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Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne

par Jacques LE BRUN

| érès | Savoirs et clinique

2007/1 - N° 8
ISSN 1286-1405 | ISBN 2-7492-0829-9 | pages 37 à 45

Pour citer cet article :


— Le Brun J., Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne, Savoirs et clinique 2007/1, N°
8, p. 37-45.

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Refus de l’extase et assomption de


l’écriture dans la mystique moderne

Jacques Le Brun

À l’automne 2003 eut lieu au Vatican une ments dans la mystique du XVIIe siècle se
exposition intitulée Visioni ed Estasi… tra Sei- trouve sinon contredite, du moins considérable-
cento e Settecento 1 dont l’occasion était le qua- ment modifiée par l’analyse des textes philoso-
trième centenaire de la naissance de saint phiques et théologiques, par la lecture des
Joseph de Copertino. On pouvait y voir une traités de spiritualité, par celle des récits d’ex-
centaine de toiles, des saintes et des saints périences, biographies, autobiographies ou cor-
pâmés d’amour, contemplant de célestes respondances qui rendent compte des états que
visions, soulevés de terre dans un grand envol l’on peut qualifier d’extatiques. L’entreprise est
d’anges. Nous y retrouvions tous les thèmes d’autant plus délicate que la notion d’« extase »
que jadis, en 1932, Émile Mâle développait en a une longue histoire – qui remonte au moins à
un beau chapitre de son Art religieux après le Platon, à Plotin et aux néoplatoniciens, au Nou-
concile de Trente 2. Je n’insisterai pas sur ces veau Testament et à la Bible des Septante, et
images parce que dans ce volume elles sont aux théologiens du Moyen Âge – et que, selon
l’objet de la contribution de Frédéric Cousinié, les temps et les champs intellectuels, les mêmes
beaucoup plus compétent que moi sur tout ce mots ne se réfèrent pas aux mêmes réalités. De
qui concerne ces représentations picturales. ce point de vue, le XVIIe siècle est un temps de
Toute une historiographie, soit plus ou remaniement de ce que désigne la notion
moins apologétique 3, soit fascinée par d’« extase ». Alors coexistent un certain
l’étrange ou l’extraordinaire 4, a été consacrée à nombre de discours, dont la pluralité et même
l’extase, en particulier l’extase à l’époque les contradictions ne permettent pas de donner
moderne. Cependant, notre première évidence de l’extase une définition ou d’en dessiner des
d’une efflorescence de l’extase et des ravisse- caractères univoques.

Jacques Le Brun, Directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études.

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L’écriture et l’extase

* XVIIe siècle, c’est avant tout parler des opposi-


* * tions rencontrées, des discours qui inlassable-
ment dénonçaient les illusions et inversement,
Une historiographie à l’allure belliqueuse des discours qui tentaient avec plus ou moins de
a fait de la première moitié du XVIIe siècle le succès de défendre une vérité de l’extase et de
temps de l’invasion puis de la conquête mys- l’opposer à toutes les formes proliférantes
tique, et de la fin du siècle celui de la retraite d’abus, d’excès, de perversions et d’erreurs que
ou, selon d’autres métaphores, du crépuscule leurs adversaires leur opposaient. Au départ
des mystiques. On aura reconnu les catégories donc, il y avait la hantise de l’illusion, la peur
qui, depuis Henri Bremond 5 et depuis Louis de la nouveauté, de l’étranger, de l’ennemi
Cognet 6, se sont plus ou moins imposées, et qui espagnol, de ce qui est archaïque, antiquité
ne sont pas sans pertinence : la mystique venue païenne, philosophies plus ou moins ésoté-
d’Espagne et d’Italie aurait gagné la France, et riques, méfiance devant des phénomènes sus-
une foule de saintes et de dévotes, dont d’in- pects de la complicité du corps ou de la
nombrables biographies transmettent les expé- sensualité. Et le fait que ce fussent des femmes
riences, serait apparue dans la première moitié qui le plus souvent manifestaient des extases ou
du siècle, jusqu’au jour où, sous l’effet de l’es- parlaient d’extases ne pouvait qu’accroître la
prit critique, de la science, de la rigueur théolo- méfiance en ces temps où sorcières et possé-
gique et de ce qu’on appelait déjà les dées apparaissaient comme le nouveau danger
« Lumières » ou une mentalité « éclairée », qui menaçait la société, la religion, la pensée.
l’ordre et la raison eurent refoulé les troubles et L’extase fascinait, surprenait, faisait peur, mais
déraisonnables excès mystiques dans le silence était à l’origine de nombreux discours pour
des couvents ou dans des groupes d’« enthou- comprendre, justifier, condamner ou refouler.
siastes » et de « fanatiques ». Et cela de l’aube du XVIIe siècle jusqu’à celle
Si on étudie l’histoire de la mystique du XVIIIe, jusqu’au temps du quiétisme, du pié-
moderne, on s’aperçoit cependant que ces tisme et des prophètes cévenols.
représentations doivent être corrigées. De nom- Même si l’extase n’était pas explicitement
breuses enquêtes, par exemple les travaux de mentionnée parmi les erreurs des Bégards et
Louis Cognet lui-même sur la genèse de l’anti- des Béguines condamnées en 1312 au concile
mysticisme, ceux de Michel de Certeau sur la de Vienne, cette ancienne condamnation d’un
spiritualité des jésuites du premier XVIIe siècle, état de perfection qui rendrait l’homme impec-
et un important travail, encore inédit mais qui cable était sans cesse rappelée comme un pré-
devrait paraître prochainement, de Sophie Hou- cédent. On n’oubliait pas la mise à l’index, au
dard sur Les invasions mystiques, montrent bien XVIe siècle, d’une grande œuvre de la spiritua-
que mystique et critique de la mystique, inva- lité rhéno-flamande comme celle d’Harphius, et
sion et résistance, vont de pair, et que le on publiait de façon ostentatoire en France, en
XVIIe siècle est plutôt l’âge du soupçon que 1624, l’édit de Séville dirigé en 1525 contre les
celui d’une confiance sans réserve dans la mys- Alumbrados d’Espagne, et réitéré en 1623. Nul
tique. C’est même à la mesure des résistances et n’ignorait en outre les traverses qu’avaient ren-
des contestations que l’on peut juger la préten- contrées en leur pays Thérèse d’Avila et Jean
due invasion mystique au XVIIe siècle ; pous- de la Croix. Ainsi les états mystiques des Thé-
sons les choses jusqu’au paradoxe, mais rèse d’Avila, Catherine de Gênes ou Marie-
paradoxe soutenable, la critique et même la Madeleine de Pazzi n’étaient connus en France
condamnation de la mystique étaient d’une cer- que précédés de suspicion, de l’écho de
taine façon antérieures à la diffusion et au suc- condamnations, de rumeurs qui réduisaient
cès de la mystique. Ainsi, parler de l’extase au nécessairement à la défensive tous ceux qui

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expérimentaient des extases ou qui parlaient Les critiques ne seront cependant efficaces
d’extases. Nous ne pouvons énumérer tous les qu’à cause de l’ambiguïté de la notion
traités catholiques ou protestants où l’extase d’« extase » au début du XVIIe siècle, moment
était examinée, critiquée, ramenée à une ortho- où pour ainsi dire plusieurs couches de signifi-
doxie théologique, philosophique ou médicale. cations se superposaient sans toujours s’accor-
Du De ecstaticis muliebribus et illusis publié à der entre elles. Lointain héritage de l’Antiquité
Milan en 1616 par Frédéric Borromée au Traité et du néoplatonisme, de Plotin et de Denys,
du discernement des esprits publié en 1672 en « extase » gardait en effet en maint texte une
latin par le cardinal Bona et bientôt, en 1676, signification ne renvoyant absolument pas à des
traduit en français, jusqu’aux tardifs textes nor- états psychologiques ou à des manifestations
matifs de Benoît XIV et à la critique de Marie observables tels que la mystique moderne les
d’Agreda par Eusèbe Amort au XVIIIe siècle, décrivait, les analysait et les justifiait. L’impor-
c’est toute une bibliothèque critique que nous tance fondatrice qu’avaient encore les œuvres
aurions à inventorier. attribuées à Denys l’Aréopagite rendait tou-
Le mouvement de méfiance ne fera que jours vivant le sens de l’extase comme sortie de
s’accentuer au cours du XVIIe siècle. Aux cri- la condition humaine, comme aliénation en
tiques fondamentales de Jean de la Croix qui, Dieu. Selon Denys, l’amour était « extatique »,
dans La nuit obscure 7, établit que « les ravisse- faisant sortir Dieu de lui-même, divinisant les
ments, les extases et les dislocations des os […] divers ordres des créatures et faisant sortir
arrivent toujours quand les communications ne d’elles-mêmes les intelligences pour qu’elles
sont pas purement spirituelles », font écho celles retournent à Dieu 14. Rien là d’un processus
des directeurs spirituels soucieux d’éviter tout psychologique ou d’une expérience propre,
excès dans les phénomènes mystiques. Si nous mais un mouvement essentiel, au-delà de toute
lisons les traités de spiritualité comme Les dimension personnelle 15. Or c’est encore le
secrets de la vie spirituelle qui en découvrent les sens le plus fréquent au début du XVIIe siècle :
illusions (Paris, 1683) du jésuite François une des œuvres qui dominera la spiritualité
Guilloré, les lettres de direction de Bossuet, les française, La Règle de perfection du capucin
principes de Fénelon exprimés dans l’Explica- Benoît de Canfield, dont les premières éditions
tion des maximes des saints, ce sont les mêmes sont de 1608-1609, faisait d’« extatique »,
conseils de prudence, la même méfiance à « extatiqué » des synonymes de « spirituel », de
l’égard des phénomènes extérieurs de la vie spi- « nu », de « dénué », de « supernaturel 16 », et
rituelle. Le jésuite, dénonçant les « illusions de c’est des Grecs et de Platon que partait le
l’amour divin dans les paroles », relevait les minime Marin Mersenne dans le chapitre « De
« termes d’amour les plus extatiques 8 » et la Ecstasi » de ses Quæstiones celeberrimæ in
« liberté d’un amour transporté 9 » ; Bossuet écri- Genesim en 1623 17 pour s’interroger sur la
vait le 23 décembre 1693 à Mme d’Albert : « Il possibilité d’une extase naturelle. Mersenne,
ne faut rien désirer, ni ravissements ni extases, distinguant plusieurs modes de l’extase, déga-
mais seulement d’aimer Dieu 10 » ; et Fénelon geait les différentes causes qui pouvaient inter-
qui, dans un sermon pour l’Assomption, notait venir, la maladie, l’humeur, les affects, le
que dans la vie de Marie « nous ne voyons ni démon, ou Dieu ; certes pour lui la vraie extase,
prophétie ni miracles ni instruction des peuples, vera ecstasis, était celle par laquelle Dieu déta-
rien que de simple et de commun 11 », jugeait chait l’homme des sens, l’élevait par une force
fausses « une suspension miraculeuse et exta- supérieure vers les choses surnaturelles, et lui
tique 12 » et une « contemplation passive » com- permettait l’exercice d’une intelligence déta-
prise comme « une espèce d’extase continuelle chée des images et des espèces 18 ; dans ces
ou ligature des puissances 13 ». pages était fait le lien, par le biais de la causa-

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L’écriture et l’extase

lité, entre la conception antique de l’extase et essentielle de l’esprit et vie suréminente.


les perspectives que l’on peut appeler « expé- Voyez-vous, Philothée, ces perfections ne sont
rientielles » de la mystique moderne, mais le pas vertus 24. »
souci « scientifique » de Mersenne le conduisait Cependant dans le Traité de l’amour de
non seulement à envisager la causalité diabo- Dieu publié en 1616, François de Sales sera
lique, la grande hantise de l’époque, mais aussi moins critique, partant du sens antique de l’ex-
les pathologies du corps, des humeurs et des tase qui porte « hors et au-dessus de nous-
affects. Ensemble ambigu, au statut épistémolo- mêmes » et qui est aussi ravissement parce que
gique incertain, l’extase moderne n’apportait par elle « Dieu nous attire et élève à soi 25 ».
aucune certitude à la pensée, mais insérait le Denys est ici l’autorité, avec le passage des
doute dans l’expérience même où semblait se Noms divins que nous avons cité sur l’« amour
manifester le divin 19. extatique 26 ». Les « philosophes anciens » sou-
C’est la même ambiguïté qui apparaît, à la tiennent la distinction faite dans le Traité entre
même époque, dans la Theologia mystica 20 et deux modes de sortie de soi, soit au-dessus, soit
dans la Pro Theologia mystica Clavis 21 du au-dessous de nous-mêmes 27. C’était, en sug-
jésuite Maximilien Sandæus : ce dernier définit gérant une distinction entre la nature et les
l’amor ecstaticus 22 comme amor secundum choses divines, distinguer extase sensuelle et
verticem voluntatis, par lequel l’homme atteint extases sacrées. L’extase sacrée était définie par
une intime union avec Dieu, sortant de soi en François de Sales comme « véritable extase »,
Dieu même, laissant en dehors son intellect « excès » hors des bornes du « maintien natu-
comme il laisse les forces humaines et les sens ; rel » et engloutissement en Dieu 28. L’insistance
selon une ligne continue quatre sortes d’ecsta- sur la « vérité » de cette extase est déjà un signe
sis mènent, selon Sandæus, de l’insania mentis du caractère pour ainsi dire « défensif » de cette
vel delirium due à la vieillesse, à la mélancolie analyse ; il y a un autre signe qui témoigne de
ou à la maladie jusqu’au saisissement par l’es- la radicale évolution par rapport à l’extase
prit divin, en passant par la stupeur due à la antique et dionysienne, c’est la distinction faite
peur et par la haute contemplation intellec- par saint François de Sales entre « trois sortes »
tuelle 23. Mais on trouvait déjà cette polysémie d’« extases sacrées », selon les facultés : enten-
de l’extase dans une des œuvres inaugurales de dement, affection et action 29, et la désignation
la spiritualité du XVIIe siècle, celle de saint comme « vraie extase 30 », comme « bonne et
François de Sales, dont la canonisation en 1665 sainte extase 31 » de l’extase de la volonté, la
ne pouvait qu’accroître une autorité acquise de seule à ne pas être suspecte d’être l’œuvre du
longue date. Dans l’Introduction à la vie dévote « malin esprit ». En effet l’extase de la volonté
publiée en 1608, il manifestait de grandes est toute différente de l’« extase ou ravissement
réserves à l’égard des phénomènes extérieurs de contemplation », c’est une « vie surhumaine
de la vie mystique, avertissant sa correspon- extatique » et non pas un état d’« oraison 32 ».
dante, Philothée, du danger des « choses extra- En définissant cette seule vraie extase, François
ordinaires » : « Il y a certaines choses que de Sales faisait une double mais problématique
plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucu- opération : il plaçait dans les facultés humaines
nement, desquelles il faut que je vous die un le point d’application d’une extase que Denys
mot : ce sont les extases ou ravissements, les et les néoplatoniciens plaçaient dans l’essence,
insensibilités, impossibilités, unions déifiques, mais il dégageait ensuite la vraie extase de tout
élévations, transformations et autres telles per- ce qui serait sens ou entendement, de toute pos-
fections desquelles certains livres traitent, qui sible représentation, pour en faire l’acte pur de
promettent d’élever l’âme jusqu’à la contem- la volonté nue, expérience d’autant plus radi-
plation purement intellectuelle, à l’application cale et divine qu’elle est perte de la sensibilité

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Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne

et dépouillement de contenu intellectuel. « symptômes » naturels et les tempéraments, en


Nombre de spirituels suivront ici François de particulier la mélancolie 38. L’extase peut aussi
Sales et saint Jean de la Croix ; ainsi le père avoir pour cause la force de l’imagination :
Louis Chardon qui, dans La Croix de Jésus 33, Socrate, Carnéade, Plotin et même saint Tho-
écrivait que « l’extase de la volonté s’empare mas ont eu de telles extases 39. Quant aux
de l’âme quand tous ses désirs, quand tous ses extases diaboliques, saint Augustin en donne
sentiments et quand toutes ses affections trou- des exemples, mais « la partie la plus difficile et
vent leur mort et leur tombeau dedans la vie de la plus épineuse », selon Bona 40, est de distin-
l’unique dessein d’acquérir la pureté, la netteté guer les extases divines des « innombrables »
et la sainteté de l’amour de Dieu 34 ». On devine tromperies de Satan. Devant cette difficulté
déjà les difficultés, voire les apories, qui Bona donne des règles, arguments non pas
accompagneront l’extase au cours du siècle, les théologiques mais pratiques : la durée de l’ex-
illusions, manœuvres du malin ou poids du tase, l’attitude de l’extatique, ses paroles ou son
corps qui la menacent, et les inquiétantes incer- silence, « toutes les circonstances 41 », enfin,
titudes théologiques et anthropologiques de la l’indice le plus « certain » : les mœurs et les
radicale sortie de soi, de la perte en Dieu, et, si vertus 42. En d’autres termes, les pratiques,
l’on peut risquer l’oxymore, d’une expérience après les médecins, sont juges du surnaturel.
non expérimentale. Évolution générale au XVIIe siècle : le médecin
C’est d’ailleurs dans la ligne des élabora- et le moraliste, devant la déroute du théologien,
tions de François de Sales et du père Mersenne détiennent la vérité de l’extase, comme il
que le cardinal Giovanni Bona rédigera un long détient celle de la sainteté et celle du miracle 43.
chapitre « De l’extase et du ravissement » de
son Traité du discernement des esprits, publié *
en latin en 1672 et en français à Paris en 1675. * *
Traité particulièrement intéressant peut-être à
cause de l’embarras dont il témoigne ; selon Le problème théologique n’était cepen-
Bona, l’homme est le lieu de mouvements, dant pas abordé par le cardinal Bona ; le souci
d’impulsions, d’instincts, de pensées et de pas- de l’origine de l’extase masquait la question
sions dont l’origine est incertaine 35. Des mou- théologique déjà soulevée au début du siècle,
vements sont issus purement de nous, de notre argument des adversaires des mystiques. Si
nature, d’autres viennent de l’extérieur, de Dieu l’extase est une cessation des opérations des
ou du démon ; comment « discerner » les uns puissances, cessation même de la partie supé-
des autres : pulsions de la nature, du corps ou de rieure de l’âme rationnelle, selon la définition
l’esprit, sollicitations démoniaques, grâces traditionnelle de Gerson reprise par Altenstaig
divines ? L’équivoque, les tromperies et les illu- dans son dictionnaire 44, alors se pose la ques-
sions sont au cœur de l’homme et rendent « très tion cruciale du mérite : la cessation des opéra-
difficile 36 » de discerner le naturel et le surna- tions est-elle cessation des mérites, cessation
turel, le vrai et le faux, le divin et le démo- des actes des vertus, mise entre parenthèses des
niaque. Bona procédera d’abord par vœux religieux ? Suarez, au début du siècle,
élimination ; si l’extase est un transport de s’était posé la question et avait essayé d’y
l’âme où sont aliénés les sens extérieurs, elle apporter des réponses. Sandæus dans la Pro
peut être la conséquence d’une maladie : aux theologia mystica clavis, avait, en 1640, repris
médecins de dire ce qui est catalepsie ou léthar- le débat 45, présenté ses solutions à partir de
gie. Fernel, Sennert, Galien sont convoqués et textes de Louis de Blois et de Harphius et
apportent au théologien des cas exemplaires 37 ; conclu à la continuité du mérite pendant l’ex-
les « médecins habiles » savent reconnaître les tase. Mais en 1657, le carme Chéron, auteur

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L’écriture et l’extase

d’un Examen de la théologie mystique, repre- table martyre, serait le martyre intérieur,
nait l’argument pour condamner toutes les insoupçonné, le martyre du Saint-Esprit 49.
« choses extraordinaires », occasion pour le Ainsi l’extase échappait à la critique et à la cen-
père Surin de répliquer et d’élaborer sa doctrine sure, aux médecins et aux orthodoxies reli-
de l’extase ne supprimant pas le mérite. Dans sa gieuses.
Guide spirituelle, écrite vers 1660, Surin voyait
dans l’objection de Chéron un « sentiment *
humain 46 », « comme si les noces de Dieu * *
étaient faites comme les nôtres », ce qui n’em-
pêchait pas le jésuite d’ajouter un argument Irreprésentable, l’extase ne peut qu’être
comparant l’extase au sommeil pendant lequel écrite, en des récits toujours inégaux à ce dont
l’homme cessait d’opérer mais ne contredisait ils parlent, mais récits eux-mêmes soupçon-
pas le dessein de Dieu, et d’en revenir en ter- nables d’une intervention de la nature ou du
minant à l’autorité de Suarez ! Tous ces débats diable. Le cas de Mme Guyon, à la fin du siècle,
peuvent laisser croire que nous sommes devant est de ce point de vue d’autant plus intéressant
des apories et que l’extase ne peut véritable- qu’à la différence d’autres mystiques elle tente
ment être pensée par le théologien, même si, non seulement une analyse de l’extase mais
discutée, contrôlée, encadrée, elle peut être aussi une analyse de l’écriture de l’intérieur, de
acceptée et justifiée. ce qu’est l’acte d’écrire l’intérieur.
Devant ces possibles apories, devant le Dans sa Vie, prolongeant et radicalisant les
risque de l’illusion et l’ambiguïté des paroles et critiques séculaires que nous avons rappelées,
des signes, une solution s’était pourtant dessi- elle n’hésite pas à faire de ce qu’on appelle
née au cours du XVIIe siècle : l’extase, la extase une ruse du diable : « L’extase, écrit-elle,
« vraie » extase serait celle qui, tout intérieure, vient d’un goût sensible qui est une sensualité
reste muette, acte pur de la volonté, transport spirituelle où l’âme se laissant trop aller à cause
invisible en Dieu qui laisse le sujet mener une de la douceur qu’elle y trouve tombe en
vie « ordinaire » ; l’extraordinaire, c’est le défaillance. Le Diable donne de ces sortes de
caché, c’est l’intérieur, c’est l’intention. douceurs sensibles pour amorcer l’âme, lui
L’image du mystique caché, secret, inconnu, faire haïr la croix, la rendre sensuelle et lui don-
selon l’étymologie du grec µυστικος, hante le ner de la vanité et de l’amour d’elle-même, l’ar-
XVIIe siècle ; le simple, le jeune homme ren- rêter aux dons de Dieu et l’empêcher de suivre
contré par Surin dans un coche 47, une pay- Jésus-Christ par le renoncement et la mort à
sanne, la bonne Armelle, une autre qui se fait toutes choses 50. » Mais ce n’est pas là son der-
passer pour folle, Louise du Néant, leurs nier mot, et, dans les Justifications, où avec
extases sont invisibles, leur vie mystique est l’aide de Fénelon elle rassemble des citations
cachée. Comme toutes les manifestations du d’auteurs spirituels pour autoriser sa doctrine,
surnaturel devenues soupçonnables, l’extase elle consacre un chapitre à l’extase 51 où sont
pour être vraie doit, comme l’amour, être pure présentés, à côté de courts extraits de ses
et nue. Nous retrouvons le même mouvement œuvres, des textes de sainte Thérèse, du bien-
de retrait hors de l’ordre du visible et dans un heureux Jean de la Croix, de saint François de
paroxysme de l’intériorité à propos des stig- Sales et du carme Jean de Saint-Samson. A-
mates : dans un travail récent nous avons pu t-elle écrit dans les Torrents : « Cet état est au-
montrer qu’au XVIIe siècle les véritables stig- dessus des extases 52 », c’était pour désigner le
mates étaient les stigmates invisibles, les seuls « quatrième degré de la voie passive en foi qui
insoupçonnables, douleur intime sans aucun est le commencement de la vie divine 53 », état
signe extérieur 48 ; de la même façon le véri- où ne se manifeste « rien d’extraordinaire » à

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Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne

l’extérieur, qui « n’est point sujet à la trompe- pathologiques renvoyés aux médecins, mani-
rie », où « il n’y a point de visions, révélations, festations diaboliques objet des exorcistes, ou
extases, ravissements, changements ». Cepen- au mieux degrés inférieurs de l’itinéraire spiri-
dant le commentaire qu’elle donne de ce texte tuel. Reste, après la disparition des espèces et
dans ses Justifications vise à sauver, pour ainsi des vues, une extase « nue », « nette », « per-
dire, l’extase en distinguant deux sortes due 64 », par laquelle la mystique peut se dire
d’extases, l’une « dans les puissances, qui « abîmée dans la mer même 65 ». Cependant
paraît au-dehors », l’autre « qui se fait par cette radicale épuration de l’extase et son exil
anéantissement et sortie de soi pour passer en hors du monde de la représentation a une consé-
Dieu 54 ». De même elle distinguait, dans son quence dont le cas de Mme Guyon nous montre
commentaire du Cantique des Cantiques, « un l’importance : avec l’« au-dessus des extases »
repos d’extase, mais d’extase douce et conti- une tâche, sans doute écrasante, est réservée à
nuelle, qui ne cause plus d’altération aux sens, l’écriture. Si l’extase ne peut être ni vue, ni
l’âme étant passée en son Dieu par l’heureuse observée dans l’ordre des sens ou de la pensée,
sortie d’elle-même 55 ». Parmi ses autorités, elle ne pourra qu’être « écrite » en une écriture
Mme Guyon cite ici sainte Thérèse qui, dans le qui ne dira pas la sortie de soi mais qui sera
Château de l’âme 56, parle de « la perte des sens sortie de soi. En effet, comme l’écrit Mme
et de la chaleur », et elle interprète ce texte Guyon en une formule saisissante, « l’expres-
comme désignant l’extase des puissances, sion n’égale jamais l’expérience 66 ». De l’écri-
encore inférieure et soupçonnable : « Sainte ture comme expérience de sortie de soi elle
Thérèse, écrit Mme Guyon, traite des extases de nous donne à plusieurs reprises une analyse,
faiblesse : ce sont celles des puissances et de la écriture non pas transmission d’un message ou
perte des sentiments. Si je pouvais faire com- communication d’une vérité, même surnatu-
prendre combien il est dangereux de s’arrêter à relle, même vérité de l’expérience, mais écri-
ces choses, et comme le Diable par là s’insinue ture « absolue », c’est-à-dire détachée de tout
et se transfigure en Ange de lumière, mais je ne message. Au départ de l’écriture des Torrents, il
serais pas crue 57. » Ensuite, à côté des passages y a une initiative qui ne vient pas du moi : « Il
de la Montée du Carmel 58 et de la Nuit obs- me vint un si fort mouvement d’écrire que je ne
cure 59 où, comme nous l’avons vu, Jean de la pouvais y résister […] un simple instinct
Croix dénonce les « choses extraordinaires », […] 67. » « Ce n’est pas que j’eusse rien de par-
« les ravissements, les extases, les dislocations ticulier à écrire ; je n’avais chose au monde, pas
des os », elle enchérit : « Une des principales même une idée de quoi que ce soit. […] En pre-
raisons d’outrepasser tout cela c’est que ces nant la plume, je ne savais pas le premier mot
sortes de choses sont contraires à la vraie sim- de ce que je voulais écrire. Je me mis à écrire
plicité et nudité de la foi, disposition prochaine sans savoir comment et je trouvais que cela
à l’union divine 60. » Enfin à côté des passages venait avec une impétuosité étrange. Ce qui me
de saint François de Sales qu’elle recopie et que surprenait le plus était que cela coulait comme
nous avons commentés plus haut, elle mani- du fond et ne passait point par ma tête 68. »
feste son approbation de l’extase de la volonté Dans le même état d’absence à soi-même elle
que le saint mettait au-dessus des autres extases écrira ses Explications de la Bible : « En écri-
et elle note : « Véritable extase de volonté per- vant le passage, je n’avais pas la moindre pen-
manente 61 », « O extase sans erreur et sans sée sur l’explication et sitôt qu’il était écrit il
soupçon ! 62 », « Cette extase seule ne cause m’était donné de l’expliquer écrivant avec une
rien d’extraordinaire au-dehors 63 ». vitesse inconcevable. Avant que d’écrire je ne
En cette fin de siècle, les extases exté- savais pas ce que j’allais écrire : en écrivant je
rieures, visibles, sont suspectes, phénomènes voyais que j’écrivais des choses que je n’avais

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L’écriture et l’extase

jamais sues, et dans le temps de la manifesta- tervention de l’autre divin qui guide la main.
tion, la lumière m’était donnée que j’avais en Certes le message peut toujours envahir l’écri-
moi des trésors de science et de connaissance ture et reproduire dans l’écrit une efflorescence
que je ne savais pas même avoir 69. » de « vérités », de sentiments, de révélations ;
Entre l’« expression », inégale à l’« expé- c’est ce qui advient dans La cité mistique de
rience », et la « manifestation », un écart recon- Dieu de Marie d’Agreda où s’accumulent les
duit celui des deux sortes d’extases, celle qui visions et les révélations à travers lesquelles le
est dans les puissances et celle qui est sortie de moi de celle qui écrit s’expose avec complai-
soi. L’assomption dans l’écriture constitue sance. Mais alors nous sommes bien loin de
peut-être la seule forme d’extase pure (sans l’écriture comme extase et évidement du moi
intervention des sens ni de la réflexion), extase que décrira et réalisera Mme Guyon quelques
insoupçonnable, car le moi s’y abolit dans l’in- années après la religieuse espagnole.

NOTES
1. Visioni ed Estasi. Capolavori dell’arte europea tra Seicento e Settecento, Catalogo a cura di Giovanni Morello, Genève-Milan, Skira,
2003.
2. Paris, Armand Colin, 1932, p. 151-201.
3. A. Poulain, Des grâces d’oraison. Traité de théologie mystique, 11e éd., Paris, Beauchesne, 1931. H. Thurston, Les phénomènes phy-
siques du mysticisme, Paris, Gallimard, 1961.
4. Par exemple P. Camporesi, La chair impassible, Paris, Flammarion, 1986.
5. Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, nouvelle édition sous la direction de François Trémolières,
Grenoble, Jérôme Millon, 2006.
6. Louis Cognet, Crépuscule des mystiques, Tournai, Desclée et Cie, 1958 ; nouvelle éd. ibid., 1991.
7. L. II, ch. 1, trad. Cyprien de la Nativité, rééd. Lucien Marie de Saint Joseph, Bruges-Paris, Desclée de Brouwer, 1959, p. 543.
8. F. Guilloré, Les secrets de la vie spirituelle…, op. cit., p. 420.
9. Ibid., p. 421.
10. Bossuet, Correspondance, Éd. Urbain et Levesque, t. VI, p. 106.
11. Fénelon, Œuvres, Paris, Bibl. de la Pléiade, Gallimard, t. I, p. 963.
12. Explication des maximes des saints, art. XXIX faux, ibid., t. I, p. 1073.
13. Id., art. XXX faux, ibid., p. 1075.
14. Pseudo-Denys l’Aréopagite, Noms Divins, IV, 13, 712A-713B.
15. Sur Denys, voir les travaux de René Roques, en particulier ici Structures théologiques. De la Gnose à Richard de Saint-Victor, Paris,
PUF, 1962, p. 119-122.
16. Benoît de Canfield, La règle de perfection, III, ch. VIII, éd. J. Orcibal, Paris, PUF, 1982, p. 376.
17. Paris, 1623, ch. XXXII, De Ecstasi, col. 603 et sv.
18. Ibid., col. 605.
19. L’ambiguïté est manifeste dans la façon dont le médecin Jérôme Jordan étudie l’extase, le rapt, la prophétie, les visions, etc. dans
son traité De eo quod divinum aut supernaturale est in morbis humani corporis, Francfort, 1651, ch. XVII, p. 66-71.
20. Theologia mystica seu Contemplatio Divina Religiosorum a calumniis vindicata, Mayence, 1627.
21. Cologne, 1640, et repr. anastatique, Heverlee-Louvain, Bibliothèque S.J., 1963.
22. Pro theologia mystica clavis, éd. cit., p. 65.
23. Ibid., p. 190.
24. Introduction à la vie dévote, IIIe partie, ch. 2, éd. Annecy, t. III, p. 131.
25. Traité de l’amour de Dieu, l. VII, ch. 4, éd. Annecy, t. V, p. 20.
26. Noms divins, IV, 13, 712A, cité Traité de l’amour de Dieu, l. VII, ch. 5, éd. Annecy, t. V, p. 24.
27. « Les philosophes anciens ont reconnu qu’il y avait deux sortes d’extases dont l’une nous portait au-dessus de nous-mêmes et
l’autre nous ravalait au-dessous de nous-mêmes », Traité de l’amour de Dieu, l. I, ch. 10, éd. Annecy, t. IV, p. 57.
28. Ibid., l. VI, ch. 12, t. IV, p. 346-347.
29. Ibid., l. VII, ch. 4, t. V, p. 21.
30. Ibid., l. VII, ch. 5, t. V, p. 24.
31. Ibid., l. VII, ch. 6, t. V, p. 26.
32. Ibid., l. VII, ch. 7, t. V, p. 29.
33. 1re éd., 1647, rééd. Paris, Cerf, 1937, p. 263.
34. Voir aussi p. 436-440 sur l’abus des consolations spirituelles et p. 487 sur l’état de nudité et de vide où « l’on ne se pique plus de
transports ni d’extases ».

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Refus de l’extase et assomption de l’écriture dans la mystique moderne

35. Traité du discernement des esprits, Bruxelles, 1676, p. 50.


36. Ibid., p. 302.
37. Ibid., p. 321-322.
38. Ibid., p. 326-327.
39. Ibid., p. 323-324.
40. Ibid., p. 325.
41. Ibid., p. 334-335.
42. Ibid., p. 335-336.
43. Voir notre contribution : « La sainteté à l’époque classique et le problème de l’autorisation », dans Confessional sanctity (c. 1500
- c. 1800), éd. by J. Beyer, A. Burkardt, F. van Lieburg & M. Wingens, Mainz, Philipp von Zabern, 2003, p. 149-162.
44. J. Altenstaig, Lexicon theologicum, rééd. Cologne, 1619, s. v. Extasis, p. 312, et Raptus, p. 772.
45. Sandæus, Pro theologia mystica clavis, op. cit., p. 192-193, art. Ectasis.
46. J. J. Surin, Guide spirituel, éd. M. de Certeau, Paris, Desclée de Brouwer, 1963, p. 291.
47. J. J. Surin, Correspondance, éd. M. de Certeau, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 140-143.
48. Voir notre contribution : « Les discours de la stigmatisation au XVIIe siècle », dans Stigmates, Les Cahiers de l’Herne, 2001, p. 103-
118.
49. Voir notre contribution : « Mutations de la notion de martyre au XVIIe siècle d’après les biographies spirituelles féminines », dans
Sainteté et martyre dans les religions du livre, Problèmes d’histoire du christianisme, éd. par J. Marx, Bruxelles, Éditions de l’Univer-
sité de Bruxelles, 1989, p. 77-90. Voir aussi B. Forthomme, La folie du roi Saül, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002, p. 187.
50. Mme Guyon, Vie, Ire partie, ch. IX, §4, Cologne, Jean de la Pierre, 1720, t. I, p. 84.
51. Mme Guyon, Justifications, Lausanne, 1790, t. I, p. 253 et sv.
52. Mme Guyon, Les Torrents, Ire partie, ch. 9, §27, dans Les Opuscules spirituels, Cologne, Jean de la Pierre, 1720 [Repr. Hildesheim-
New York, Georg Olms Verlag, 1978], p. 242-243 : « L’extérieur de ces personnes est tout commun, et l’on n’y voit rien d’extraordi-
naire. Plus elles avancent, plus elles deviennent libres, n’ayant rien d’extraordinaire qui paraisse au dehors qu’à ceux qui en sont ca-
pables. Ici tout se voit, sans voir, en Dieu tel qu’il est. C’est pourquoi cet état n’est point sujet à la tromperie. Il n’y a point de visions,
révélations, extases, ravissements, changements. Tout cela n’est point de cet état, qui est fort au-dessus de tout cela. Cette voie est
simple, pure et nue, ne voyant rien qu’en Dieu, comme Dieu le voit, et par ses yeux. »
53. Ibid., p. 228 et sv.
54. Mme Guyon, Justifications, éd. cit., t. I, p. 253 n.a.
55 Ibid., p. 254, citation de Le Cantique des Cantiques de Salomon, interprété selon le sens mistique et la vraie représentation des
états intérieurs, Lyon, 1688, p. 187.
56 Sainte Thérèse, Le Château de l’âme, VIIe demeures, ch. 3.
57. Mme Guyon, Justifications, éd. cit., t. I, p. 254 n. a., texte souligné par Bossuet dans l’exemplaire manuscrit des Justifications qu’il
avait reçu et annoté.
58. Saint Jean de la Croix, La montée du Mont Carmel, l. II, ch. 10-21.
59. Id., La nuit obscure, l. II, ch. 1.
60. Mme Guyon, Justifications, éd. cit., t. I, p. 255 n. a.
61. Ibid., p. 269 n.a.
62. Ibid., p. 270 n.a.
63. Ibid., p. 270 n. c.
64. Mme Guyon, Vie, IIe partie, ch. IV, §2, éd. cit., t. II, p. 32-33.
65. Ibid., p. 32.
66. Ibid., IIe partie, ch. IV, §1, éd. cit., t. II, p. 32.
67. Ibid., IIe partie, ch. XI, §5, éd. cit., t. II, p. 118.
68. Ibid.
69. Ibid., IIe partie, ch. XXI, §1, éd. cit., t. II, p. 221-222. Voir notre étude sur « Mme Guyon et la Bible », dans La jouissance et le
trouble, Genève, Droz, 2004, p. 247-268.

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