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CHAPITRE IV

LES CONVENTIONS COLLECTIVES

1. Nous avons adopté, au chapitre précédent, le point de vue


qu'en principe tout traité est une source de droit en ce sens qu'il
crée une norme régissant la conduite d'un sujet de droit inter-
national. Ceci, cependant, n'implique nullement que tous les
traités soient d'une importance égale à cet égard. Point n'est ici
besoin de relever l'intérêt primordial que présentent les grandes
conventions collectives pour l'étude des normes qui, d'une
manière générale, s'appliquent aux relations réciproques des
Etats et institutions internationales. Ces conventions, en effet,
accomplissent largement la fonction qui, dans le droit national,
revient à la législation.
Sur cette base, la doctrine du droit international a formulé,
dans le passé, la distinction entre les traités-contrats et les
traités-lois. Ces derniers, seulement, représentent — d'après
l'auteur de cette théorie, Heinrich Triepel — la volonté commune
des parties contractantes, issue de leurs déclarations de volonté
identiques, tandis que les traités-contrats reposent sur deux
déclarations de volonté séparées et opposées. D'après cette école,
la base de validité du droit international était la volonté commune
des Etats; il s'ensuivait que seuls les traités-lois étaient une source
de droit international.
Ni l'analyse de diverses catégories de traités, ni la conception
volontariste du droit international n'ont survécu à la critique qui
leur a été opposée par la doctrine plus récente. Si, en effet, un
traité bilatéral comporte l'échange de deux prestations différentes
ou le règlement d'intérêts opposés, la volonté de chacune des
parties portent sur l'exécution de l'accord dans son ensemble et
est, dans cette mesure, identique. Ce qui importe, c'est que
chacune des parties est engagée aux termes du traité par sa
déclaration, mais en ceci tous les traités, de n'importe quelle
(73) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 73

catégorie, sont égaux. La distinction entre traités-lois et traités-


contrats n'a aujourd'hui qu'un intérêt descriptif et un intérêt
aux fins de classification pratique. Elle est sans portée juridique. 1
Dans la jurisprudence de la Cour internationale, la distinction
ne paraît avoir laissé aucune trace. Surtout, la Cour ne semble
pas avoir attribué à la convention collective une supériorité
quelconque par rapport au traité bilatéral.
Cependant, le fait même que le nombre de parties contractan-
tes soit supérieur à deux — parfois de beaucoup — pose certains
problèmes particuliers ou confère une importance particulière
à certains problèmes qui sont communs à tous les traités, bilaté-
raux ainsi que multilatéraux. Sans nous arrêter aux questions
relatives à la procédure nous examinerons certaines questions
relatives aux effets des conventions et à leur caractère obligatoire.

2. En ce qui concerne d'abord les rapports avec les Etats non


contractants le point de départ est ce qu'on a appelé la relativité
des traités: leurs effets juridiques sont limités au cercle des con-
tractants. 2 II. est incontestable que le droit international recon-
naît comme un de ses principes fondamentaux, qu'un traité ne
peut créer ni des droits, ni des obligations pour un Etat non-
contractant. Pacta tertiis nec nocent nec prosunt. Ce principe s'ap-
plique aux traités bilatéraux, aussi bien qu'aux conventions
multilatérales. Les uns comme les autres sont res inter alios acta
par rapport à tout Etat non contractant. Malgré le caractère
fondamental du principe, il est, surtout en ce qui concerne les
conventions multilatérales, sujet à certaines modifications.
Nous ne nous arrêterons pas longtemps au problème des
stipulations en faveur d'un Etat tiers, problème qui ne se pose pas
d'une manière particulière en ce qui concerne les conventions
collectives. La Cour internationale a maintenu le principe, tout
en laissant une porte entrouverte à des modifications. «Un
traité, disait la Cour dans son arrêt sur la Haute Silésie polonaise,
ne fait droit qu'entre les Etats qui y sont parties; dans le doute,

1. Charles Rousseau, Principes généraux du Droit international Public, p. 136.


2. Ibid., p. 453-54.
74 SORENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBLIC (74)

des droits n'en découle pas en faveur d'autres Etats, »3 Dans son
arrêt définitif sur les Zones franches la Cour s'est exprimée d'une
manière plus détaillée, bien que ce fût dans un « obiter dictum ».*
Il convient de citer le passage entier:
« On ne saurait facilement présumer que les stipulations avantageuses
à un Etat tiers aient été adoptées dans le but de créer en sa faveur un
véritable droit. Rien cependant n'empêche que la volonté d'Etats
souverains puisse avoir cet objet et cet effet. L'existence d'un droit
acquis en vertu d'un acte passé par d'autres Etats est donc une question
d'espèce: il s'agit de constater si les Etats qui ont stipulé en faveur d'un
autre Etat ont entendu créer pour lui un véritable droit que ce dernier
a accepté comme tel. »6

Sur les effets d'un traité à la charge d'un Etat tiers la Cour n'a
pas, en termes analogues, admis la possibilité de modifier le
principe. La doctrine, cependant, semble s'accorder sur cer-
taines modifications, mais la portée exacte et la base juridique
de ces modifications soulèvent certains doutes. Si le problème a
été discuté en ce qui concerne les traités en général, les incidences
pratiques revêtent une importance particulière pour les conven-
tions collectives. Le professeur Charles Rousseau a pris comme
point de départ la constatation que les traités qui créent une
situation juridique objective s'imposent aux Etats tiers.6 Une
définition exacte du terme « situation juridique objective » donne
lieu, cependant, à de grandes difficultés; la conception se
rattache plutôt à une certaine tradition diplomatique et politique.
Depuis le Congrès de Vienne en 1815 on avait parlé, dans le
langage diplomatique, du droit public européen, qui comprenait
surtout les grandes conventions et traités de paix par lesquels la
carte politique de l'Europe fut établie et qui dotèrent certains
territoires d'un régime juridique particulier, tel qu'une neutrali-
sation ou la liberté de passage par une voie importante de com-
munication. Considérant que le but de tels arrangements était
de servir les intérêts généraux de la communauté internationale
on a prétendu qu'ils produisaient des effets juridiques en faveur
et à la charge de tout Etat, quoiqu'ils fussent conclus seulement

3. C.P.J.L, Sér. A, n° 7, p. 27-28.


4. Voir Lord McNair, in Liber Amicorum J. P. A. François, 1959, p. 190-91.
5. C.P.J.L, Sér. A/B, n° 46, p. 147-48.
6. Rousseau, op. cit., p. 177.
(75) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 75

par les Etats les plus directement intéressés, surtout les Grandes
Puissances. Une application particulière de cette théorie a été
faite par le comité de juristes qui, en 1920 dans le cadre de la
Société des Nations, a étudié la question des îles d'Âland. Le
Traité de Paris de 1856 avait établi un régime de démilitarisation
permanente des îles ; cet arrangement avait été fait dans un intérêt
européen général, et le comité de juristes relevait son « caractère
objectif» en exprimant l'avis que tout Etat possédant les îles —
également la Finlande qui n'était pas partie au traité de 1856 —
devait se conformer aux obligations découlant du système de
demilitarisation.' La commission de juristes, en formulant cette
opinion juridique, invoquait la pratique des puissances depuis
1815 tendant à établir « u n véritable droit objectif, de vrais
statuts politiques, dont les effets se font sentir en dehors même
du cercle des parties contractantes ».
Aujourd'hui, l'on serait plutôt enclin à attribuer de tels
effets aux facteurs politiques. Le rôle prépondérant des grandes
puissances dans la politique internationale n'a certainement pas
diminué depuis un siècle, et on est prêt à reconnaître, de tous
côtés, qu'il y a des problèmes, tels que le désarmement, les essais
nucléaires, le régime des espaces célestes, dont la solution dépend
essentiellement de la possibilité des grandes puissances de se
mettre d'accord. D'un autre côté, au sein des Nations Unies,
comme ailleurs, les petits Etats ont fait valoir, non sans succès,
qu'ils estiment avoir le droit de ne pas être tenus à l'écart lorsque
les problèmes politiques qui les intéressent sont réglés. Rousseau
a très bien caractérisé la situation en disant: « Il existe sans doute
une tendance des traités-lois ou des traités normatifs à dépasser
parfois le cercle des contractants. Mais il paraît difficile d'y voir
un principe établi du droit positif, car la fortune de cette ten-
dance est directement liée aux vicissitudes de l'organisation
politique internationale qui, suivant les époques, en contrarient
ou en favorisent l'épanouissement. »8
Dans un de ses rapports extrêmement précieux sur le droit des

7. Société des Nations, Journal officiel, Supplément spécial, 1920, n° 3,


p. 17-19.
8. Op. cit., p. 484.
76 SORENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT PUBLIC (76)

traités, Sir Gerald Fitzmaurice, rapporteur spécial de la Com-


mission du Droit international en cette matière, s'est occupé de
la question. Il a formulé une règle qui, en apparence est assez
proche de la théorie du siècle passé mais dont la base juridique
semble plus conforme aux tendances du droit international con-
temporain. L'article 18 de son cinquième rapport 9 contient une
disposition ainsi libellée: « — tous les Etats sont tenus de recon-
naître et de respecter les situations de droit ou de fait établies p a r
des traités licites et valides qui tendent par leur nature à pro-
duire des effets erga omnes ». Au nombre de tels traités il compte
les suivants: a) les traités de paix et autres traités constatant des
règlements politiques ou territoriaux; b) les traités établissant,
pour des territoires ou des localités déterminés, un régime ou un
statut général de neutralisation ou de demilitarisation; et c) les
traités « constitutifs » tels que les traités de cession ou de délimita-
tion de frontière, où les traités créant une servitude.
Dans ses commentaires de cet article, Sir Gerald exprime son
opinion relative à la base juridique du principe. Il ne désire pas
faire intervenir quelque mystique ésotérique qui s'attacherait à
certains types de traités, mais se fonde simplement sur le devoir
général des Etats « de respecter, de reconnaître et d'accepter, au
sens juridique du terme, les conséquences d'actes internationaux
licites et valides conclus entre d'autres Etats et ne portant pas
atteinte aux droits des Etats qui n'y sont pas parties »,10

3, En outre, dans le processus de codification du droit inter-


national par la voie de conventions on a voulu voir, très souvent,
un exemple du phénomène que nous examinons ici. Une con-
vention collective qui codifie les règles du droit international
dans une matière quelconque, produit des effetsjuridiques, non
seulement pour les Etats qui deviennent parties à la convention,
mais pour tous. C'est là un exemple, dit-on, des traités qui
produisent des effets erga omnes.
La pratique internationale nous fournit beaucoup de précé-
dents dans ce sens. Un des plus importants est celui de l'arrêt du

9. A/GN. 4/130.
IQ. Ibid., par. 71.
(77) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 77

Tribunal de Nuremberg sur les grands criminels de guerre.


Pour la défense des accusés on avait allégué que la Convention
de la Haye de 1907 sur les lois et coutumes de la guerre n'était
pas applicable dans l'espèce à cause de sa « clause de participa-
tion générale » qui prévoyait que la convention n'était applicable
qu'entre les puissances contractantes et seulement si tous les
belligérants étaient parties contractantes. Or, cette dernière
condition n'était pas remplie dans la deuxième guerre mondiale.
Le Tribunal repoussa cet argument en disant que la Convention
avait pour but exprès de réviser les lois et coutumes générales
de la guerre et qu'en 1939 toutes les nations civilisées avaient
reconnu ses dispositions qui étaient ainsi déclaratoires du droit
existant dans la matière. 11
Souvent, une convention internationale précise, dans son
préambule ou autrement, qu'elle a ce caractère déclaratoire. U n
exemple de date récente nous est fourni par la Convention de
Genève de 1958 sur la Haute Mer, dont le préambule déclare
que « Les Etats parties à la présente convention,... Reconnaissant
que les dispositions ci-après ... sont pour l'essentiel déclaratoires
<le principes établis du droit international, Sont convenus, etc... »
Si les normes énoncées dans une telle convention sont obliga-
toires pour les Etats non contractants, on peut se demander,
Cependant, si cet effet résulte de la convention comme telle ou,
bien au contraire, s'il n'est pas indépendant de la convention et
ne résulte pas des règles coutumières qu'elle formule.
En faveur de cette deuxième thèse on pourrait faire valoir, que
reffet normatif de la convention est le produit du fait qu'elle a
été adoptée par la conférence qui l'a rédigée, et éventuellement
qu'elle a été signée par un certain nombre d'Etats, mais qu'il ne
dépend pas de son entrée en vigueur. Même en l'absence de toute
ratification la convention peut être invoquée vis-à-vis d'un
Etat qui agit contre ses dispositions et peut être considérée comme
normative dans les rapports de tous les Etats, signataires'comme
non-sign a ta ires. Un exemple en est la Déclaration de Londres de
1909 sur la guerre maritime. En dernière analyse, les normes par

11. Judgment of the International Military Tribunal, H. M. Stationery Office,


Cmd. 6964, p. 65.
78 SORENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBLIC (78)
lesquelles les Etats sont liés dans ces cas sont des normes coutu-
mières. La même conclusion s'impose en ce qui concerne les
effets d'une convention ratifiée à l'égard des Etats non parties.
Ceci, cependant, ne pourrait pas justifier la conclusion que la
convention est sans importance en ce qui concerne les Etats
tiers. D'abord, elle a la fonction de formuler, dans un texte qui
fait autorité, la norme coutumière. Sans cette formulation, la
portée exacte d'une pratique générale peut soulever bien des
doutes. La formule de la convention peut éliminer ces doutes. Il
serait inexact de prétendre que le texte de la convention esten
soi l'élément matériel de la coutume. Néanmoins, il contribue à
préciser cet élément. En outre, l'adoption de la convention par
une conférence internationale de plénipotentiares, ou par un
autre organe analogue, pourra constituer une preuve de l'existen-
ce de cette opinio juris, qui est l'autre élément de la coutume. Vu
les difficultés qui se présentent dans les circonstances ordinaires,
lorsqu'il s'agit de prouver cet élément psychologique, l'importan-
ce de la convention est particulièrement grande à cet égard.
Toutefois, une convention collective ne pourrait pas en toute
circonstance être prise comme preuve concluante des deux
éléments de la coutume. En premier lieu, il peut ressortir des
travaux préparatoires qu'une règle formulée est une innovation.
II y aura lieu de revenir sur ce phénomène par rapport au pro-
blème du développement progressif du droit international. En
outre, les règles de procédure adoptées par les conférences
diplomatiques convoquées par les Nations Unies permettent en
général l'adoption de textes à la majorité des deux tiers. Si donc
un texte est adopté malgré l'opposition d'une forte minorité, la
question reste posée de savoir si la conviction juridique est assez
générale pour permettre la constatation d'une coutume. Sur les
deux points, le problème peut se compliquer par le fait que les
dispositions d'une convention n'appartiennent pas toujours
toutes à la même catégorie. Par exemple, la convention de
Chicago du 7 décembre 1944 sur l'aviation civile contient des
articles de différentes catégories. Aux termes de l'article premier
les Etats contractants reconnaissent que tout Etat possède la
souveraineté complète et exclusive dans l'espace aérien au-dessus
(79) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 79

de son territoire. Cette norme est valable en faveur et à la charge


même des Etats non-contractants, car elle reflète une pratique
générale et une conviction juridique universelle. Par contre,
l'art. 5 qui consacre le droit de survol et d'atterrissage des
aéronefs étrangers qui ne sont pas engagés dans un service
régulier, est limité dans ses effets juridiques en ce qu'il ne
reproduit ni une conviction générale, ni une pratique régulière.
Une autre difficulté peut compliquer davantage le problème.
Bien qu'une convention ait été adoptée et même signée par les
représentants d'un grand nombre d'Etats, il arrive que le nombre
de ratifications qu'elle reçoit par la suite est si restreint que la
question se pose de savoir si le texte de la convention reste une
expression fidèle de la pratique et de la conviction juridique des
Etats. La Cour s'est servie d'un argument de ce genre dans
l'affaire du droit d'asile, où elle dit au sujet de la convention de
Montevideo de 1933 ce qui suit:
« On a soutenu que cette convention n'a fait que codifier des principes
déjà reconnus par la coutume de l'Amérique latine et qu'elle pouvait
être opposée au Pérou comme constituant la preuve du droit coutumier.
Le nombre limité d'Etats qui ont ratifié cette convention révèle la faiblesse
de cette thèse . . . » ls

Il est vrai que la Cour a trouvé la thèse affaiblie également par


le préambule même de la convention, d'où il ressortait que la
convention modifiait une convention antérieure, ainsi que par la
pratique ultérieure des Etats d'Amérique latine. Néanmoins, le
passage cité met en lumière une faiblesse inhérente à la méthode
qui consiste à codifier le droit international par la voie de con-
ventions. Ecrivant peu de temps après la conférence de codifica-
tion de 1930, Gidel caractérisait ainsi le péril de tous les travaux
de codification: « S'ils ne parviennent pas à transformer en règle
écrite universellement adoptée la coutume plus ou moins répan-
due dont ils ont en vue la cristallisation, ils ruinent ce qu'ils se
proposaient de rendre indestructible >>.13 Dans une analyse
approfondie du problème de la codification Sir Cecil Hurst a
également souligné ce point. Si un Etat, dit-il, n'est pas satisfait
de la règle coutumière telle qu'elle est formulée par la convention,
12. C.I.J. Recueil, 1950, p. 277.
13. Recueil des Cours de l'Acad. de Droit int., 1934, II, t. 48, p. 194.
80 SOREWSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBUC (80)

et sî cet Etat par conséquent refuse de ratifier celle-ci, la situation


sera pire qu'en l'absence de toute convention. L'Etat insatisfait
se dérobera à la force obligatoire de la convention en disant que
celle-ci ne lie que les Etats contractants. Ce n'est pas un argument
contraire satisfaisant de rappeler la force obligatoire de la règle
en tant que coutume internationale, car pourquoi, répliquera
l'Etat insatisfait, a-t-on inclu cette règle dans une convention
signée sous réserve de ratification? 14
Tout en admettant, d'après la logique pure, le bien-fondé de
cette ligne de pensée, l'on se demande sî la Cour internationale
n'adopterait pas, le cas échéant, une attitude plus nuancée. S'il
est bien établi dans les circonstances concrètes qu'une convention
est la consécration du droit coutumier en vigueur, telle que la
convention de Genève de 1958 sur la haute mer, il paraît peu
probable que la Cour admette comme conséquence de la non-
ratification la liberté d'un Etat de ne pas observer la norme
coutumière.
Ce qui est vrai, c'est que l'affirmation d'une coutume, ainsi
que la preuve concluante de son existence et de sa portée qu'une
convention de codification pourrait apporter, feront défaut en
cas de non-ratification. Si, cependant, la norme coutumière est
suffisamment certaine pour pouvoir se passer de toute affirmation
et preuve concluante, elle ne perd en rien sa force obligatoire du
fait que la convention qui aurait pour but de la codifier reste
sans ratifications. Sir Gerald Fitzmaurice, dans son rapport préci-
té, constate à la base de certains exemples que le phénomène
n'est pas régi par des considérations formelles, mais bien par des
impondérables. 16 Il est incontestable qu'aucune considération
formelle ne nous fournit les éléments d'une solution. Cependant,
la clef de la solution se trouve peut-être dans une identification
de notre problème avec le problème plus général de la constata-
tion d'une règle coutumière.
Parfois, une convention de codification est de contenu mixte.
Elle contient à la fois des dispositions qui reproduisent le contenu
d'une coutume, et des dispositions qui y ajoutent des règles

14. International Law, Collected Papers by Sir Cecil Hurst, p. 140.


15. A/GN. 4/130, para. 59.
(81) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 81

détaillées d'ordre technique ou administratif. La convention de


Genève de 1958 sur le plateau continental en fournit des exemples
intéressants. Le principe essentiel du droit exclusif de l'Etat
riverain à l'exploration du plateau et l'exploitation de ses res-
sources minérales correspond sans doute à une règle coutumière,
bien que celle-ci soit de date assez récente. Par contre l'extension
de ce droit à toutes les ressources naturelles du plateau, la défini-
tion de celles-ci comprenant les organismes vivants qui appartien-
nent aux espèces sédentaires, le droit de l'Etat riverain d'établir
des zones de sécurité de 500 mètres autour des installations sur
le plateau, et certaines autres dispositions, sont incontestablement
des innovations qui créent des normes auparavant inexistantes.16
Si dans un tel cas le principe fondamental de la convention est
opposable aux Etats non-contractants comme une règle coutu-
mière d'application universelle, il paraît logique et justifié
de considérer ces Etats comme liés également par celles des
règles qui constituent un accessoire nécessaire à leur application
pratique.
En ce qui concerne les règles nouvelles qui n'ont pas ce
caractère accessoire, il ne s'agit plus de la codification du droit
international mais de son « développement progressif». Est-ce
que ces règles produisent des effets juridiques à la charge des Etats
tiers? En principe, la réponse est négative. Une telle convention
n'est pas opposable aux Etats non-contractants. Toutefois, il ne
manque pas de précédents qui modifient la rigueur du principe.
Un exemple intéressant est mentionné par C. W. Jenks dans ses
études sur la protection internationale de la liberté syndicale. Le
Comité du Conseil administratif de l'O. I. T. sur la liberté
d'Association qui examine des allégations concrètes sur la viola-
tion de cette liberté se base sur les conventions adoptées par
l'O. I. T. dans la matière. Bien que ces conventions ne lient pas
formellement les Etats qui ne les ont pas ratifiées, elles fournissent
néanmoins un standard de comparaison par laquelle toute
allégation relative à la violation des droits syndicaux peut être
mesurée. Le Comité n'a pas hésité, nous assure M. Jenks, à
16. Voir Meyer-Lindenberg, Das Genfer Übereinkommen über den Fest-
landsockel, Z.a.ö.R.V, Band 20, 1959, p. 5-31.
III. — 1960 6
82 SÖRENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBLIC (82)

invoquer leurs dispositions comme expressions de principes


largement reconnus, même dans les cas où elles ne lient pas
formellement l'Etat dont il s'agit. 17

4. Dans les relations entre les parties contractantes le caractère


particulier d'une convention collective pose certains problèmes
spéciaux. La fonction de la convention collective dans la société
internationale moderne est de créer un complexe de normes qui
s'imposent aux Etats contractants comme étant le droit général,
à la différence d'un ensemble de relations juridiques bilatérales.
Certes, il arrive parfois que le complexe de normes d'une con-
vention collective se laisse décomposer en une juxtaposition
d'engagements bilatéraux. Une convention multilatérale sur
l'extradition des criminels, par exemple, accomplit la même
fonction qu'un certain nombre de traités bilatéraux identiques
entre les Etats contractants, deux à deux. En dernière analyse,
elle n'est que la somme des engagements bilatéraux. Cependant,
une telle fonction limitée est à notre époque l'exception plutôt
que la règle. Le plus souvent le but de la convention est d'établir
dans l'intérêt commun des parties contractantes un complexe de
normes que chacun des Etats observera généralement. En
d'autres termes, chacun des Etats est intéressé à l'observation
des normes de la convention dans les rapports de n'importe
quels autres Etats contractants entre eux. En outre, bien des
conventions collectives modernes poursuivent le but d'influencer
l'état du droit interne dans les matières qui par leur nature
n'affectent pas directement les relations internationales. Une
convention, par exemple, sur les droits politiques des femmes,
tend à établir une norme universelle de droit interne, plutôt
qu'à régler les relations interétatiques.
Les conséquences de ces nouvelles fonctions de la convention
collective se font sentir dans le domaine des réserves à la ratification
des conventions.
La réserve, qui est une déclaration limitant la portée de
l'obligation établie par la ratification, ou soumettant cette
obligation à des conditions qui ne résultent pas du texte de la
17. C. W. Jenlcs, Ree. Acad., 1955, I, vol. 87, p. 79-80.
(83) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 83

convention, modifie l'équilibre établi par le texte entre les divers


intérêts des parties contractantes. C'est pourquoi, en ce qui con-
cerne les traités bilatéraux, on est d'accord pour considérer la
ratification avec réserve comme équivalant à un refus de ratifica-
tion accompagné d'une offre de conclure un traité modifié con-
formément à la réserve.
En ce qui concerne les réserves relatives aux conventions
collectives, la doctrine et la pratique traditionnelles envisageaient
la réserve sous le même angle. Elle comportait un refus d'accepter
le texte tel quel, accompagné d'une offre d'accepter le texte avec
modifications. Par conséquent, le consentement de toutes les
autres parties contractantes était nécessaire, et faute de ce con-
sentement la ratification avec réserve restait sans effet. C'est le
principe de l'unanimité, c'est-à-dire la nécessité d'un consente-
ment unanime à la réserve. C'était la pratique suivie par la
Société des Nations et, initialement, par le Secrétaire général des
Nations Unies, en tant que dépositaire des conventions conclues
sous les auspices, soit de la S. d. N., soit des Nations Unies. La
pratique initiale des Nations Unies, cependant, comportait déjà
un certain assouplissement. La réserve fut communiquée seule-
ment aux Etats qui avaient déjà ratifié, mais pas aux autres
signataires, et l'absence d'objection dans un délai déterminé fut
considéré comme approbation tacite.
Une pratique différente fut suivie par l'Union pan-américaine.
Si une réserve formulée par un Etat en ratifiant la convention
rencontrait l'opposition d'un autre Etat signataire, mais était
acceptée, explicitement ou tacitement, par d'autres Etats
signataires, l'Etat ayant formulé la réserve était considéré comme
partie contractante, et la convention comme ayant force obliga-
toire, avec la modification découlant de la réserve, entre lui et
les autres parties qui n'avaient pas refusé leur accord. Entre les
Etats qui s'étaient opposés à la réserve, d'un côté, et l'Etat ayant
formulé la réserve, de l'autre, la convention restait sans effet
obligatio re.
Dans le cadre des Nations Unies le problème s'est posé à plu-
sieurs reprises, d'abord à l'occasion des réserves formulées par
l'Union soviétique et d'autres Etats à l'article I X de la conven-
84 SOREiïSEN — PRINCIPES DE DROIT INT- PUBLIC (84)

tion sur le Génocide, qui prévoit la compétence obligatoire de la


Cour internationale dans tout litige relatif à l'interprétation de la
convention. L'avis consultatif que la Cour a donné à cette
occasion constitue une étape importante de l'évolution du droit
international dans la matière, tout en laissant bien des doutes
sur l'application concrète des principes énoncés.
O n a fait observer, et la Cour s'est ralliée à ce point de vue,
que l'importance actuelle du problème résulte de l'abandon du
principe de l'unanimité dans les organisations et les conférences
internationales. « Le principe majoritaire, dit la Cour, s'il
facilite la conclusion des conventions multilatérales, peut rendre
nécessaire pour certains Etats la formulation de réserves. »lfl II y
a sans doute une grande part de vérité dans cette observation.
Sous le régime de l'unanimité, on était obligé, afin de réussir, de
tenir compte, dans la rédaction d'un texte, de tous les points de
vue. D'autre part, la minorité était sous la nécessité de ne pas
insister in extremis sur ses demandes particulières. En bref, le
principe favorisait le compromis. Sous le système majoritaire,
les Etats qui appartiennent à la minorité se voient vaincus, sans
être convaincus.
Est-il donc logique qu'ils aient néanmoins la possibilité de
faire triompher en fin de compte leur point de vue par le moyen
d'une réserve? N'est-ce pas contourner le principe majoritaire
qui veut que la minorité respecte l'avis de la majorité? C'est un
aspect du problème qu'on perd souvent de vue. Au contraire,
les protagonistes de la liberté de faire des réserves invoquent
souvent le principe de la souveraineté qui empêchent que les
Etats ne soient liés à une convention sous d'autres conditions
que celles de leur choix. La Cour a répudié ce qu'elle appelait
« une application aussi extrême de l'idée de la souveraineté
étatique ». ie II faut retenir qu'il s'agit également des droits et
devoirs des autres parties contractantes, et la réserve équivaut à
une altération du régime juridique accepté par elles. Il serait donc
conforme aux principes traditionnels du droit international de
ne pas leur imposer la réserve sans leur consentement,

18. C.I.J.Rec, 1951, p. 22.


19. Ibid., p. 24.

v
(85) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 85

La Cour a formulé cette idée dans les.termes suivants: « Il est


bien établi qu'un Etat ne peut, dans ses rapports conventionnels,
être lié sans son consentement et qu'en conséquence aucune
réserve ne lui est opposable tant qu'il n'a pas donné son assen-
timent B.20
La souveraineté de l'Etat qui voudrait formuler la réserve est
pleinement sauvegardée; s'il ne désire pas être lié par la con-
vention intégrale, il a toute liberté de ne pas ratifier.
Contre la libre faculté de formuler des réserves on invoque
surtout la nécessité de préserver l'intégrité de la convention. A ce
propos, la Cour a admis comme un principe reconnu que « toute
convention est le fruit d'un accord librement intervenu sur les
clauses et qu'en conséquence il ne peut appartenir à aucun des
contractants de détruire ou de compromettre, par des décisions
unilatérales ou par des accords particuliers, ce qui est le but et
la raison d'être de la convention »,21 Cependant, la Cour ne
trouva pas cette conception de l'absolue intégrité traduite en une
règle de droit international, et elle arriva à la conclusion que le
critère décisif était la compatibilité ou l'incompatibilité de la
réserve avec l'objet et le but de la convention.
Malgré toute la valeur de cette conclusion, elle soulève de
grandes difficultés. La critère n'est pas assez précis pour faciliter
l'application concrète.
Deux problèmes principaux se posent. D'abord le problème
entièrement pratique et administratif qui se pose au Secrétaire
général en tant que dépositaire. Un Etat qui a ratifié avec une
réserve qui n'est pas autorisée par le texte de la convention, est-il
Etat contractant aux fins des clauses qui prévoient la notification
de divers actes aux Etats contractants? Est-ce que la ratification
est valide aux fins d'une clause qui prévoit l'entrée en vigueur
après le dépôt d'un certain nombre de ratifications? Est-il une
de ces parties contractantes qui peuvent ouvrir une procédure
de révision? L'Assemblée générale par ses résolutions 598 (VI)
et 1452 (XIV) a donné pour instruction au Secrétaire général
d'accepter les ratifications et les autres instruments contenant

20. Ibid., p. 21.


21. Ibid., p. 21.
86 SORENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBLIC (86)

des réserves sans se prononcer sur les effets juridiques de ces


documents, et de les communiquer à tous les Etats intéressés,
laissant à chaque Etat le soin de tirer les conséquences de ces
communications. Le Secrétaire général entend ces instructions
dans le sens que tout Etat ayant ratifié avec une réserve doit
être considéré par lui comme Etat contractant sans qu'il soit
tenu compte des objections éventuelles d'autres Etats. 22
Plus compliqué et difficile est le deuxième problème concernant
les rapports juridiques entre l'Etat qui a ratifié avec une réserve
et les autres Etats parties à la convention. Faut-il dénier à une
telle ratification toute validité? Sinon, est-elle valable seulement
par rapport à ceux qui la reconnaissent? Si l'on adopte le critère
de la compatibilité avec le but de la convention, qui décidera en
cas de doute?
Il n'est guère possible de donner une réponse exacte et précise
à ces questions. L'opinion dans la doctrine et la pratique semble
s'orienter vers des solutions différenciées suivant les différentes
catégories de conventions. Il semble être généralement admis
que certaines conventions ne sont pas susceptibles de réserves.
La conséquence en est qu'une ratification avec réserve sera con-
sidérée comme invalide, à moins que l'Etat ne retire la réserve.
Appartiennent à cette catégorie les traités qui codifient des
règles coutumières liant déjà les Etats. Il est évident qu'un Etat
ne saurait se dérober à l'emprise d'une règle coutumière en
formulant une réserve lorsque cette règle est consacrée par une
convention.
En outre, il y a des conventions qui ne laissent pas la possibilité
de prévoir un statut individuel pour un Etat contractant, comme
par exemple les conventions « institutionnelles » créant des
organisations internationales. Il est évident, par exemple, qu'une
réserve relative au droit de vote serait inadmissible.
En ce qui concerne certaines autres catégories de conventions
on pourrait admettre les réserves, mais seulement avec le con-
sentement de tous les autres Etats contractants. Cela serait le
cas notamment en ce qui concerne les conventions, ou celles
des dispositions d'une convention, qui ne se laissent pas décom-
22. Voir Schachter, dans A.J.I.L., vol. 54, 1960, p. 375-76.
(87) ¿ES CONVENTIONS COLLECTIVES 87

poser en rapports juridiques bilatéraux. Si le but de telles dis-


positions conventionnelles est d'établir un régime uniforme en
droit interne, ce serait un non-sens de faire une distinction telle
q u ' u n Etat ratifiant avec réserve soit lié conformément à sa
réserve par rapport à certains Etats mais ne soit pas lié par
rapport à d'autres. Si le but et la matière de la convention per-
mettent une differentiation, une clause insérée dans la convention
peut en déterminer les conditions et la portée. Le consentement
unanime des parties est ainsi donné d'avance.
Dans cet ordre d'idées il est intéressant de constater, que la
pratique constante de l'Organisation internationale du Travail,
dont les conventions appartiennent presque toutes à cette caté-
gorie ne permettent aucune réserve qui n'est pas autorisée par le
texte de la convention.
D'une manière générale, le progrès vers un système de règles
juridiques universelles serait entravé si dans les conventions
collectives qui poursuivent ce but on ne regardait pas avec un
œil sévère les réserves non autorisées. L'alternative serait celle
qui découle de l'avis consultatif de la Cour, c'est-à-dire une
faculté pour chaque Etat contractant de décider si la réserve
faite par un autre Etat est compatible ou non avec le but de la
convention et si, par conséquent, la ratification de l'autre Etat
produit l'effet ou non d'engager les deux Etats réciproquement
aux dispositions de la convention telles que modifiées par la réser-
ve. Une telle alternative, bien que concevable dans certains
domaines, aboutirait à une situation chaotique si elle était
adoptée comme solution générale de notre problème.

5. La caractère multilatéral de la convention collective pose


un autre problème analogue: La convention, est-elle hiérar-
chiquement supérieure aux traités bilatéraux? Nous connaissons la
hiérarchie des normes du droit interne: la constitution prévaut
sur la loi, et celle-ci prévaut sur le règlement, etc. Dans le droit
international le problème est plus compliqué.
Parfois, les conventions multilatérales répondent à la question
par leurs propres dispositions. L'article 103 de la Charte prévoit
que les obligations des Etats membres en vertu de la Charte
88 SORENSEN — PRINCIPES DE DROIT INT. PUBLIC (88)

prévaudront en cas de conflit avec les obligations en vertu de


tout autre accord international. En d'autres termes, la Charte
est hiérarchiquement supérieure. En dernière analyse, cependant,
cette primauté doit avoir une base juridique autre que l'art. 103;
sinon deux Etats pourraient s'accorder pour déroger à l'art. 103.
En sens inverse, une convention - collective peut donner la
prévalence aux accords bilatéraux.
Si les parties à la convention collective n'ont pas ainsi expres-
sément renoncé à la primauté de celle-ci, la question se pose de
savoir quelle est la règle générale en la matière. C'est un principe
général de droit international qu'un accord, dont la validité
n'est pas mise en cause, ne peut être abrogé qu'avec l'assentiment
des parties contractantes. Appliqué à une convention collective
ce principe comporte la nécessité du consentement de tous les
Etats contractants. Ce principe a été reconnu par la Cour inter-
nationale dans son avis consultatif sur les réserves. Elle a dit qu'il
ne peut appartenir à aucun des contractants de détruire ou de
compromettre, par des décisions unilatérales ou par des accords
particuliers ce qui est le but et la raison d'être de la convention. 23
L'analogie avec le problème des réserves est frappante. Dans les
deux relations, le but et la raison d'être de la convention sont la
clef de la solution. Il convient de rechercher si cette formule
ouvre la porte à un régime aussi nuancé qu'en matière de réserves.
En premier lieu, un aperçu de la pratique en matière de
révision de conventions collectives serait de nature à élucider le
problème. Les actes constitutifs des organisations internationales
prévoient très souvent la révision par décision d'une majorité des
membres. 24 Ainsi, la ratification par la majorité des deux tiers
des membres, y compris tous les membres permanents du Conseil
de Sécurité, d'un amendement à la Charte des Nations Unies,
suffit pour faire entrer en vigueur un tel amendement, avec force
obligatoire pour tous les membres. La possibilité de voir l'amende-
ment entrer en vigueur pour ceux des membres qui l'ont
ratifié, tandis que les autres resteraient liés par la Charte non

23. C.I.J., 1951, p. 21.


24. Voir Egon Schwelb, The Amending Procedure of Constitutions of
International Organisations, B.T.B., 1954 (vol. XXXI), p. 49-95.
(89) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 89

amendée, a été écartée pour des raisons évidentes. La plupart des


dispositions de la Charte régissent des matières, telles que la
composition et la compétence des organes, qui doivent néces-
sairement être soumises à un seul complexe de normes, valable
pour tous les membres.
D'autres conventions collectives prévoient, cependant, que
les amendements ou révisions ratifiés par une majorité déterminée
prennent effet pour les Etats ratifiants, tandis que les autres
restent liés par le texte non révisé.26 Cette procédure permet ainsi
la modification d'une convention collective sans le consentement
de toutes les parties contractantes, mais sans effet immédiat pour
celles des parties qui ne consentent pas. C'est une procédure qui,
évidemment, n'est concevable que sous certaines conditions. Si
le régime juridique établi par la convention se laisse décomposer
en une série de relations bilatérales, il est concevable que les
droits et devoirs d'un Etat contractant soient différents à l'égard
des différents groupes d'Etats co-contractants. En outre, si
l'obligation des Etats contractants consiste en l'adoption de
mesures législatives ou administratives internes, qui ne touchent
pas directement les droits des autres Etats ou leurs ressortissants,
il est concevable que différents groupes d'Etats soient soumis à
différentes obligations, mais il est difficilement concevable que
chaque. Etat soit soumis à différentes obligations. Si la révision
d'une convention sur les congés payés porte la durée des vacances
de deux semaines à trois semaines, ceux qui ratifient sont obligés
de donner effet à la durée prolongée, et il serait un non-sens de
dire que par rapport aux Etats qui restent liés par l'ancien texte
ils ne sont obligés que de respecter la durée de deux semaines.
C'est dans ce sens, et dans ce sens seulement, qu'il est concevable
de modifier une convention collective de cette catégorie par
accord entre quelques-uns des Etats contractants inter se.
Les procédures de révision mentionnées ressortent des disposi-
tions de la convention elle-même. Si une majorité déterminée est
requise pour les révisions qui prendront effet pour les ratifiants
inter se, il paraît légitime de conclure a contrario, qu'un nombre

25. Voir Edwin G. Hoyt, The unanimity rule in the Revision of Treaties, The
Hague, 1959, p. 28-39.
90 SOREtfSEW — PRINCIPES DE DROIT IXT. PUBLIC (90)

inférieur d'Etats ne peut pas, même avec effet inter se seule-


ment, modifier la convention par accord particulier.
Si, d'autre part, la convention reste muette sur le problème,
celui-ci se présente nettement. En principe, il est incontestable
que ramendement de la convention avec effet obligatoire pour
tous exige le consentement de tous, bien que la pratique des
Etats se soit parfois départie de ce principe, surtout en ce qui
concerne les conventions relatives à un régime ou statut terri-
torial qui ont été révisées par accord entre les Etats directement
intéressés.20 En ce qui concerne les accords particuliers destinés
a prendre effet seulement dans les relations réciproques des
Etats contractants, le caractère même de la convention peut
exclure de tels accords, et en d'autre cas « le but et la raison
d'être» de la convention peuvent exiger qu'elle ne soit pas
modifiée dans les rapports bilatéraux. Il est concevable que tous
les Etats contractants aient un intérêt à l'observation stricte de
la convention dans les rapports réciproques de tous les Etats.
C'est ainsi que deux Etats parties à une convention collective
sur le règlement pacifique des conflits ne sauraient, par accord
réciproque, se dispenser de leurs obligations en vertu de la
convention. Cependant, un accord qui ajoute à ces obligations,
ou qui précise les modalités de leurs mise en œuvre, ne serait pas
incompatible avec le but de la convention.
Le caractère collectif d'une convention peut ainsi refléter un
intérêt collectif que l'ordre juridique international reconnaît et
protège. Dans ce sens, et dans ce sens seulement, la convention
se place à un échelon supérieur au traité bilatéral dans un système
hiérarchique de normes.

26. Voir Edwin G. Hoyt, op. cit. Surtout chapitres IV à VI.

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