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Histoire du monde arabe et du Moyen-Orient L1 – CM 6 Première Guerre mondiale

CM 6 - La Première Guerre mondiale au Moyen-Orient

La Première Guerre mondiale est déclenchée au début du mois d’août 1914. Elle
oppose deux groupes de pays : la France, la Grande-Bretagne et la Russie qui forment
la Triple Entente à la Triple Alliance constituée par les Empires centraux (Allemagne
Autriche-Hongrie et l’Italie – qui pourtant entre en guerre en 1915 aux côtés de la
France et de la Grande-Bretagne) .
La Première Guerre mondiale touche l’Empire ottoman à partir de la fin de la
fin de l’année 1914. Celui-ci doit affronter ses ennemis qui rapidement parient sur
son effondrement et se partagent ses territoires. Il doit en outre faire face aux
mouvements de contestation qui se développent à l’intérieur de ses propres
frontières. Mais contrairement à toute attente, l’Empire ottoman résiste.
La Guerre se solde toutefois par la défaite (1918) puis la disparition de l’Empire
(1923).

I- L’Empire ottoman face aux puissances européennes


1- l’entrée en guerre aux côtés des puissances centrales
L’EO, courtisé par les deux camps, choisit d’entrer en guerre du côté allemand,
après plusieurs semaines d’hésitation. Depuis la fin du XIXe siècle, l’Allemagne
exerce une forte influence dans l’Empire, notamment au plan militaire (réforme de
l’armée). Plusieurs raisons à ce choix dont les principales sont :
- combattre l’ennemi mortel qu’est la Russie et s’étendre à l’Est, vers la
Caspienne (projet panturquiste).
- Les Jeunes Turcs y voient une occasion de libérer l’Empire de l’influence
européenne, de supprimer le système des Capitulations et d’abolir l’Administration
de la dette publique.

L’entrée en guerre de l’Empire ottoman s’est accompagnée de la proclamation


par le sultan-calife du jihad de l’ensemble des musulmans contre les puissances de
l’Entente (23 novembre 1914), ce qui pose un problème à la France et à la Grande-
Bretagne en raison de leurs possessions coloniales musulmanes.
Cette fatwa a des effets limités.

2- les projets de partition de l’Empire ottoman


Dès le début de la guerre, les alliés envisagent la victoire et l’après-guerre. En
mars 1915, la Russie demande à ses partenaires qu’on lui accorde dans le règlement
final Constantinople et la région des Détroits.
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Au début de novembre 1915, le gouvernement français désigne l’ancien consul


général de France à Beyrouth, François Georges-Picot, pour négocier avec les
Britanniques l’avenir des provinces arabes.
Mark Sykes, jeune parlementaire, spécialiste de l’Empire ottoman, rejoint
l’équipe britannique chargée des discussions avec la France en décembre 1915.
On procède à un découpage entre Français et les Britanniques
-les Français administreront directement une zone allant du littoral syrien
jusqu’à l’Anatolie (zone bleue)
-la province irakienne de Basra et une enclave palestinienne autour de Haïfa
seront placées sous administration directe des Britanniques (zone rouge)
-le reste de l’espace arabe est partagé en deux zones d’influence et de tutelle,
celle du nord confiée aux Français (zone A), celle du sud aux Britanniques (zone B).
-la Palestine sera internationalisée et gérée comme un condominium franco-
britannique de fait (zone brune)
Accord signé entre la France (par Cambon), et la Grande-Bretagne (par Grey),
en mai 1916. Ils seront connus sous le nom d’ « accords Sykes-Picot »1. Sykes et Picot
se rendent en Russie pour obtenir l’agrément du gouvernement du Tsar.

La dernière négociation entre Alliés concerne l’Italie2. A la conférence de St Jean


de Maurienne d’avril 1917, l’Italie reçoit une zone en Asie mineure en échange de
son adhésion aux accords franco-britanniques de mai 1916.

Cependant l’Empire ottoman se révèle plus difficile à abattre que prévu

3- l’Empire ottoman, un véritable adversaire


En dépit d’une armée épuisée par la dernière guerre dans les Balkans, d’effectifs
militaires réduits à 500 000 hommes disposant d’un matériel insuffisant, l’Empire
ottoman oppose une réelle résistance à ces ennemis (qui montrent que l’homme
« malade » est encore vaillant).

Les troupes russes franchissent la frontière dès la déclaration de guerre. Armée


ottomane contient la poussée russe.
Les troupes britanniques débarquent à Fao, s’emparent de Basra/Bassora le 22
nov 1914 pour s’assurer le contrôle du Golfe (champs pétrolifères déjà connus).
Remontée progressive vers le Nord avec pour objectif ultime les pétroles de Mossoul.
Mais les Britanniques échouent devant Bagdad.
Janv 1915, attaque ottomane contre le canal de Suez. Échec mais mobilisation
des forces de l’empire britannique en Égypte (soldats britanniques, indiens,
australiens et néo-zélandais). L’Égypte reste neutre mais supporte un important
effort de guerre (héberger, nourrir, équiper les troupes) et de très nombreux

1
et non « Cambon-Grey » pour les dévaloriser. Ce travail de sape est entrepris dès 1917 par les
Britanniques qui veulent obtenir, pour eux, la Palestine.
2
Mais elle ne faisait pas partie de l’Entente au début de la guerre.
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Égyptiens sont enrôlés dans l’Egyptian Labour Corps3 ou dans le corps de transport
par dromadaires, Camel Transport Corps4. Les ponctions pèsent lourdement sur les
fellahs qui supportent de moins en moins bien la domination britannique. Le
protectorat (proclamé en 1914) est assimilé à cet effort de guerre.

C’est dans les Dardanelles que l’Entente veut porter le coup décisif grâce à une
offensive alliée dans les Détroits pour prendre Istanbul. Le 19 janvier 1915, une flotte
anglo-françaaise attaque les Dardanelles. C’est un échec. Un corps expéditionnaire
débarque à Gallipoli en avril 1915. C’est un nouvel échec qui conduit à la retraite des
Franco-britanniques en décembre 1915-janv 1916.

La résistance de l’EO pousse les Alliés à chercher une autre stratégie pour
défaire l’Empire ottoman. Les Britanniques se fixent comme objectif de séparer les
Arabes des Turcs par tous les moyens. On connaît à Londres et à Paris l’existence
d’un courant autonomiste, voire indépendantiste, arabe dans l’Empire ottoman.
Londres et Paris nourrissent donc le projet d’utiliser cette force d’opposition à
l’Empire Ottoman.

II- L’Empire ottoman face aux oppositions intérieures


La guerre est aux yeux des Ottomans l’occasion d’en finir avec les différents
groupes contestataires ou susceptibles d’éprouver une fois encore la cohésion de
l’Empire.

1- mettre fin à la contestation nationaliste


- développement d’un vaste mouvement de propagande panturquiste et
antiimpérialiste
- Les Arméniens constituent un groupe à la fois national, ethnique et religieux
travaillé par un fort mouvement indépendantiste et communiste. Dans les provinces
orientales de l’Empire, ils sont accusés de coopérer avec les Russes. D’avril 1915 à
juillet 1916, la plus grande partie de la communauté arménienne de l’Empire ottoman
a été physiquement détruite : 800 000 victimes selon les estimations ottomanes de
1919, plus d’1 million selon les spécialistes. Dans les provinces orientales, les
hommes sont massacrés ; les femmes et les enfants déportés. Ces déportations
touchent la majeure partie de la population des provinces occidentales. Les
Arméniens sont forcés de marcher vers le Sud (Alep, puis Deir ez-Zor), pendant le
terrible hiver anatolien. On peut de froid et de faim. Jusqu’à aujourd’hui, le
gouvernement turc se refuse à reconnaître le génocide (destruction systématique


3
chargé des travaux d’infrastructures. Plusieurs centaines de milliers d’Egyptiens sont envoyés en
Palestine, en Mésopotamie et même en France
4
cette unité née des besoins de traverser le désert, compte 70 000 Egyptiens, dont une partie participe
à des véritables opérations de guerre. Le Camel Transport Corps déplore plus de 4000 morts au terme du
conflit
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d’un peuple) et parle d’un acte d’« autodéfense » du gouvernement et de la nation


turque (mais l’opinion publique turque actuelle est beaucoup plus divisée et
nuancée). Il s’agit bien d’un génocide : massacre et déportation étaient planifiés par
une organisation qui les mettaient en œuvre de façon systématique. « Les
Arméniens expiaient non pas leur ‘trahison’ mais bien celles des autres peuples
chrétiens qui avaient quitté l’Empire » (Bozarslan) àtransformation profonde du
paysage humain de l’Anatolie (qui devient uniquement musulmane).
- En novembre 1914, les troupes ottomanes entrent au Mont-Liban : la
répression terrible menée par Djemal Pacha5 contre les réformistes et les nationalistes
arabes est terrible – pendaison, exil ; le blocus du littoral syro-libanais par les flottes
de l’Entente, celui de la Montagne par les Ottomans, une invasion de criquets (1915) :
et la guerre (perturbation des circuits de transport) entraînent la famine on estime le
nombre de morts à peut-être 200 000 morts.

2- le rapprochement des Arabes et des Britanniques


Les Britannique projettent de lancer une révolte arabe pour déstabiliser
l’Empire ottoman. Cela est d’autant plus urgent en 1915 que
-la résistance victorieuse des forces ottomanes aux Dardanelles et à Gallipoli
renforce le prestige du sultan-calife parmi les musulmans.
-les troupes syriennes ont été déplacées vers Constantinople pour assurer la
sécurité de la capitale et faire face à l’offensive franco-britannique. Comme les
défenseurs de Gallipoli sont pour une bonne part des Arabes, une révolte arabe
porterait un coup décisif à l’armée ottomane.

Dans cette perspective, des contacts sont pris avec le chérif de la Mecque,
Hussein qui fait figure d’autorité religieuse du fait de son pouvoir sur les villes
saintes. Le chérif a lui-même été contacté par les mouvements indépendantistes
arabes. A été gardé « prisonnier » en exil doré à Constantinople pendant de longues
années et n’est pas favorable aux Jeunes Turcs.
McMahon, Haut-commissaire britannique en Égypte, ouvre une négociation
avec le chérif Hussein. Il s’est entouré d’experts, dont l’officier de renseignements
T.E. Lawrence, qui distingue une population arabe d’une population levantine. Dans
la typologie des experts du début du XXe siècle, les Arabes chrétiens sont définis
comme Levantins ou Syriens. Cette distinction est tout à fait importante pour la suite
des choses : elle permettra aux Britanniques de soustraire la zone côtière de l’espace
promis au chérif.
Correspondance entre juillet 1915 et janvier 1916.
1° lettre de Hussein6 : Il se pose en porte-parole de la nation arabe et fait savoir
qu’il s’engagerait aux côtés des Alliés si on lui assurait la création d’un État arabe

5
membre du Triumvirat à la tête de l’EO avec Talat et Enver et commandant de la 4° armée ottomane
Pv entre les mains de la Troïka depuis juillet 1912. Les 3 prennent la fuite en 1918. Enver est tué en Asie
centrale par les forces bolchéviks, Talat et Djamal sont assassinés par des militants arméniens.
6
datée du 14 juillet mais reçue en août
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dont il définit immédiatement les limites géographiques : la quasi-totalité de l’Asie


arabe avec le sud de l’Anatolie. NB : il n’est pas question d’Égypte dans cet espace
« arabe » (dans la pensée de l’époque, les Égyptiens ne font pas vraiment partie du
« monde arabe »).
Définition des frontières. Courrier de MacMahon, qui intègre l’opposition
arabité contre levantinité, l’intérieur contre le littoral. Ce que l’on propose à Hussein
est une « Arabie » au sens de péninsule arabique dilatée pour comprendre l’intérieur
du Croissant fertile, n’ayant aucun accès à la Méditerranée (Exclusion des districts de
Mersine et Alexandrette ; exclusion de la zone littorale dont les limites ne sont pas
explicitement mentionnées ; zone réservée britannique de Basra à Bagdad ; Grande-
Bretagne garante des Lieux Saints chrétiens de Jérusalem). La Palestine – sandjak
d’Acre et de Jérusalem – n’est pas mentionnée. Dans la pensée de MacMahon et de
ses conseillers, la Palestine n’est pas « purement arabe » ; elle est en cela semblable au
littoral libanais et à sa montagne- qui eux ont été exclus de la zone promise à
Hussein. Cette distinction levantinité/arabité a une telle force d’évidence pour les
experts du Caire qu’ils n’éprouvent pas le besoin de mentionner clairement le terme
de Palestine.
Cette vision de l’arabité est incompréhensible pour Hussein. Pour Hussein,
l’arabité n’est pas liée à la religion : « Les deux vilayets d’Alep et de Beyrouth et leurs
façades littorales sont des vilayets purement arabes et il n’y a pas de différence entre un
musulman et un chrétien arabe : ils descendent tous deux d’un même ancêtre »7. Dans sa
lettre du 5 novembre, Hussein ne fait référence qu’aux deux vilayets d’Alep et
Beyrouth mais n’évoque pas le sandjak de Jérusalem, qui, pour lui, est également un
territoire arabe.
Dans sa réponse8, Mac Mahon enregistre l’accord de Hussein concernant les
régions de peuplement turc, annonce que pour les vilayets d’Alep et Beyrouth, il
faudra prendre en considération les intérêts de la France et ne revient pas sur les
sandjaks d’Acre et de Jérusalem.

Remarque 1 : L’imbroglio est donc total sur le sort de la côte : montagne


libanaise et Palestine. Les Britanniques de 1915 semblent persuadés, de bonne foi,
qu’ils ne l’ont pas promise au chérif tandis que ce dernier, dans une égale bonne foi,
comprend qu’on la lui a accordée.
Remarque 2 : seconde incompréhension dans cette correspondance : la
définition donnée au mot ‘indépendance’. Hussein entend obtenir une aide
britannique, une coopération d’ordre technique. Pour la zone du Bas-Irak, il admet
dans la lettre du 5 novembre une « administration britannique de courte durée ». Pour les
Britanniques, il s’agit de rompre avec la domination ottomane, et en ce sens, c’est une
indépendance. Mais ils pensent à l’établissement d’un protectorat, ou équivalent,
pour remplacer l’autorité ottomane.


7
lettre de Hussein du 5 nov 1915.
8
Lettre de Hussein, 14 déc 1915.
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Remarque 3 : Pour les décideurs français et britanniues, il n’y a pas de


contradiction entre la correspondance Hussein-MacMahon et les accords Sykes-
Picot : les Britanniques ont simplement cédé aux Français le droit de conseil que le
chérif leur a accordés. Il s’agit de créer un « Etat ou une fédération d’Etats »
indépendants qui seront sous influence française ou britannique. Le chérif a été
informé par Sykes et Picot des accords. Il pense que cette présence est temporaire et
l’accepte à ce titre.

3- la révolte arabe
Tandis que cette correspondance se développe, on apprend que les Turcs
organisent une expédition à destination de Médine. L’annonce de l’arrivée des Turcs
force Hussein et ses fils (Hachémites) à passer à l’action.
En 1916, le chérif Hussein se proclame roi des arabes ; juin 1916, début de la
révolte arabe menée un de ses fils, fils Faysal. Les Britanniques leur envoient une
mission de conseillers militaires parmi lesquels Lawrence qui contribuera par sa
réussite littéraire à la célébrité de cet épisode historique. (+ film !) Pour Lawrence, la
révolte doit être l’œuvre des Arabes eux-mêmes.
Son idée : se priver d’une victoire spectaculaire mais être « une influence, une
idée, une espèce d’entité intangible, invulnérable, sans front ni arrière et qui se répande
partout à la façon d’un gaz ». La ligne de chemin de fer est régulièrement sabotée.
6 juillet 1917, prise d’Akaba (sur la mer rouge) ; 11 décembre 1917, entrée dans
Jérusalem (Allenby). Les troupes arabes opèrent à l’est du Jourdain. Stratégie voulue
par les officiers britanniques pour éviter aux chérifiens de pénétrer en Palestine
« chasse gardée » des Britanniques ; 1er oct 1918, prise de Damas.

NB : reprise de l’offensive également en Mésopotamie. Bagdad prise en mars


1917

Transition : un 3° acteur intégré par les Britanniques dans le jeu complexe du


Moyen-Orient.

III- La Première Guerre mondiale, une chance pour le sionisme


1- naissance du sionisme
Sionisme : Mouvement dont l’objet est la constitution d’un État juif.
Le mot sionisme évoque inévitablement le nom de celui qui sut en faire
l’amorce d’une réalité politique : Theodor Herzl.
Théodore Herzl (Binyamin Zeev), est né en 1860 à Budapest. Pendant son séjour
à Paris comme correspondant de presse, Herzl est confronté au problème de
l’antisémitisme dans le cadre de l’affaire Dreyfus. Pour Herzl, il n’existe qu’une
solution aux agressions antisémites9 : l’immigration en masse des Juifs dans un pays


9
Pogroms en Russie dans les années 1880
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à eux. Il rédige son opuscule L’État des Juifs en quelques semaines. Il est publié en
1896.
Concrètement, Herzl propose l’édification d’un État juif qui normalisera le
peuple juif qui ne sera plus qu’une nation ordinaire organisée en État-nation.
L’opuscule de Herzl pense dans tous ses détails le nouvel État juif, du départ des
migrants et de la vente de leurs biens à l’architecture et l’urbanisme du nouvel État
en passant par l’organisation du quotidien.
L’idée étatique doit être portée par un appareil politique efficace. Ce sera
l’Organisation sioniste fondée en 1897.
En 1905, choix de la Palestine définitivement arrêté pour l’installation de l’État
des Juifs.

L’impact du sionisme avant 1914 est faible, même s’il y a déjà un mouvement
migratoire en direction de la Palestine. Les vagues d’immigration sont appelées alya
qui sont numérotées. La seconde alya entre 1904 et 1914 amène 40 000 immigrants. Il
existe d’autres courants dans le monde juif : les assimilationnistes, les
révolutionnaires, les partisans de l’émigration vers le Nouveau Monde, les partisans
de la résistance passive, les Juifs orthodoxes...
NB : le sionisme n’est pas un mouvement religieux mais politique (national).

2- la déclaration Balfour
La première guerre mondiale est la chance du sionisme du fait de la
« déclaration Balfour » du 2 novembre 1917.
Que dit cette déclaration ? Pourquoi a-t-elle été rédigée ?
Il s’agit d’une simple lettre de Lord Balfour, secrétaire d’Etat au Foreign Office,
écrite à Lord Rothschild, représentant la fédération sioniste anglaise dont le troisième
paragraphe affirme que :
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine
d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation
de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux
droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au
statut politique des juifs dans tout autre pays… »
Le texte institue une notion inédite de foyer national, absurdité juridique
puisque foyer est dénué de tout contenu précis, juridique, politique ou même
géographique alors que le mot « national » appelle son complément – surtout à
l’époque – l’État. Or, les services du Foreign Office britannique ne peuvent ignorer le
langage juridique international ! Les Anglais ne peuvent cependant pas s’engager à
fond et de façon irréversible en employant le terme d’État. La promesse de foyer
national peut permettre de louvoyer. C'est ce que feront les Britanniques de 1917,
date de leur entrée à Jérusalem, à 1948, date de leur départ…
A relever dans cette « déclaration Balfour » que les Arabes de Palestine ne sont
mentionnés que comme collectivités non juives ayant des droits civils et religieux.
Dès le départ, il leur est refusé le statut de peuple ayant des droits politiques, ce qui
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est d’autant plus frappant que ces droits sont affirmés pour les juifs dans tout autre
pays. Mais, il existe un projet pour les Arabes de développer un centre national
propre (cf. correspondance Hussein McMahon).

Pourquoi les Britanniques soutiennent le projet sioniste ?


-l’arrivée de Lloyd George au poste de 1er Ministre en décembre 1916. Lloyd
George est convaincu que d’importants succès sont possibles en Orient. Mais faut-il
engager des soldats britanniques si l’on crée ensuite une Palestine internationalisée
dans un Levant dominé par la France. N’y aurait-il pas un moyen pour assurer à la
Grande-Bretagne la domination de la Palestine ?
-2ème élément : 1917 et la 1ère révolution russe. Des pressions pacifistes
s’exercent sur le nouveau gouvernement russe. Or, une des premières mesures du
gouvernement provisoire est de mettre fin à la législation antisémite. Dans les
capitales alliées, on est persuadé que les Juifs forment une composante essentielle du
mouvement révolutionnaire russe… (ce qui est loin d’être vrai !) Pour contrer les
pressions pacifistes, les Britanniques imaginent intéresser les Juifs russes à la
poursuite d’une guerre qui conduirait à la création d’un État pour la nation juive.
-Même politique en direction des États-Unis : s’attirer la sympathie des Juifs, et
notamment de la haute finance juive aux USA, car les Britanniques ont besoin de
continuer à financer leurs approvisionnements aux États-Unis. Les Britanniques font
le constat que le sionisme gagne du terrain aux États-Unis10.
-Enfin, ce parrainage s’explique par la hantise des Britanniques de voir les
Français s’installer à proximité du canal de Suez. Or, la France bénéficie d’atouts
majeurs puisqu’elle est la protectrice des chrétiens d’Orient. La Grande-Bretagne, au
contraire de la France, n’a pas de clientèle en Palestine.

La réunion de tous ces facteurs joue en faveur d’un soutien au sionisme.


-> La cause sioniste apparaît comme un moyen idéal de défendre les intérêts
britanniques en mettant en avant un prétexte noble : la renaissance politique du
peuple juif.

Conclusion :
- Une Turquie exsangue : plusieurs centaines de milliers de soldats morts ; la
population dans les frontières de l’actuelle Turquie est passée de 14,08 millions
d’habitants en 1912 à 11,6 millions en 1922 ; famine généralisée. Grand
appauvrissement.
- L’armistice de Moudros signé fin octobre 1918. Les Britanniques occupent
l’essentiel des provinces arabes de l’Empire ottoman (Français très peu présents). Ils


10
le Comité général pour les affaires sionistes du juge Brandeis n’avait que 5000 membres en 1914 et en
compte 150 000 en 1918
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sont tentés de se tailler la part du lion dans le règlement de la guerre et de remettre


en cause les accords passés avec leurs alliés.
-A la fin de la guerre, la situation est très compliquée : revendications arabes
d’une part, projet sioniste d’autre part, rivalité européenne.
En 1918, la guerre n’est pas terminée dans l’Empire ottoman.
Elle a généré de multiples aspirations dans les différentes populations de
l’Empire (Arabes, eux-mêmes divisés, Kurdes, Arméniens). Ces différents projets
s’affrontent lors de la conférence de la Paix qui s’ouvre à Paris en 1919. Le règlement
de la guerre qui au final ne donnera pas satisfaction aux populations arabes, sera
source de très grandes déceptions, de frustration et d’un sentiment de trahison chez
les populations arabes (CM8).

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