Vous êtes sur la page 1sur 10

Travaux de l'Institut

Géographique de Reims

L'habitat spontané en Algérie: cas de Constantine


Ghanima Meskaldji

Abstract
The spontaneous housing condition in Constantine presents two aspects : a precarious housing condition built with old materials
and an illicit housing condition built with hard materials.
To resolve the problems they create, two solutions are considered : the concellation for the spontaneous housing condition and
the reconnaissance for the illicit housing condition.
In spite of its efforts, the commun of Constantine is not arrived to resolve the problem.

Résumé
L'habitat spontané présente à Constantine deux aspects : un habitat précaire construit avec des vieux matériaux et un habitat
illicite construit en dur.
Pour régler les problèmes qu'ils créent deux solutions sont envisagées : l'éradication pour l'habitat précaire et la reconnaissance
pour l'habitat illicite.
Malgré ses efforts, la commune de Constantine n'est pas encore parvenue à maîtriser ce problème.

Citer ce document / Cite this document :

Meskaldji Ghanima. L'habitat spontané en Algérie: cas de Constantine. In: Travaux de l'Institut Géographique de Reims, n°85-
86, 1994. Etudes algériennes. pp. 83-91;

doi : https://doi.org/10.3406/tigr.1994.1306

https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1994_num_85_1_1306

Fichier pdf généré le 28/03/2018


Travaux de l'Institut de Géographie
de Reims, n°85-86, 1993, pp. 83-91

L'HABITAT SPONTANE Ghénima


MESKALDJI
EN ALGERIE:

résorption et reconnaissance.
Le cas de Constantine. Université de
Constantine

Mots-clésavec
Résumé
construit - : L'habitat
Algérie
des vieux
- Constantine
spontané
matériaux
présente
- Habitat
et un habitat
à Constantine
spontané.
illicite construit
deux aspects
en dur. : un habitat précaire
Pour régler les problèmes qu'ils créent deux solutions sont envisagées : l'éradication pour
l'habitat précaire et la reconnaissance pour l'habitat illicite.
Malgré ses efforts, la commune de Constantine n'est pas encore parvenue à maîtriser ce
problème.
Key-words : Algeria - Constantine - Spontaneous housing condition.
Abstract - The spontaneous housing condition in Constantine presents two aspects : a
precarious housing condition built with old materials and an illicit housing condition built
with hard materials.
To resolve the problems they create, two solutions are considered : the concellation for the
spontaneous housing condition and the reconnaissance for the illicit housing condition.
In spite of its efforts, the commun of Constantine is not arrived to resolve the problem.

L'habitat spontané revêt en Algérie deux aspects : d'une part, les bidonvilles ou habitat précaire,
construits avec des matériaux de récupération et dépourvus de toute viabilisation (leur nombre est en
baisse), d'autre part les quartiers en dur, plus nombreux, objet de la sollicitude des autorités locales et
nationales qui les désignent sous le nom de cités illicites.
Additionnés, ces 2 types occupent une place importante dans le paysage des villes algériennes.
Nés avant ou pendant la guerre de libération, ces quartiers servaient de refuge pour les
populations fuyant la campagne. Développés dès l'indépendance aux portes des pôles industriels et
84

autres grandes villes, ils abritaient les chercheurs d'emplois. "Réactivés" ces dernières années, ils
correspondent à l'initiative privée, face à l'inefficacité et à l'insuffisance des programmes de logements
initiés par l'Etat dès les années 1970.
On exprimait alors en Algérie la volonté de réduire ce type de quartiers en y apportant des
solutions radicales. Mais devant l'ampleur du phénomène et l'impuissance des remèdes, le discours a
changé et l'on s'achemine vers la reconnaissance du fait accompli par la régularisation des cités
illicites. Cette nouvelle formule, bien qu'appuyée par une série de textes juridiques ne s'applique pas
sans difficulté sur le terrain. L'habitat précaire, est quant à lui, appelé à disparaître. Constantine, une
des grandes villes algériennes, illustre parfaitement cette situation par l'importance du phénomène de
l'habitat spontané et les difficultés de sa prise en charge.

1. L'habitat précaire à Constantine, vers l'éradication

1.1. Caractères généraux.

L'habitat précaire, se présente sous la forme de petits noyaux : les 17 se trouvant à Constantine
abritent 32 000 personnes (fig. n°l). Situés en périphérie, particulièrement à l'Est et au Nord-Est de la
ville, ils pénètrent aussi vers l'intérieur, en s 'accrochant aux berges du Rhumel et à celles du Bou
Merzoug avec prédilection pour les terrains de statut domanial et communal. Les "bidonvilles" se
reconnaissent à leur petite taille : le plus gros d'entre eux a un effectif de 4 000 habitants (installés sur
l'une des carrières du faubourg Emir Abdelkader) tandis que le plus petit n'abrite que 160 personnes
(au pied des immeubles "CILOC").
Ils se reconnaissent aussi à la nature hétéroclite de leurs matériaux de construction : "Toub" ou
parpaings surmontés de tôles ondulées, maintenues par de vieux pneus. Ils partagent avec les quartiers
en dur la médiocrité de leur emplacement : terrains en pentes, contre-bas de routes longeant les oueds,
carrières, proximité de la décharge publique. . . Les constructions ont été réalisées sans permis sur des
terrains publics "squattérisés", non rattachés aux réseaux techniques (eau, électricité, gaz,
assainissement).
Tous ces aspects négatifs se conjugent pour donner à la ville un aspect déplaisant est désignaient
ces bidonvilles à des opérations d'éradiction.

1.2. Tentatives de résorption ponctuelles.

Celles-ci se sont faites de façon très lente et sélective : il fallait débarrasser certains sites de ce
type d'habitat, parce qu'ils se trouvaient à une entrée de la ville, ou qu'ils dénaturaient le paysage
urbain. Le premier bidonville à disparaître fut celui des Arcades Romaines, qui enlaidissait les vestiges
de l'ancien acqueduc; de plus, il était trop appparent sur la route de l'aéroport. Puis ce fut le tour du
85

lieu-dit "Bridaa" (rive droite du Rhumel) et de celui qu'on nomme "ferme de Bono". Dans les deux
cas, il s'agissait de petits noyaux.

Figure 1 : L'habitat spontané à Constantine

Bled Daïkha
Zaïdi •*
Ziadia
Sidi M'Cid Camèœs Emir Abdelkader

Sidi Mimoun Tenoudji Oued El Had

Amirouche ■ Mansourah
Médina
Benchergui
Platriers
'• Be
Bardo
Avenue de Roumanie
Cité des Pins

CILOC B«n BouzidJ ) Lfodl/oîdJ Bente"iS \. Djg }


Boudrâa Salah & 4ème Km

El Gamas
Palma New York
y / 5 juillet'" .. Tenoudji Sissaoui
Fadel et Abbas

Bensmara Chaabersas Ouest

habitat en dur

habitat précaire pentes fortes


escarpements et gorges 0 370 740 1110 m
limite de quartiers |=n -r=H
86

1.3. Politique de résorption de l'habitat précaire, ou RHP.

D'opérations ponctuelles, on est passé à un véritable programme de prise en charge de l'habitat


précaire à partir de 1986. Bien des formules avaient été essayées avant la mise en application de ce
programme : de 1973 à 1984, des prélèvements de quotas sur les programmes d'habitat social (réalisés
par l'Etat) ont été faits pour les attribuer aux habitants des bidonvilles. Ceci a eu pour conséquence la
réoccupation immédiate des noyaux libérés par d'autres familles en quête de logement. Une expérience
tentée à Alger et qui consistait à renvoyer les populations vers leur lieu d'origine n'a pas obtenu les
résultats escomptés et n'a pas été étendue aux autres villes algériennes.
A Constantine, les responsables qui se sont succédé ont opté pour des solutions variées.
* On a notamment déplacé les habitants des bidonvilles de Bridaa, du 4e km de Palma, des
Ciloc, vers les cités de transit en attendant de les reloger au lieu dit : El Gammas (à l'Est de la ville),
dans des maisons où la contruction du gros oeuvre devait être à la charge de la mairie et les finitions à
celle des futurs occupants. Deux problèmes ont surgi lors de 1 'application de cette formule :
- le séjour en cités de transit est très long et les délais de construction étalés.
- la population n'a pas toujours adhéré à cette formule, parce que le montant des travaux qui lui
était assigné s'est avéré élevé.
Le problème du financement de ces logements a donc été reposé et c'est désormais l'Etat qui
prend totalement en charge les programmes de résorption.
* une deuxième solution est alors proposée : on reconstruit des logements à l'emplacement des
bidonvilles démolis, quand le terrain est de bonne qualité (comme au Mansourah). Si les terrains ne
sont pas constructibles (cas du terrain Tenoudji, face au faubourg Emir Abdelkader), les habitants sont
relogés dans la ZHUN de Békeïra au Nord de la ville (logements sociaux).
Pour résoudre le problème de l'habitat précaire, Constantine a opté pour une utilisation massive
de chalets préfabriqués dont le coût s'élève à près de 28 millions de centimes l'unité. Dès 1976, deux
grosses cités composées de chalets importés du Danemark sont installées dans les cités El-Bir et El-
Gammas. Depuis, de nouveaux ensembles ont été implantés : à Chabersas, à El Gammas, en contre-bas
du quartier du 5 juillet, soit 1 300 unités qui ne sont qu'une partie d'une programme plus vaste.
* Actuellement, une nouvelle forme de la politique de résorption de l'habitat précaire est mise
en oeuvre. Il s'agit de répartir les logements destinés aux habitants des bidonvilles de Constantine dans
les communes limitrophes. Il faudra donc transférer les populations concernées en dehors de la ville : la
commune de Didouche Mourad (au Nord de Constantine) en a déjà accueilli un premier contingent.
Un autre exemple de résorption est offert par dans le bidonville du Mansourah : les habitants ont
bénéficié d'un programme de 500 logements sociaux qui permettra de reloger les familles et de dégager
le site destiné à accueillir la future cité administrative.
Cette opération s'est faite en trois étapes :
87

- transfert de familles vers la commune d'Aïn Abid (50 km au SE de Constantine) pour les
installer dans des chalets.
- un deuxième départ s'est fait à destination des immeubles de Ain Smara (= 20 km à l'Ouest de
la ville).
- les derniers occupants seront relogés à Békeïra.
* La dernière formule qui entre dans le cadre de l'éradication de l'habitat précaire consiste à
mettre en place un véritable lotissement au lieu dit Sarkina II, destiné aux habitants de deux
bidonvilles situés au SE de la ville : 168 lots de terrain de 136 m2 chacun sont viabilisés et vendus par
la mairie (la remise des actes de propriété est en cours), sur lesquels seront construites des maisons
identiques (d'inspiration traditionnelle). L'originalité de l'opération réside dans le mode de
financement qui conjugue participation des futurs occupants et apport de la Caisse Nationale du
Logement par l'intermédiaire de la CNEP. Les prêts s'étalent sur 40 ans avec des intérêts de l'ordre de
2 % . Ce sont dans la terminologie des autorités locales : des logements aidés.
Les efforts visant à la résorption de l'habitat précaire se poursuivent à Constantine, mais les
résultats restent timides : 35 % du programme inscrit ont été réalisés à la fin de l'année 1992. Ces
programmes prennent en compte aussi les familles de la médina dont les maisons se sont effondrées, et
celles qui ont été sinistrées à la suite de catastrophes naturelles : glissemeonts de terrain, inondations et
séismes.
Les délais de réalisation sont très longs, le décalage entre l'inscription des programmes et leur
exécution accentue la crise du logement que l'Etat prend seul en charge. Les responsables concernés par
le logement et l'habitat à Constantine ressentent la nécessité de revoir la politique de la RHP, car la
seule implantation de chalets ne résoudra pas le problème des bidonvilles. Ils préconisent la mise en
place par l'Etat de trames assainies ne dépassant pas 120 m2 pour le relogement d'un plus grand
nombre de familles.

2. Les quartiers en dur, vers la reconnaissance

Le deuxième type d'habitat spontané, représenté par les quartiers en dur, est le plus important.
On le retrouve dans toutes les villes algériennes.

2.1. Les cités illicites : importance et particularités.

* L'importance des quartiers en dur se mesure à Constantine par :


- leur nombre : 31 cités sont localisées à la périphérie et à l'intérieur du tissu urbain, sur des sites très
variés :
soit sur des pentes fortes (Avenue de Roumanie)
soit sur les versants raides et instables (terrain Kaïdi)
soit dans les vallées inondables (Fadhel et Abbés)
88

- leur taille : Elles peuvent atteindre 12 000 personnes comme au Faubourg Emir Abdelkader. Au
recensement de 1987, leur population totale s'élevait à 84 OOO1).
- la densité du tissu : les maisons contiguës laissent peu de place au système viaire qui se réduit à une
série de venelles. Une anarchie totale résulte de l'absence de plan. Le non respect des règles
d'urbanisme et des normes de construction entrave les possibilités d'un aménagement éventuel. On peut
noter l'exception que constitue la cité Benchergui, où le propriétaire du terrain a imposé une certaine
organisation aux constructeurs.
* En outre, la nature indurée des matériaux de construction, les particularités de ces quartiers se
situent sur un double plan :
- Le statut privé des terrains est l'élément le plus important. En dehors des 2 quartiers :
Halbedel (Faubourg Emir Abdelkader actuellement) et Liedbold, qui ont été intégrés au Domaine, tous
les autres terrains appartiennent à des personnes privées. Ceci est important, parce que même si les
documents sanctionnant les transactions foncières ne sont que des actes sous seing-privé, la propriété
est implicitement reconnue. Les occupants, rassurés par cette reconnaissance, peuvent ainsi investir
dans leur logement.
- Un équipement partiel du logement et du quartier
A la différence de l'habitat précaire, les quartiers en dur bénéficient de certains équipements. Au
niveau du logement, eau et électricité sont présentes dans l'ensemble des cités, mais cela ne veut pas
dire que toutes les maisons de la cité soient raccordées. Le gaz de ville est plus rare, ainsi que les
raccordements aux réseaux d'assainissement. Au niveau du quartier, la présence de commerces et
d'activités artisanales est un élément important de la vie de ces cités qui connaissent alors une
autonomie relative par rapport à la ville.
La situation illégale résulte à la fois de l'absence de titres de propriétés reconnus et de permis de
construire, et au non respect des règles d'urbanisme et des normes de construction et est denoncée par
les autorités. Celles-ci s'insurgent devant l'illicité de ces cités et soulignent la difficulté à y apporter
des remèdes.

2.2. Solutions partielles.

L'habitat spontané n'a jamais été traité d'une façon globale. Ce sont des aménagements après
coup, des solutions ponctuelles, ou simplement des recommandations non suivies d'exécution qui ont
caractérisé l'attitude face à ce problème. Avant l'indépendance, une étude réalisée à Constantine,
distinguait les "gourbis" à faire disparaitre des quartiers en dur à rénover. Ce projet n'eut pas de suite
parce qu'il coïncidait avec la fin de l'occupation coloniale.
La suppression des bidonvilles et l'amélioration des quartiers en dur restent une préoccupation
pour les autorités de la ville qui procèdent en 1972 à une opération d'assainissement dans certaines

Il est difficile de connaître le nombre exact de ces occupants faute d'un dénombrement actualisé.
89

cités: Benbouzid, Bentellis, Halbedel, Liedbold et les Plâtriers. Des travaux de viabilisation y sont
réalisés par la commune : c'est le premier pas vers la reconnaissance.
Parallèlement, on assiste à la promulgation d'une série de textes juridiques impliquant plus ou
moins directement les constructions illicites. En 1970), l'ordonnance portant sur l'organisation du
notariat stipulait la validation par un notaire de toute transaction foncière ou immobilière (celles-ci se
faisaient alors sous seing-privé). Cela n'a pas freiné les opération illicites. En 1974, c'est la loi sur
la constitution des réserves foncières au profit des communes qui est promulguée. La mairie acquiert
les terres incluses dans son périmètre d'urbanisation et les affecte comme terrains d'assiette à des
équipements ou des programmes d'habitat. Les propriétaires des terres désignées par la loi ont précédé
les textes ; ils ont vendu des parcelles (sans titre de propriété) ou construit eux même. L'impuissance
de la ville à fournir des logements à ses habitants a précipité ceux-ci vers l'illégalité (acquisitions de
terrains devant constituer les réserves foncières) et dès 1975, on assiste à la multiplication des
constructions illicites.
L'exemple le plus significatif est fourni par le nombre de transactions effectuées sur le terrain
Benchergui (au Nord-Ouest de la ville). Jusqu'en 1969, celui-ci n'englobait qu'une ferme. En 1972,
7 % des constructions sont réalisés pour 183 habitants. Mais 80 % des habitations sont réalisées entre
1972 et 1980. La population s'élève alors à 2 800 habitants. Elle atteint 5 400 en 1987.
Un second exemple révélateur est celui d'un quartier ancien (Fadhel et Abbés), situé sur la rive
droite du Bou Merzoug. Son évolution s'est faite en fonction des textes de la révolution agraire (fin
1971) et des réserves foncières. Le mouvement culmine entre 1962 et 1974.
Ces mesures n'ont pas dissuadé les propriétaires de continuer à vendre des lots de terrain à des
familles venues de cités précaires, de la médina et des communes rurales :
47 % des habitants de Benchergui viennent d'autres quartiers de la ville et 53 % de la
campagne.
La municipalité bien que confortée par les textes juridiques n'a pu juguler le phénomène des
cités illicites pour deux raisons majeures :
- d'une part, les programmes d'habitat restaient bien en deçà des besoins et étaient du seul
ressort de l'Etat. La participation des promoteurs publics (CNEP) et privés n'a commencé que bien
tardivement.
- d'autre part, l'application des textes est parfois en contradiction avec ceux-ci : c'est ainsi que
la loi relative au permis de construire et de lotir promulguée en 1982(3) interdisait aux constructions
bâties sans permis les raccordements aux réseaux techniques alors que sur le terrain, eau et électricité
étaient distribuées en toute conformité.

Ordonnance 70 -91 du 15-12-70 portant organisation du notariat.


Ordonnance 74-26 du 20-02-74.
Loi n°82-02 du 06-02-82 (particulièrement l'article 20).
90

2.3. Reconnaissance des cités illicites.

Les mesures prises pour freiner le développement de l'habitat spontané (à défaut de le faire
disparaître) n'ont pas abouti aux résultats escomptés. La situation de crise est acentuée par la faiblesse
de la production de logements par les organismes officiels. Il faut bien admettre que ces quartiers
représentent un parc immobilier important (12 000 logements selon les résultats du recensement de
1987) et que les programmes les plus ambitieux ne pouvaient enrayer la crise de l'habitat que connaît la
ville.
Devant cette situation, il ne restait plus qu'à reconnaître les cités par la voie de la régularisation
et admettre le fait accompli. C'est ce que stipule l'ordonnance du 13 août 1985) qui donne le départ à
une nouvelle politique.
Les conditions de la régularisation sont définies et se situent sur un double plan :
-juridique : par l'authentification de la propriété du terrain.
- technique : respect des normes de construction et des règles urbanistiques.
Les procédures sont très compliquées, longues et coûteuses. L'article 11 précise que toute
construction édifiée après la parution de la loi sera démolie. La régularisation est soumise à une série
de mesures qui pénalisent à la fois le constructeur, qui devra selon les cas s'acquitter du prix du terrain
éventuellement majoré d'une taxe et le propriétaire qui a vendu illicitement ; ce dernier est astreint au
rachat du terrain majoré d'une taxe s'élevant à 50 % du prix de celui-ci.
Le deuxième aspect de la régularisation se rapporte à la construction qui doit être conforme aux
règles d'urbanisme, ce qui permettra l'obtention du permis de construire. Les habitants des cités
illicites sont soumis à d'autres règles : ils doivent participer aux frais de viabilisation engagés par la
commune dans leur quartier et payer les services d'un bureau d'études chargé de réaliser les documents
graphiques obligatoires pour la constitution du dossier de régularisation.

2.4. Bilan actuel des opérations de régularisation.

Quels sont les résultats obtenus 8 ans après la promulgation de la loi qui devait résoudre le
problème des constructions illicites ?
Un début d'application a vu le jour avec la constitution des comités de quartier au cours de
l'année 1987 et le dépôt de dossiers. Sur les 29 cités recensées par la mairie, 13 ont été approuvées
pour régularisation et aujourd'hui 8 seulement d'entre elles sont sur le point d'être reconnues.
Du fait de toutes les obligations qu'entraîne l'application d'un tel texte (paiement du terrain, de
la construction, taxes, participations financières diverses des habitants) il ne fallait pas s'attendre à une
adhésion totale des gens concernés qui ont beaucoup hésité devant une telle opération. Parmi les
difficultés apparues lors de l'application de ces procédures, il faut relever celle qui découle de
l'évaluation des terrains, faite selon les tarifs actuels pour des transactions effectuées il y a fort

Ordonnance fixant à titre transitoire, les règles d'occupation du sol en vue de leur préservation et de leur protection.
91

longtemps. A Constantine, le prix du m2 fixé au départ à 210 dinars algériens a été ramené à 170. Il
faut ajouter à cela la longueur des procédures administratives : le dossier de régularisation doit transiter
par une série de services avant de retourner à la mairie qui doit remettre les titres de propriété. Jusqu'à
ce jour aucun acte n'a été délivré. L'arsenal juridique mis en place pour traiter les constructions illicites
n'a pas découragé les propriétaires qui continuent de vendre les lots de terrain (cité Boussouf - El
Ménia...). L'inefficacité des mesures, ajoutée au relâchement du contrôle que doit exercer la commune
sur les nouvelles constructions1) en particulier, n'a pas permis d'apporter la moindre solution à ce
problème.

Conclusion

Si l'éradication des bidonvilles connaît quelques résultats sur le terrain dans le cadre d'une
politique globale, la régularisation des cités illicites piétine à cause de la lourdeur des procédures
administratives. Cette impuissance de la ville à maîtriser le phénomène est illustrée par l'apparition
d'une nouvelle génération d'habitat spontané. En effet dès 1990, de nouveaux noyaux surgissent
formant des cités entières. Le meilleur exemple est celui du lieu-dit "Ancienne Poudrière" apparu en
septembre 1991 et où les constructions se font au rythme de 10 par mois. On retrouve cette nouvelle
forme à "Chabersas" où la cité a bénéficié d'un tracé de rues, au Chalet des pins, etc.
Ces nouvelles cités se sont installées sur des terrains publics (comme les bidonvilles), mais sont
réalisées avec des matériaux en dur (comme les cités plus anciennes). Elles apparaissent ainsi comme la
combinaison des 2 types précédents, avec une différence : elles sont le fait de personnes originaires de
la ville elle même, alors que les migrants constituaient une forte proportion dans les autres cités. Ce
phénomène est encore trop récent pour qu'on puisse en saisir les tenants et les aboutissants, on peut
seulement affirmer que la ville maîtrise de moins en moins le problème de l'habitat illicite.

(1) Une commission chargée d'intervenir sur le terrain pour bloquer les constructions illicites a été instituée en août 1991. Bien que
mener duaucune
dotée pouvoir
action.
de confisquer les matériaux de construction et de procéder à la démolition si les travaux sont entamés, elle n'a pu

Vous aimerez peut-être aussi