonisation, il entreprend de se rapprocher des
pays « progressistes » du tiers-monde, même non communistes, afin d'affaiblir l'Occident et de
faire progresser la cause communiste hors d'Europe469.
Après la dissolution du Kominform, le mouvement communiste international est incarné pour
l'essentiel par les relations bilatérales des partis : entre 1957 et 1969, cinq conférences
mondiales des Partis communistes sont organisées. Elles mettent cependant en évidence des
divisions grandissantes470. La déstalinisation contribue en effet à provoquer une crise entre
l'URSS et la Chine. Mao Zedong, qui désapprouve la condamnation de Staline par Khrouchtchev
et veut se dégager de la tutelle soviétique, est hostile à un rapprochement avec les États-
Unis comme à toute forme de coexistence pacifique : en novembre 1957, lors de la conférence
des PC à Moscou, il choque son auditoire en déclarant qu'une guerre nucléaire pourrait se
justifier, les victimes étant un prix à payer pour la victoire du socialisme. En 1958, l'URSS montre
des signes d'irritation quand la politique chinoise provoque la deuxième crise du détroit de
Taïwan. Les rapports sino-soviétiques se tendent et, en avril 1960, la presse chinoise condamne
avec virulence le « révisionnisme » soviétique. En juin de la même année, le congrès des partis
communistes à Bucarest est le lieu de violentes disputes entre Soviétiques et Chinois ; les
coopérants soviétiques de l'industrie chinoise sont rappelés. Les rapports entre les deux pays
sont dès lors franchement mauvais, bien que la rupture sino-soviétique ne devienne réellement
publique qu'en 1963471,472.
À la faveur de la rupture sino-soviétique, la République populaire d'Albanie s'éloigne elle aussi de
l'URSS : le dirigeant albanais Enver Hoxha, qui refuse la déstalinisation au nom de l'« anti-
révisionnisme », s'en prend violemment aux Soviétiques lors du congrès de Bucarest de 1960.
En 1961, après que l'URSS a suspendu son aide économique, l'Albanie choisit de s'aligner sur la
Chine et se tient désormais à l'écart du bloc de l'Est. Différents PC à travers le monde
connaissent des scissions ou comportent des fractions maoïstes : le Parti communiste du Brésil,
scission du Parti communiste brésilien pro-soviétique, s'aligne ainsi sur la Chine ; le Parti
communiste d'Inde (marxiste) naît en 1964 en tant que dissidence pro-chinoise du Parti
communiste d'Inde. L'ambition de la Chine de constituer un pôle communiste concurrent à celui
de l'URSS n'a finalement guère de succès, et rien n'est fait pour créer une
véritable « internationale » maoïste. La Corée du Nord et le Nord Viêt Nam se rapprochent de la
Chine, sans rompre pour autant avec l'URSS473,474,475,476. Dans les années 1960, la Chine reste
isolée : le seul État réellement aligné sur elle est l'Albanie, pays éloigné et de dimensions
modestes. Un conflit avec l'Inde à propos de territoires frontaliers entraîne une brève guerre entre
les deux pays, privant la Chine de son principal allié en Asie473. Zhou Enlai entretient des contacts
diplomatiques en Asie et en Afrique, et la Chine se pose en champion des peuples opprimés
du tiers-monde ; elle ne parvient cependant pas à susciter autour d'elle un « front
uni » cohérent477.
Le désastre du Grand Bond en avant en Chine[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Grand Bond en avant et Grande famine en Chine.
Après sa « victoire » de 1957 sur les « droitistes » et la reprise en main des villes frondeuses,
Mao souhaite promouvoir la « voie chinoise au socialisme », en visant l'autosuffisance du pays et
en développant un modèle spécifiquement chinois, différent du modèle soviétique jugé trop
rigide. Sur son injonction, la Chine tente de rattraper à marche forcée son retard économique en
mobilisant la population dans le cadre d'un effort productiviste et d'une collectivisation accrue.
Des objectifs de production totalement irréalistes sont fixés, tandis que 740000 coopératives
agricoles fusionnent en 24000 communes populaires, pour regrouper l'ensemble des paysans
chinois. Toutes les activités sont collectivisées dans le cadre du « Grand Bond en avant », dont
Mao attend qu'il fasse « jaillir les énergies populaires ». Cette campagne, en grande partie
improvisée et dépourvue de moyens techniques adéquats, désorganise totalement
l'agriculture chinoise, affamant les campagnes. Mao, face aux critiques, opère en avril 1959 une
retraite stratégique et renonce au poste de président de la République, qu'il laisse à Liu Shaoqi,
pour se concentrer sur celui de président du Parti. Il refuse cependant d'écouter les appels à
arrêter le Grand bond en avant, qu'il décide au contraire de relancer, transformant une politique
dangereuse en véritable désastre économique et humain. Mao provoque ainsi l'une des pires
famines de l'histoire chinoise, causant des millions de morts (les estimations vont de 14 à 43
millions de victimes). À l'automne 1960, le gouvernement chinois est contraint, dans l'urgence, de
mettre fin à l'expérience478,461,479,480.
En parallèle, la Chine doit également gérer, en 1959, le soulèvement au Tibet : la répression de
l'insurrection fait entre 2000 et 20 000 morts, tandis que le dalaï-lama se réfugie en Inde. En
1965, l'administration du Tibet est réorganisée, donnant naissance à la région autonome du
Tibet481.

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