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des droits n'en découle pas en faveur d'autres Etats, »3 Dans son
arrêt définitif sur les Zones franches la Cour s'est exprimée d'une
manière plus détaillée, bien que ce fût dans un « obiter dictum ».*
Il convient de citer le passage entier:
« On ne saurait facilement présumer que les stipulations avantageuses
à un Etat tiers aient été adoptées dans le but de créer en sa faveur un
véritable droit. Rien cependant n'empêche que la volonté d'Etats
souverains puisse avoir cet objet et cet effet. L'existence d'un droit
acquis en vertu d'un acte passé par d'autres Etats est donc une question
d'espèce: il s'agit de constater si les Etats qui ont stipulé en faveur d'un
autre Etat ont entendu créer pour lui un véritable droit que ce dernier
a accepté comme tel. »6
Sur les effets d'un traité à la charge d'un Etat tiers la Cour n'a
pas, en termes analogues, admis la possibilité de modifier le
principe. La doctrine, cependant, semble s'accorder sur cer-
taines modifications, mais la portée exacte et la base juridique
de ces modifications soulèvent certains doutes. Si le problème a
été discuté en ce qui concerne les traités en général, les incidences
pratiques revêtent une importance particulière pour les conven-
tions collectives. Le professeur Charles Rousseau a pris comme
point de départ la constatation que les traités qui créent une
situation juridique objective s'imposent aux Etats tiers.6 Une
définition exacte du terme « situation juridique objective » donne
lieu, cependant, à de grandes difficultés; la conception se
rattache plutôt à une certaine tradition diplomatique et politique.
Depuis le Congrès de Vienne en 1815 on avait parlé, dans le
langage diplomatique, du droit public européen, qui comprenait
surtout les grandes conventions et traités de paix par lesquels la
carte politique de l'Europe fut établie et qui dotèrent certains
territoires d'un régime juridique particulier, tel qu'une neutrali-
sation ou la liberté de passage par une voie importante de com-
munication. Considérant que le but de tels arrangements était
de servir les intérêts généraux de la communauté internationale
on a prétendu qu'ils produisaient des effets juridiques en faveur
et à la charge de tout Etat, quoiqu'ils fussent conclus seulement
par les Etats les plus directement intéressés, surtout les Grandes
Puissances. Une application particulière de cette théorie a été
faite par le comité de juristes qui, en 1920 dans le cadre de la
Société des Nations, a étudié la question des îles d'Âland. Le
Traité de Paris de 1856 avait établi un régime de démilitarisation
permanente des îles ; cet arrangement avait été fait dans un intérêt
européen général, et le comité de juristes relevait son « caractère
objectif» en exprimant l'avis que tout Etat possédant les îles —
également la Finlande qui n'était pas partie au traité de 1856 —
devait se conformer aux obligations découlant du système de
demilitarisation.' La commission de juristes, en formulant cette
opinion juridique, invoquait la pratique des puissances depuis
1815 tendant à établir « u n véritable droit objectif, de vrais
statuts politiques, dont les effets se font sentir en dehors même
du cercle des parties contractantes ».
Aujourd'hui, l'on serait plutôt enclin à attribuer de tels
effets aux facteurs politiques. Le rôle prépondérant des grandes
puissances dans la politique internationale n'a certainement pas
diminué depuis un siècle, et on est prêt à reconnaître, de tous
côtés, qu'il y a des problèmes, tels que le désarmement, les essais
nucléaires, le régime des espaces célestes, dont la solution dépend
essentiellement de la possibilité des grandes puissances de se
mettre d'accord. D'un autre côté, au sein des Nations Unies,
comme ailleurs, les petits Etats ont fait valoir, non sans succès,
qu'ils estiment avoir le droit de ne pas être tenus à l'écart lorsque
les problèmes politiques qui les intéressent sont réglés. Rousseau
a très bien caractérisé la situation en disant: « Il existe sans doute
une tendance des traités-lois ou des traités normatifs à dépasser
parfois le cercle des contractants. Mais il paraît difficile d'y voir
un principe établi du droit positif, car la fortune de cette ten-
dance est directement liée aux vicissitudes de l'organisation
politique internationale qui, suivant les époques, en contrarient
ou en favorisent l'épanouissement. »8
Dans un de ses rapports extrêmement précieux sur le droit des
9. A/GN. 4/130.
IQ. Ibid., par. 71.
(77) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 77
v
(85) LES CONVENTIONS COLLECTIVES 85
25. Voir Edwin G. Hoyt, The unanimity rule in the Revision of Treaties, The
Hague, 1959, p. 28-39.
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