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Compte rendu

séminaire
Assurance indicielle et warrantage :
quelles perspectives en Afrique de l’Ouest ?

e 16 novembre 2010, un séminaire de réflexion sur les perspectives de développe-


L ment du warrantage et de l’assurance indicielle climatique en Afrique de l’Ouest
a réuni une soixantaine d’experts, chercheurs et professionnels de l’assurance.
Les débats se sont basés sur les résultats d’une étude réalisée par le Gret pour l’AFD sur
les instruments, de nature privée, pour la gestion des risques auxquels sont confrontés les
petits producteurs agricoles. Cette étude Gestion des risques agricoles par les petits pro-
ducteurs. De la théorie à la pratique. Focus sur l’assurance-récolte indicielle et le warrantage
résulte de l’analyse de neuf expériences de terrain situées dans cinq pays en Afrique de l’Est
et en Inde, sur la base d'une étude bibliographique préalable.

— Warrantage —

Une nécessaire adaptation des modèles


Le warrantage (utilisation d’un stock de denrées agricoles comme garantie d’un prêt ban-
caire) présente de nombreux avantages du point de vue des producteurs.
En spéculant sur la variation intra annuelle des prix entre la récolte et la soudure, il aug-
mente leur espérance de gains. Il leur facilite l’accès aux services financiers en milieu rural,
en particulier pour le financement d’intrants agricoles avec un impact direct sur l’améliora-
tion de la production agricole. Il renforce la capacité de négociation des organisations de
producteurs face aux commerçants et améliore la transparence des prix. Il contribue
à améliorer et à standardiser la qualité des produits et à professionnaliser l’activité d’entre-
posage. Enfin il permet au producteur stockeur de sécuriser un capital et d’échapper ainsi
à la pression sociale et plus particulièrement à celle des usuriers. .../...

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Ces dispositifs interviennent de différentes façons dans les stratégies économiques des petits
producteurs en fonction des niveaux économiques des ménages : outil de sécurité alimen-
taire et d’épargne forcée pour les ménages précaires, le warrantage peut devenir un puissant
outil de trésorerie et d’accumulation pour l’investissement pour les ménages plus aisés.
Comme l’ont montré les études de cas analysées par le Gret, les dispositifs de warrantage
sont à déclinaison multiples, chaque dispositif répondant à des situations spécifiques. De
façon générale, les structurations sont moins formalisées et professionnalisée, et donc de
moins grande échelle en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est. Ce passage à l’échelle
est ainsi un enjeu essentiel en Afrique de l’Ouest. Le débat a porté sur les préalables et
les besoins d’appui nécessaires pour y parvenir.

Conditions nécessaires pour un passage à l'échelle


Plusieurs conditions ont pu être identifiées pour que les systèmes de warrantage contri-
buent à la stabilisation des revenus des petits producteurs.
Les premiers préalables tiennent au niveau de compréhension du fonctionnement et des
enjeux du système par les producteurs et à un certain degré de structuration et d’organisa-
tion du monde rural. La mise en place de systèmes d’information de marché fiables jouerait
dans le même sens. Il est également important que ces dispositifs soient soutenus par une
volonté politique forte, pour éviter tout risque de manipulation et d’interférence politique
ainsi que pour formaliser le cadre réglementaire. Un appui politique complémentaire peut
être apporté via la mise en place de politiques incitatives avec notamment un soutien fi-
nancier important au démarrage.
Enfin, les enjeux d’accès au financement agricole étant essentiel dans ces montages, il est
nécessaire d’impliquer fortement les institutions de microfinance dès les premières ré-
flexions. Le warrantage est attractif pour elles car il permet de sécuriser le crédit, de lutter
contre les prêteurs informels et d’atteindre une population moins aisée. Leur implication
en amont permet de sécuriser les bases de la pérennisation institutionnelle et financière du
dispositif.

Des besoins d'appui diversifiés


Afin de permettre un meilleur accès des petits producteurs à ces dispositifs de warrantage,
les débats du séminaire ont permis d’identifier clairement les besoins d’appuis. Le renforce-
ment des organisations de producteurs, notamment dans leurs capacités de dialogue et de
négociation avec les institutions de microfinance est essentiel. Ces organisations permet-
tent en effet un meilleur suivi des remboursements, la sécurisation du crédit et l’améliora-
tion de la relation avec les partenaires bancaires. Éventuellement elles peuvent également
intervenir en refinancement.
En complément, d’autres leviers ont été identifiés, pour lesquels des soutiens financiers
peuvent être utiles : la mise en place de systèmes d’information de marchés accessibles aux
petits producteurs, l’organisation des filières et le développement des contrats, l’investisse-
ment dans les capacités de stockage, soit via des lignes de crédit ciblées aux institutions de
microfinance, soit via le renforcement des capitaux propres des organismes stockeurs.
.../...

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— Assurance indicielle climatique —

Un secteur naissant
L’assurance indicielle permet de couvrir des risques climatiques (inondations, sécheresses,
etc.) pour lesquels le versement des indemnités est déclenché par les variations d’un indice
externe corrélé au rendement agricole. Le montant de l’indemnité ainsi que les seuils de
versement sont définis contractuellement. L’indice retenu doit être fortement corrélé au
rendement de la production assurée de façon à limiter le risque de base et proposer une
rétribution adéquate aux producteurs.
Le choix de l’indice et son paramétrage sont des éléments techniques complexes et essen-
tiels à maîtriser pour la conception d’un produit pertinent. L’étude menée par le Gret pré-
sente une diversité d’approches et leurs résultats. Le développement de produits d’assu-
rance indicielle est encore récent dans le monde et à peine naissant en Afrique de l’Ouest.
L’enjeu actuellement est donc de capitaliser sur les bonnes pratiques en termes de
conception et de conduite de ce type d’expérimentations. Le débat a permis de préciser
les défis opérationnels et de dégager quelques premières leçons.

Principaux apprentissages techniques et institutionnels


Parmi les premières étapes, le choix de l’indice de référence qui passe en théorie par un ar-
bitrage entre simplicité de l’indice (qui permet une compréhension plus facile) et limita-
tion du risque de base (c’est-à-dire de l’écart entre le montant de la perte réelle et celui de
l’indemnité versée). Plus particulièrement en Afrique de l’Ouest, cet arbitrage se joue aussi
entre l’investissement nécessaire et le risque de base, principalement du fait des contraintes
de disponibilité et d’obtention de données. Ces contraintes impliquent un ajustement des
méthodes classiques de paramétrage de l’indice. Les recherches en cours montrent qu’il est
intéressant de travailler sur des données au niveau de la parcelle pour mieux évaluer l’im-
pact réel pour les producteurs et de contraster ces analyses dans des groupes différents
(over-fitting). Enfin, les producteurs étant exposés à une grande diversité de risques et ayant
des rendements et des itinéraires techniques hétérogènes, même au sein d'un même vil-
lage, il semble plus réaliste de commencer avec des indices simples.
Afin de faciliter la distribution et la commercialisation de l’assurance, les expérimentations
en cours en Afrique de l’Ouest et en Inde soulignent l’importance de concevoir des pro-
duits simples, plus facilement compréhensibles par les producteurs et par les agents de
distribution.
En termes de montage institutionnel, la plupart des modèles existants reposent sur un
partenariat entre un assureur qui porte le risque financier et un agent de distribution, en
charge de la promotion de l’assurance et de la collecte des primes. Ces agents peuvent être
de nature variée : institutions de microfinance (IMF), banques, fournisseurs d’intrants,
acheteurs de denrées agricoles. L’intérêt de ce partenariat est de permettre à l’assureur de
bénéficier de la notoriété et de l’ancrage du distributeur. Ce dernier peut y trouver un inté-
rêt financier, mais le partenariat sera d’autant plus efficient que le distributeur y trouve
également un intérêt stratégique : réduction du risque de recouvrement en milieu rural,
fidélisation de fournisseurs de produits agricoles, captation d’un marché pour la vente .../...

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vente d’intrants. Pour garantir la qualité du service offert, l’assureur doit veiller à la qualité de
l’interface avec son client final et de préciser les conditions de règlement des indemnités entre
l’agent de distribution et le producteur. Enfin, il est important que ces agents de distribution
disposent d’un système d’information et de gestion qui permettent le suivi des primes et des
indemnités et la remontée d’une information fiable et rapide vers l’assureur. L’importance
d’un accompagnement technique de l’agent de distribution ne doit pas être sous-estimée.

Une nécessaire démarche de recherche-action


La jeunesse du secteur et la complexité de la démarche implique de s’inscrire dans une
stratégie de recherche-action. L’importance des investissements initiaux nécessaires et le
ciblage des petits producteurs posent la question de la rentabilité de ces dispositifs. Une
réflexion est en cours actuellement en Afrique de l’Ouest pour distinguer différents niveaux
de gestion du risque : l’un étant pris en charge par l’assurance, l’autre étant assumé au ni-
veau local par les organisations de producteurs via la constitution d’un fonds de solidarité
abondé par ponction sur la prime. L’intérêt d’un tel dispositif est de rendre l’assurance plus
visible pour les producteurs en les associant à la gestion du risque, tout en dégageant des
marges de manœuvre financière pour le produit d’assurance.
La pérennisation des dispositifs d’assurance passe tout d’abord par un passage à l’échelle, la
loi des grands nombres étant indispensable à la stabilisation des coûts. De plus, et afin de
garantir une couverture accessible et pertinente pour les petits producteurs, la construction
de partenariats entre acteurs privés et acteurs publics est nécessaire, ainsi que l’inclusion de
ces expérimentations au sein des politiques publiques de soutien au secteur agricole.
Le rôle des bailleurs dans la conduite de ces processus de recherche-action est clé. Leur in-
tervention peut se traduire par un appui à la professionnalisation des agents partenaires et
à la structuration des dispositifs, notamment via le renforcement des partenariats entre
centres de recherche, organisations de producteurs, assureurs et agents de distribution
dont les IMF. Leur soutien dans le dialogue avec les pouvoirs publics et leur implication fi-
nancière sont essentiels pour accompagner la phase de paramétrage et d’expérimentation
de cet outil de financement innovant. 

Pour aller plus loin :


 « Gestion des risques agricoles par les petits producteurs. De la théorie à la pratique. Focus sur
l’assurance-récolte indicielle et le warrantage », AFD, Gret, à paraître.
 « Weather-index drought insurance: an ex ante evaluation for millet growers in Niger »,
Antoine Leblois et Philippe Quirion, CIRED.

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