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Revue française d'histoire d'outre-

mer

Archer (Robert) : Madagascar depuis 1972. La marche d'une


révolution
Guy Jacob

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Jacob Guy. Archer (Robert) : Madagascar depuis 1972. La marche d'une révolution. In: Revue française d'histoire d'outre-mer,
tome 65, n°240, 3e trimestre 1978. pp. 458-459;

https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1978_num_65_240_4740_t1_0458_0000_5

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COMPTES RENDUS
japonaise : en faisant coexister sans complexe tradition et modernisme. Du reste, il en
faudrait davantage pour me convaincre personnellement que «les temps paradisiaques»
(p. 201) soient une notion applicable plus au passé qu'au présent ou à l'avenir.
Photographe autrichien, G. Chesi a fait 26 voyages en Afrique soit mis bout à bout
six années et 300.000 km ; ce livre est le résultat des 10 derniers voyages ; l'artiste travaille
sans filtre : le résultat est tout à son honneur.
Jean-Claude NARDIN.

MADAGASCAR
ARCHER (Robert) : Madagascar depuis 1972. La marche d'une révolution. — Paris,
1976. - 21 cm, 212 p., 2 cartes.
La première décennie de la République malgache fut placée sous le signe de la stabilité
politique et la transition au néo-colonialisme allait bon train sous la houlette du président
Tsiranana qui combinait slogans socialistes et pratique capitaliste. Mais avec les années 70
s'ouvre une crise grave : avril 1971, révolte dans le Sud de l'île et brutale répression ; mai
1972 (c'est le Mai malgache) grève des étudiants et lycéens à Tananarive, émeute et chute
de Tsiranana. A la première république succède une phase de remises en cause et de
politiques.
Témoin de cette crise, le chercheur britannique Robert Archer est le premier à explorer
la période 1972-1976. Projet ambitieux, entreprise délicate puisqu'il s'agit d'une histoire à la
fois très contemporaine et particulièrement complexe. Aussi faut-il d'emblée saluer le
premier mérite de cette étude : son caractère pionnier. Et si elle se présente comme
événementielle, l'auteur n'a nullement à s'en excuser : une telle démarche était ici
nécessaire. Et quelle richesse sous l'information ! R. Archer a multiplié les enquêtes pour
expliquer accords et compromis ou suivre le fil d'intrigues florentines. Mais là n'est pas
l'essentiel de son propos. Dépassant les péripéties, il veut mettre à nu les forces profondes
qui expliquent rupture ou évolution. Ecartant volontairement d'autres facteurs (le jeu
impérialiste des grandes puissances ou l'irruption des masses populaires sur la scène
il en privilégie un, à ses yeux primordial : le contrôle déjà ancien et toujours
du pouvoir politique par «une bourgeoisie dont le pouvoir économique et les valeurs
sont profondément enracinés dans la société».
Cette bourgeoisie, formée au XIXe siècle, avec l'ouverture de l'île au commerce et à
l'influence des Européens, est temporairement freinée dans son développement par la
La domination française fait obstacle à sa promotion économique et sociale, elle
s'efforce de la diviser en accentuant les rivalités ethniques entre Merina des Hautes Terres
et «côtiers» des provinces périphériques. L'indépendance marque le triomphe apparent des
«côtiers» (Tsiranana est lui-même un côtier) alors que le général Ramanantsoa qui lui
succède passe pour être l'homme du «Club des 48», réseau des grandes familles tananari-
viennes. Un tel schéma doit d'évidence être nuancé. Sous Tsiranana, le pouvoir économique
(dans la mesure où il n'est pas resté entre les mains de l'étranger) est contrôlé par la
de la capitale. Ramanantsoa, paralysé par la peur du tribalisme, ménage les partisans
du président déchu et réserve ses coups à l'opposition de gauche. Ainsi la lutte pour
oppose deux fractions de la classe dominante, mais en des conflits dont R. Archer
montre bien qu'ils restent secondaires.
La preuve ? La bourgeoisie retrouve spontanément sa cohésion lorsqu'elle se sent
menacée. Cette menace se concrétise lorsque le colonel Ratsimandrava prend le
pouvoir après la démission de Ramanantsoa. Avec deux objectifs clairement définis : à long
terme des réformes de structure amorcées par l'autonomie des fokon'olona (communautés
villageoises), qui serait progressivement étendue à des cellules plus larges afin de créer
un pouvoir populaire, face à l'Etat centralisé et bourgeois ; dans l'immédiat l'assainissement
du personnel politique, en partie compromis dans des affaires de corruption. Ratsimandrava
est assassiné : son gouvernement a duré six jours. Enquêtes et procès monstre allaient impli-

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COMPTES RENDUS
quer de nombreux suspects — et ne livrer aucun coupable. « Ratsimandrava, observe
l'auteur, par ses initiatives politiques, par sa personnalité et surtout par sa mort a
le pays en termes de classes».
Mais comment définir l'action de son successeur, le capitaine de frégate Ratsiraka qui
s'impose après l'intérim d'un Directoire militaire ? Originaire de la côte orientale, ancien
ministre des Affaires étrangères, Ratsiraka a symbolisé de manière spectaculaire la lutte
Cependant R. Archer considère que le nouveau régime est fondé sur une
ambiguïté initiale : au nom de principes socialistes, Ratsiraka accède au pouvoir grâce à la
bourgeoisie. Quelques pages particulièrement intéressantes mettent en parallèle les
de Ratsimandrava et de Ratsiraka. La stratégie de ce dernier s'oppose à celle de
Ratsimandrava qui voulait attaquer la bourgeoisie de front. Ratsiraka, tacticien prudent a
choisi «d'aborder la réforme par le débat idéologique». Un débat dans lequel il dénonce
l'impérialisme et les agissements de la bourgeoisie «compradore», mais ménage la
nationale. Ratsiraka et la bourgeoisie dépendent l'un de l'autre. Ratsiraka se libérera-t-il
de cette tutelle ? Prendra-t-il le risque d'affronter les forces de droite ?
Analyste minutieux des comportements de la bourgeoisie et surtout de son étonnante
faculté d'adaptation et de récupération au sein des différentes phases de la crise, R. Archer
en revanche renonce un peu trop rapidement à la décrire en tant que classe. Il s'engage sur
une piste intéressante en notant la pérennité de certaines grandes familles. Encore faudrait-il
souligner qu'il ne s'agit que d'une rapide approche, ouverture pour une étude systématique
de leur généalogie qui reste à faire et serait combien révélatrice. L'ouvrage pèche parfois par
une insuffisante rigueur méthodologiste, agace aussi par son caractère impressionniste,
fâcheusement renforcé par une traduction hâtive. Mais il serait injuste d'en tenir une
rigueur à un essai écrit sur le vif.
Sachons plutôt gré à l'auteur d'avoir fermement écarté deux discours trop souvent
entendus : la description insistante du clivage ethnique, destinée à camoufler
le clivage de classes, et la dénonciation vertueuse de l'impérialisme mondial, qui ne tire
pas à conséquence tant que le silence est fait sur les relais nationaux de cet impérialisme.
Dernier point : le sous-titre de l'ouvrage (La marche d'une révolution) est sans grand rapport
avec le contenu. De cette révolution, que la bourgeoisie s'efforce de désamorcer, R. Archer
a montré plutôt le piétinement. Mais ce sous-titre ne vient-il pas finalement corriger une
phrase bien sommaire de sa conclusion sur la passivité du peuple malgache ? En effet, cette
marche — commencée lors du Mai malgache — ne peut être poursuivie que pour et surtout
par les forces populaires.
Guy JACOB.

AMÉRIQUE

GÉNÉRALITÉS
FROSTIN (Charles) : «Du Peuplement pénal de l'Amérique française aux XVIIe et XVIIIe
siècles : hésitations et contradictions du pouvoir royal en matière de déportation». —
Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest (Anjou, Maine, Touraine), t. 85 (1978), 1,
p. 67-94.
L'Ancien Régime n'a jamais pu se corriger de la fâcheuse pratique d'utiliser les colonies
comme dépotoir. De la colonie à la colonie pénale il n'y a jamais eu qu'un pas, et cela de la
part de toutes les métropoles et pratiquement à toutes les époques. Heureusement que la
«régénération» par le bannissement aux colonies a tout de même mieux marché aux Antilles,
en Louisiane, au Canada, aux XVIIe et XVIIIe siècles que dans la sinistre Guyane de nos
pères. Les faux-sauniers en particulier, certains soldats déserteurs étaient très «récupérables»,

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