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Dans l'ensemble de l'Europe, les partis socialistes et sociaux-démocrates sont divisés entre
partisans et adversaires de la révolution d'Octobre. En Finlande, tout juste indépendante,
une guerre civile oppose, de janvier à mai 1918, les « Rouges » - la faction radicale du Parti
social-démocrate de Finlande - soutenus par les bolcheviks et les « Blancs » soutenus par
l'Empire allemand : les révolutionnaires sont vaincus et, réfugiés en Russie, y constituent le Parti
communiste de Finlande. En Allemagne, la chute de l'Empire est accompagnée par une vive
opposition entre les sociaux-démocrates réformistes et les révolutionnaires spartakistes. Le chef
du gouvernement provisoire Friedrich Ebert s'en tient à une ligne légaliste, tandis que les
dirigeants spartakistes Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg s'opposent à la démocratie
parlementaire et prônent une « République des Conseils », soit un régime dirigé par les conseils
ouvriers. Le 1er janvier 1919, les spartakistes fondent le Parti communiste d'Allemagne (KPD).
Le lendemain, une manifestation ouvrière provoque des affrontements à Berlin : Liebknecht,
emporté par le mouvement, appelle à renverser le gouvernement. Le soulèvement berlinois de
janvier 1919 est vite écrasé par le gouvernement social-démocrate appuyé par les Corps francs.
La répression est sanglante ; Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont eux-mêmes assassinés
par des militaires183.
En Italie, le PSI arrive en tête aux élections, mais refuse de participer au gouvernement : l'un de
ses principaux animateurs, Amadeo Bordiga, prône l'abstention et la préparation de l'insurrection.
Au début des années 1920, Lénine critique vivement les stratégies « gauchistes » au sein du
mouvement communiste, qu'il juge stériles et inaptes à accéder au pouvoir : il expose ses vues
sur la « Gauche communiste » — représentée notamment par Bordiga en Italie, ou par Anton
Pannekoek aux Pays-Bas — dans le livre La Maladie infantile du communisme (le
« gauchisme »), publié en mai 1920184.
Au-delà des désaccords stratégiques, les communistes s'interrogent sur la meilleure manière
pour exporter la révolution. Quand la Pologne tente d'annexer l'ouest du territoire ukrainien,
Lénine y voit l'occasion de passer à la « guerre révolutionnaire » préconisée dès 1918 par
les « communistes de gauche ». L'Armée rouge parvient en effet à repousser les troupes
polonaises : le second congrès de l'Internationale communiste a lieu le 9 juillet 1920 durant
l'offensive soviétique en direction de Varsovie, alors que les conditions d'une révolution mondiale
semblent être réunies196. Ce congrès définit également 21 conditions d'admission pour les partis
souhaitant rejoindre le Komintern, stipulant notamment que les PC doivent être organisés et
hiérarchisés selon les principes du centralisme démocratique et viser la révolution en combinant
les actions légales et illégales, avec l'aide de structures clandestines cohabitant avec le parti
officiel197. Plusieurs Asiatiques participent à ce second congrès : Lénine considère en effet que la
révolution soviétique doit trouver des alliés hors d'Europe, afin de miner les arrières des
puissances coloniales qui lui sont hostiles198. Le mois suivant se tient à Bakou le « Congrès des
peuples de l'Orient », qui établit des liens avec des mouvements nationalistes asiatiques199.
Les espoirs d'extension de la révolution en Europe sont cependant éphémères : dès le mois
d'août 1920, la contre-attaque des troupes polonaises arrête l'Armée rouge devant Varsovie. La
Russie soviétique doit ensuite reconnaître sa défaite200. Quelques mois plus tôt, en Allemagne,
le soulèvement de la Ruhr, lancé en réaction à une tentative de putsch nationaliste, est mis en
échec par l'armée. En mars 1921, une nouvelle tentative d'insurrection allemande débouche sur
un échec complet201.
Lors de son troisième congrès en 1921, l'Internationale communiste reconnaît que la phase
révolutionnaire née en 1917 est terminée202. Si la progression du communisme connaît un coup
d'arrêt en Europe, la Russie se trouve un nouvel allié en Asie : en Mongolie-extérieure, les
communistes locaux profitent du chaos provoqué par l'extension de la guerre civile
russe pour prendre le pouvoir en juillet 1921. Trois ans plus tard, le pays devient la République
populaire mongole, État satellite de l'URSS203.
Échecs et divisions du mouvement communiste[modifier | modifier le code]
Musée du premier congrès du Parti communiste chinois, à Shanghai.
Au cours des années 1920 et 1930, des partis communistes continuent d'apparaître sur tous les
continents, en Europe, en Asie, sur le continent américain et jusqu'en Océanie. En France, lors
du congrès de Tours de 1920, la SFIO connaît une scission entre les partisans de la Russie
soviétique et les modérés conduits par Léon Blum. La Section française de l'Internationale
communiste, regroupant les premiers qui sont alors majoritaires, prend ensuite le nom de Parti
communiste français204. Dès l'année suivante, cependant, les socialistes reprennent l'ascendant
sur les communistes, dont les effectifs s'effondrent alors que la vague révolutionnaire s'essouffle
en Europe205. En Italie, les partisans d'Antonio Gramsci et Amadeo Bordiga quittent
en 1921 le Parti socialiste italien et fondent le Parti communiste d'Italie. La gauche italienne se
divise au pire moment, alors que le fascisme est en pleine ascension206,207,208. Les dimensions des
PC sont très inégales selon les pays : certains ont de nombreux militants, d'autres ne sont que
des groupuscules209. La direction de l'Internationale communiste est assurée jusqu'en 1934 par
des Soviétiques (Grigori Zinoviev, Nikolaï Boukharine, Viatcheslav Molotov puis Dmitri
Manouïlski) mais les cadres communistes exilés de leur propre pays occupent une place
importante dans sa hiérarchie, à l'image de l'Italien Palmiro Togliatti, du Finlandais Otto Wille
Kuusinen, des Hongrois Mátyás Rákosi et Béla Kun ou du Bulgare Georgi Dimitrov210.
Aux Indes orientales néerlandaises, le Parti communiste indonésien, indépendantiste, attire de
nombreux militants. C'est cependant en Chine que le communisme connaît son développement
le plus lourd de conséquences pour l'avenir de l'Asie. Alors que la République de Chine est en
plein chaos depuis 1916, des groupes marxistes apparaissent dans la mouvance du nationalisme
chinois211. La Russie soviétique et le Kuomintang, parti de Sun Yat-sen, nouent une alliance : le
Komintern s'emploie dès lors à favoriser la naissance en Chine d'un parti communiste qui
épaulerait les nationalistes. Différents groupes, issus notamment du mouvement du 4-Mai et
encadrés par le Komintern, s'unissent pour former en juillet 1921 le Parti communiste
chinois (PCC), qui s'allie au Kuomintang au sein d'un Front uni212,213. En Asie du Sud-Est, un
agent du Komintern, le Vietnamien Nguyên Ai Quôc (futur Hô Chi Minh), est chargé d'encadrer
les organisations locales. Il fonde en 1930 le Parti communiste indochinois, qui vise
l'indépendance des pays de l'Indochine française214.
À l'échelle internationale, la mouvance communiste est parcourue de divisions. La tendance dite
de la Gauche communiste s'oppose à l'autoritarisme des conceptions léninistes : des militants et
intellectuels se réclament en effet du luxemburgisme — c'est-à-dire des idées de Rosa
Luxemburg — et prônent la prise en main du prolétariat par lui-même, via notamment
des conseils ouvriers, plutôt que par des partis politiques. Les principales figures
du communisme de conseils, comme les Néerlandais Anton Pannekoek et Herman Gorter, sont
rapidement exclues du Komintern et le courant conseilliste est marginalisé dès 1921215,98. Paul
Levi tente de préserver l'héritage politique de Rosa Luxemburg au sein du KPD, mais il est exclu
pour avoir critiqué le rôle des envoyés du Komintern lors des évènements de mars 1921201.
Au cours des années 1920, l'Internationale communiste envoie des émissaires chargés de
surveiller la conformité idéologique des partis et d'homogénéiser leur fonctionnement sur le
modèle bolchevik. En 1924 commence la phase dite de « bolchevisation » des partis
communistes, afin de les réorganiser après l'échec des révolutions européennes216.
Des organisations de masse (l'Internationale syndicale rouge, l'Internationale paysanne rouge,
la Ligue contre l'impérialisme et l'oppression coloniale...) animées par des cadres spécialistes de
l'agitprop comme l'allemand Willi Münzenberg, sont fondées pour concurrencer celles de la
social-démocratie. Le syndicalisme communiste progresse surtout en France, grâce au contrôle
de la CGTU217,218.
Au cours des années 1920 et 1930, le Komintern ne parvient guère à concrétiser ses ambitions :
aucun soulèvement communiste ne réussit et les PC échouent à endiguer la montée des
mouvements fascistes et assimilés, à qui la peur du communisme permet au contraire de se
renforcer219. En Allemagne, après l'échec du coup de force de mars 1921201, une nouvelle
tentative d'insurrection tourne au fiasco en octobre 1923220. Divers PC, en Europe ou ailleurs,
sont réduits à la clandestinité ou à l'exil, que ce soit en Yougoslavie, en Hongrie, en Finlande,
au Portugal, en Espagne ou au Japon221,222. L'insurrection de 1923 du Parti communiste
bulgare échoue totalement223. Le Parti communiste d'Italie est interdit en 1926 par le
gouvernement de Benito Mussolini. Gramsci, chef du parti, est arrêté224 : pendant son
emprisonnement, il se consacre à l'écriture d'une œuvre théorique qui fait par la suite de lui, post
mortem, un penseur marxiste très influent225. En Amérique latine, des soulèvements
au Salvador et au Brésil sont écrasés durant les années 1930 : celui du Salvador, notamment,
est réprimé de manière sanglante226,227. Aux Indes orientales néerlandaises et en Indochine
française, les communistes tentent de soulever la population mais sont réprimés par les autorités
coloniales. L'Internationale communiste subit un revers particulièrement cuisant en Chine, pays
sur lequel elle fondait d'importants espoirs. Le Parti communiste chinois, qui infiltre les rangs de
son allié le Kuomintang, s'est beaucoup renforcé ; mais, en avril 1927, Tchang Kaï-chek, chef
militaire du Kuomintang, rompt avec les communistes lors du massacre de Shanghai. Les
communistes chinois - dont émergent des cadres comme Zhou Enlai et Mao Zedong - ne
désarment cependant pas et lancent une série d'insurrections qui marquent le début de la guerre
civile chinoise212.