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Historiographie

d'un siècle de social-démocratie allemande

par Jacques DROZ

Il n'existe actuellement aucun ouvrage d'ensemble sur la social-


démocratie allemande. Le grand travail de F. Mehring (1) réédité en
1960 en République démocratique allemande ne dépasse pas 1891. La
SED a entrepris la publication en huit volumes d'une monumentale
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung (2) qui constitue un outil
de travail fort utile, mais qui est plus tourné vers les origines et l'his-
toire du Parti communiste allemand que vers la social-démocratie et
qui laisse percevoir à l'égard de celle-ci un esprit d'hostilité. L'on
trouvera dans les comptes rendus de la Zeitschrift fur Geschitswis-
senschaft et tout particulièrement dans le volume de rapports publié
par cette revue en 1970 (3) le moyen de se reconnaître dans cette
importante littérature: En Allemagne fédérale, à l'occasion du cente-
naire de la création du premier parti socialiste allemand, G. Eckert à
publié un recueil fort suggestif de documents et de photographiés (4),
mais dont le texte introductif est trop sommaire pour que le lecteur,
non averti puisse se faire une idée des problèmes que pose l'histoire
de la social-démocratie allemande. Vers la même époque, W. Abend-
roth, professeur à l'université de Marburg, publiait un essai fort
incisif (5) à l'égard des leaders de la social-démocratie, remarquable-
ment informé, mais qui en fin de compte apparaît autant comme l'oeu-
vre d'un polémiste que d'un historien. Si méritoires soient-ils, les livres
de H. Wachenheim (6) et de H. Grebing (7) portent davantage sur l'his-
toire du mouvement" ouvrier dans son ensemble que sur celle du Parti
social-démocrate ; et tout récemment la petite histoire du socialisme
publiée par H. Potthoff et S. Miller (8), marquée par l'esprit de

(1) F. MEHRING,Geschichte der deutschen Sozial-Demokratie, 2 vol., Berlin-


Est, 1960.
(2) Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung (hrsg. vom Institut fur
Marxismus-Leninismus biem Zentralkomitee der SDE), 8 vol., Berlin-Est, 1960-
1966.
(3) Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft. Historische Forschungen in der
DDR 1960-1970.Analysen und Berichte, Beflin-Est, 1970.
(4) G. ECKERT (éd.), 1863-1963.Hundert Jahre deutsche Sozialdemokratie. Bilder
und Dokumente, Hanovre, 1963.
(5) W. ABENDROTH, Aufstieg und Krise der deutschen Sozialdemokratie, Franc-
fort, 1964.
(6) H. WACHENHEIM, Die deutsche Arbeiterbewegung 1844-1914,Cologne et Opla-
den, .1967.
(7) H. GREBING, Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Munich, 1966.
(8) H. POTTHOFF, Die Sozialdemokratie von den Anfàngen bis 1945; S. MILLER,
Die SPD vor und nach Godesberg, Bonn et Bad Godesberg, 1974.
4 J. DROZ

Godesberg, n'est qu'un instrument de travail commode pour étudiants.


Que le socialisme reste au centre des préoccupations des historiens
allemands, c'est ce dont témoigne la publication récente sous la direc-
tion de H. Mommsen, d'un ouvrage collectif : Social-démocratie entre
mouvement de classes et parti populaire (9), remarquable mise au
point des questions controversées au cours du congrès des historiens
allemands à Ratisbonne en 1972. Les publications de la Friedrich-Ebert-
Stiftung, et tout particulièrement l ' Archiv fur Sozialgeschichte, qui
apporte annuellement des comptes rendus sur les ouvrages touchant
l'histoire du mouvement ouvrier allemand ; l'Internationale Wissen-
schaftliche Korrespondenz zur Geschichte der deutschen Arbeiter-
bewegung, publiée aux frais de la Historische Kommission zu Berlin,
par H. Skrzypczak; la constitution auprès de la nouvelle université
de Bochum d'un centre spécialisé dans l'histoire du monde ouvrier :
tels sont les signes de l'intérêt porté à un secteur de l'histoire qui a
été trop longtemps négligé. Cependant, pour le moment, nous sommes
en présence d'études partielles, dont le présent article, qui ne se veut
nullement exhaustif, présentera l'orientation et les conclusions essen-
tielles (10).

La formation du parti social-démocrate

L'histoire du mouvement ouvrier fait remonter à 1863 la date où se


constitue pour la première fois en Europe un Parti ouvrier groupant
les travailleurs, indépendamment des formations bourgeoises exis-
tantes. C'est alors que Frédéric Lassalle accepte de rédiger un pro-
gramme pour l'Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein (ADAV), qui
prit ses distances à l'égard du Parti du Progrès (Vortschrittspartei),
au: sein duquel le libéral Schulze-Delitzsch avait jusqu'alors tenté de
faire pénétrer les associations ouvrières. Mais ici, tout de suite un
problème se pose : quelle était alors l'orientation politique dominante
au sein du mouvement ouvrier allemand, que la réaction des années
1850 avait sans doute contrarié sans le supprimer complètement ?
A quelles traditions pouvait-il se rattacher ? Les travaux accomplis en
RDA, en particulier sous l'influence de K. Obermann (11) ont mis en
valeur, l'influence de la Ligue des Communistes (Bund der Kommuni-
sten) qui a été entre 1847 et 1852 une école de cadres révolutionnaires
et qui a perpétué la tradition révolutionnaire exposée par Marx dans
la Nouvelle Gazette rhénane. En revanche, en RFA, F. Baiser (12)
estime que les documents ne permettent pas de conclure à l'influence
de Marx sur le mouvement de la Fraternité ouvrière (Arbeiterver-
bruderung), créé eh 1848 par Stephan Born et dont les tendances ont

(9) H. MOMMSEN (éd.), Sozialdemokratie zwischen Klassenbewegung und Volks-


partei, Francfort, 1974.
(10) Pour la chronologie générale; le lecteur se reportera à F. OSTERROTH et
D. SCHUSTER, Chronik der deutschen Sozialdemokratie, Hanovre, 1964.
(11) K. OBERMANN, Zur Geschichte des Bundes der Kommunisten 1849 bis 1952,
Berlin-Est, 1955; cf. depuis Der Bund der Kommunisten. Dokumente, Matèria-
len I, Berlin-Est, 1970.
(12) F. BALSER,Sozial-Demokratie 1848/49-1863.Die erste deutsche, Arbeiter-
bewegung « Allgemeine deutsche Arbeiterverbrûderung » nach der Revolution,
2 vol., Stuttgart, 1962.
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été strictement réformistes; la Ligue des Communistes aurait été,


selon elle, un état-major sans troupes. L'indépendance du mouvement
ouvrier allemand à l'égard du marxisme a été également soulignée par
S. Miller. Dans un essai sur.la Ligue des Communistes, l'historien
israélien S. Na'Aman conclut :

L'importance de la Ligue des Communistes ne saurait être sous-


estimée à cause de son influence idéologique ; mais c'est grâce à
l'action organisatrice de la Fraternité que ses idées ont pénétré dans
le mouvement ouvrier ; sinon elle n'aurait été qu'une secte (13).

Peu de personnalités ont soulevé des jugements aussi contradic-


toires que Ferdinand Lassalle, en qui certains voient un « socialiste
d'Etat petit-bourgeois », le fondateur d'une « secte », finalement un
traître à la' classe ouvrière ; d'autres, l'homme qui a voulu intégrer la
classe ouvrière dans l'Etat et qui doit être considéré comme lé véri-
table fondateur de la social-démocratie allemande. Dans différents
articles, puis dans une vaste monographie, S. Na'Aman (14) a cherché
à montrer qu'en 1863 Lassalle a fondé un parti d'un type nouveau,
avec lequel il désirait battre le Parti du progrès : donc une armé poli-
tique, où les revendications démocratiques se limitaient à l'acquisition
du suffrage universel et qui jetait par-dessus bord les revendications
traditionnelles de la Fraternité ouvrière. Aux yeux de Lassalle, la
notion de prolétariat n'était pas, comme pour Marx, primordiale, et
l'agitation ouvrière n'était pas un but en soi, les travailleurs n'étant
qu'une masse susceptible d'être mobilisée et non une force directrice
d'avant-garde. Jamais dans ces conditions l'ADAV n'eût pu devenir le
parti de la classe ouvrière allemande. Na'Amah a particulièrement
montré que les conceptions démocratiques de Lassalle étaient liées
chez lui à un certain jacobinisme, et non au parlementarisme libéral
dé son temps ; elles conduisaient à une sorte de dictature de la raison
(Diktatur der Èinsicht), d'inspiration fichtéenne, dontil aurait été le
chef plébiscité. Que Lassalle ait été bien plus que Marx l'introducteur
des idées socialistes eh Allemagne et qu'il ait été longtemps l'idole dé
la classe ouvrière ne doit cependant pas dissimuler l'insuffisance de
certaines dé ses conclusions, en particulier sur la « masse réaction-
naire », la loi d'airain des salaires qui rendait inutile l'action syndicale
et la « monarchie sociale» dont il s'entretenait avec Bismarck. Lés
contradictions du Lassallianisme sont de bonne heure apparues à
certains ouvriers, dont l'opposition a été étudiée en RDA par H. Hemm-
ler (15).
Dès 1863, de nombreux Arbeitervereine avaient refuse de suivre
Lassalle et avaient mis sur pied le Verband deutscher Arbeitervereine
(VDAV), qu'ont dirigé Wilhelm Liebknecht et August Bebel. On sait
que ceux-ci considéraient que les ouvriers n'étaient pas encore mûrs

(13) S. NA'AMAN,« Zur Geschichte des Bundes der Kommunisten in Deutschland


in der zweiten Phase seines Bestehens », Archiv fur Sozialgeschichte, V, 1965.
(14) S. NA'AMAN,Demokratische und soziale Impulse in der Frûhgeschichte der
deutschen Arbeiterbewegung der Jahre 1862/63, Wiesbaden, 1969; du même :
Lassalle, Hanovre, 1970.
(15) H. HUEMMLER, Opposition gegen Lassalle. Die revolutiondre proletarische
Opposition im Allgemeinen Deutschen Arbeiterverein 1862/63-1866,Berlin-Est,
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pour constituer un parti indépendant et qu'ils s'allièrent par haine de


la politiquer de Bismarck et de ses idées» petit-allemandes à la démo-
cratie bourgeoise de l'Allemagne du Sud. Sur l'attitude de Liebkhecht,
l'on est renseigné par la publication d'une grande partie de sa corres-
pondance avec Marx et Engels, ainsi qu'avec d'autres socialistes de
son temps, que l'on doit à G. Eckert (16). Il apparaît à quel point il est
difficile de cerner cette personnalité, où se mêlent patriotisme grand-
allemand; radicalisme démocratique, éthique quarante-huitarde, inter-
nationalisme marxiste, et beaucoup d'opportunisme. La biographie de
W. Tschubinski (17), publiée en RDA, montre le rôle important que
W. Liebknecht a joué dans l'introduction du marxisme en Allemagne,
sans nier d'ailleurs que sur le plan de la théorie il se révèle incapable
de.suivre la pensée de son maître, qui n'avait pour lui qu'une très
piètre estime. Il apparaît également, à travers la publication, dirigée
par R. Dlubek, des écrits de Bebel (18), que celui-ci n'était, pas l'élève
modèle de Marx que l'on s'est plus quelquefois à représenter. Quant
aux relations entre ces groupes socialistes et la démocratie petit-bour-
geoise, elles ont été illustrées par une autre publication de
G. Eckert (19), qui a mis en évidence la personnalité du philosophe
F.A. Lange, libéral adversaire de Bismarck, mais qui, plus que ses
congénères, a suivi de près révolution dans la région du Rhin de la
question »sociale et a cherché à lui trouver une solution. La rupture
entré la démocratie bourgeoise: et les groupements ouvriers avait fait
naguère l' objet d'une remarquable étude de G. Mayer (20), dont les
conclusions; ont été précisées dans une réédition récente par H.-U.
Wehler.
Aux formes diverses qu'à revêtues le premier mouvement allemand,
est liée l'histoire de la Première Internationale. L'opposition entre his-
toriens des deux Allemagnes est apparue sur ce thème lors du colloque
sur la Première Internationale qui eut lieu à ;Paris en 1964 (21): et ne
s'est guère dissipée depuis. R. Morgan avait montré que l'opposition
entre Schweitzer, chef de file des Lassalliens, et Liebknecht, portait
surtout sur la nature de la politique prussienne, et que l'un et l'autre
de ces deux leaders ont souhaité utiliser le prestige de l'Internationale
contre son adversaire (22). ; c'est donc sous l'angle de la rivalité person-
nelle qu'il faut comprendre l'adhésion tardive de Liebknecht à l'Inter-
nationale. A l'opposé, E. Engelberg a souligné l'apport personnel de
Marx sur les décisions des; leaders ouvriers (23), et ce n'est pas l'effet

(16) G. ECKERT(éd.), Wilhelm Liebknecht Briefwechsel mît Karl Marx und


Friedrich Engels, La Haye, 1963; du même, Wilhelm Liebknecht Briefwechsel
mit deutschen Sozialdemokraten, I,, Assen, 1973.
(17) W. TSCHUBINSKI, Wilhelm Liebknecht. Eine Biographie, Berlin-Est, 1973;
cf. aussi K.-H. LEIDIGKEIT,Wilhelm Liebknecht und August Bebel in der deutschen
Arbeiterbewegung 1862-1869,Berlin-Est, 1957.
(18) R. DUBLEK, U. HERRMANN et D. MALIK,August Bebel. Ausgewahlte Reden
und Schriften; 1, Berlin-Est, 1970.
(19) G. ECKERT (éd.), Friedrich Albert Lange. Ueber Politik und Philosophie.
Briefe und Leitartikel 1862-1874,Duisbourg, 1968.
(20) G. MAYER,; « Die Trenhung der proletarischen von der burgerlichen De-
mokratie in. Deutschland 1813-1870 », dans Radikalismus, Sozialismus und bur-
gerliche Demokratie, Francfort, 1969.
: (21) La Première Internationale. L'institution, l'implantation, le rayonnement,
Paris, 1968.
(22) P. MORGAN, The Germon Social-Democrats and the first International 1864-
1872,Cambridge, Mass., 1965. .
(23) E. ENGELBERG, « Die Rolle von Marx und Engels bei der Herausbildung
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du hasard si Bebel et Liebknecht; en s'appuyant sur les organisations


de l'Internationale ont jeté; les bases en 1869 du parti dit « Eisenach ».
Au centre des polémiques se trouve la personnalité de Johann Philip
Becker, qui de Genève a fondé en Allemagne les principaux foyers de
l'Internationale et dont R. Dlubek a dit que, s'il n'avait pas su entière-
ment se libérer d'un certain, comportement petit-bourgeois, il avait
largement réussi, à travers la publication du Vorbote, à faire triompher
en Allemagne les idées de Marx sur celles de Lassalle, puis de Proudhon
et de Bakounine (24).
L'une des questions majeures pour la social-démocratie à la période
de sa formation, a été l'attitude qu'elle a adoptée à l'égard du problème
national et de l'unité allemande. W. Conze et D. Groh (25) ont montré
à quel point le socialisme avait été lié à ses débuts avec l'idée; natio-
nale : il apparaissait inconcevable de vouloir édifier une société
équitable dans un pays qui n'aurait pas réalisé son unité. Le réveil du
socialisme après 1859 est indissoluble de la floraison des multiples
sociétés patriotiques de chant et de gymnastique. L'ADAV et le DVAV
n'ont guère différé que sur le sens à donner au mouvement unitaire,, le
premier petit-allemand, le second lié aux conceptions grand-allemandes
de la révolution de 1848. Il fallut la guerre de 1870, jugée d'abord défen-
sive, mais, condamnée quand elle se fit conquérante ; il fallut les
événements de la Commune, avec lesquels s'étaient solidarisés les
socialistes allemands ; il fallut la création de l'Empire allemand, dynas-
tique et hiérarchisé, où le prolétariat n'avait pas sa place, pour rejeter
la classe Ouvrière en dehors de la nation. L'isolement grandissant de la
social-démocratie ne fut donc pas dû à des considérations théoriques,
mais fut la réaction de la classe ouvrière à l'égard de la politique
répressive de l'Etat. C'est depuis lors que l'on parle des « vaterlands-
losen Gesellen » et. qu'on les dénonce comme ennemis du Reich (26).

La Social-Démocratie sous le Second Reich

La période qui s'étend entre la rédaction du programme de» Gotha


(1875) et celle du programme» d'Erfurt ( 1891) a été dominée par l'appli-
cation de la loi contre les socialistes votée en 1878 et qui a pratique-
ment réduit le parti à la clandestinité. L'étude de celle-ci a été menée
par E. Engelberg (27), qui a montré comment la Rothe Post, sous la
direction de Motteler et de Belli, a» su introduire de Suisse en Alle-
magne d'innombrables tracts et journaux, qui étaient ensuite répandus
à travers le Reich., L'on ne dira jamais assez le, degré de courage et
d'astuce qu'ont manifesté ces militants pour mener la lutte clandes-
tine contre la loi d'exception. A titre d'exemple, il est intéressant de

einer selbstândigen deutschen Arbeiterpartei 1864-1869 », Zeitschrift fur Ges-


chichtswissenschaft, II, 1954.
(24) R. DLUBEK, Johann Philip Becker. Vom radikalen Demokraten zum Mit-
streiter von Marx und Engels in der I. Internationale, Berlin-Est, 1964.
(25) W. CONZE et D. GROH,Die Arbeiterbewegung in der nationalen, Bewegung,
Stuttgart, 1965.
(26) Cf. R. HOEHN,Die Vaterlandslosen Gesellen. Der Sozialismus im Lichte
aer Geheimberichte der preussischen Polizei I 1878-1890,Cologne et Opladen,
1964. .
_ (27) E. ENGELBERG, Revolutionàre Politik und Rote Feldpost 1879-1890,Berlin-
Est, 1959.
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suivre à travers le livre de G. Eckert (28), à l'occasion du mouvement


de résistance dans la région de Brunswick dominée parla personnalité
dû lassallien repenti W. Bracke, comment les ouvriers socialistes: se
sont débattus dans un monde de calomnies, d'incompréhension et de
délation. L'évolution générale idéologique du parti à cette époque a été
retracée par l'historien américain V.L. Lintke (29), qui a souligné
d'une part que la législation antisocialiste a contribué à affirmer
l'emprise du marxisme sur le parti — l'interprétation de l'Etat comme
instrument de domination de la classe dirigeante s'est trouvée véri-
fiée —, d'autre part que les succès grandissants des sociaux-démocra-
tes, en particulier lors dès élections de 1884, ont favorisé dans le groupe
parlementaire de plus en plus influent lés tendances à l'opportunisme,
ce qui a provoqué de multiples conflits au sein du parti : c'est dans
une certaine ambiguïté à l'égard dû parlementarisme que s'est fondée
la prédominance de Bebel dans le parti, surtout à partir du congrès
de Saint-Gall (1887). L'épisode principal de cet aspect du « parlementa-
risme » social-démocrate, l'affaire de la subvention aux lignes de
navigation à vapeur, qui a été manifeste, chez certains l'occasion dès
sympathies pour le thème de là colonisation, a été étudié récemment
par W. Mittmann (30). Il a été pour une part dans le mouvement des
« Jeunes » (Jungen), dont l'orientation primitive a été beaucoup moins
un anarchisme théorique qu'une protestation contre l'exagération des
tendances réformistes et l'organisation centralisée du parti, comme l'a
montré H.M. Bock (31).
Sur l'approfondissement théorique du marxisme dans les années
1880, il est nécessaire de se reporter aux travaux sur Bebel. Le livre
sur La Femme, pour laquelle il réclame l'égalité des droits politiques,
a dû renverser bien des préjugés antiféministes dans la classe ouvrière,
comme l'a montré W. Thoennessen (32). Analysant le programme
d'Erfurt, W. Abendroth (33) s'est élevé contre l'interprétation, très
fréquente chez les historiens sociaux-démocrates, selon laquelle les
deux parties du programme - la partie théorique et l'énoncé des
réformes à obtenir immédiatement — seraient simplement juxtaposées
l'une à l'autre, alors qu'elles forment, selon lui, une unité dialectique,
l'idée de l'établissement de la société sans classes justifiant la conquête
actuelle des libertés démocratiques.
Analysé par l'historien P. Gay (34) comme un conflit entre l'attache-
ment aux principes et la volonté non dissimulée de parvenir au
pouvoir, le révisionnisme a fait récemment l'objet de deux monogra-

(28) G. ECKERT, Die Braunschweiger Arbeiterbewegung unter-dem Sozialisten-


gesetz 1.1878-1884,Brunswick, 1961.
(29) V.L. LIDTKE, The Outlawed Party. Social-Democracy in Germany 1878-1890,
Princeton, 1966.
(30) U. WIITMANN,« Das Postulat der innenparteilischen Demokratie. Der
Dampfersubventi onstreit 1884/85,Internationale Wissenschaftliche Korrespondenz
zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, 1975.
(31) H.M. BOCK,« Die Literaten und Studenten-Revolte der Jungen in der SPD
um 1890» in Das Argument, 13, 1971,Nr. 63.
(32) W. THOENNESSEN, Die Frauenemanzipation in Politik und Literatur der
deutschen Sozialdemokratie, Francfort, 1958.
(33) Cf. les positions différentes de S. MILLER,Das Problem der Freiheit im
Sozidlismus. Freiheit, Staat und Révolution in der Programmatik der Sozial-
demokratie von Lassalle bis zum Revisionismusstreit, Francfort, 1964,et W. ABEN-
DROTH, op. cit.
(34) P. GAY,Das Dilemma des demokratischen Sozialisrmus. Eduard Bernsteins
Auseinandersetzug mit Marx, Nuremberg, 1952.
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phies de valeur, celle de R.Jansen (35) sur Georg von Vollmar et celle
du germaniste français P., Angel (36) sur Eduard Bernstein. L'intérêt
de ce dernier Ouvrage a été de signaler les influences qui se sont exer-
cées sur la pensée de Bernstein (Fabiens anglais, doctrinaires de la
« Chaire ») et l'apparition au milieu des aimées 1890 d'une nouvelle
conjoncture économique : tendances qui se sont trouvées libérées en
1896 par la mort d'Engels. Plus récemment, B. Gustâffson (37), mettant
en rapport la pensée de Bernstein avec celle d'Engels au cours des
dernières années de sa vie, a insisté sur le caractère européen du
révisionnisme, dont il montre les manifestations en Italie, en France
et en' Russie. Cependant, si l'on en croit G.A. Ritter (38), le meilleur
historien du mouvement ouvrier allemand dans le second Reich, c'est
beaucoup moins l'oeuvre théorique de Bernstein qu'il faut invoquer
pour comprendre le succès du révisionnisme, que la pratique réfor-
miste qui a été celle des secrétaires de syndicats, des élus, municipaux
où des députés aux Diètes provinciales : militants qui regardent l'orga-
nisation du mouvement ouvrier comme une fin en soi et qui perdent
dé vue l'action révolutionnaire, dont ils ne veulent plus entendre parler.
C'est sous leur influence que la social-démocratie est devenue dans les
années 1890 « un parti de praticiens colportant quelques formules
révolutionnaires que l'on ne prenait pas au sérieux ». Cette oligarchie
bureaucratique a été dénoncée depuis longtemps par R. Michels (39),
dont les oeuvres ont été rééditées et traduites récemment. L'influence
grandissante des syndicats, plus modérés que le Parti lui-même, s'est
constamment affirmée, comme l'a montré dans une remarquable étude
l'historien est-allemand O. Fricke (40) à propos de la grève des mineurs
de 1905. Le rôle de Bernstein et des intellectuels révisionnistes se serait
donc limité, comme l'a montré C. Gneuss (41) a vouloir faire coïncider
le programme politique avec la pratique quotidienne. Mais il demeure
difficilement discutable que le révisionnisme, malgré lès. condamna-
tions officielles dont il a été l'objet, en particulier au congrès de
Dresde (1903), se soit largement répandu dans la social-démocratie
allemande.
La question du révisionnisme est en étroite relation avec le pro-
blème agraire de la social-démocratie, soulevé par Vollmar en 1892.
Le problème a été entièrement repris, par H.G. Lehmann (42), qui a
démontré que la tentative pour intéresser le parti à la défense de la
petite propriété foncière, dont Vollmar et David étaient partisans, s'est
heurtée, outre les fluctuations de Bebel, à l'opposition de Kautsky,
qui fit triompher au congrès du parti à Breslau (1895) le principe de
la supériorité économique de la grande propriété foncière et qui écri-

(35) R. JANSEN,Georg von Vollmar. Eine politische Biographie, Dusseldorf,


1958.
(36) P. ANGEL, Edouard Bernstein et l'évolution du socialisme allemand, Paris,
1961.
(37) B. GUSTAFSS0N, Bernstein und der Revisionismus Débatte, Francfort, 1972.
(38) G.A. RITTER,Die Arbeiterbewegung im Wilhelminischen Reich,, Berlin-
Ouest, 1955.
(39) R. MICHELS, Les partis politiques, Paris, 1971.
(40) D. FRICKE,Dir Ruhr-Bergarbeiter-Streik, Berlin-Est; 1955.
(41) C. GNEUSS, « Um den Einklang von Théorie und Praxis, Eduard Bernstein
und der Revisionismus », Marximus-Studien, II, Tubingen, 1957.
(42) H.G. LEHMANN, Die Agrarfrage in der Theorie und Praxis der deutschen
und internationalen Sozialdemokratie, Tubingen, 1970.
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vait peu de temps après sa Question agraire, ouvrage qui présente


encore un certain intérêt par la démonstration que l'agriculture est de
plus en plus révolutionnée par le capitalisme industriel et l'emprise
hypothécaire (43).
..... Kautsky et,le kautskysme, ont été depuis quelques années l'objet
de multiples analyses, qui ont contribué à révéler le caractère, dogma-
tique et stérilisant de la pensée de celui que l'on a appelé longtemps
« le Pape du marxisme ». C'est dans ce sens que s'était orienté dès 1957
E. Matthias (44), qui avait défini le kautskysme, une idéologie d .«inté-
gration », permettant de rassembler les diverses familles de pensée
socialiste. Les analyses.plus récentes de J. Steinberg (45) ont précisé
que Kautsky. avait, été; marqué de bonne heure par le darwinisme, puis
par le néo-lamarckisme, assimilant l'histoire à l'histoire naturelle et
la marche des sociétés à la transformation des espèces. En fait,
Kautsky a défini un marxisme, vulgaire, qui retire à l'enseignement du
Maître sa pointe révolutionnaire et qui s'en remet à l'automatisme
des forces historiques. N'écrivait-il pas déjà en 1881 : «Notre tâche
n'est pas d'organiser la révolution, mais de. nous organiser .pour la
révolution ; elle n'est .pas de faire la révolution, mais de l'utiliser » !
Cet aspect attentiste de la pensée de Kautsky, qui, conduit à l'immo-
bilité et à l'isolement, a été également souligné sans ménagement par
l'historien autrichien N. Leser (46), qui l'a mis en rapport avec l'austro-
marxisme. Peut-on dans ces conditions parler ;d'une rupture dans la
pensée de Kautsky vers 1909-1910, où d'un adversaire du révisionnisme
il serait devenu le théoricien de la droite au sein du Parti ? Ce n'est
pas l ' opinion de l'historien.est-allemand G. Irrlitz (47), dont les thèses
se rapprochent ; de celles de Steinberg : pour lui, Kautsky »aurait
adopté toute,sa vie des positions apparemment révolutionnaires et
une terminologie pseudo-marxiste : l'on pourrait multiplier les cita-
tions qui témoignent chez lui d'une conception étroite et superficielle
du marxisme, voire de, son, ignorance du matérialisme dialectique.
Quant à l'évolution de sa pensée à l'égard de l'impérialisme, elle a été
étudiée dans l'ensemble du contexte politique, par H.C. Schroeder (48) ;
mais, annonçant; des travaux de plus vaste envergure, I. Petit (49) a
fait la démonstration ..que les positions de Kautsky exposées après
1910 dans la Neue Zeii, selon lesquelles l'impérialisme n'est pas néces-
sairement, agressif et qu'il importe de détacher la fraction « raison-
nable. » de la bourgeoisie de la «clique» conquérante, sont en liaison
étroite avec sa préoccupation d'une alliance électorale avec l'aile

(43) La Question agraire a été réimprimée à Paris, chez Maspero, en 1970.


(44) E. MATTHIAS, Kautsky und der Kautskyanismus, Marxismus-Studien, II,
Tubingen, 1957.
(45) H.-J. STEINBERG, Sozialismus und deutsche Sozial-Demokratie. Zur Idéo-
logie der Pariei vordem I. Weltkrieg, Hanovre; 1967..
(46) N. LÉSER,Zwischen Reformismus und Bolchevismus. Der Austro-Marxis-
mus als Théorie, und Praxis, Vienne; 1968.
(47) G. IRRLITZ,»« Bemerkurigen ûber die Einheit» politischer und theoretischer
Wesensziige des Zentralismus in der deutschen Sozial-Demokratie», Beitrâge zur
Geschichte der Arbeiterbewegung, 1966,I.
(48) H.C. SCHROEDER, Sozialismus und Imperialismus: Die Auseinanderseizung
der deutschen Sozialdemokratie mit dem Impéridlismusproblem und der Welt-
politik vor1914, Hanovre; 1968.
(49) I. PETIT,« Kautsky et le problème: de l'impérialisme dans le Parti social-
démocrate de:1907 à 1914»; Revue d'Allemagne, juill.-sept. 1969.
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 11

progressiste de cette bourgeoisie afin de faire pièce à l ' impatience


rebelle,» de la gauche radicale.
S'il manque encore actuellement une monographie d'ensemble sur
Kautsky, la bibliographie de Rosa Luxemburg apparaît comme parti-
culièrement abondante. Si la monographie de E. Oelssner (50) porte la
marque dé l'époque stalinienne ou elle a été écrite et si "celle de
P. Froelich (51) Se ressent de l'amitié intellectuelle portée à celle dont
il fut chargé par le KPD de publier les oeuvres, le grand Ouvrage de
M. Nettl (52) a bien défini l'attitude de son héroïne en face du parle-
mentarisme et du bureaucratisme de la social-démocratie de l'époque,
soulignant son attirance sur les masses et certaines faiblesses dé son
oeuvre théorique: La thèse de G. Badia (53) à eu le souci de démarquer
la pensée dé R. Luxemburg par rapport à ce qu'il est convenu d'appeler
le « luxemburgisme » ; et il précisé la notion de « spontanéisme » dont
certains veulent faire à tort l'essentiel dé sa pensée, sous prétexte
qu'elle insiste sur l'importance du mouvement élémentaire des masses
ouvrières : elle n'a jamais eu de tendances libertaires comme ont crû
pouvoir l ' affirmer D. Guérin et les interprètes « gauchistes » de sa
pensée. L'affirmation du «primat des masses » ne suffit nullement,
selon Badia, à caractériser la doctrine révolutionnaire dé R. Luxem-
burg; et elle n'a jamais présenté la révolution comme la « solution-
miracle » de toutes lés difficultés. C'est à ia lumière de ces constatations
que Badia a repris l'analysé de la polémique qui a opposé R; Luxemburg
à Kautsky, dont elle combattait la croyance en un effondrement iné-
vitable du capitalisme, et ensuite de ses différends avec Lénine, dont
elle ne partage le sentiment ni sur le rôle du parti ni sur la fonction
des luttes nationales, s'il est vrai que cette dernière opposition est
malgré toutMarginale. Comme l'avaient fait avant lui A. Laschitza et
R. Guenther (54), Badia s'élève contre ceux qui font passer au premier
plan les polémiques entre Lénine et R. Luxemburg. Il estime également
impossible de lui attribuer la définition d'une sorte de « communisme
démocratique », comme ont cru pouvoir le faire à l'époque de la
République de Weimar Karl Korsch et Arthur Rosenberg. Ramenant
enfin à sa juste Valeur l'auteur de L'Accumulation du capital, il loue
ses intuitions fulgurantes, plus que la portée de ses analysés écono-
miques, soumises d'ailleurs au primat du politique.
II n'est pas douteux que là date de 1905, marquée par la première
révolution russe et le début dû débat sur la grève générale n'ait été
capitale pour l'histoire de la social-démocratie. Comment se situe dès
lors le rapport de forces au sein du parti ? C.E. Schorske (55) estime
que dès 1905 les groupes qui se forment alors et dont l'attitude se
précisé au cours des grands débats politiques des années de l ' avant-
guerre — crises marocaines, problème du vote de l'impôt, et des

(50) F. OELSSNER,
Rosa Luxemburg. Eine kritisché biographische Skizze, Berlin-
Est, 1951.
(51) P. FROELICH,Rosa Luxemburg, Gedanke und Tat, Hambourg, 1949; trad.
fr. chez Maspero, 1965.
(52) P. NETT, Rosa Luxemburg, Cologne et: Berlin, 1967; trad. fr. chez Mas
pero, 2 vol., 1972.
(53) G. BADIA,Rosa Luxemburg: Journaliste;, polémiste, révolutionnaire, Paris,
1975.Voir le compte: rendu plus loin.
(54.)A. LASCHITZA et R. GUENTHER, Rosa, Luxemburg. Ihr Wirken in der
deutschen Arbeiterbewegung, Berlin-Est, 1971
(55) CE. SCHORSKE,Germai Social Democracy 1905-1917, Cambridge Mass., 1955.
12 J. DROZ

crédits militaires — préfigurent les scissions qui se produiront en» 1917.


La chose paraît moins évidente à J.P. Nettl (56), qui estime que les
groupes étaient très mouvants et que même les fractions de la gauche
étaient fort; divisées entre elles.
Quant; à l'étude interne du parti social-démocrate pendant l'époque
du second Reich, elle, a. été menée à bien par l'historien, américain
G, Roth (57), qui a fortement mis, en évidence sa force et ses faiblesses.
Que la social-démocratie constituât aux yeux des étrangers un « parti
modèle», c'est,la certitude que suscitent le nombre considérable de
ses adhérents et l'excellence de ses organisations. Comme l'a noté
A. Kriegel (58), dans un bref,mais suggestif article, elle a constitué
une; « contre-société; prête à se substituer à la société établie dès .que
la maturité des conditions économico-sociales aurait engendré le pas-
sage nécessaire du capitalisme au socialisme ». Son originalité est sans
doute d'envelopper par un réseau serré de groupements ;et d'associa-
tions le militant socialiste du berceau jusqu'à la tombe et de.lui fournir
les éléments essentiels de son éducation physique et culturelle. C'est
également un,fait capital que la social-démocratie demeure un parti
essentiellement ouvrier, qui s'est développé surtout, dans les pays,,de
religion évangélique , et qui n'a obtenu que des succès mitigés dans la
conquête des ouvriers catholiques, des paysans pauvres et des mino-
rités nationales. Reste à déterminer — et c'est là sans doute le problème
essentiel —, le degré d'intégration ; de la classe ouvrière allemande
dans la société et dans l'Etat. Etudiant la social-démocratie dans la
décennie qui a précédé la première guerre mondiale, D. Groh (59) a
défini ce qu'il faut entendre par l'« intégration négative » du prolétariat
allemand, à savoir d'une part l'amélioration de la situation matérielle
et juridique des travailleurs, et d'autre part le refus systématique du
gouvernement de leur accorder l'égalité des droits et la»persistance de
leur isolement politique. Groh n'a pas de peine à montrer que l'accusa-
tion répétée, contre la social-démocratie d'hostilité à la religion, à la
famille et à la propriété, son attitude désignée comme staàtsfeindlich
et la suspicion de « trahison » qui pèse sur elle, ont permis aux classes
dirigeantes de tenir les ouvriers en dehors du Reich, d'invoquer même
contre eux la réforme de la constitution, l'abrogation du suffrage
universel, etc. Au processus de l'intégration négative a correspondu,
du côté dé la classe ouvrière, celui de l'« attentisme révolutionnaire »,
qui concilie le radicalisme verbal avec la conviction quiétiste que la
révolution: viendra d'elle-même, selon un processus dont on n'a qu'à
attendre le dénouement. Bref, l'attente; de la révolution correspond
psychologiquement au sentiment, journellement éprouvé, de l'impuis-
sance à l'égard dés forces dirigeantes dans la société et dans l'Etat.
L'ensemble de thèse de Groh prend toute sa signification, si elle est
replacée dans l'ensemble des travaux entrepris par H.U. Wehler et. ses

(56) J.P. NETTL,« The German Social-Démocratie Party 1890-1914as ;a political


Mode! », Past and Présent, 1965. ...
(57) G. ROTH,The Social Demoçrats in Imperial Germany, Totowa, 1963.
(58) A. KRIEGEL,« Le Parti modèle », Revue d'Allemagne, juill.-sept. 1969.
(59) D. GROH,Négative Intégration und revolutionârer Attentismus. Die
deutsche Sozialdemokratie am Vordbend der Ersten Weltkrieges, Berlin-Ouest,
1973.-
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 13

disciples; (60), et qui ont tenté de définir ce qu'il faut entendre;


par la Sammlungspolitik : politique de « rassemblement » des forces
conservatrices, bourgeoises et agraires, qui a pour but d'empêcher
toute concession aux socialistes ou. aux,démocrates, dont pn pourrait
attendre une évolution du régime vers le parlementarisme. Dans, le
cadre de cette interprétation, H.J. Steinberg (op. cit.) a analysé les
raisons de l'isolement de la social-démocratie et son impuissance poli-
tique à la veille de la première guerre mondiale : il apparaît que le
gouvernement utilise l'impérialisme et la Weltpolitik pour détourner
les esprits des revendications sociales et que ses appels ont déjà acquis
une large audience auprès du monde ouvrier. De son côté, P. Do-
mann (61) a signalé que la social-démocratie se serait, fort bien
satisfaite d'une monarchie parlementaire, de type plutôt anglais,que
français, et que dès 1909 elle prend la. défense de l'empereur et du
chancelier contre le «parti militaire ».
Longtemps négligée par les historiens allemands, l'histoire de la
social-démocratie pendant la première guerre mondiale avait été
envisagée du point de vue politique tant par E.O. Volkmann (62) qui
lui avait, reproché d'avoir par son pacifisme énervé la défense natio-
nale, par H. Heidegger (63) qui l'avait louée au contraire pour s'être
ralliée le 4 août à la politique de l'Union sacrée. Elle a été reprise
récemment dans la foulée du grand livre de F. Fischer, Griff nach der
Weltmacht, qui avait ' présenté la social-démocratie comme manipulée
par le chancelier Bethmann-Hollweg et ralliée par conséquent à sa
définition des buts de guerre. Les travaux nouveaux ont été facilités
par la publication des documents concernant la fraction social-démo-
crate dû Reichstag par les soins de la Commission pour l'histoire du
Parlementarisme. (64), ainsi que celle des Cahiers d'Eduard David,
représentant notoire de la droite au sein de cette fraction, qui entre-
tenait d'importants rapports avec le pouvoir et les députés bour-
geois (65). Le livre récent de S. Miller (66) sur Union sacrée et Lutté de
classes ne laisse subsister que peu de chose des conclusions de
Schorske qui avait trouvé dans l'avant-guerre les signes prémonitoires
de la scission, de 19l7. Il apparaît à travers l'analyse de S. Miller que
les clivages se sont, établis, au lendemain du 4 août, sur le degré de
confiance qu'il fallait accorder à Bethmann-Hollweg, dont les majori-
taires pensaient qu'il leur était acquis et auquel ils s'étaient dispensés
de demander une « garantie » pour leur participation au.Burgfrieden,
puis sur la question des annexions qui étaient de nature, selon certains,
à prolonger les hostilités, enfin sur le refus de la direction dû parti
de laisser les minoritaires s'exprimer librement au Reichstag. Etudiant

(60) Cf. en particulier H.U. WEHLER, Das deutsche Kaiserreich 1871-1918,


Gôttin-
gen, 1973.
(61) P. DOMANN, Sozialdemokratie und Kaisertum unter Wilhelm II, Wiesbaden,
1974.
(62) E.O. VOLKMANN, Der Marxismus und das deutsche Heer im.Wèltkriege,
Berlin, 1925.
(63) H. HEIDEGGER, Die deutsche Sozialdemokratie und der nationale Staat
1870-1920,Gôttingen, 1956.
(64) Protokolle der sozialdemokratischen Reichsiagfraktion, Bonn, 1966.
(65),E. MATTHIAS et S. MILLER(éd.), Das Kriegstagebuch des Reichstagsab-
geordneten Eduard David 1914bis 1918, Dusseldorf, 1966.
(66) S. Burgfrieden und Klassenkampf. Die deutsche Sozialdemokratie
im ersten MILLER,
Weltkrieg, Dusseldorf, 1974.
14 J. DROZ

la scission qui s'est opérée au printemps 1917, l'auteur montre que


d'une part les Majoritaires; ayant rompu avec la politique dé l'Union
sacrée et étant entrés dans la Commission interfractiohnellé — pre-
mière ébauche de la coalition de Weimar — n'ont pas su imposer une
réforme de l'Etat, d'autre part que l'USPD n'a pu devenir un» véritable
parti révolutionnaire. En fait, les deux partis socialistes, entre lesquels
se développe une méfiance grandissante, continuent l'un et l'autre à
flotter entre le parlementarisme, dont l'USPD se dégage malaisément,
et les voies révolutionnaires; que la social-démocratie majoritaire
continue à invoquer. Bien entendu, cette étude toute en nuances ne se
dispense pas de recourir à certains ouvrages antérieurs, en particulier'
à là monographie de l'historien est-allemand J. Kuczynski (67),; très
supérieure à ce que l'historiographie officielle à apporté sur ce thème
et au sujet duquel d'ailleurs une polémique s'est développée à Berlin,
et aux ouvrages de G. Badia qui tente de définir l'impact dû sparta-
kisme sur la classe ouvrière allemande (68).,

La Social-Démocratie sous la République de Weimar et le Troisième


Reich

La nature de la révolution de novembre 1918 ne fait plus depuis


longtemps l'objet de divergences sérieuses parmi les historiens. Après
bien.des discussions académiques pour savoir si cette révolution était
de nature socialiste où bourgeoise, les historiens de la RDA, comme l'a
montré A- Decker (69) dans un essai historiographique, se sont ralliés
à. la formulation de W. Ulbricht : « Là révolution de novembre doit
être caractérisée comme une révolution bourgeoise-démocratique, qui,
dans une certaine' mesure, a été effectuée par des moyens et des
méthodes prolétariens. » Il est admis également que, si des Conseils
d'ouvriers et de soldats se sont constitués dans toute l'Allemagne, les
vieilles structures n'ont été qu'à peine ébranlées et que la social-
démocratie reste le parti, le plus écoute par la classe ouvrière. Néan-
moins, d'amples problèmes restent posés à l'historien, qui découlent
de l'ambiguïté de la révolution de novembre, « une révolution qui n'a
jamais eu lieu », comme paradoxalement écrit Cl. Klein (70). Comment
expliquer que les leaders de la social-démocratie, disposant dû pouvoir
politique, n'aient pas tenté de briser là position des classes dirigeantes
et de transformer la,révolution politique en révolution sociale ? Quels
ont été les mobiles du chancelier Ebert se liant à l'état-inajor, des
négociations entre syndicats et patronat au sujet de l'Arbeitsgemein-
schaft, du maintien en tant que « techniciens » des anciens sous-
secrétaires d'Etat ? L'on ne peut que souscrire à la thèse, soutenue

(67) J., KUCZYNSKI,Der Ausbruch des Ersten Weltkrieges ind . die deutsche
Sozialdemokratie, Berlin-Est, 1957.Pour l'état actuel de la science historique en
RDA, cf. F. KLEIN(éd.), Deutschland im Ersten Weltkrieg, 3 vol., Berlin-Est, 1968-
1969.;
(68) G. BADIA,Le Spartakisme, Paris, 1967; du même, Les Spartakistes. 1918
l'Allemagne en révolution, Paris, 1960.;
(69) A. DECKER, «Die Novemberrevolution und die Geschichtwissensehaft in
der DDR», Internationale Wissenschaftliche Korrespondenz zur Geschichte der
Arbeiterbewegung, 1974.
(70) C. KLEIN,Weimar, Paris, 1968.
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 15

déjà anciennement par A. Rosenberg (71), selon laquelle la démission


de la social-démocratie en 1918/1919 porte en germe, à long terme,
la chute de la République de Weimar. Mais existait-il une « troisième
voie » entre la dictature du prolétariat, dont l'extrême gauche attendait
que les Conseils d'ouvriers lui ouvrissent la voie, et la République
parlementaire, dont les sociaux-démocrates pensaient qu'elle préser-
verait l'Allemagne du péril bolchevik en la faisant accéder pacifique-
ment au socialisme ? L'historien ouest-allemand de là République de
Weimar K. Erdmann (72) en nie la possibilité, d'accord en cela avec
l'historien soviétique J.S. Drabkin (73), alors qu'une thèse contraire
était développée par les historiens des Conseils, E. Kolb (74) et
P.V. Oertzen (75). Dans le cadre de cette discussion, W. Tormin (76)
a eu raison de montrer que la forme de codécision (Mitbestimmung)
qui.était demandée par les Conseils était entièrement étrangère au
mouvement ouvrier allemand, qui avait toujours attendu son émanci-
pation de la démocratie parlementaire. Quant à S. Miller (77), elle a
cru pouvoir expliquer la carence fondamentale de la social-démocratie
dans la crise de novembre 1918 par le manque de cadres politiques,
et cela :du fait de l'éloignement des affaires où l'avait constamment
tenue le régime impérial.
Les causes du déclin de la social-démocratie au cours des années qui
ont suivi l'installation de la République de Weimar ont été analysées ré-
cemment par À. Kasting (78), qui dépeint sa politique comme un mouve-
ment de pendule entre la coalition avec les partis bourgeois et
l'opposition — le Parti ignore s'il doit considérer l'Etat comme
l'expression des intérêts de tous ou comme l'instrument de la bour-
geoisie — et dont le résultat a été une politique de tolérance à l'égard
des formations bourgeoises minoritaires : attitude qui a empêché
l'effondrement immédiat de la République de Weimar, mais qui ren-
dait impossible l'avènement d'une démocratie efficace. Cette évolution
apparaît d'autant plus inévitable en lisant les conclusions du livre de
H. Varain (79), qui a montré, à propos de Karl Légien, l'influence
capitale qu'a eue aux débuts de la République la direction des syndi-
cats libres et comment, en imposant la loi sur les Betriebsrate, elle
s'est décalée par rapport à la base militante. D'une façon plus générale,
il faudrait — et sans reprendre nécessairement le problème que pose
l'attitude de Noske — expliquer comment le parti s'est peu à peu

(71) A. ROSENBERG, Geschichte der deutschen Republik, Carlsbad, 1935.


(72) K. ERDMANN, Die Zeit der Weltkriege (Gebhardt. Handbuch der deutschen
Geschichte IV), nouv. éd., Stuttgart, 1974.
(73) J.S. DRABKIN, Die Novemberrevolulion 1918 in Deutschland, Berlin-Est,
1968.
(74) E. KOLB,Die Arbeiterdte in der deutschen Innenpolitik 1918-1919,Dussel-
dorf, 1962.
(75) P.v. OERTZEN, Betriebsrâte in der Novemberrevolution, Dusseldorf, 1963.
(76) W. TORMIN,Zwischen Ràtediktatur und. sozialer Demokrdtie. Die Ges-
chichte der Ràtebewegung in der deutschen Révolution 1918-1919,Dusseldorf,
1954.
(77) S: MILLER;« Die Sozialdemokratie in der Spannung zwischen Oppositions-
tradition und Regierungsverantwortung in den Anfângen der Weimarer Repu-
dans Sozialdemokratie..., cité note 9.
(78) A. KASTING, Die deutsche Sozialdemokratie zwischen Koalition und Oppo-
sition 1919-1923,Paderborn, 1970.
(79) H.-J. VARAIN,Freie Gewerkschaften, Sozialdemokratie und Staat. Die
der Generalkomission unter der Fuhrung Carl Legiens 1890-1920,Dussel-
Politik1956.
dorf,
16 J. DROZ

isolé à l'égard d'une fraction importante de la classe ouvrière, qu'il


ne contrôle plus au cours de l'année cruciale 1923.. Cette question est
intimement liée à la position de la social-démocratie à l'égard de l'Etat
républicain, envers lequel elle adopte une position positive abstraite,
comme l'a bien montré E. Anderson (80) dans un livre déjà ancien, au
lieu de faire une analyse concrète des rapports de forces et de s'en
tenir à la défense de la constitution démocratique.
S'appuyant sur une vaste documentation, l'historien américain
R.F. Wheeler a étudié les raisons qui ont déterminé fin 1920 1a scis-
sion au sein de l'USPD et la réunion d'une fraction de celle-ci au Parti
communiste : le pendant allemand des travaux d'A. Kriegel pour la
France (81). Il montre que ce sont les groupes particulièrement mili-
tants (les mineurs par exemple) et les éléments jeunes qui ont pris
position en faveur des vingt et une conditions, alors que les fonction-
naires du parti autour, de Crespien, la presse, les organisations
féminines et les ouvriers du textiles y étaient opposés. Il semble qu'ait
été décisive l'amertume, profonde de la.classe ouvrière au lendemain
du putsch de Kapp et les événements de la Ruhr, et le sentiment qu'il
n'y avait plus d'espoir que dans les Soviets. L'auteur ne pense pas que
la scission au sein de l'USPD ait été inscrite dans l'histoire ; au
contraire, d'autres solutions auraient pu intervenir..
». L'histoire intérieure du Parti social-démocrate est connue grâce
aux travaux de l'historien américain R.N. Hunt (82), qui a finement
analysé les phénomènes de vieillissement, d'ankylose, d'embourgeoise-
ment et d'intolérance qui se sont manifestés au cours des années 1920 :
d'où l'absence totale d'esprit combatif. Ces remarques ont été préci-
sées dans une remarquable communication de H. Mommsen (83), qui,
en s'appuyant sur certaines citations de Th. Haubach, a signalé le
conflit des générations, l'impuissance du Parti à se faire comprendre
de la jeunesse, son peu d'action en dehors du monde ouvrier — milieux
auxquels il aurait pu être introduit par la Reichsbanner, à laquelle
K. Rohe a consacré une excellente étude (84). L'on s'étonnera moins
de ces déficiences après lecture du livre de H.J. Adolph (85) sur Otto
Wels, dont il faut bien reconnaître le caractère dictatorial et borné de
ses, directives. D'où la situation très difficile au sein du Parti de la
«gauche», sur laquelle nous sommes éclairés par une.récente...mono-
graphie de C. Beradt (86) sur Paul Levi, revenu à la social-démocratie
à la suite de l'expérience malheureuse qu'il avait faite au sein du Parti
communiste allemand, et mieux encore par les remarquables études
qui ont été entreprises à l'Université de Marburg sous la direction
de W. Abendroth. Le livre de W. Link (87) fait connaître le mouvement,

E. ANDERSON,
(80) A. Hammer und Amboss, Nuremberg, 1948. :
(81) WHEELER, « Die 21 Bedingungen und die Spaltung der USPD im Herbst
1920», Vierteljahrshefte fur Zeitgeschichte, 1975.Cf. aussi U. RATZ,Georg Lede-
bour, Berlin-Ouest, 1969. ,
(82) R.N. HUNT,Germon Social Democraçy 1918-1933,, Chicago, 1970. :
(83) H. MOMMSEN, « Die Sozialdemokratie in der Défensive : Der Immobilismus
derSPD und der Aufstieg des Nationalsozialismus », dans Sozialdemokratie...,
cité note 9. ...
(84) K. ROHE,Das Reichsbanner Schwarz Rot Gold, Dusseldorf, 1966.
(85) H.J. ADOLPH,Otto Wels und die Politik der deutschen Sozialdemokratie.
Eine politische Biograhie, Berlin-Ouest, 1971.
(86) C. BERADT,Paul Levi. Ein demokratischer Sozialist in der Weimarer Repu-
blik, Francfort, 1969. ,
(87) W. LINK,Die Geschichte des Internationalen Jungend-Bundes (IJB) und
UN SIÈCLE DE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 17

de caractère pacifiste et maçonnique, dirigé par le philosophe Léonard


Nelson, plus tard très efficace au sein de la Résistance allemande ; et
celui de H. Drechsler (88) précise l'action de la Sozialistische Arbeiter-
partei Deutschlands (SADP), qui connut à sa tête des personnalités de
premier plan, mais qui demeura un parti de cadres. Dans le même
ordre d'idées, M. Balzer (89) présente le cas du Pasteur Erwin Eckert
qui refusa après 1930 la politique de soutien à l'égard du cabinet
Bruning et qui entra au KPD, ce qui lui valu d'être destitué par le
Conseil ecclésiastique de Carlsruhe. Quant à la droite du Parti, de
tradition lassallienne et qui adopta une position positive à l'égard de
l'Etat et de la nation, elle s'est concentrée autour du groupe dit de
Hofgeismar, dont les idées, comme l'a montré F. Osterroth (90), annon-
cent celles qui, trente ans plus tard, éclaireront le programme de
Godesberg.
L'on s'étonnera peut-être moins, en lisant ces lignes, de l'indigence
de la social-démocratie dans les solutions qu'elle a proposées à la crise
économique dans laquelle l'Allemagne est plongée depuis 1929, et de
la faiblesse de ses réflexes devant la montée du péril fasciste. A vrai
dire, si l'on excepte une étude ancienne de L. Preller (91), nous ne
possédons aucun travail d'ensemble sur la pensée économique et
sociale de ses leaders. En revanche, D.L. Niewyck (92), en analysant
ses positions à l'égard de l'antisémitisme, a souligné qu'elle n'a ni
prévu les persécutions contre les Juifs ni fourni à ses fonctionnaires
les armes suffisantes pour lutter dans ce domaine contre la propa-
gande nazie. Les fautes les plus graves ont été pourtant commises sur
le plan politique. Comment expliquer qu'en 1930 elle ait, à l'occasion
du conflit qui s'était engagé sur la question de l'allocation-chômage,
laissé provoquer une crise gouvernementale, dont est sorti en fin de
compte l'avènement du régime présidentiel ? Les carences du Parti,
analysées par H. Timm (93), ont provoqué un débat de large envergure,
qui a opposé, au sujet de la responsabilité social-démocrate dans la
disparition du régime parlementaire, l'historien W. Conze (94), qui
mettait en évidence la crise de l'Etat dominé par l'égoïsme des partis,
et le politologue K.-D. Bracher (95), qui incriminait la structure même

des Internationales Sozialistischen Kampf-Bundes (ISK). Ein Beitrag zur Ges-


chichte des Arbeiterbewegung in der Weimarer Republik und im Dritten Reich,
Meisenheim, 1964.
(88) H. DRECHSIJER, Die Soziallistische Arbeiterpartei Deutschlands (SAPD).
Ein Beitrag zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung am Ende der Wei-
marer Republik, Meisenheim, 1965
(89) M. BAIZER,Klassengegensâtze in der Kirche. Envin Eckert und der Bund
religiôser Sozialisten, Cologne, 1973.
(90) F. OSTERROTH, « Der Hofgeismarkreis und die Jungsozialisten », Archiv
fur Sozialgeschichte, 1964.
(91) L. PRELLER,Sozialpolitik in der Weimarer Republik, Stuttgart, 1949. Sur
Hilderfing et la Wirtschaftsdemokratie, faute d'ouvrage spécialisé, cf. H. GRE-
BING(éd.), Geschichte der sozialen Ideen in Deutschland, Munich et Vienne, 1969.
(92) D,S. NIEWYK,Socialism, Antisemitism and Jews. Germon Social Demo-
cracy confronts the problem of Antesimitism 1918-1933,Bâton Rouge, 1971.
(93) H. TIMM,Die deutsche Sozialpolitik und der Bruch der Grossen Koalition
im Mdrz 1930, Dusseldorf, 1953.
(94) W. CONZE,« Die Krise der parteienstaats in Deutschland 1929/30», Histo-
rische Zeitschrift, t. 178, 1954.
(95) K.D. BRACHER,« Parteienstaat, Prâsidialsystem, Notstand. Zum Problem
der Weimarer Staatsktise »,; Politische Vierteljahrsschrift, II, 1961. Ces deux
essais ont été reproduits dans G. JASPER(éd.), Von Weimar zu Hitler 1930-1933,
Cologne et Berlin, 1968.
18 J. DROZ

de l'Etat de Weimar; dominé par le dualisme du Parlement et de la


démocratie présidentielle et conduisant au retour à l ' Obrigkeitsstaat.
Qu'il y ait eu des velléités de résistance au fascisme, surtout dans
les milieux de la Reichsbanner, c'est ce qu'a montré E. Matthias (96),
dans un livre qui étudié « la fin des partis ». Cependant, l'événement
essentiel a été la journée du 20 juillet 1932, où le gouvernement vcih
Papen a liquidé le ministère prussien de Braun et de Severing était-il
alors possible d'envisager la résistance, alors que les autres Lànder
étaient réticents et que là crise économique rendait illusoire la pra-
tique dé la grève générale? L'esprit de résignation à l'égard de la
montée de l'hitlérisme est lié, bien entendu, aux rapports de la SPD
avec le Parti communiste : s'il est à peu près généralement admis par
les historiens que les divisions persistantes ont été l'une des causes
majeures du succès du national-socialisme, les sociaux-démocrates met-
tant l'accent sur l'accusation de social-fascisme dont les accablent les
communistes, ceux-ci sur l'embourgeoisement et la « trahison » des
leaders ouvriers, il resterait à préciser quelles furent au cours des
dernières années du régime les tentatives de rapprochement entre les
deux partis : alors que E. Matthias souligne l'action en ce sens de
Breitscheid et de Stampfer, en particulier par la voie de l'ambassade
soviétique à Berlin, B. Kunze (97) met en évidence la mauvaise volonté
du Vorwarfs, qui mettait sur le même pied fascisme et dictature du
prolétariat. Sur l'effondrement et l'interdiction de la SPD, qui semble
avoir été déterminée plus par le souvenir de la loi de 1878 que par une
vue objective de ce qu'allait être l'hitlérisme, sur les vaines tentatives
pour tirer son épingle du jeu, sur le travail de réflexion qui s'est opéré
au lendemain de la catastrophe, lire, outre Matthias, les remarques
de G. Plum (98) qui explique comment le Parteivorstand, convaincu
de la rectitude de ses idées et de sa vocation de revenir sous peu au
pouvoir, s'est imposé comme détenant un mandat d'exécution
(Treuhandermandàt) de l'ancien parti social-démocrate.
Principal, spécialiste, des questions de l'émigration socialiste,
E. Matthias (99) à bien montré que le Manifeste de Prague, rédigé par
la SOPADE au début dé l'année 1934 dans un but de « clarification»,
s'est en fait avéré plus nuisible qu'utile et a abouti à une division
accrue au sein des émigrés. Il apparaît que les groupes les plus actifs
appartiennent aux anciennes organisations d'opposition, comme la
SAPD et l'ISK, qui était sorti de l'enseignement de Nelson, surtout
Neu Beginnen, qui cherchait à réunir sociaux-démocrates d'opposition
et communistes. L'ouvrage dé LJ. Edinger (100) a permis de se recon-
naître dans la classification des mouvements hostiles qui n'ont pas
cessé de s'entredéchirer, montrant en particulier les désaccords sur
la définition des cadres révolutionnaires (opposition entre la « vieille

(96) E. MATTHIAS et R. MORSEV, Das Ende der Parteien 1933,Dusseldorf, 1960.


(97) B. KUNZE,« Erich Matthias. Apologie der SPD. Zur Historiographie ûber
die Soizaldemokratie am Ende des Weimarer Republik », Das Argument, 63, 1971.
(98) G. PLUM, « Volksfront,: Konzentration und Mandatsfrage ? », Viertel-
jahrshefte. fur Zeitgeschichte, 1970.
(99) E. MATTHIAS, Sozialdemokratie und Nation. Zur ideebgeschichte der sozial-
demokratischen Emigration 1933-1938, Stuttgart, 1952.
(100) LJ. EDINGER, Sozialdemokratie und Nationalsozialismus. Der Parteivor-
stand im Exil 1933-1945, Hanovre et Francfort, 1960.Mise au point par R. PON-
rairs, «La Social-Démocratie émigrée, 1933-1941 », Le Mouvement social, juill-
sept .1973.
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 19

gauche » et la « nouvelle gauche »), et distinguant sur le problème


essentiel de la lutte des classes trois tendances, l'une avec Paul Sering
favorable à une entente doctrinale avec les communistes, la seconde,
avec Kurt Geyer, voulant faire de la social-démocratie un parti de»la
« liberté » affranchi du marxisme, la troisième, avec Wenzel Jaksch,
cherchant à intégrer dans le socialisme les valeurs vôlkisch: Sur
Jaksch, représentant du socialisme des Sudètes et qui avait manifesté
une vive opposition à l'égard de la politique de Benès, d'importantes
divergences apparaissent parmi les historiens, dont certains lui ont
reproché une certaine sympathie pour l'idéologie nazie. Quant à
l'opposition fondamentale entre sociaux-démocrates et communistes,
héritée de l'époque de Weimar, elle s'est manifestée en particulier à
propos de la tentative éphémère pour constituer à Paris un Front
populaire à laquelle ont été mêlés de nombreux intellectuels et sur
laquelle nous sommes renseignés par la monographie de B. Gross (101)
sur Willy Mùnzenberg, qui devait bientôt quitter le KPD. L'extrême
division des groupes a cependant connu un début de solution sous
l'influence des très dynamiques Revolutionâren Sozialisten Oester-
reichs (RSô) en exil à Paris, auxquels O. Leichter (102) a consacré une
importante étude ; mais la SOPADE est restée en dehors, « petit
groupe aigri de généraux sans armée, ignoré du monde et exclu par
les compagnons d'émigration » (Edinger). Sur les milieux d'émigrés
à Londres, sur la constitution en 1941 autour d'Erich Ollenhauer et
Hans Vogel de l'Union Deutscher Organisationen in Grossbritanien,
sur leur collaboration à la définition d'un nouvel « ordre européen»,
puis sur l'apparition de préoccupations nationales quand ces mêmes
émigrés ont eu conscience que l'on allait imposer à l'Allemagne vaincue
un « super-Versailles », l'on est maintenant renseigné par les solides
études de W. Roeder (103), qui a montré qu'un très grand nombre de
préoccupations de l'après-guerre sont déjà inscrites dans les plans
d'avenir de l'émigration.
La résistance illégale et clandestine en Allemagne n'a eu que peu
de rapports avec la direction du Parti, qu'il s'agisse des efforts de
Neu Beginnen pour rassembler les énergies révolutionnaires, des ten-
tatives négociées à Berlin en 1936 de Front populaire, du Manifeste
des « socialistes démocrates » rédigé par Hermann Brill, Ernst Thape
et Benedikt Kautsky et publié le jour même de la délivrance du camp
de Buchenwald : points discutés et longuement traités, entre autres,
par H. Dûhnke (104) à propos du Parti communiste allemand. Il appa-
raît que beaucoup de socialistes se sont rendus compte de bonne heure
que le soulèvement des masses était irréalisable et que la liberté
n'était concevable que grâce à une révolte de l'armée : d'où les rapports
entretenus par certains d'entre eux, Julius Leber, Adolf Reischwein
et Carlo Mierendorff, avec le cercle de Kreisau, où étaient abordés
les problèmes de la, reconstruction de l'Allemagne, et les liens avec

(101) B. GROSS,Willy Mùnzenberg, Stuttgart, 1967.


(102) O. LEICHTER, Zwischen zwei Diktaturen. Oesterreichs Revolutiondre So-
zialisten 1934-1938,
Vienne, 1968.
(103) W. ROEDER, Die deutschen sozialistischen Exilgruppen in Grossbritannien
1940bis 1945,Hanovre, 1968,à compléter par E. MATTHIAS, Mit dem Gesicht nach
Deutschland. Eine Dokumentation uber die sozial-demokratische Emigration. Aus
dem Nachlass von Friedrich Stampfer, Dusseldorf, 1968.
(104) H. DUNKE, Die KPD von 1933bis 1945, Cologne, 1972.
20 J. DROZ

Gordeler dû syndicaliste Wilhelm Leuschner, qui devait devenir en


cas de succès son vice-chancelier. Si, grâce à l'historiographie aujour-
d'hui très poussée de la Résistance allemande, ces faits sont bien
connus, il n'en reste pas moins que l'interprétation diverge, selon que
l'on juge l'attitude de ces socialistes comme « réaliste » ou que, comme
le font certains historiens de RDA, on les présente comme liés à un
contexte nationaliste et conservateur qu'ils n'ont guère pu- transfor-
mer (105).

La social-démocratie avant et au lendemain de Godesberg

La reconstruction du Parti social-démocrate en 1945 a prêté à


diverses interprétations dans l'Allemagne divisée. En tout cas, il est
impossible, à la suite des travaux de A. Kaden (106), de mer la puis-
sance du mouvement unitaire antifasciste et du désir, parmi ceux qui
avaient vécu le régime hitlérien, de collaborer étroitement avec les
communistes dans un parti unifié : tendances qui furent aussitôt
contrariées par les quatre armées d'occupation, ainsi que par les émi-
grés de Londres et leurs adversaires. D'autre part, il apparaît que les
efforts de Schumacher pour étouffer les tendances unitaires dans les
zones occidentales lui ont donné plus de peine que ne le laisse entendre
une historiographie encore dominée par l'anticommunisme. A lire
l'ouvrage de F. Moraw (107), il résulte que le Comité central de Berlin
représentait effectivement les hommes de la résistance, Schumacher,
les cadres des fonctionnaires du parti et les émigrés de Londres.
. Le rôle du parti social-démocrate dans la période de reconstruction
est donc lié à la personnalité de Kurt Schumacher, sur lequel L.-J.
Ediger (108) a apporté une édifiante biographie, qu'il importe de
compléter par celle de W. Ritter (109). Il n'en resté pas moins que ce
qui frappe chez Schumacher, c'est l'autoritarisme rigoureux avec lequel
il énonce des pensées.contradictoires. Etait-il possible de combiner la
recherche de la collaboration des classes moyennes, comme il souhai-
tait le faire, avec certaines affirmations sur la lutte des classes, la
nécessité des nationalisations et la réduction du rôle politique des
Eglises ? Ce mélange de réformisme et de phraséologie révolutionnaire
a sans doute déconcerté bien des Allemands. Instruit par l'expérience
de Weimar, Schumacher, dont la formation était lassallienne, a fait
une large place; à la composante nationale ; il s'est montré vigoureuse-
ment hostile à la fois aux communistes inféodés, selon lui, au Kremlin,
et aux puissances occidentales, auxquelles il reprocha à Adenauer d'être
soumis ; incontestablement, il ne voulut pas s'intégrer à la rivalité des
deux blocs en présence. Mais la. masse ne voyait-elle pas dans les

(105) Pour une information générale, cf. The Germon Résistance to Hitler,
Berkeley et Los Angeles, 1970.
. (106) A. KADEN,Einheit oder Freiheit. Die Wiedergrûndung der SPD 1945/46,
Hanovre, 1964.
(107) F. MORAW,Die Parole der «Einheit» und die Soizal-demokratie. Sur
SPD in der Période der Illegalitdt und in der ersten Phase der Nachkrigszeit
1933-1948,Bonn et Bad Godesberg, 1973.
(108) IJ. EDINGER,Kurt Schumacher. Persônlichkeit und politisches Verhalten,
Cologne et Opladen, 1967.
(109) W. RITTER,Kurt Schumacher. Eine, Untersuchung seiner politischen
Konzeption, Hanovre, 1964.
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE
ALLEMANDE 21

Occidentaux le rempart contre la menace de bolchevisation ? Il appa-


raît en tout cas que Schumacher, qui a représenté le parti plus qu'il
ne l'a dirigé, était peu favorable à toute discussion de fond qui aurait
fait apparaître des tendances, en son Sein et que le « marxisme » a
continué à être une formule d'intégration des divers courants idéolo-
giques. Sur les différentes interprétations de sa politique, qui né
peuvent coïncider avec l'ouvrage apologétique de F. Heine (110), on
lira R. Ruerup, excellente mise au point (111).
Peut-on parler d'une « nouvelle fondation » de la SPD, ou tout
simplement de la reconduction des anciennes méthodes de gestion ?
A. Kaden (op. cit.) doit constater que l'administration du parti reste
entre les mains des anciens fonctionnaires, qui ont rarement profité
au cours des douze années du régime nazi (beaucoup ont été emprison-
nés) des expériences du socialisme contemporain et que les anciennes
formules d'hostilité radicale à l'égard de l'Etat et des Eglises se
combinent avec le réformisme traditionnel ; d'où la chute rapide des
effectifs et le profond découragement que l'on a pu constater.
La réaction contre cet état de choses qui a conduit en 1959 à la
rédaction du programme de Godesberg a été retracée dans ses grandes
lignes par H.K. Schellenger (112). Il a montré le caractère très lente-
ment progressif de la nouvelle orientation, qui s'est définie au prix de
longues discussions et qui ne s'est vraiment imposée qu'après l'échec
électoral de 1957. Mais qui fut à l'origine de cette vaste révolution ?
Dans son étude sur La Démocratie de Bonn, A. Grosser (113) avait
noté, au lendemain des susdites élections, que l'effort de rénovation,
plus structurel que doctrinal, avait groupé dés personnalités apparte-
nant à des idéologies différentes, Fritz Erler et Cârlo Schmid à droite,
Herbert Wehner à gauche, qui s'étaient entendus pour démanteler la
domination de la fraction centriste du parti. Plus récemment
H. Koeser (114) a déterminé à quelle époque et sous la pression de
quels éléments a pu être imposée la réforme, menée à la fois sur le
plan de l'organisation du parti et de la transformation de l'idéologie :
à l'ancien Vor stand se sont opposées des forces nouvelles issues de la
fraction social-démocrate du Bundesrat. Dans cette évolution, quelle
a été la part de l'idéologie, et celle des préoccupations électorales ?
La réponse à cette question a été souvent émise selon les opinions
politiques personnelles de tel historien ou de tel politologue ; mais
que la volonté de sortir à tout prix, de l'opposition où était reléguée
depuis 1949 la social-démocratie ait été réelle, c'est ce qui ressort,
entre autres, des conversations de G. Gaus avec Wehner (115). Que
l'on souligne, comme l'a fait U. Lohmar (116), que la social-démocratie

(110) F. HEINE,Kurt Schumacher. Ein demokratischer Sozialist europaischer


Pràgung, Gôttingen, 1969.
(111) R. RUERUP,« Kurt Schumacher Persônlichkeit und politische Konzep-
tion », Neue politische Literatur, 1966. .
(112) H.K. SCHELLENGER, The SPD in the Bonn Republik. A socialist party
modernizes, La Haye, 1968.
(113)A. GROSSER, La Démocratie de Bonn, Paris, 1958. Cf. du même auteur,
L'Allemagne de notre temps, Paris, 1970.
(114) H. KOESER,Der Grundsatzdebatte in der SPD von 1945/46 bis 1958/59,
Dissertation, Fribourg, 1971.
(115) G. GAUS,Staalsherhaltene Opposition oder hat die SPD kapituliert ?
tesprache mit Herbert Wehner, Reinbek, 1966.
(116) U. LOHMAR, Innerparteilische Demokratie, Stuttgart,. 1963.
22 J. DROZ

n'avait pas d'autre recours que la constitution à long terme d'un


gouvernement de grande coalition, ou que, comme l'a fait T. Pir-
ker (117), l'on présente le programme de Godesberg comme le rallie-
ment aux formes sociales de la domination capitaliste et aux formes
politiques de la démocratie manipulée, ou que l'on parle, comme lé
font certains membres de la « Nouvelle Gauche » (118) d'une «conju-
ration» tramée dans le dos de Schumacher depuis 1949 par—Wehner ;
il n'en reste pas moins que la rédaction du nouveau programme ne
s'est heurtée, lors du congrès de Godesberg, à aucune résistance
sérieuse et a été très généralement acceptée. Le contexte économique
et politique dans lequel a été élaboré le programme de Godesberg
— « miracle » économique allemand, nature de la seconde révolution
industrielle, hostilité accentuée à l'égard des Soviets et du commu-
nisme — a été étudié par W.D. Narr (119) en relation avec les réactions
de la CDU, alors que la littérature de la RDA, avec E. Koenig (120),
met l'accent davantage sur la continuité des vues social-démocrates
de l'époque du révisionnisme à nos jours. C'est la même contestation
qui ressort, du point de vue économique, de la longue étude de
D. Link (121), qui né peut dissimuler l'extrême imprécision de l'analyse
socialiste.
L'abandon du marxisme au profit de la conception nouvelle de la
Volkspartei et de l'économie de marché s'est accompagné, l'année
suivante, de la reconnaissance de la politique d'intégration dans
l'Europe atlantique. Les principaux travaux sur la politique étrangère
des socialistes proviennent de H.-K. Rupp (122) pour ce qui est de
l'armement atomique, de W.R. Paterson (123) pour ce qui est des
relations avec l'OTAN. Centrée surtout sur les problèmes de Berlin,
l'étude de A. Ashkenasi (124) avait révélé.pourquoi le climat de Berlin
était plus favorable que celui de Bonn à la social-démocratie et com-
ment les conceptions de politique étrangère de Reuter et de Brandt,
après avoir triomphé à Berlin de celles de Neumann, s'étaient finale-
ment imposées au Parteivorstand.
Quant à la « gauche » du parti, qui s'est groupée autour de Agartz
et de Abendroth en particulier dans la rédaction du journal Das Andere
Deutschland, aux scissions qui se sont produites à l'époque du congrès
de Godesberg, et aux: principales tendances de l'opposition (Associa-
tion des Socialistes indépendants, rédaction de Soziàlistische Politik
avec P.v. Oertzen, Fédération des Etudiants socialistes (SDS) qui
rompit en 1961 avec le Parti), ces problèmes n'ont pas encore fait
l'objet d'un travail d'ensemble, mais l'on pourra recourir à l'ouvrage

(117) T. PIRKER,Die SPD nach Hitler. Die Geschichte der Sozialdemokra-


tischen Partei Deutschlands 1945-1964,Munich, 1965.
(118) Cf. en particulier G. BOERNSEN,Innerparteilische Opposition, Francfort,
1956.
(119) W.D. NARR,CDU-SPD. Programm und Praxis seit 1945, Stuttgart, 1966.
(120) E. KOÈNIG, Vom Revisionismus zum « demokratischen Sozialismus ». Zur
Kritik des ôkonomischen Revisionismus in Deutschland, Berlin-Est, 1964.
(121) D. LINK, Die Entwicklung des sozialistischen Denkens von Erfurt 1891
bis Bad Godesberg 1959,Dissertation, Hambourg, 1960.
(122) H.K. RUPP, Ausserparlamentarische Opposition in der Aéra Adenauer,
Cologne, 1970.
(123}W.E. PATERSON, The SPD and European Intégration, Lexington, 1974.
(124) A. ASHKENASI, Reformpartei und Aussenpolitik. Die Aussenpolitik der
SPD Berlin-Bonn; Cologne et Opladen, 1968.
ALLEMANDE
UN SIÈCLEDE SOCIAL-DÉMOCRATIE 23

collectif Die SPD in der Krise (125), qui permet de se rendre compte
des divisions et de la faiblesse des éléments hostiles à la ligne générale
du Parti.
A l'époque où se clôt le champ qu'embrasse ce bulletin critique
— la période qui correspond à l'accès du SPD au gouvernement de
grande coalition, puis à la direction de la République fédérale est trop
proche de nous, les personnalités politiques sont trop discutées, les
problèmes à résoudre trop en suspens pour que l'historien puisse s'en
faire une idée impartiale et sereine —, le programme de Godesberg
n'est pas sérieusement remis en question par la social-démocratie alle-
mande. Il n'est qu'à consulter les nombreux ouvrages qui ont paru en
1963 à l'occasion du centenaire de la fondation de l ' Allgemeiner
deutscher Arbeiterverein pour s'en convaincre. Une exception de poids
est constituée par les études que consacre W. Abendroth (126) au socia-
lisme tant allemand qu'européen, insistant sur cette double idée que
la polarisation de la société en deux blocs antagonistes se poursuit et
s'aggrave, et qu'en se refusant à constater le rôle grandissant du capi-
talisme monopolistique la social-démocratie renforce en fait l'influence
idéologique des classes dirigeantes sur les travailleurs. Mais, étudiant
« le problème de la liberté dans le socialisme », S. Miller (127) a cru pou-
voir démontrer que le programme Godesberg, par lequel la social-démo-
cratie s'est exprimée comme un parti de réformes, est l'héritié d'une lon-
gue tradition, dans laquelle le marxisme ne s'est introduit que passagère-
ment, et cela parce que l'Etat et la Société lui ont refusé l'intégration
souhaitée. Moins nettement exprimée, cette même orientation apparaît
dans l'ouvrage officiel : Cent ans de social-démocratie (128) ; préfacé
par Ollenhauer, témoignage éloquent des admirables sacrifices consent
tis par plusieurs générations de militants, et dont le dernier est sans
conteste l'unité allemande à la cause de la liberté. La tendance à voir
dans le socialisme un simple mouvement d'émancipation humaine est
plus sensible encore dans le livre sur le même thème de K. Anders (129);
qui déclare attendre de lui une « mission durable », et non la solution
ponctuelle d'une problématique économique et sociale. Il faut sans
doute songer que s'achève; vers 1963 dans le socialisme européen une
évolution qui n'est pas limitée au seul parti allemand, qu'on retrouve
en Autriche et en Suisse à la même époque, qui tente dé rejoindre
le Welfare State des Scandinaves et qui sert d'exemple aux travaillistes
anglais autour de Gaitskell (130).

(125) Die SPD in der Krise. Die deutsche Sozialdemokratie seit 1945 (ouvrage
collectif), Francfort, 1976.
(126) W. ABENDROTH, op. cit., note 5 ; du même, Histoire du mouvement ouvrier
en Europe, trad. de l'allemand, Paris, 1967.
(127) S. MILLER,op. cit., note 37.
(128) Cité, n. 4.
. (129) K. ANDERS,Die ersten hundert Jahre. Zur Geschichte einer demokra-
tischen Partei, Hanovre, 1963. Sur la critique de ces ouvrages, cf. S. NA'AMAN,
«Von der Problematik der Sozialdemokratie als demokratischer Partei. Zur
Jubilaumsfeier des Jahres 1863», Archiv fur Sozialgeschichte, 1965.
(130) Pour une vision générale de cette évolution, cf. G. LEFRANC, Le Socialisme
réformiste, Paris, 1971.
INTERNATIONAL REVIEW OF SOCIAL HISTORY
Edited by the Intemationaal
Instituut voor Sociale Geschiedenis, Amsterdam
Directors : Prof. Dr Fr. de Jong Edz and J.R. van der Leeuvv

EDITORIAL BOARD :
MA.H. Campfens, D.E. Devreese, T. Haan, R. de Jong, F. Kool
(Adviser), G. Langkau, J. Rojahn, LJ. van Rossum, M.W.H.
Schreuder, F. Tichelman, J.M. Welcker, A.V.N. van Woerden
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DISTRIBUTION :
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SUBSCRIPTION :
D.fl. 60 per annum.
SINGLE COPIES :
D.fl. 25.
PUBLISHED :
Three times per annum.
AU rights reserved.

CONTENTS OF VOLUME XXI — 1976— PART 2


ARTICLES :
VILEM KAHAN, The Communist International, 1913-43: The
Personnel of Its Highest Bodies (with an Index of names).
THOMAS R. SYKES, Revolutionary Syndicalism in the Italian
Labor Movement : The Agrarian Strikes of 1907-08in the
Province of Parma.
TH. VAN TIJN, A Contribution to the Scientific Study of the
History of Trade Unions.
HANS-NORBERT LAHME, Der Deutsche social-demokratische
Arbeiterverein in Kopenhagen und die dânische Arbeit-
bewegung.
J.R. DINWIDDY, Charles Hall, Early English Socialist.
BIBLIOGRAPHY :
General Issues
Religions and Philosophy.
Social Theory and Social Science.
History.
Contemporary Issues.
Continents and Countries
Africa.
America.
Asia.
Australia and Oceania.
Europe.

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