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Définition première et évolution du sens

Sens d'origine[modifier | modifier le code]

À Utopia, la cité idéale imaginée au XVIe siècle par Thomas More dans son œuvre fondatrice, le libre
consentement des citoyens (et pas seulement des prolétaires) relève du courant de pensée utopiste,
différent du communisme moderne qui, pour sa part, admet la coercition comme moyen de faire évoluer les
sociétés.

Dans son sens d'origine et d'un point de vue philosophique, le mot désigne une forme
d'organisation sociale marquée par la mise en commun des biens. Il peut désigner au sens
large « toute organisation économique et sociale dont la base est la propriété commune par
opposition à la propriété individuelle » ; pris dans ce sens, le concept présente certains points
communs avec la cité idéale telle que la définissait Platon dans La République10,11. Il y écrit
notamment : « Aucun d'eux ne possédera rien en propre, hors les objets de première
nécessité »12. Cette notion est reprise par les stoïciens, dont notamment Sénèque lorsqu'il posa
les bases de l'évergétisme romain : « Le bien commun est le fait du sage13. » ou « L'homme est
un animal social né pour le bien commun14. »
Cette définition d'une société communiste s'est notamment développée dans la
pensée utopiste dont Thomas More est, au XVIe siècle, le précurseur ; ce dernier n'envisage pas
de moyens coercitifs pour y parvenir.
Au XVIIIe siècle, la philosophie des Lumières met en évidence l'idée d'un bien commun, à la suite
du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Jean-Jacques
Rousseau situe l'origine des inégalités dans la propriété. Il déclare que l'idée de biens commun
est à l'origine d'une société bien constituée. « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de
dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la
société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point
épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses
semblables : gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les
fruits sont à tous, et que la Terre n'est à personne15. »
C'est dans Du contrat social, que Rousseau évoque plus clairement sa pensée à ce sujet : « la
propriété n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant »16, et ajoute que « le plus
fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit, et
l'obéissance en devoir. De là le droit du plus fort ; droit pris ironiquement en apparence, et
réellement établi en principe »16. Il comprend que l'origine de la propriété n'est qu'à rechercher
dans la force. Dans le même ouvrage, il déclare les raisons de l'iniquité des lois, « les lois sont
toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n'ont rien »16. Sa pensée annonce
l'avènement de la pensée communiste au XIXe siècle, et même dans un certain sens à
l'anarchisme, lorsqu'il dit : « quoi qu’il en soit, à l’instant qu’un Peuple se donne des
Représentants, il n’est plus libre ; il n’est plus »16. Sa théorie du contrat social relève d'une société
sans État, dont les individus assemblés en Peuple seraient capables de se donner des droits
(ayant un substrat commun) et de les respecter. « L'impulsion du seul appétit est esclavage, et
l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté »16.
Le passage à une telle société est conçu soit comme une application des principes égalitaires
du christianisme — idée présente notamment chez des auteurs comme Étienne Cabet — soit
comme un retour au communisme primitif dont certains postulent qu'il aurait été l'état originel des
sociétés humaines4,17,18,19. En 1869, le philosophe Ludwig Büchner décrit le communisme
comme « un état social où, sans péril pour le but même de la société ou pour l'individualité de
chacun, le travail dégagé de toute contrainte et purement volontaire, aurait uniquement pour but
le bien de la communauté »20.
Évolutions[modifier | modifier le code]

Garde d'honneur de jeunes pionniers devant un monument à Lénine, en URSS.

Durant la première moitié du XIXe siècle, on retrouve des idées communistes dans divers courants
de pensée se réclamant de Gracchus Babeuf. L'aspiration au communisme est présente aussi
bien chez des révolutionnaires radicaux comme Auguste Blanqui que chez des chrétiens comme
Cabet et Wilhelm Weitling. Le mot communisme devient un élément des vocabulaires
du socialisme - dont il désigne au sens plus large des formes radicales - et de l'anarchisme. Karl
Marx et Friedrich Engels le reprennent à leur compte dans leur Manifeste du parti
communiste (1848) ; il est par la suite associé plus nettement au marxisme, qui devient
progressivement l'idéologie dominante du courant socialiste et social-démocrate européen. Pour
Marx et ses continuateurs, le communisme est la forme que prendra la société future, à l'issue
d'un processus historique sous-tendu par la lutte des classes et qui débouchera sur le
renversement du capitalisme. Le terme communisme ne désigne pas, alors, un courant politique
distinct du socialisme et de la social-démocratie. En 1890, dans la préface à une réédition
du Manifeste, Engels explique que Marx et lui ont choisi en 1848 de se revendiquer comme
communistes car le mot désignait alors, au sein du mouvement ouvrier, ceux qui exigeaient « que
la société fût réorganisée de fond en comble »17,19. À la fin du XIXe siècle, la notion de
communisme est essentiellement rattachée à celle de collectivisme économique, qui désigne
plus précisément les doctrines prônant la mise en commun des moyens de production21 et plus
particulièrement l'abolition de la propriété privée.
À la suite de la révolution d'Octobre, le mot communisme est rattaché, de manière
prépondérante, à la tendance léniniste du marxisme. Lénine s'approprie dans ses écrits le
terme « communisme » pour distinguer son parti et ses idées des autres familles politiques
de gauche22. Dans L'État et la Révolution, rédigé avant la révolution d'Octobre, il souligne
que « dans la mesure où les moyens de production deviennent propriété commune, le
mot « communisme » peut s'appliquer également [dans la phase socialiste de l'« État
prolétarien »] à condition de ne pas oublier que ce n'est pas le communisme intégral »23.
Après leur prise de pouvoir et la naissance de la Russie soviétique, les bolcheviks se
rebaptisent Parti communiste, afin de souligner leur caractère révolutionnaire et de se différencier
désormais des sociaux-démocrates : Lénine souligne en 1919 que l'utilisation du
mot « communisme » est « incomparablement plus forte » du point de vue du mouvement
ouvrier, et qu'il permet de se distinguer de la IIe internationale agonisante. Pour lui, cependant,
l'utilisation du terme communiste ne doit pas signifier que le « régime communiste », au sens de
phase supérieure du socialisme, est réalisé24.
À la suite des bouleversements que constituent la révolution en Russie et la création de
l'Internationale communiste, le mot « communisme » désigne, de manière prépondérante, les
partisans des bolcheviks et de l'URSS17 : pris dans ce sens, le communisme est une scission du
socialisme, qui reprend l'internationalisme de principe de sa mouvance d'origine et vise à
propager la révolution à l'échelle mondiale. Les communistes ambitionnent de supplanter les
socialistes comme porte-drapeaux du mouvement ouvrier ; ils reprennent par ailleurs à leur
compte l'usage d'un certain nombre de symboles historiques et signes distinctifs du socialisme,
comme l'usage du drapeau rouge et de la couleur rouge en général, ou le chant L'Internationale.
Le mot désigne non plus uniquement la société sans classes et sans État censée représenter le
dernier stade de l'évolution socialiste, mais l'ensemble des pratiques politiques et
gouvernementales mises en œuvre par des régimes politiques se réclamant du marxisme-
léninisme, et dans lesquels le Parti communiste local exerce le monopole du pouvoir. Il désigne
également de manière plus large, l'ensemble des actions et des théories des partisans de cette
idéologie. Les communistes continuent par ailleurs de se réclamer du socialisme, ce qui a
occasionné de nombreuses confusions entre les mouvances socialistes et communistes et a
permis à leurs adversaires de réaliser des amalgames entre elles25.
Sur le plan économique, le marxisme prône la destruction du capitalisme et s'oppose par
conséquent au libéralisme et à l'économie de marché : la propriété collective des moyens de
production se traduit historiquement, dans les régimes communistes, par une
économie étatisée, dirigiste et planifiée, où le secteur privé, pour autant qu'il soit autorisé, ne doit
théoriquement jouer qu'un rôle limité. Les pays ayant connu une révolution communiste ont non
seulement étatisé l'économie, mais également, du fait du caractère souvent peu développé de
leurs économies, mis en œuvre des politiques d'industrialisation destinées à renforcer la
productivité et à moderniser leurs sociétés26.
Les anarchistes, au sein desquels le communisme libertaire (ou anarcho-communisme) demeure
un courant important, continuent quant à eux de se réclamer de leurs propres conceptions du
communisme27, qu'ils présentent volontiers comme le seul communisme authentique, en
opposition totale avec les conceptions léninistes28.

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