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Courants marxistes et notions annexes

Concepts, familles idéologiques et synonymes[modifier | modifier le code]


Principales notions du marxisme[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Marxisme, Socialisme scientifique, Économie marxiste, Lutte des
classes, Collectivisme économique, Matérialisme historique et Matérialisme dialectique.

Le Manifeste du parti communiste, publié par Karl Marx et Friedrich Engels en 1848.

Une édition des trois volumes du Capital.

Par-delà sa signification première, le communisme est principalement rattaché à l'école de


pensée marxiste issue des travaux de Karl Marx et Friedrich Engels. Il englobe donc, par
extension, un ensemble de courants, de notions et de réalités politiques associés au marxisme et
s'en réclamant. Marx postule l'aliénation de l'ouvrier du fait que ce dernier ne possède pas
les moyens de production ; l'aliénation concerne par ailleurs l'ensemble des acteurs
économiques, du fait de leur soumission au marché. Parallèlement à l'idée d'aliénation
économique intervient la notion de classe sociale, et notamment celle de prolétariat. Dans
l'optique de Marx, le prolétariat, en tant que classe subissant une forme extrême d'aliénation et
d'exploitation, aura pour mission et vocation de créer une nouvelle société, car il n'a pas d'intérêt
au maintien de la société capitaliste. Pour le marxisme, la lutte des classes est le moteur de
l'Histoire de l'humanité, dès lors que les classes sociales sont nées de la division du travail après
l'abandon de l'état originel du communisme primitif : les contradictions internes du système
capitaliste doivent conduire à son auto-destruction, et par conséquent à une révolution conduite
par le prolétariat, qui aboutira à la propriété collective des moyens de production50.
Marx, et après lui les auteurs marxistes, visent à démontrer que la réalisation d'une nouvelle
société via la révolution prolétarienne et le renversement du capitalisme est non seulement du
domaine du possible, mais relève d'une nécessité historique. Dans Le Capital, son principal traité
d'économie politique, Marx s'attache, en utilisant une méthode à visées scientifiques et en
s'appuyant notamment sur des concepts comme la plus-value et la théorie de la valeur, à prouver
l'injustice du système capitaliste. Les deuxième et troisième volumes du Capital, achevés par
Engels après la mort de Marx, visent à démontrer l'instabilité essentielle du capitalisme et sa
tendance à l'auto-destruction, du fait de la baisse tendancielle du taux de profit. Outre ces
analyses économiques, la pensée marxiste s'appuie sur une conception matérialiste de l'Histoire
(dite matérialisme historique). Marx et Engels considèrent que l'Histoire résulte du fait que
l'homme a commencé à transformer la nature par le biais du travail, ce qui a entraîné la division
de l'humanité en classes sociales : la lutte des classes qui en résulte, et qui constitue le moteur
de l'Histoire, est l'occasion d'une série de crises où les forces productives, à mesure qu'elles se
développent, entrent en contradiction avec les structures sociales. Les crises fondamentales de
la société capitaliste, en débouchant sur la révolution puis sur une période de dictature du
prolétariat, permettront à l'arrivée d'aboutir à une société sans classes, qui équivaudra
au communisme primitif des origines, mais à un niveau très supérieur51,52.
Le matérialisme historique, qui prend en compte l'ensemble des
facteurs sociaux et économiques pour analyser l'histoire des sociétés humaines, tend à être vu
par les continuateurs de Marx et Engels comme un pur économisme : ces interprétations,
qu'Engels lui-même jugeait excessives, font de l'économie le principal moteur de l'Histoire53. La
méthode d'analyse marxiste, qui s'attache à dégager des lois de transformation sociale selon une
logique de science exacte, est baptisée au XIXe siècle « socialisme scientifique », afin de la
distinguer du « socialisme utopique » des premiers temps54. Par la suite, Lénine considère lui
aussi le marxisme comme une pensée d'essence scientifique, jugeant que le matérialisme ne
peut qu'être confirmé par les sciences55. École de pensée essentiellement athée, le marxisme
s'oppose en principe à la religion, considérée comme un facteur d'aliénation et d'oppression, et
qualifiée par Marx d'« opium du peuple »56.
Le marxisme est parfois également décrit comme une philosophie qui serait à la
fois matérialiste et dialectique : la théorie qui formule à la fois les lois de la pensée et celles de la
réalité, appelée matérialisme dialectique, est une méthode d'analyse du réel reposant sur
l'existence de contradictions, et sur le fait que ces contradictions se résolvent à un niveau
supérieur. La triade thèse-antithèse-synthèse, dérivée de la pensée de Hegel, est utilisée pour
parvenir à une vision dialectique de l'Histoire, où le passage du capitalisme au socialisme
surviendra selon un processus logique, le socialisme étant la négation du capitalisme ou plutôt
une manière de surmonter les contradictions internes de celui-ci. La notion selon laquelle le
socialisme remplacera nécessairement le capitalisme introduit une équivoque au sein du
marxisme, entre d'une part les tenants d'un schéma historique simple selon lequel le capitalisme
s'autodétruira naturellement pour laisser la place au socialisme, et d'autre part ceux qui jugent
que cette révolution doit être provoquée. Cette dernière vision — à tendance « millénariste » —
du marxisme, se traduit dès la fin du XIXe siècle par une controverse entre les socialistes qui,
dans l'attente de la révolution, sont devenus en pratique des réformistes, et ceux qui demeurent
partisans d'un renversement actif du capitalisme. C'est cette dernière tendance qui va,
après 1917, donner naissance à ce qui constitue le communisme au sens moderne du mot57.
Communisme et léninisme[modifier | modifier le code]
Léninisme[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Léninisme et Centralisme démocratique.

La faucille et le marteau, l'un des symboles les plus familiers du communisme, représente l'union entre les
travailleurs agricoles et industriels par la jonction entre le marteau du prolétariat ouvrier et
la faucille des paysans.

La tendance du socialisme qui prendra par la suite le nom de communisme se distingue par son
mode de fonctionnement interne et par la méthode de prise du pouvoir qu'elle met au point dans
le contexte particulier de la Russie impériale. Pour contrer l'appareil répressif tsariste, Lénine,
chef des bolcheviks, préconise la formation d'un parti strictement hiérarchisé, formé
de « révolutionnaires professionnels ». Lénine se heurte en effet, en Russie, à un double
problème : outre le caractère absolutiste du régime en place, le pays est dépourvu
d'un capitalisme comme d'une bourgeoisie suffisamment développés, ce qui rend très éloignée la
perspective de la révolution socialiste (censée survenir, selon le schéma marxiste, après une
révolution bourgeoise qui aura été suivie du développement puis de l'auto-destruction du
capitalisme). Lénine en conclut qu'il revient aux révolutionnaires de se substituer à la bourgeoisie
pour tenir un rôle d'accélérateur de l'Histoire, provoquant ainsi la révolution au lieu d'attendre son
déclenchement naturel. Il théorise pour le parti un rôle central, considérant que c'est à lui non
seulement de susciter la lutte des classes là où elle ne s'est pas encore développée du fait d'un
contexte local, mais aussi d'assumer un rôle d'« avant-garde » du mouvement ouvrier à qui il
devra apporter le savoir et la conscience révolutionnaire58,59.
Lénine - dont la pensée sera, après sa mort, synthétisée au sein d'un corpus appelé léninisme -
prône le fonctionnement du parti selon la logique du centralisme démocratique, c'est-à-dire d'un
strict respect, par la base, des décisions qui auront été prises par les organes de direction60,58. Il
théorise également, bien avant sa prise du pouvoir, l'usage de la « terreur de masse » pour
combattre les contre-révolutionnaires61.
Après la mort de Lénine, le léninisme est codifié par Staline sous la forme d'une doctrine imposée
à l'ensemble de l'Internationale communiste, et dont les analyses, initialement conçues en
fonction du contexte russe, sont censées s'appliquer de manière obligatoire à l'ensemble des
pays62.
Le fondement économique du léninisme est le développement plus rapide de la production des
moyens de production63 par rapport à la production des articles de consommation.Ce mode de
production est différent du communisme de Karl Marx qui suppose, contrairement au léninisme,
le développement plus rapide des articles de consommation par rapport à la production des
moyens de production64.
Marxisme-léninisme et stalinisme[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Marxisme-léninisme et Stalinisme.
Portraits de Marx, Engels, Lénine et Staline lors d'un défilé en République démocratique allemande, en
1953.

Avec le temps, l'idéologie des partis affiliés au Komintern — puis de l'ensemble des régimes
communistes — prend le nom de marxisme-léninisme, soit la lecture léniniste du marxisme, elle-
même réinterprétée par les successeurs de Lénine à la tête du régime soviétique. L'interprétation
par Staline de la théorie marxiste aboutit à une présentation rigide de celle-ci, l'Histoire étant
considérée comme soumise à une succession d'automatismes dans lesquels le Parti communiste
joue le rôle de l'avant-garde ; le matérialisme dialectique est élevé au rang de doctrine à laquelle
toutes les sciences doivent être subordonnées65. Sur la base de l'expérience de la révolution
russe, le marxisme-léninisme considère qu'il n'est pas nécessaire d'attendre la maturation du
capitalisme pour accomplir la révolution ; celle-ci dépend de l'action du parti communiste, lequel
est censé être le représentant du prolétariat66. Staline introduit également la notion de socialisme
dans un seul pays, qui postule qu'il n'est pas nécessaire d'accomplir en premier lieu la révolution
mondiale pour construire le socialisme ; il estime en outre que la lutte des classes se poursuit et
s'intensifie sous le socialisme, ce qui permet de justifier sur le plan théorique des mesures de
terreur67.
Le concept de stalinisme a par ailleurs été forgé pour qualifier aussi bien l'idéologie marxiste-
léniniste codifiée par Staline que la pratique politique de ce dernier et, par extension, les
régimes dictatoriaux se réclamant du communisme, analysés sous l'angle de la notion
de totalitarisme. Utilisé le plus souvent dans un sens critique et péjoratif, ce terme n'a été que
rarement revendiqué par les acteurs du communisme étatique ou par les partisans de celui-ci,
bien que certains aient pu occasionnellement se présenter
comme « staliniens » ou « stalinistes »68.
Après la déstalinisation, le marxisme-léninisme est demeuré l'idéologie officielle de l'URSS et des
régimes qui lui étaient affiliés, sans que ne soit opérée de révision théorique majeure. Les
courants marxistes-léninistes qui refusaient, à l'image du maoïsme, de condamner les
conceptions et la pratique staliniennes, se sont présentés comme « anti-révisionnistes »69,70.
Trotskisme[modifier | modifier le code]
Article connexe : Trotskisme.

Congrès trotskiste en Argentine, en 2006.

Le trotskisme (ou trotskysme) – du nom de Léon Trotski – est une tendance se réclamant du
léninisme, mais opposée au stalinisme. Avant 1917, Trotski élabore la théorie de la révolution
permanente qui implique, dans le contexte russe, la poursuite continue de la lutte révolutionnaire
après la révolution bourgeoise, afin de transformer celle-ci en révolution socialiste et de parvenir
à la dictature du prolétariat ; à l'échelle internationale, elle se traduit par l'extension mondiale de
la révolution. Après 1924, l'idéologie trotskiste se distingue surtout par son opposition à la vision
stalinienne du communisme en contestant le règne de la bureaucratie (nom donné par Trotski à
la nomenklatura) et en prônant la démocratie et la liberté de débat au sein du Parti communiste.
Déjà divisé du vivant de Trotski, le trotskisme éclate en multiples tendances
(pablisme, lambertisme, Union communiste, posadisme, morenisme...) après la Seconde Guerre
mondiale71,72.
Maoïsme[modifier | modifier le code]
Article connexe : Maoïsme.

Statue de Mao Zedong.

Le maoïsme – du nom de Mao Zedong – naît d'une adaptation du marxisme-léninisme aux


réalités chinoises : Mao ajoute de nouveaux concepts, comme la Nouvelle Démocratie et
la guerre populaire, et juge que la principale contradiction se situe entre les campagnes et les
villes ce qui, à l'échelle mondiale, se traduit par l'opposition entre pays sous-développés et États
capitalistes. Il vise également à remodeler totalement la société et les mentalités, par une
politique volontariste de modernisation économique73.
Après la rupture sino-soviétique, Mao se présente comme le champion de l'« anti-
révisionnisme », c'est-à-dire de la stricte orthodoxie marxiste-léniniste. Le maoïsme adopte en
outre une ligne plus clairement tiers-mondiste avec la théorie des trois mondes, qui postule que
les pays, dans le contexte la guerre froide, sont divisés non pas en deux camps — communistes
et « réactionnaires » — mais en trois camps, avec respectivement les deux superpuissances,
les pays développés, et enfin les pays en voie de développement, dont fait partie la Chine. Les
thèses de Mao ont influencé, outre divers groupuscules occidentaux, des mouvements insurgés
du tiers monde qui se sont inspirés de son discours « anti-impérialiste »74.
Autres courants léninistes et anti-léninistes[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Titisme, Juche, Communisme de conseils et Gauche
communiste.
D'autres courants communistes d'importance inégale existent, certains étant essentiellement à
usage d'une région du monde, voire d'un pays. On a appelé titisme – du nom de Tito, qui utilisait
pour sa part le terme « yougoslavisme » – la pratique politique en vigueur en Yougoslavie après
la rupture de ce pays avec l'URSS. Tito prônait l'unité de son pays selon un principe d'équilibre
entre les nationalités, et l'économie yougoslave fonctionnait officiellement selon les principes de
l'autogestion des entreprises par les travailleurs. Dans les faits, l'autogestion yougoslave est
demeurée superficielle et subordonnée au contrôle par l'État et le Parti75,76. L'opéraïsme est une
tendance née en Italie dans les années 1960, qui prône les grèves sauvages, l'illégalisme ainsi
que le refus radical de l'organisation capitaliste du travail, et qui a influencé une partie de
l'extrême gauche italienne pendant les années de plomb77,78. On a parfois
appelé « hoxhaïsme » le marxisme-léninisme « anti-révisionniste » et stalinien, professé
en Albanie par Enver Hoxha79. L'idéologie maoïste radicale du Sentier lumineux, au Pérou, est
appelée « Pensée Gonzalo » du nom du fondateur de l'organisation, Abimael
Guzmán alias « Président Gonzalo ». Le Juche est l'idéologie en vigueur en Corée du Nord :
élaborée par Kim Il-Sung avec l'aide de divers cadres de son régime, cette doctrine s'est d'abord
revendiquée du marxisme-léninisme, avant de se présenter comme une doctrine originale ayant
transcendé le marxisme lui-même. Le Juche se traduit surtout par un discours nationaliste
prônant un socialisme autosuffisant, et par des pratiques autarciques80.

Un autre des symboles utilisés par le communisme, l'étoile rouge, représente les cinq continents et la
révolution prolétarienne.

Le mot gramscisme désigne la pensée d'Antonio Gramsci, auteur d'une œuvre théorique
marxiste hétérodoxe et découverte après la mort de son auteur. Publiée de manière souvent
tronquée en fonction des intérêts du Parti communiste italien, la pensée de Gramsci a fait l'objet
d'interprétations divergentes. Gramsci prend ses distances par rapport à l'économisme marxiste,
en jugeant que l'Histoire n'est pas déterminée par la structure économique mais par
l'interprétation que l'on donne de cette structure et des lois qui la régissent, et en adoptant une
démarche qui relève de l'historicisme. Le rattachement du gramscisme au léninisme fait l'objet de
débats, et semble surtout obéir à une interprétation opportuniste de la part des dirigeants
communistes italiens. Gramsci se distingue également en insistant sur le rôle de la culture et
des intellectuels, et sur le fait que les révolutionnaires doivent viser l'hégémonie culturelle. Cette
conception implique d'agir non seulement sur les terrains politique et économique, mais
également sur ceux de la culture et des arts, car ceux-ci touchent la conscience collective81,82.
On appelle castrisme - du nom de Fidel Castro - un ensemble de thèses portant sur la spécificité
de la révolution cubaine, mais aussi le régime marxiste-léniniste cubain lui-même et, par
extension, les courants qui s'en réclament. Le castrisme ne constitue pas une idéologie distincte
à proprement parler, mais un discours analysant le monde sous l'angle de l'anti-impérialisme et
du tiers-mondisme, et assimilant la lutte contre le capitalisme - incarné en l'occurrence par
l'impérialisme américain - à celle contre une forme de néocolonialisme83.
On a par ailleurs baptisé du nom de Gauche communiste un ensemble de courants de
pensée « gauchistes » (d'extrême gauche ou d'ultra gauche), apparus dès l'entre-deux-guerres,
et dont certains s'opposent au léninisme. Le luxemburgisme - nom donné au courant qui se
réclame de Rosa Luxemburg - s'oppose aux conceptions de Lénine sur le rôle dirigeant du parti
et juge que le prolétariat doit prendre lui-même son destin en main, en utilisant notamment la
grève de masse spontanée ; cette école de pensée trouve son prolongement dans
le communisme de conseils (ou « conseillisme ») qui prône un gouvernement par les conseils
ouvriers84,85. Le terme d'« ultra gauche » est parfois employé comme synonyme de l'extrême
gauche elle-même, mais peut désigner, de manière plus précise, cet ensemble de courants
communistes anti-léninistes86. Le bordiguisme - du nom d'Amadeo Bordiga - est pour sa part une
tendance « gauchiste » du léninisme, qui se réclame des conceptions de Lénine mais voit dans
l'URSS un « État capitaliste »87.
On a appelé eurocommunisme un courant porté dans les années 1970 par plusieurs partis
communistes, pour la plupart européens, et qui consistait - sans pour autant rompre avec l'URSS
- à remettre en cause l'orthodoxie idéologique, en renonçant à diverses notions comme
la dictature du prolétariat ou le marxisme-léninisme, et en prônant une évolution démocratique
vers le socialisme88.
Synonymes[modifier | modifier le code]
Issu du socialisme, le communisme a continué de s'en réclamer. L'URSS et les régimes nés
après elle se sont ainsi présentés comme des « pays socialistes », expression qui a été
employée comme synonyme de « pays communistes »89, l'URSS étant elle-même qualifiée
de « patrie du socialisme ». Le terme socialisme scientifique a été également utilisé par les
régimes communistes et leurs partisans pour qualifier la forme de socialisme pratiquée dans
leurs pays90. Le mot marxisme est parfois utilisé comme un synonyme
de « communisme » (éventuellement en utilisant l'adjectif marxiste comme synonyme
de communiste), bien que le marxisme, pris au sens large, ne se résume pas à son interprétation
léniniste91.
Les régimes communistes ont par ailleurs désigné leur propre pratique gouvernementale sous le
nom de « socialisme réel » (ou « socialisme réellement existant »), destiné à présenter leurs
formes de gouvernement et de société comme une phase de transition continue vers le
communisme intégral, la frontière entre le stade du socialisme réel et celui du communisme
proprement dit n'étant plus clairement définie. Si Nikita Khrouchtchev a proclamé en 1961 que
l'objectif du communisme serait atteint à brève échéance, cette affirmation est ensuite
abandonnée au profit des objectifs plus modestes de la « société socialiste développée »92.
Le communisme, au sens contemporain du terme, a été tout d'abord associé pour l'essentiel
aux bolcheviks. En conséquence, le mot « bolchevisme » a été employé - parfois de manière
péjorative - pour désigner la mouvance communiste dans son ensemble. Il n'est tombé que
progressivement en désuétude, surtout après la Seconde Guerre mondiale : le
mot « bolchevik » a continué jusqu'en 1952 de figurer entre parenthèses à la fin du nom officiel
du Parti communiste de l'Union soviétique93.
La notion d'État communiste[modifier | modifier le code]
Articles connexes : État communiste, Démocratie populaire et Économie planifiée.

Les régimes communistes en 1979.


Le Grand Palais du Kremlin, siège, à l'époque de l'URSS, du Soviet suprême de l'Union soviétique.

Le mot communisme désignait, étymologiquement, une société sans État. Du fait de l'évolution
de son usage, il désigne également, par extension, une forme de régime politique dominé par le
parti communiste local, et caractérisé par un État fort. Ni Marx ni Engels ne décrivent avec
précision à quoi ressemblera l'« État ouvrier » durant la période de la dictature du prolétariat94 :
dans la pratique, la prise du pouvoir par les communistes a débouché sur la mise en place de
régimes où le PC local – qu'il soit parti unique de manière officielle ou de facto – détient le
monopole du pouvoir, excluant toute alternance et toute forme de véritable pluralisme politique95,
dans des pays se présentant comme « démocratiques », « populaires » et « socialistes ».
L'historien Jean-François Soulet dégage un ensemble de traits communs permettant de
distinguer l'URSS et les régimes communistes fondés après elle : tout d'abord, la toute-puissance
du parti communiste local, dont la direction – sur le modèle du Politburo du PCUS en URSS ou
du Politburo du PCC en Chine – est le principal organe de décision ; dans la majorité des cas, le
véritable dirigeant de l'État est le chef du Parti (qui peut, sans que cela soit systématique,
cumuler son poste avec celui de chef du gouvernement ou de chef de l'État). Ensuite, le poids
d'autres groupes de pression influents comme l'armée et la police ; l'existence d'une classe
dirigeante privilégiée – la nomenklatura – liée à l'appareil du régime et du Parti (les cadres du
Parti étant également surnommés apparatchiks) ; enfin, une économie étatisée96.
L'historien Archie Brown définit un ensemble de critères permettant d'identifier un système
politique communiste : pour lui, le terme de « communisme » est le plus adapté pour désigner ce
type de régime. L'usage du terme « socialiste », que les régimes communistes utilisaient pour se
désigner eux-mêmes, est en effet inadéquat en ce que le concept de socialisme recouvre un
ensemble politique bien plus vaste : « étant donné que les partis communistes au pouvoir
qualifiaient leurs systèmes politiques de « socialistes », il est raisonnable de se demander en
quoi il est justifié de les appeler « communistes ». De nombreux politiciens ex-communistes ont
contesté l'usage de ce terme car, nous rappellent-ils, le « communisme » était censé être le
dernier stade du socialisme, qu'ils n'ont jamais prétendu avoir atteint. Cependant, les membres
de ces partis au pouvoir se définissaient eux-mêmes comme des communistes et les chercheurs
occidentaux, en rangeant les systèmes dans la catégorie « communiste », n'envisageaient pas
une seconde qu'ils parlaient de ce que Marx et Lénine décrivaient par le terme « communisme »
— cette société auto-gouvernée, sans État, et coopérative, qui n'a jamais existé nulle part »89.

Défilé de l'Armée rouge en 1946.

Pour Brown, la première caractéristique d'un système communiste est le monopole du pouvoir
exercé par le Parti communiste local, selon une logique de parti unique de fait ou de droit. Cette
méthode de gouvernement est assimilée après 1945 à la dictature du prolétariat : ce concept se
traduit dans les faits par le règne du Parti, celui-ci étant présenté comme l'expression exclusive
de la volonté et des intérêts du prolétariat. Durant la période post-stalinienne, le terme le plus
couramment utilisé sur le plan officiel était celui de « rôle dirigeant » du Parti. Un système de
gouvernement communiste se distingue également par la pratique du centralisme
démocratique et, sur le plan économique, par une économie planifiée, pouvant éventuellement
coexister dans certains cas avec une forme d'économie de marché dans certains secteurs
d'activité89. La forme de contrôle de l'économie par l'État est parfois qualifiée de capitalisme
d'État97, terme utilisé dès 1918 par Lénine lui-même (mais notamment employé, par la suite, par
les adversaires « gauchistes » et conseillistes du communisme soviétique98) : le développement
du marché sous contrôle de l'État est à l'origine conçu, dans une société largement non
industrialisée comme celle de la Russie, comme une étape vers la construction du socialisme99.

Troupes de la Nationale Volksarmee, l'armée de la RDA, en 1974.

Enfin, Archie Brown cite comme dernier critère l'existence d'une forme d'organisation
internationale communiste et l'appartenance du régime politique concerné à celle-ci89.
Le style de gouvernement pratiqué par les régimes communistes peut par ailleurs varier : de
nombreux régimes se distinguent, malgré l'internationalisme de principe de la mouvance
communiste, en mariant la rhétorique communiste à une propagande nationaliste, soit par
principe, soit en fonction des besoins politiques du moment. Cuba, la Corée du Nord,
la Roumanie, l'Albanie et le Nord Viêt Nam (puis le Viêt Nam réunifié) ont pu ainsi, dans des
registres et des contextes très différents, pratiquer une forme de « national-communisme »100.
L'expression démocratie populaire a été utilisée après la Seconde Guerre mondiale pour
désigner les régimes communistes, notamment les pays européens du bloc de l'Est : dans la
phraséologie communiste, ce terme désigne une forme de gouvernement censément différente
de celle de l'URSS, car située à un stade moins avancé de l'évolution socialiste, et dans laquelle
le Parti communiste aurait comme rôle de diriger l'ensemble des forces
politiques « antifascistes ». Cela a pu se traduire par un système non pas de parti unique officiel,
mais de coalition, où sont autorisés, non seulement le parti communiste local, mais également un
certain nombre de partis-satellites, réunis au sein d'un front unique : le parti communiste détient
cependant la réalité du pouvoir. Ce type d'organisation politique était notamment en vigueur dans
une partie des régimes d'Europe de l'Est ; la RDA était ainsi gouvernée par le Parti socialiste
unifié d'Allemagne (SED), mais quatre autres partis, inféodés au SED, étaient autorisés à exister
au sein du Front national de la République démocratique allemande. D'autres régimes
communistes n'autorisent que le parti communiste et les organisations de masse qui lui sont
affiliées. Dans la pratique, la définition de ce qu'est une « démocratie populaire » n'est pas
forcément très précise, et le terme a été souvent utilisé comme un simple synonyme d'État
communiste101,95.

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