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Le communisme international, de la stalinisation à l'approche de

la guerre
De la ligne « classe contre classe » aux fronts populaires[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Front populaire (France), Front populaire (Espagne) et Histoire du
Parti communiste français.
Le contrôle sur l'Internationale communiste est également renforcé, et les partis communistes
nationaux soumis à une stricte surveillance de la part des envoyés de Moscou262 : l'appareil du
Komintern est repris en main par des fidèles de Staline comme Dmitri Manouïlski et Viatcheslav
Molotov263. La « bolchevisation » des PC nationaux, entamée dès 1924, s'accompagne de
l'épuration de l'appareil dirigeant de nombreux PC264. Les personnalités jugées trop
indépendantes ou ne suivant pas d'assez près la ligne dominante sont évincées : c'est le cas
de Boris Souvarine, exclu du Komintern pour avoir pris la défense de Trotski265, ainsi que
d'Amadeo Bordiga, exclu du parti italien en exil pour « gauchisme »215. Le Parti communiste
français, alors isolé face à la SFIO266, est réorganisé au profit d'un nouveau secrétariat, composé
de Maurice Thorez, Jacques Duclos et Benoît Frachon267. La ligne du Komintern, donc de l'URSS
et plus précisément de Staline, prime désormais largement sur les intérêts des partis
nationaux268.

Couverture d'une brochure antiraciste éditée en 1931 par le Parti communiste USA.

Des communistes opposés à Staline créent de nouvelles organisations dissidentes, qui tentent
de rivaliser avec les partis du Komintern. En 1929, des exclus du Parti communiste
d'Allemagne forment le Parti communiste d'Allemagne - opposition ; en Espagne, différents
groupes opposés au Parti communiste d'Espagne fusionnent en 1935 au sein du Parti ouvrier
d'unification marxiste (POUM). Mais malgré les tentatives de constituer une internationale rivale
du Komintern, les dissidences demeurent très minoritaires et le communisme reste dominé par le
parti soviétique269.
Dans les pays occidentaux, la dimension électorale des PC est très inégale au tournant de
la décennie 1930. Le Parti communiste d'Allemagne est alors le plus puissant d'Europe de
l'Ouest270 ; le Parti communiste français271 et le Parti communiste tchécoslovaque disposent d'une
réelle assise électorale. D'autres, comme le Parti communiste de Grande-Bretagne, le Parti
communiste USA ou le Parti communiste du Canada, demeurent très minoritaires272,273,274. Les PC
fonctionnent souvent comme des « contre-sociétés », à la profonde ferveur militante275.
Statue de Georgi Dimitrov, secrétaire général du Komintern à partir de 1934 (sculpture exposée à Memento
Park, Budapest).

À compter de 1929, l'Internationale communiste, se conformant aux instructions de l'URSS,


prévoit l'effondrement rapide du capitalisme, ce que la Grande Dépression paraît dans un
premier temps confirmer. Les PC sont tenus d'adopter une ligne « classe contre classe », qui
consiste à s'opposer radicalement aux partis de gauche modérés. Les socialistes sont désormais
accusés de « social-fascisme » ou qualifiés de « sociaux-traîtres », tandis que les communistes
considèrent comme secondaires les périls posés par le fascisme et, en Allemagne, par
le nazisme270,276,277. Le résultat de cet aveuglement est catastrophique : après l'arrivée au pouvoir
d'Adolf Hitler en Allemagne, le KPD est interdit, et des milliers de communistes déportés ou tués,
dans le pays qui aurait théoriquement du être le fer de lance de la révolution
européenne270,278,279,280.
En 1934, des cadres du Komintern comme Dimitrov et Togliatti réussissent à convaincre Staline
d'adopter une nouvelle ligne. L'URSS envisage désormais une alliance avec la France et le
Royaume-Uni contre l'Allemagne nazie, et le Komintern préconise la formation de « fronts
populaires » contre le danger « fasciste ». Dimitrov, principal avocat de cette stratégie, devient le
chef de l'IC281. L'Allemagne nazie conclut quant à elle avec l'Empire du Japon un traité
d'alliance anticommuniste, le Pacte anti-Komintern — auquel adhèrent ensuite l'Italie, la Hongrie,
puis l'Espagne franquiste. L'antifascisme - le « fascisme », pris au sens large, étant présenté
comme une forme tardive du capitalisme - devient un élément clé de la propagande communiste :
on le retrouve plus tard, après 1945, dans le discours officiel des pays du bloc de l'Est282.
Les partis communistes — désormais alliés aux sociaux-démocrates, aux libéraux et même à
certains milieux religieux — gagnent, grâce à la cause antifasciste, de nombreux
sympathisants283. En outre, la méconnaissance des réalités soviétiques permet alors à l'économie
planifiée soviétique d'apparaître à beaucoup comme une alternative souhaitable aux incertitudes
de l'économie de marché dont le monde a souffert à la suite du krach de 1929284. Le
communisme séduit tout particulièrement les milieux artistiques et intellectuels
occidentaux285,286,287,288,289.
Le Parti communiste français, dirigé par Maurice Thorez, profite pleinement de la nouvelle
stratégie du Komintern : un Front populaire est formé avec les anciens
ennemis socialistes et radicaux. Le PCF parvient en outre à accroître considérablement son
influence syndicale grâce à la réunification de la CGTU avec la CGT, qui entre dans l'orbite
communiste. Le Front populaire remporte les législatives de mai 1936. Le PCF, transformé en
mouvement de masse, devient le deuxième parti de France derrière la SFIO ; il soutient, sans y
participer, le gouvernement de Léon Blum et s'associe aux acquis du Front populaire (accords
Matignon, congés payés), sans avoir à se soumettre aux risques de l'exercice du pouvoir290.
Le Parti communiste d'Espagne (PCE) forme lui aussi un Front populaire avec le Parti socialiste
ouvrier espagnol (PSOE) et divers partis de gauche comme le Parti ouvrier d'unification
marxiste (POUM, PC anti-stalinien)291. En février 1936, le Front populaire espagnol remporte
les élections générales mais doit, quelques mois plus tard, affronter un soulèvement militaire qui
marque le début de la guerre d'Espagne292.
En Amérique latine, la nouvelle politique du Komintern porte aussi ses fruits : au Chili, le Front
populaire formé par le Parti communiste du Chili, le Parti socialiste du Chili et le Parti radical,
accède au pouvoir en 1938. L'entente entre socialistes et communistes chiliens ne résiste
cependant pas au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et à la polémique sur la
politique suivie par l'URSS293. Toujours en Amérique latine, le parti communiste de Cuba s'allie
avec l'homme fort du pays, Fulgencio Batista294. La stratégie des fronts populaires est également
appliquée en Asie : le Parti communiste d'Inde, qui militait jusque-là pour une révolution
immédiate contre les Britanniques, modère son discours et s'allie avec les nationalistes
du Congrès dans la lutte pour l'indépendance. Cette nouvelle ligne permet aux communistes
indiens de gagner en influence, notamment dans les syndicats295.
Conflits armés de l'entre-deux-guerres[modifier | modifier le code]
En Chine[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Guerre civile chinoise, Longue Marche et Guerre sino-japonaise
(1937-1945).

Monument à la Longue Marche devant le mausolée de Mao Zedong.

En Chine, la situation est particulière, le pays étant depuis 1927 le théâtre d'une guerre civile
entre communistes et nationalistes. Le 7 novembre 1931, le Parti communiste chinois, fédérant
l'ensemble discontinu de territoires qu'il contrôle, proclame la République soviétique chinoise,
avec Mao Zedong comme président. Dès 1930, le chef nationaliste Tchang Kaï-chek lance de
nouvelles campagnes contre les « bandits communistes » et tente, d'abord sans succès,
d'anéantir leurs bases296. Le Komintern, trouvant Mao trop indépendant, entreprend de favoriser à
ses dépens le groupe des « 28 bolcheviks » formés à Moscou297, mais à la fin 1934, les troupes
nationalistes parviennent à prendre la principale base communiste, dans le Jiangxi : Mao Zedong
et plusieurs dizaines de milliers de communistes doivent entamer la Longue Marche, qui les
mène un an plus tard dans la base du Shaanxi. Mao établit alors son nouveau quartier général
à Yan'an et bénéficie d'un leadership renforcé sur le Parti communiste, grâce notamment au
prestige personnel retiré de la Longue Marche298,299. Parallèlement, l'Empire du Japon poursuit
ses visées expansionnistes en Chine. En 1936, le camp nationaliste et le Komintern font
respectivement pression sur Tchang Kaï-chek et Mao Zedong pour qu'ils unissent leurs forces
contre les Japonais : l'accord de Xi'an aboutit à la formation d'un deuxième front uni entre
le Kuomintang et le PC chinois, ce qui constitue l'application en Chine de la stratégie des fronts
populaires300.
Bénéficiant de cette trêve, Mao met au point une version « sinisée » du marxisme, qu'il mêle à la
philosophie chinoise et adapte aux réalités locales. Il en résulte une doctrine connue en Occident
sous le nom de maoïsme et en Chine sous celui de « pensée Mao Zedong »301 : pour conquérir le
pouvoir, Mao mise sur la mobilisation permanente de la population et les tactiques
de guérilla302,301. En 1937, l'Empire du Japon envahit la République de Chine, déclenchant
la seconde guerre sino-japonaise. Les troupes communistes participent aux combats contre les
Japonais aux côtés des nationalistes, mais privilégient la consolidation de leurs propres forces
afin de pouvoir vaincre plus tard leurs alliés du moment303. La résistance anti-japonaise permet
aux communistes d'affermir leur influence dans les campagnes où vit la majorité de la population
chinoise304. Commencée avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la guerre sino-
japonaise devient ensuite un théâtre d'opérations de ce nouveau conflit. Entre-temps, Mao
consolide son autorité sur le PCC, aux dépens notamment de Wang Ming que le Komintern avait
envoyé à Yan'an pour superviser le parti chinois. Le PCC est soumis à partir de 1942 à une
purge interne, baptisée « campagne de rectification », qui permet à Mao d'achever d'en prendre
le contrôle. En 1943, Mao devient Président du Parti communiste chinois ; il s'affirme ensuite
comme le chef absolu du Parti, dont sa pensée devient la doctrine officielle305,306.

En Espagne[modifier | modifier le code]


Article connexe : Guerre d'Espagne.
En Espagne, la guerre civile voit l'alliance antifasciste préconisée par le Komintern affronter de
manière directe les « fascistes » et assimilés. Durant les premiers mois du conflit, plusieurs
régions espagnoles connaissent une « révolution sociale » : les milices « prolétariennes »,
anarchistes, socialistes, communistes et « poumistes » prennent le contrôle de nombreuses
localités, notamment en Catalogne et en Aragon. Des terres agricoles sont expropriées et
l'économie « socialisée » de manière spontanée, plus ou moins contre le gré des directions des
organisations ouvrières307.
Parallèlement à cette période d'euphorie révolutionnaire, les zones républicaines sont le théâtre
d'une « terreur rouge », commise à la fois par les communistes et les anarchistes contre les
catégories sociales suspectées de « fascisme » (clergé, monarchistes, personnes « de
droite »...). Le gouvernement républicain est dépassé et la terreur rouge - qui se déroule en
parallèle à la terreur nationaliste exercée par les troupes de Franco - choque l'opinion
internationale, poussant la France et le Royaume-Uni à choisir la non-intervention308,309.
Les nationalistes sont de leur côté soutenus par Hitler et Mussolini ; l'URSS, officiellement neutre,
envoie en renfort des républicains des « volontaires » (pilotes de guerre, mais aussi agents
du NKVD et du GRU). Des groupes de combattants venus de divers pays, les Brigades
internationales, sont recrutés et encadrés par des agents du Komintern310,311. Le gouvernement
espagnol, entretemps, rétablit l'ordre et revient sur le décret de collectivisation des terres
confisquées, avec l'appui des communistes qui en profitent pour régler leurs comptes avec leurs
adversaires d'extrême-gauche. La guerre d'Espagne connaît alors au sein du camp républicain
une « guerre civile dans la guerre civile », lors des purges sanglantes lancées par les
communistes contre les anarchistes et le POUM. Le conflit s'achève en 1939 par la victoire
des franquistes. Les communistes espagnols sont réduits à la clandestinité ou à l'exil312,311,313.
La dissidence trotskiste[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Trotskisme et Quatrième Internationale.

Léon Trotski en exil au Mexique, entouré de militants trotskistes américains.

Exilé d'URSS et établi dans divers pays successifs - il s'installe finalement au Mexique à partir de
janvier 1937 - Léon Trotski tente de définir une stratégie contre la politique stalinienne, dont il
conteste d'ailleurs souvent moins les principes que la pratique314. Il correspond avec un réseau de
sympathisants, dont la Ligue communiste française est l'un des principaux foyers315. Des groupes
trotskistes apparaissent également très tôt en Amérique latine316.
D'abord réticent à créer une nouvelle internationale, Trotski prend acte de l'absence de réel
sursaut anti-stalinien au sein de la IIIe Internationale et entreprend de réorganiser les
groupes trotskistes. Dans le cadre d'une alliance antifasciste, il préconise par ailleurs
l'« entrisme » au sein des partis sociaux-démocrates. Une première réunion destinée à préparer
la création d'une Quatrième Internationale se tient en février 1934 à Bruxelles, en présence de
quatorze délégués317.
Le trotskisme entreprend dès cette époque de se positionner comme un « autre communisme »,
qui s'oppose à la version en vigueur en URSS tout en revendiquant l'héritage léniniste. La
formation de la IVe Internationale est cependant lente et laborieuse, tandis que les trotskistes font
l'objet de campagnes de dénigrement et de persécutions politiques en URSS : Staline, dénonce à
l'époque Trotski comme le maître d'un complot anti-soviétique318. La famille de Trotski, restée en
URSS, est décimée ; son fils Lev Sedov, qui contribuait à coordonner les groupes trotskistes à
travers le monde, meurt à Paris en février 1938 dans des circonstances obscures, à la suite
d'une opération319. La Quatrième Internationale est finalement fondée en septembre 1938 en
région parisienne, en présence de 21 délégués venus de 11 pays, dont un agent infiltré
du NKVD318.
À l'approche de la Seconde Guerre mondiale, les trotskistes demeurent divisés, notamment au
sujet du soutien qu'il conviendrait d'apporter ou non à l'URSS. Le 21 août 1940, Trotski lui-même
est assassiné dans son exil mexicain par un agent du NKVD320.

Le communisme durant la Seconde Guerre


mondiale[modifier | modifier le code]
Du pacte germano-soviétique à la guerre contre l'Axe[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Histoire de l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale.

Articles connexes : Pacte germano-soviétique, Front de l'Est (Seconde Guerre


mondiale) et Résistance dans l'Europe occupée par les nazis.

Signature du pacte germano-soviétique.

Face à l'expansionnisme de Hitler en Europe, préoccupée par la signature du Pacte


antikomintern et n'ayant plus confiance en la politique de sécurité collective à la suite
des accords de Munich, l'URSS cherche à éviter d'être prise en tenaille entre l'Allemagne et le
Japon. En 1938 et 1939, plusieurs incidents opposent l'Armée rouge à l'Armée impériale
japonaise à la frontière mongole ; ce conflit aboutit à une trêve, mais Staline est, à l'été 1939,
plus décidé que jamais à éviter l'encerclement. Ne comptant plus sur une alliance avec les
Britanniques et les Français, il prend, avec Viatcheslav Molotov, la décision de conclure un pacte
de non-agression avec l'Allemagne nazie. Le 23 août 1939, Molotov et le ministre
allemand Joachim von Ribbentrop signent le pacte germano-soviétique, créant la stupeur dans le
monde entier. Une clause secrète délimite les zones d'influence allemande et soviétique en
Europe de l'Est, prévoyant entre autres le partage de la Pologne321. Plusieurs centaines de
communistes allemands réfugiés en URSS sont livrés aux nazis322,283.
L'Internationale communiste donne l'ordre aux PC de rester neutres en cas de guerre en Europe
de l'Ouest, qui devra être considérée comme un conflit « impérialiste ». Le pacte provoque un
choc profond au sein du mouvement communiste mondial ; de nombreux PC connaissent une
hémorragie de militants. En France, un mois après la signature du pacte, le gouvernement
dissout le PCF323,324.
Le 1er septembre, l'Allemagne envahit la Pologne, déclenchant la Seconde Guerre mondiale.
Le 17, l'Armée rouge pénètre à son tour en Pologne. Plus de 30 000 prisonniers polonais, en
majorité des officiers, fonctionnaires et policiers, sont tués par les Soviétiques au
printemps 1940 : le massacre de Katyń, dans lequel périssent plus de 20 000 militaires polonais,
reste par la suite emblématique de cette vague d'assassinats dont l'URSS ne reconnaît la
responsabilité que plusieurs décennies plus tard. En application du protocole secret, l'URSS
impose peu après des « traités d'assistance mutuelle » aux pays baltes. La Finlande ayant
repoussé les exigences soviétiques, l'URSS l'attaque le 29 novembre, déclenchant la « guerre
d'Hiver » : cela lui vaut d'être exclue de la SDN. Sur les territoires qu'ils occupent, les Soviétiques
créent une « République démocratique finlandaise », mais les Finlandais opposent une
résistance inattendue. En mars 1940, par le traité de Moscou, la Finlande cède finalement à
l'URSS Vyborg et l'isthme de Carélie, mais le conflit a été, pour les Soviétiques, une opération
bien plus difficile que prévu. Coûteux en hommes, il révèle en outre l'impréparation de l'Armée
rouge. Pendant l'été, l'URSS envahit et annexe l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie325.

Joseph Staline, Franklin Delano Roosevelt et Winston Churchill à la conférence de Téhéran.

Dès l'été 1940, les relations germano-soviétiques se dégradent. L'URSS joue l'apaisement en
proposant d'adhérer au pacte tripartite ; en avril 1941, elle se prémunit contre une invasion sur
son flanc asiatique en signant un pacte de neutralité avec le Japon. Staline, s'il pense la guerre
avec le Reich inévitable à terme, refuse cependant de croire à l'imminence de l'attaque
allemande et se montre sourd aux avertissements. Le 22 juin 1941, l'Allemagne déclenche
l'opération Barbarossa, invasion à grande échelle du territoire de l'URSS, prenant les Soviétiques
de court326,327,328.

Carte de l'opération Barbarossa, qui marque le début de la « Grande Guerre patriotique ».

L'Armée rouge subit des pertes terribles durant les premiers mois du conflit. Mais l'URSS, moins
isolée que ne l'escomptait Hitler, bénéficie rapidement du soutien matériel et financier
du Royaume-Uni, ainsi que de celui des États-Unis dans le cadre du programme Lend-Lease. La
résistance des troupes soviétiques parvient à ralentir l'avance des Allemands et de leurs alliés
européens de l'Axe. Les Soviétiques sont en outre aidés par les méthodes nazies : accueillis de
manière relativement favorable en Ukraine ou en Biélorussie, voire parfois comme des libérateurs
dans les pays baltes, les occupants se livrent bientôt à des exactions atroces qui retournent les
populations contre eux. Le conflit est d'une rare violence : l'Armée rouge perd environ neuf
millions d'hommes au cours de la guerre, qui entraîne également la mort de quinze à dix-huit
millions de civils soviétiques329,330.
Pour galvaniser la population soviétique, Staline fait appel dans sa propagande non plus
uniquement à l'idéologie communiste, mais aussi à la fibre patriotique et nationaliste : il s'emploie
à susciter un consensus social dans la « Grande Guerre patriotique », et multiplie les mesures de
libéralisation. L'URSS contribue plus que tout autre pays à la défaite allemande en Europe331,330.
Désormais fêté pour sa résistance par la propagande alliée, Staline entreprend de rassurer
Britanniques et Américains en dissociant l'URSS de la révolution mondiale : en mai 1943,
l'Internationale communiste est dissoute, ce qui permet de supprimer en apparence la
subordination des PC envers l'URSS. Dans les faits, les fonctions du Komintern sont transférées
au Département international du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique, dirigé
par Dimitrov, ancien chef de l'Internationale332.
À partir de l'invasion de l'URSS en juin 1941, les communistes européens entrent
en résistance dans tous les pays occupés. Ils prennent, dans certains pays, une part essentielle
au combat anti-nazi : la libération nationale est présentée comme liée au sort de l'URSS, dans le
cadre d'une lutte antifasciste mondiale. Dans les pays occupés par l'Allemagne, les communistes
sont réprimés et déportés333. En France, où plusieurs cadres du PCF avaient envisagé, au début
de l'occupation allemande, de faire légaliser le parti, les communistes entament la lutte contre les
occupants après Barbarossa. La politique des Allemands et de Vichy provoque à partir
de 1942 un afflux de volontaires dans les rangs des Francs-tireurs et partisans (FTP). Les
communistes, devenus un pilier de la résistance intérieure française, se rapprochent de la France
libre : à la mi-1943, le Front national, l'organisation créée pour chapeauter les actions du PCF,
participe au Conseil national de la Résistance et au commandement des Forces françaises de
l'intérieur334. La résistance italienne se développe après la chute de Mussolini et l'invasion
allemande : les communistes tiennent un rôle de premier plan dans la lutte contre les Allemands
et la République sociale italienne. Palmiro Togliatti, revenu d'exil, prêche la modération et
convainc les partisans que la révolution ne sera pas à l'ordre du jour après-guerre335.

Des membres de la direction des Partisans yougoslaves en 1944 ; Tito se trouve à droite.

Dans les Balkans occupés, les factions communistes et non communistes de la résistance en
arrivent à s'affronter336. Le Parti communiste de Grèce forme le Front de libération
nationale (EAM) dont l'Armée populaire de libération nationale grecque (ELAS) est la branche
armée : l'EAM-ELAS, de loin le mouvement le plus puissant de la résistance grecque, s'attaque
aussi bien aux résistants anticommunistes qu'aux occupants337. Josip Broz alias Tito, chef
du Parti communiste de Yougoslavie clandestin, met sur pied les Partisans et entame le conflit
contre les occupants, dans l'espoir de l'arrivée de l'Armée rouge. Les communistes yougoslaves
se trouvent bientôt en conflit avec les Tchetniks, résistants nationalistes serbes. La guerre de
résistance en Yougoslavie se double bientôt d'une véritable guerre civile : divers chefs tchetniks
s'allient aux Italiens, puis aux Allemands, en privilégiant le combat contre les communistes. Fin
1943, Churchill décide de soutenir les Partisans, considérés comme plus fiables dans la lutte
contre les nazis, au détriment des Tchetniks. L'organe de direction des Partisans, le Conseil
antifasciste de libération nationale de Yougoslavie (AVNOJ), se proclame alors gouvernement
légitime du pays336,338,339. Dans l'Albanie annexée par l'Italie, Enver Hoxha organise une force de
résistance et crée, en novembre 1941, le Parti communiste d'Albanie340.
En Asie également, que ce soit en Chine, en Malaisie ou aux Philippines, des communistes
participent au combat contre les Japonais. Le poids décisif de l'URSS dans le conflit mondial,
ainsi que la contribution des communistes aux mouvements de résistance nationaux, permettent
au régime soviétique et aux PC de bénéficier, dans le monde entier, d'une vague de sympathie.
Des partis dont l'image avait souffert du pacte germano-soviétique peuvent ainsi revenir sur le
devant de la scène, et bénéficier d'un afflux de militants336,341.

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