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Cahiers Du Cinéma Histoire Acteurs Etas-Unis PDF
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audelaire, dans ses Curiosités e.çthétiques np 1914 À 1920, LA VAMP HANTE L'AMÉRIQUE REGARD
entonnait un hymne à « la divinité,
-te, I d'idole,enchanteresse,
stupide peut-~tre,
qui tient mais
les destinées
éblouissan- et ORTFNTA
~ T.1STE, EXHIBITIONNISME PUIS VIENT LE TEMPS DES.
secoue le public: le baiser, sur l'écran, immense, mêle les lèvres de la Entre cesdeux premièresidoles,l'innocente et la cabotine,res-
femme aux poils de la barbe et des moustaches de l'homme. En tait une place pour la femme fatale :Theda Bara l'occupe en 1914 en
1896, à New York, le public entre daQS l'histoire au spectacle du pre- imposant la figure de la vamp. Il s'agit d'abord de la première star
mier baiser cinématographié. Jones C.Rice a embrassé May Erwin, créée de toutes pièces par et pour le cinéma. Jusqu'alors,les films
interprètes i~édiatement célèbres de The Widow jones. relayaient surtout des processusde vedettariat initiés sur la scènedu
La femme, pour de nombreux spectateurs, est d'emblée l'in- théâtre, du vaudeville, du Caf' conc' ou du cirque. Theda Bara, au
carnation m~me du désir massif de cinéma. « Secouant la torpeur des contraire, est inventée par son premier film : actrice de troisième rang,
spectateurs qui toujours resteraient clottrés dans la solitude aveuglante, les Theodosia Goodrt1an se voit pourvue d'un ~ouveau nom et d'une
femmes de l'écran les préparent à l'amour par le désir d'idoles. Lesfemmes identité inédite. On la dit même, dans la publicité, née d'un artiste
au dnéma, certaines d'entre elles, sont le r~e érotique, la prémonition, le début français et d'une princesse arabe,élevée à l'ombre des pyramides...
d'un lien indissoluble », écrira Ado Kyrou? pape du surréalisme cri- Pour la première fois, le mot « vamp » est employé à propos d'une
tique, en donnant à l'apparition des personnages féminins le pouvoir femme de cinéma par cette campagnepublicitaire. L'idée dérivait du
d'incarner l.es fétiches de la société moderne. Idoles, elles le sont titre même du film, A Pool ThereWas,premier vers de la pièce de
absolument, et le cinéma illustre ce désir vital de fétiches, dès la Belle théâtre de Rudyard Kipling adaptéepour l'occasion, The Vampire...
EpQque. Comme si un « courant magnétique » tenait 4és la « femme de Etrfin, le film fixe àjamais les caractéristiquesde la vamp: regardfasci-
l'écran » et le « spectateur » car, écrit André BretQn au milieu des Q~t,effet de cerne,jeu aux antipodes du naturel, costume luxueux,
années 20, « ce qu'il y a de plus spédfique dans les moyens du dréma, c'est sensualitéorientaliste, exhibitionnisme desposeset m~gnificence des
de toute évidence le pouvoir de concrétiser les puissances de l'amour ». cérémonies, perles et bijoux surabondants,culte de l'amour, destin
La Vamp cinématographique, qui incarne ce magnétisme éro~ fatal desvictimes de cet amour.
tique, possède çependant une date de naissance: en 1914, elle apparaît Durant les annéesq~ suivent,laVamp hante le cinéma améri-
sous les traits de Theda Bara, dans qn film amériçain de Frank Powell, cain, le personnage étant repris par Olga Petrovna dans The Vampire
A Pool There Was. Avant 1914, le cinéma avait certes déjà cQnnu (1914),Valeska Suratt dans Idolaters(1917), Louise Glaum dans Sex
quelques femmes-vampires, notamment dans La Danseuse vampire, (1920),Alla Nazimova dans EyeforEye (1918), puis The Red Lantern
film danois de 1911. Avant 1914, également, le star system a débuté : (1919) ou Camille (1921),Virginia Pearsondans The Kiss of a Vampire
depuis 1907, le public des Nickelodeons américains et des premières (1916), et encore la sublime Pola Negri dans Passionet OneArabian
salles permanentes parisiennes réclame ses vedettes féminines préfé- Night (1920).Theda Bara, elle-même, poursuit quelque temps sacar-
rées, et lorsqu' en 1908 Carl Laenmle enlève Florence Lawrence à la rière de femme fatale et tourne, entre 1915 et 1918, Carmen,Roméoet
Biograph, il déclençhe une guerre des contrats qui dure encore Juliette, Cléopt1tre,Camille et Salomé.Les sortilègesde la vamp tentent
aujourd'hui. Çe star system, qui vend les actrices les plus connues,
d'effacer le vécu et les souvenirs qui rappellent les hommes à la
organise leur publicité, fait jouer le~rs rivalités et leurs çoncurreQces, guerre. Seule une f~mme parfaitement fatale peut alors se mesurer
s'est très vite trouvé deux vedettes féminines, qui rival.isent allègre-
aux horreurs de la Grande Guerre. Les vamps,invention d'une Amé-
ment avec Maurice Costello et Max Linder. Mary Pickford est la rique qui demeure loin du théâtre des opérations, envahissentdonc
fiancée de l' Amérique, femme-enfant qui cadre admirablement avec l'imaginaire desspectateursdu monde entier. Un seul paysconnaît un
l'éducation puritaine, en équilibre ins~ble entre une certaine perver- phénomène comparable, l'Italie des divas. Entre 1913, où apparaît
s~té d'ingénue et les lois sur la protection des mineurs qui ont très vite cette figure
offre une incarnée
d~rnière foispar Lyda Borelli,
son.corps, et 1921,
sesgestes et unelorsque Leda Gys
incomparable - lui
interdit baisers, nudité et érotisme trop explicite. Quant à Sarah Bern-
hardt, vieille reine du théâtre européen, elle fascine d'une autre de traduire en séduction son destin tragique, règne sur le
manière le public déjà massif du cinéma: un public immense crie au transalpin la grande FrancescaBertini, dont les exploits ,
génie devant la pantomime de la « Great Sarah », notamment à la vue défrayent la chronique. La diva est plus sophistiquée,plus
des quelques scènes de Queen Elizabeth {1912).
plus artiste, plus littéraire, plus mélodramatique encore, que sa