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Article Par Annie COLLOGNAT, le 04/11/2020

PETIT DICTIONNAIRE POUR DÉCOUVRIR LE THÉÂTRE


LATIN

Mosaïque théâtre Sousse

Mosaïque romaine (IIIe siècle ap. J.-C.), Musée archéologique de Sousse (Tunisie). ©Wikimedia Commons.

Acteurs
Leur nom même d’histriones (d’où est tiré le terme français "histrion", aujourd’hui vieilli et chargé
d’une forte connotation péjorative), atteste leur origine étrusque (hister est un terme étrusque).
«  Comme le joueur professionnel se nommait hister dans la langue étrusque, le nom d’histrion
(nomen histrionis) fut donné à tous les acteurs qui montent sur scène.  » (Valère Maxime, Faits et
paroles mémorables, II, 4, 4). En effet les premiers "acteurs" reconnus en tant que tels furent sans
doute des Étrusques, chanteurs et danseurs, qui arrivèrent à Rome vers le milieu du IVe siècle avant
J.-C. Mais ce n’est qu’en 240 avant J.-C. (date retenue pour la première représentation théâtrale à
Rome, voir Origines) que se constituèrent des troupes d’acteurs, tous des hommes, car les femmes
ne peuvent jouer que le mime.
Sous la direction du dominus gregis, "le maître de la troupe", qui joue souvent lui-même (comme
Plaute, par exemple), se rassemblent acteurs, chanteurs, musiciens et décorateurs / machinistes.
Les emplois sont souvent cumulés et les acteurs, en nombre limité, doivent jouer plusieurs rôles.
La profession de comédien est frappée d’infamie, comme elle le sera toujours au XVIIe siècle
(l’excommunication des acteurs ne sera levée par l’Église qu’en 1922). Les acteurs sont des
esclaves, des affranchis ou des hommes libres d'origine étrangère, dépourvus de tout droit civique,
ce qui n’empêche guère prestige et vedettariat, voire succès de scandale : ainsi le puissant dictateur
Sylla s’enticha-t-il du célèbre comédien Roscius (134-62 av. J.-C.) pour qui plaida Cicéron. Devenus
de véritables artistes professionnels "complets", les histriones fascinent autant qu’ils inquiètent.

Préparation des acteurs avant la représentation, mosaïque du tablinum de la maison du Poète


tragique à Pompéi, Ier siècle, Musée archéologique de Naples. © Wikimedia Commons.
Voir la description détaillée de cette mosaïque dans « La maison du Poète tragique ».

Atellane
Pendant la période républicaine, le public populaire romain aime particulièrement la "grosse farce",
qu’on appelle atellane, du nom d’Atella, petite ville de Campanie, où ce genre dramatique rustique et
rudimentaire serait apparu au IVe siècle avant J.-C., sans doute inspiré par les comédies populaires
bouffonnes venues de Grande Grèce (parodies des grandes tragédies sous forme de sketches).
Ce sont des saynètes campagnardes jouées en langue osque (un dialecte campanien) qui
deviennent très vite à la mode à Rome. Interprétées par des jeunes gens de bonne famille qui ne sont
pas des comédiens professionnels, mais qui improvisent sur un canevas traditionnel avec une
spontanéité créatrice purement orale, elles mettent en scène des personnages stéréotypés dont ne
manqueront pas de s’inspirer la farce du Moyen Âge et la commedia dell’ arte : aux côtés du paysan
niais (Maccus), du goinfre bavard (Bucco), du vieillard avare et gâteux (Pappus), on trouve aussi le
philosophe parasite bossu et rusé (Dossenus), le pique-assiette (Manducus), l’ogresse dont on
menace les enfants (Lamia). Un certain Lucius Pomponius de Bologne (Ier siècle av. J.-C.) compose
même des séries d’atellanes sous forme de "scripts" pour les acteurs  ; il ne nous en reste que les
titres : "Maccus soldat", "Maccus aubergiste", "Maccus souteneur", "Maccus en exil", "Maccus jeune
fille", etc. (ce qui ne manque pas de faire penser aux courts métrages du cinéma-muet, comme la
série des Charlots).
L’atellane, qui met en scène les milieux les plus populaires, tourne ainsi en dérision des "caractères"
généraux comme l’Avare, le Méchant, le Solliciteur, l’Héritier avide, mais elle raille aussi les habitudes
d’une corporation ou d’une profession bien connue des spectateurs, comme celle des foulons (par
exemple, Fullones, Fullones feriati et Fullonicum de Novius), des médecins, des pêcheurs, des
boulangers, des crieurs publics, des vendangeurs, des cabaretiers, des prostituées,... Il faut noter que
les comédies dénommées togatae pouvaient également présenter des personnages qui se
définissaient moins par leur caractère que par leur profession : on les nommait alors tabernariae (de
taberna, échoppe), comédies "de boutique". Ce sont encore les coutumes de diverses contrées que
certaines atellanes tournent en ridicule : par exemple, les Campaniens, les Syriens, les Gaulois
transalpins,...
L’atellane s’efface progressivement au profit du mime à la fin du Ier siècle avant J.-C.

?
Acteur comique (du type des bouffons de l’atellane, comme Maccus), statuette en terre cuite
provenant d’Italie, Ier siècle av. J.-C., Musée du Louvre, Paris. © RMN-Grand Palais / Hervé
Lewandowski.
Polichinelle, estampe du XVIIe siècle, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes
et de la photographie, Paris. © BnF, Gallica.
Pulcinella (Polichinelle) est l’un des personnages principaux de la commedia dell’arte : valet d’origine
paysanne, bossu par-devant et par-derrière, gourmand, tantôt balourd et naïf, tantôt rusé et spirituel,
il s’inscrit dans la tradition des bouffons de l’atellane.

Comédie grecque
Le κῶμος (kômos, fête), d’où est issu le nom κωμῳδία (kômôdia) puise ses origines dans le rituel
des fêtes champêtres et des cérémonies religieuses consacrées au dieu Dionysos (Bacchus chez les
Romains)  : ses chants et danses accompagnés de plaisanteries grivoises produisent la veine
"comique". Le premier concours de comédies, imité de celui de la tragédie, a lieu aux Grandes
Dionysies d’Athènes en 486 avant J.-C.  La comédie grecque, dite "ancienne" pour la distinguer de
celle qui va lui succéder, connaît son âge d’or avec Aristophane (env. 445-385 av. J.-C.). Ses pièces
sont violemment polémiques et inscrites dans l’actualité la plus brûlante de la cité : verve corrosive,
extrême fantaisie qui va de la parodie littéraire aux plaisanteries les plus obscènes, dénonciation des
mœurs, le tout s’inscrit dans une structure dramatique rigoureuse où la musique tient une grande
place (comme dans la tragédie).
Mais après Aristophane, la comédie satirique ne survit pas à la décadence d’Athènes qui a perdu la
guerre du Péloponnèse : l'intérêt du public néglige les questions politiques pour se porter sur les
relations individuelles et les problèmes familiaux. Intrigues amoureuses, conflits pères / fils : la
comédie se dépolitise et s’embourgeoise, au sens étymologique du terme. Ainsi s’épanouit la
comédie "nouvelle", la néa, dont Ménandre (env. 343-292 av. J.-C.) est la vedette. Son œuvre nous
était seulement connue par quelques fragments et surtout par ses "imitateurs" latins, qui l’ont
adaptée chacun avec leur sensibilité personnelle, jusqu’au moment où une découverte récente
(1958) a permis de retrouver une pièce entière, le Dyskolos ("Le Grincheux"). C’est donc à lui que tous
les comiques latins, à la suite de Livius Andronicus, et surtout Plaute et Térence, qui tous deux
parlaient le grec et connaissaient ses pièces à succès, doivent les intrigues et les personnages de la
plupart de leurs pièces (voir Palliata). Différence fondamentale, cependant : alors que la nea grecque
a perdu le caractère musical de la comédie ancienne, les comédies latines, fidèles à leur propre
tradition nationale, lui redonneront toute son importance ; mais le chœur a pratiquement disparu
depuis Ménandre.
 

Groupe d’acteurs comiques en terre cuite (à l’origine peints en couleurs vives), début du IVe siècle av.
J.-C., trouvé dans une tombe attique. Ces statuettes comptent parmi les plus anciennes
représentations d’acteurs en Grèce : elles témoignent de la standardisation des types comiques,
caractères et masques (le vieillard, la courtisane, l’esclave, la nourrice, etc.). Metropolitan Museum of
Art, New York.
© Metropolitan Museum of Art.

Contaminatio
Le terme latin contaminatio désigne "le fait de souiller par contact, de rendre méconnaissable en
mélangeant". En littérature, la "contamination" par amalgame consiste à mélanger plusieurs sources
: c’est un procédé habituel chez Plaute et Térence, accusés par leurs détracteurs, intellectuels
puristes, d’avoir mélangé les pièces grecques pour composer leurs comédies. «  Quant à cette
accusation que de méchantes langues ont colportée contre lui, d’avoir contaminé plusieurs
comédies grecques pour en composer un petit nombre de latines, il ne se défend pas de l’avoir fait ;
et, loin d’en avoir regret, il espère bien le faire encore  », leur rétorque fièrement l’acteur chargé de
présenter au nom de l’auteur Térence le prologue de L’Heautontimorouménos (vers 16-19).
Les auteurs français du XVIe siècle exploiteront à leur tour la même méthode de composition par
contamination, comme en témoigne Montaigne : "Il m’est souvent tombé en fantaisie, comme en
notre temps, ceux qui se mêlent de faire des comédies (ainsi que les Italiens, qui y sont assez
heureux) employant trois ou quatre arguments de celles de Térence ou de Plaute pour en faire une
des leurs." (Essais, livre II, chapitre 10). Molière ne procèdera pas autrement en mélangeant sources
antiques et modernes pour alimenter ses propres créations.

Costumes
Les costumes des acteurs varient selon le sujet des pièces : le manteau grec long, appelé pallium,
pour les pièces à sujet grec (voir Palliata), la toge romaine (toga) pour les comédies d’inspiration
nationale (voir Togata) et la toge dite "prétexte" - la noble robe blanche bordée d’une bande de
pourpre que portent les magistrats dans les cérémonies publiques - pour la tragédie historique à
sujet romain (voir Praetexta). «  Le vêtement grec est une fiction romaine destinée à identifier le
personnage de la comédie palliata comme autre que le Romain. Vêtement grec, le pallium ne
s’oppose pas en tant que costume civique grec à un autre costume civique romain, aussi est-il porté
indifféremment par les esclaves, la nourrice, les jeunes gens et les vieillards.  » (Florence Dupont,
«  Plaute, fils du bouffeur de bouillie. La palliata est-elle une comédie grecque en latin ?  », dans
Façons de parler grec à Rome, 2005).
Les vieillards ont un bâton-canne (scipio), qui marque aussi bien leur pouvoir de paterfamilias que
leur difficulté à marcher  ; les soldats fanfarons portent la chlamyde (manteau court) rejetée sur
l’épaule  ; les voyageurs gardent le pétase (chapeau à larges bords, attribut traditionnel du dieu
Mercure) sur la tête. Tous ont une tunique, les acteurs grotesques avec des rembourrages qui leur
font un ventre énorme et une croupe rebondie.
Même variété pour les chaussures : comme en Grèce, l’acteur tragique porte des cothurnes qui
rehaussent sa stature ; l’acteur comique de simples socques (socci).
On distingue aussi les rôles du répertoire grâce à la perruque que portaient les acteurs : blanche pour
les vieillards, noire ou blonde pour les jeunes gens, toujours rousse pour les esclaves.
 

Les acteurs costumés de L’Eunuque de Térence, manuscrit enluminé de l’époque carolingienne


(début du IXe siècle) reproduisant un manuscrit antique aujourd’hui disparu, Bibliothèque nationale
de France, Département des manuscrits, Paris. © BnF, Gallica.

Danse
Inséparable dès l’origine des représentations chantées et mimées, elle fait partie des performances
des acteurs, qui sont des professionnels complets, au sens moderne du terme : les actores sont
aussi saltatores (voir Musique).

Décor
Le décor varie selon le genre : pour la tragédie, c’est le mur de scène en pierre (frons scaenae) qui
figure la façade d’un palais, en apparence immuable et solennel (voir Espace théâtral). Pour la
comédie, des peintures sur panneaux ou triangles mobiles permettent de préciser et de transformer
le lieu de l’action : un coin de rue, la maison du maître ou de la jeune fille aimée de son fils, une
esquisse de rue conduisant vers un port (on retrouve ce type de décor en "trompe-l’œil" sur les murs
des riches maisons pompéiennes).
Les Romains ont repris aux ingénieurs grecs de l’époque hellénistique les techniques de machinerie
qu’ils ont perfectionnées : grues qui font descendre les dieux sur scène (le fameux deus ex machina),
trappes d’où sortent des fantômes, bruits de tonnerre, etc.
Pour changer de décor, on peut lever un rideau dissimulé dans une profonde rainure du plancher du
proscenium (l’espace de la scena où jouent les acteurs) ; à l’inverse de l’usage moderne, on le baisse
au début de la représentation et on le relève à la fin, grâce à un système de mâts équipés de poulies.

Didascalie
Dans le cadre du théâtre latin, le terme venu du verbe grec διδάσκειν (didaskein, enseigner) désigne
une sorte de notice qui accompagnait les pièces, à la manière d’un programme officiel de spectacle
(chacune de ces notices était enregistrée aux archives de l’État). On y trouve de précieux
renseignements de toutes sortes : le nom de l’auteur, du directeur de troupe, de l’acteur principal, du
compositeur de la musique, le titre de l’œuvre et celui de ses modèles grecs, mais aussi l’occasion
de la représentation et la désignation des consuls de l’année. Toutes les pièces de Térence,
L'Andrienne exceptée, nous ont été transmises avec leur didascalie.

Espace théâtral
Les premiers théâtres (en grec, le nom theâtron désigne littéralement le lieu où "on regarde") sont
constitués de simples tréteaux de bois en estrade (pulpitum), qui sont démolis dès la fin de la
représentation. Il n’y a pas de gradins pour les spectateurs qui assistent debout au spectacle (ils
n’apparaissent qu’au IIe siècle av. J.-C., installés de façon toujours temporaire). En 55 avant J.-C.,
Pompée inaugure à Rome le premier théâtre de pierre permanent - officiellement le parvis d’un
temple de Vénus, bâti en arrière de l’hémicycle - avec une cavea pour les spectateurs (enceinte semi-
circulaire contenant les gradins) : ils s'y installent selon leur rang social.
Paradoxalement, c’est au moment où les genres purement théâtraux, comédie comme tragédie, sont
passés de mode au profit des jeux de l’amphithéâtre et du cirque que l’on va se mettre à construire le
plus de théâtres en pierre. La technique de la voûte en blocage - un amalgame de pierre et de brique
coulé dans un coffrage en bois -, utilisée pour former un réseau de couloirs voûtés (comme pour
l’amphithéâtre), permet enfin aux architectes romains de construire leur édifice en pleine ville, sur
terrain plat, sans plus avoir besoin d’une colline en pente pour les gradins, comme c’était le cas en
Grèce.
Voir l’article « En deux mots » : Théâtre grec et théâtre romain , espace et architecture.
Inspiré du modèle grec, le théâtre latin demeure plus restreint que celui-ci : de 5 000 à 15 000 places,
alors que les amphithéâtres et les cirques, dont la forme constitue une ellipse complète, peuvent
contenir jusqu’à 80 000 spectateurs. Il présente un certain nombre de modifications en raison des
différences de structure dans les œuvres elles-mêmes : comme les pièces ne possèdent plus de
chœur, l’orchestra grecque est réduite à un demi-cercle où prennent place les spectateurs privilégiés
(notables, édiles et magistrats), préfigurant ainsi nos actuelles places d’"orchestre". Devant eux, à
faible hauteur, se dresse la scaena avec le proscenium (une longue estrade en planches, équivalent
de notre scène moderne), sur lequel les acteurs évoluent devant un mur de scène en pierre, le frons
scaenae. Celui-ci est très imposant : de la même hauteur que celle de la rangée la plus élevée de la
cavea - ce qui permet de couvrir d’un velarium (voile) l’espace ainsi délimité pour le protéger du soleil
-, il peut atteindre jusqu’à trois étages ; creusé de niches abritant des statues, orné de colonnes en
marbre, il sert de décor permanent, représentant la façade d’un palais à trois ou cinq portes.
La machinerie se trouve dans les sous-sols qui communiquent par des trappes avec l’espace
scénique, de part et d’autre duquel se trouvent les vestiaires et les magasins d’accessoires.
Plan du théâtre de Pompéi

Plan du théâtre de Pompéi, Ier siècle, dessin dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines,
Daremberg-Saglio, 1919.

Exodium
L’exodium (exodos, "exode", c'est-à-dire la fin, la sortie en grec) est une courte pièce comique qui suit
la tragédie pour clôturer la représentation théâtrale : une sorte de farce clownesque issue de
l’atellane, jouée par de jeunes citoyens romains masqués, devant un petit rideau rapidement tiré à mi-
hauteur pour cacher le décor tragique.
Scène exodium

Scène de comédie, bas-relief (période républicaine), Naples, Musée archéologique national (dessin
dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Daremberg-Saglio, 1919). On peut supposer
qu’il s’agit d’un exodium en raison du rideau à droite qui semble masquer un décor, celui de la
tragédie qui précédait.

Jeux fescennins
Ces rites rustiques d’origine étrusque tirent leur nom de Fescennia, petite ville d’Étrurie : apparus à
l’occasion de fêtes champêtres (moissons) ou familiales (mariages), ils sont constitués de
pantomimes et de danses (voir Origines). Le visage masqué (souvent de l’écorce d’arbre) ou
simplement barbouillé du suc des plantes, les "acteurs" de ces fêtes échangent des plaisanteries
obscènes, des lazzi, plus ou moins formalisés en vers grossiers et licencieux, dits "fescennins". Par
la suite, viennent s'ajouter des chants et des improvisations dialoguées : ainsi serait née la satura.

Livius Andronicus
Livius Andronicus (env. 280-205 av. J.-C.) est considéré comme le fondateur du théâtre latin, au sens
classique du terme. Grec né à Tarente - comme son prénom d’Andronikos l’atteste -, il est fait
prisonnier tout enfant en 272 avant J.-C. et vendu à Rome comme esclave de la famille des Livii.
Comme il est cultivé et bilingue (grec / latin), il devient précepteur des enfants de la famille, selon
une pratique très courante, et prend le nom de sa gens (famille) après avoir été affranchi (Livius). Le
premier, il traduit l’Odyssée en latin et ouvre une école où il commente les grandes œuvres de la
littérature grecque. En 240 avant J.-C., on lui commande une pièce en latin - sans doute une tragédie
- pour les Jeux qui célèbrent la victoire sur Carthage : ce serait donc le début "officiel" du théâtre
latin. Livius Andronicus adapte des comédies grecques, qu’il aurait lui-même interprétées, et fait
connaître Ménandre. Devenu une sorte de poète officiel honoré par le Sénat, il fonde le Collegium
Scribarum Histrionumque ("Collège des scribes et des histrions"), une sorte de "Société des Auteurs
et Syndicat des Acteurs" avant la lettre.

Ludi
Il convient de souligner avant tout l’origine religieuse et le caractère sacré des "jeux" dans le monde
gréco-romain, dont témoigne l’ancienneté de la pratique des "jeux funèbres" lors des funérailles
aristocratiques : voir, par exemple, les jeux organisés à Troie par Achille après la mort de Patrocle
(Iliade, chant XXIII). Le jeu est conçu comme une activité de diversion, au sens propre et
étymologique du terme - il s’agit de "détourner" la colère divine -, avant d’être senti comme un
divertissement.
Le nom latin ludus désigne l’acte de jouer (ludere), "le jeu" donné en représentation. Les Ludi sont une
institution romaine fondamentale, religieuse et officielle. Financés par l’État, organisés par un édile
ou par un préteur, ils offrent à toute la population des spectacles variés, accompagnés de
cérémonies religieuses (processions, sacrifices) et répartis sur plusieurs jours : des représentations
théâtrales (ludi scaenici), des combats de gladiateurs (munera), des courses de chevaux et de chars
(ludi circenses).
Fixés par le calendrier officiel, les Jeux annuels sont destinés à attirer la faveur des dieux  ; ils
rythment le déroulement de la vie publique selon un calendrier précis. Citons les plus importants :
• les Ludi Megalenses, en l’honneur de la Grande (Mégalè en grec, d’où leur nom) déesse Mère, Cybèle
(4-10 avril) ;
• les Ludi Florales, dits "floraux" en l’honneur de la déesse Flore (28 avril-3 mai) ;
• les Ludi Apollinares, en l’honneur du dieu Apollon (6-13 juillet) ;
• les Ludi Magni (ou Romani), "les grands" jeux "romains" en l’honneur du grand dieu Jupiter Capitolin
(4-19 septembre) ;
• les Ludi Plebeii, dits "plébéiens" pour commémorer l’antique victoire de la plèbe après sa sécession
sur l’Aventin (4-17 novembre).
D’autres ludi peuvent aussi être donnés à l’occasion d’un grand événement (une victoire, un triomphe,
une inauguration, les funérailles d’un personnage important, etc.). Par exemple, on sait que c’est aux
jeux funèbres de Paul-Émile, célébrés en 160 avant J.-C., que furent joués Les Adelphes de Térence.

Ludi scaenici
Les ludi scaenici, divertissements donnés sur une scène (scaena), sont variés. Avec la diffusion de
l’hellénisme (IIIe-IIe siècles av. J.-C.), l’introduction du théâtre à modèle grec dans les ludi romains a
largement contribué à une réception active de la culture grecque.
À Rome, comme en Grèce, les pièces ne sont représentées qu’une seule fois, au cours de fêtes
originellement liées à de strictes circonstances religieuses, mais devenues prétextes à des
divertissements variés très populaires (les Ludi). Par exemple, très tôt après la création des Ludi
Plebeii (vers 220 av. J.-C.), on y donna des pièces de théâtre, comme en témoigne la didascalie du
Stichus de Plaute, joué en 200 avant J.-C. On sait aussi que les Ludi Megalenses comptaient plus de
jours consacrés aux représentations théâtrales que n’importe quelle autre fête ordinaire (comme les
ludi étaient une cérémonie religieuse par essence, les Romains installaient la scène à proximité du
temple de la divinité à l’honneur).
Dans les Ludi, le théâtre, au sens large, rivalise avec d’autres formes de spectacles donnés au cirque
et dans l’amphithéâtre (courses de chevaux, combats de gladiateurs, d’animaux, concours d’athlètes,
exhibitions d’animaux exotiques et de créatures monstrueuses).
Les "jours de théâtre" compris dans les Ludi scaenici passèrent de deux seulement à l’origine à une
cinquantaine au Ier siècle avant J.-C. ; sous l’Empire, il y en aura plus d’une centaine par an, ce qui
explique la multiplication des théâtres en pierre monumentaux, à Rome comme dans ses provinces
(voir le célèbre théâtre d'Orange en France, l’un des exemples les mieux conservés).
Ainsi les Romains passent-ils beaucoup plus de temps au théâtre que les Athéniens du Ve siècle
avant J.-C. qui ne connaissaient que deux grands concours annuels (Grandes et Petites Dionysies).
Le spectacle est gratuit et ouvert à tous. Il est, en principe, financé par l’État romain ; mais, en
pratique, l’édile chargé de son organisation "arrondit" personnellement la subvention pour en
accroître la somptuosité et soigner ainsi sa propre popularité. En outre de riches particuliers
(magistrats, généraux, hommes politiques) commanditent des jeux extraordinaires et traitent avec le
chef de troupe pour régler les problèmes matériels : achat d’un texte à un auteur, qui est considéré
comme un vulgaire fournisseur sommé de rembourser l'argent versé en cas d’échec de sa pièce,
costumes, mise en scène. Récompenses et gratifications ne sont décernées qu’aux acteurs. Le
public est turbulent, indiscipliné et bruyant, c’est pourquoi le récitant du prologue s’efforce d’obtenir
le contact avec la foule en annonçant le sujet.

Masques
Thespis, qui passe pour le créateur de la tragédie à Athènes (534 avant J.-C.), se barbouilla d’abord le
visage de lie de vin ou de céruse avant d’introduire l’usage du masque. Fabriqué dans une matière
périssable (bois, cire, écorce, cuir, etc.), le masque caractérise toute l’histoire du théâtre antique.
Même très éloignés de l’orchestra, les spectateurs pouvaient d’emblée reconnaître un personnage.
Le nom latin persona est probablement issu du mot phersu qui désigne le masque en langue
étrusque, sur le modèle du grec prosôpon (masque de l’acteur au théâtre). Il signifie d’abord le
masque porté par un acteur, puis le rôle et le caractère du personnage que l’acteur interprète, et enfin
la personne, c’est-à-dire un individu avec sa personnalité.
Aux origines du théâtre romain, en principe, les masques étaient légalement réservés aux citoyens
dont ils préservaient la dignité par l’anonymat. C’est pourquoi, contrairement au théâtre grec, les
acteurs professionnels, dépourvus de tout droit civique, jouèrent longtemps sans masque ; en
revanche, ils étaient très fardés de façon à styliser des expressions stéréotypées. Les masques ne
seraient apparus qu’à l’époque de Térence, sinon au tout début du Ier siècle avant J.-C. Réservés à
l’atellane et à ses interprètes, citoyens amateurs à l’origine, ils auraient été imposés par l’acteur
vedette Roscius (134-62 av. J.-C.), qui jouait aussi bien les héros tragiques que les esclaves de la
palliata. Mais à la fin des tragédies ou des comédies, les acteurs se démasquaient devant le public,
pour ne pas être confondus avec les pitres de l’atellane. Tragiques ou comiques, ces masques
obéissaient à un code très strictement défini et sophistiqué qui permettait au public une
reconnaissance immédiate des personnages : vieillards grimaçants, jeunes filles apeurées, esclaves
rusés, etc.
Si la typologie des rôles fut assez vite établie, les expressions des masques se multiplièrent avec le
temps. Au IIe siècle après J.-C., le philologue et rhéteur Julius Pollux de Naucratis dresse dans son
Onomasticon (IV, 143-154) une liste de masques correspondant à 76 personnages (44 modèles de
comédie, 28 modèles tragiques et 4 modèles de drame satyrique). Outre la forme, la polychromie
donnait des indications sur l’âge et l’origine sociale des personnages : du fait de la disparition des
couleurs sur la plupart des objets en terre cuite, il est aujourd’hui difficile de les identifier clairement.
Utilisés comme éléments de décoration, dédiés comme ex-voto dans les sanctuaires ou déposés
dans les tombes, les masques en terre cuite ou en marbre qui nous sont parvenus ne sont que des
reproductions des accessoires de théâtre authentiques.
«  Il faut tenir compte du masque que porte l’acteur, sur lequel est inscrit une expression qui
demeurera inchangée d'un bout à l'autre de la représentation. Cette expression se réfère à une
"émotion prioritaire", si l’on peut dire, et des jeux vont donc s’instaurer entre le masque, le corps, le
texte, la voix.  » (Florence Dupont, propos recueillis le 11 octobre 2004 par Isabelle Roche pour
lelitteraire.com)

Masques Dictionnaire théâtre à Rome

Acteur comique masqué (jouant peut-être le rôle burlesque de Priam pendant le sac de Troie), vase
en terre cuite peinte provenant de Campanie, env. 150 av. J.-C., British Museum, Londres. © British
Museum.
Répertoire de masques comiques, manuscrit enluminé (début du IXe siècle) qui reproduit un
manuscrit antique aujourd’hui disparu comportant les six comédies de Térence, Bibliothèque
nationale de France, Département des manuscrits, Paris. © BnF, Gallica.

Mime
Le nom mimus en latin, comme mimos en grec, désigne à la fois le personnage qui représente une
certaine action en public et l’action elle-même qui est représentée, la pièce et l’acteur. En tant que
type de spectacle, le genre du mime était très populaire en Grèce et en Grande Grèce, comme dans
l’orient alexandrin. Cicéron le mentionne ainsi dans l’un de ses plaidoyers  : «  Alexandrie, nous la
connaissons. C’est de là que viennent tous les artifices, jongleries et tours de passe-passe, tous les
mensonges et fraudes, enfin tous les sujets qu’on voit dans les mimes  » (Plaidoyer pour Rabirius
Postumus, XII, 35).
Le mime tient un rôle de premier plan dans la faveur du public romain et accompagne toute l’histoire
du théâtre latin dès ses débuts jusqu’aux premiers siècles de notre ère. Entre la parade foraine et le
numéro de clowns, c’est un type de spectacle "complet", essentiellement gestuel (d'où le terme
"mimique"), joué par des acteurs et, fait exceptionnel, des actrices (mimae), plutôt du genre "strip-
teaseuses", évoluant sans masques, avec musique et danses burlesques, souvent indécentes.
Les sujets - de simples canevas empruntés à la comédie ou à l’atellane qu’il remplace à la fin du Ier
siècle avant J.-C. - servent de prétexte à des aventures amoureuses, cocasses ou burlesques, où
l’élément caricatural est prédominant. À l’origine sans texte, la trame peut comprendre des répliques
improvisées, voire des dialogues écrits, lorsque le succès mondain du genre amena des intellectuels
en quête de distractions à écrire pour ces représentations populaires au Ier siècle av. J.-C.
Cependant, nous ne connaissons que les noms de deux auteurs : Labérius, un contemporain de
Jules César qui fit les frais de ses attaques satiriques, et un certain Publilius Syrus.
« Le plus souvent les mimes devaient être de petites scènes de mœurs, amusantes et légères ; par
exemple le tableau d’un pauvre diable devenu subitement riche, et qui se livre à toute sorte d’excès,
ou celui d’un homme tombé en léthargie, qui, se réveillant tout d’un coup, tombe à coups de poing
sur le médecin qui le soigne. Les quelques fragments qui nous restent de ces pièces nous paraissent
assez médiocres ; ce sont des naïvetés ou des sottises qui amusaient le public : un niais qui
demande du vin aux nymphes ou de l’eau à Bacchus ; un autre qui fait cette réflexion : « L’imbécile !
quand il commençait à être riche, il s’est laissé mourir », ou ce bout de dialogue : « C’est sa femme. -
On le voit bien, elle lui ressemble. » Cependant Cicéron parle d’un de ces mimes, qui s’appelait Tutor,
et qui lui semble tout à fait plaisant, oppido ridiculus.  » (Gaston Boissier, in article «  Mimus  » du
Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Daremberg-Saglio, 1919).
L’invraisemblance et surtout l’irrespect sont de mise pour les mimes : en mélangeant sentences
morales, allusions politiques et satire religieuse, ils permettent de dénoncer tous les ridicules, y
compris ceux des cultes et des légendes divines. Par la suite, la censure impériale en atténuera
sensiblement la portée critique. Mais leur caractère grossier, volontiers obscène, est aussi tempéré
par le climat merveilleux, "féérique", inspiré par certains sujets. Art dramatique voué au silence par sa
nature propre, le mime reste le plus achevé et le plus conforme aux goûts esthétiques des Romains,
du moins dans les milieux non aristocratiques, qui en raffolaient jusqu’à ce que l’emportent les
émotions "réalistes" de l’amphithéâtre et du cirque.
Mime in dico théâtre latin

Bronze hellénistique, Ier siècle, qui représenterait un personnage de mime, peut-être la caricature d’un
maître d’école pédant d’Alexandrie. Metropolitan Museum of Art, New York.
© Metropolitan Museum of Art.

Musique
La musique tient une place prépondérante dans toutes les représentations.
Comme dans le théâtre grec, l’accompagnement musical donne le rythme : les pièces romaines n’ont
plus de chœur, mais toutes comportent des chants et des récitatifs, c’est-à-dire des parties
déclamées en vers sur un ton soutenu, accompagnés à la flûte (le genre moderne de l’opérette donne
une idée assez proche de cette structure lyrique).
Les Romains ont aussi hérité des Grecs les modes et rythmes musicaux ; les instruments sont à
cordes (cithare, lyre), à vent (flûte simple et double), à percussion (tambour, cymbales).
La représentation commence par une ouverture musicale  ; puis le prologue, parlé avec
accompagnement de flûte, est suivi par une alternance de chants (cantica), qui peuvent occuper
jusqu’à deux tiers du spectacle, le reste étant constitué par les parties strictement parlées (diverbia).
Composés en mètres divers, les cantica sont interprétés par un chanteur professionnel (cantor),
debout à côté du musicien qui l’accompagne à la flûte (le tibicen), tandis que l’acteur en scène
exécute en dansant les mimiques correspondantes.

Joueur de flûte

Origines
On peut considérer que, comme en Grèce, le théâtre est déjà en germe dans les fêtes champêtres,
les cérémonies religieuses avec processions, les funérailles. Des ébauches de jeux dramatiques
figuraient dans certains rites pastoraux très anciens, comme dans ceux des Lupercales (15 février),
qui précèdent même la fondation mythique de Rome par Romulus (753 av. J.-C.). Les jeux
fescennins y ont introduit les danses mimées et chantées des Étrusques, comme en témoigne le
récit de Tite-Live dans son Histoire de Rome (VII, 2). En 364 avant J.-C., pour conjurer une peste, on
fait venir des "histrions" étrusques (voir Acteurs) à qui la superstition prête un remède magique : des
représentations "scéniques" données en pleine rue sur des estrades de bois démontables avec un
décor en trompe-l’œil (voir Espace théâtral) par des sortes de saltimbanques, à la fois danseurs,
chanteurs, jongleurs et prestidigitateurs, qui portent des costumes bariolés.
Cependant l’esprit même de ces célébrations rituelles va suivre une évolution rapide très différente
de la civilisation grecque ; alors que les citoyens athéniens participaient à une véritable liturgie
civique collective par le biais de la représentation théâtrale, tragique et comique, les Romains en font
une pratique culturelle et sociale différente, qui leur devient spécifique : le spectacle, institué par la
célébration des "Jeux", dont le nombre ne cessera de croître (voir Ludi). Certes les Ludi  sont
consacrés aux dieux : ce sont des moyens de les apaiser ou de les remercier et les représentations
théâtrales restent l’un de ces procédés expiatoires et / ou propitiatoires, mais le public y assiste pour
se divertir, non pour réfléchir sur le destin de l’homme et de la cité. Les "politiques" romains ne s’y
trompent pas, qui flatteront habilement ce goût pour le ludique spectaculaire, favorisant ainsi le
développement de ce que l’on a pu appeler une "société du spectacle" (voir le fameux panem et
circenses de Juvénal, Satire X, vers 81).

Palliata
Ce terme désigne un genre de pièces imité des Grecs : il est tiré du nom pallium, le manteau grec, par
opposition à togata et praetexta (voir Costumes). Pour la tragédie, il emprunte essentiellement ses
sujets à Sophocle et à Euripide (Ve siècle av. J.-C.) et pour la comédie à ceux de la comédie grecque
dite "nouvelle" (surtout à Ménandre), dont il renouvelle quelque peu les situations, sans modifier
l’intrigue ni les personnages qui demeurent des types grecs très connus. La scène se situe presque
toujours à Athènes, dans une Grèce de fantaisie qui plaît aux Romains par son exotisme de pacotille.

Pantomime
La pantomime est la quintessence du mime, comme son nom grec l’indique (panto-, tout),
entièrement muette et jouée avec masques. Ce genre nouveau triomphe dès la fin de la République,
puis sous l’Empire : il précipite la rupture avec le théâtre "à texte" désormais réservé aux lettrés. Ce
sont des sortes de ballets lyriques sur des sujets mythologiques ou tragiques, interprétés par un
acteur unique, qui mime tour à tour les divers personnages : ainsi la danse figurant le jugement de
Pâris qu’Apulée (IIe siècle après J.-C.) décrit longuement dans ses Métamorphoses (livre X, 29 à 35).
Les acteurs de pantomime, considérés comme de voluptueux efféminés, deviennent alors les
vedettes les plus adulées de l'époque et certains aristocrates n’hésitent pas à venir s’exhiber sur
scène (ainsi l’empereur Néron, qui raffolait de ce genre de spectacles).

Personnages
Les survivances d’un jeu rituel, né des pratiques sacrées originelles, imposent une certaine rigidité
dans la typologie des rôles comme dans l’interprétation codifiée des acteurs (voir Masques). Les
personnages sont toujours de type grec dans la comédie dite palliata. À la fois traditionnels et
marginaux, ils sont issus des milieux populaires ; aussi peuvent-ils être aisément identifiés par les
spectateurs tant dans leur apparence (leur ornatus, costume) que dans leur rang social et leur
caractère : vieux bourgeois, fils dépensiers, esclaves et affranchis, parasites, soldats fanfarons,
prostituées et courtisanes, proxénètes, etc. (voir l’article «  La comédie latine  : intrigues et
personnages  »). Par choix comme par nécessité (pas d’actrices), les rôles féminins paraissent
souvent sacrifiés.
Phormion Térence

Personnages du Phormion de Térence, manuscrit enluminé (début du IXe siècle) : le senex (le "vieux"
Démiphon), l’adulescens (le "jeune homme" Phédria), le servus (l’"esclave" Géta). Bibliothèque
nationale de France, Département des manuscrits, Paris. © BnF, Gallica.
Voir l’analyse de l’image dans « Térence, Le Phormion : une page de manuscrit ».

Phlyax (jeu de Phlyax)


À côté de l’héritage purement grec de la comédie "nouvelle" (Ménandre), les pièces jouées dans les
théâtres des colonies de la Grande Grèce (Sicile et Italie du sud) ont exercé aussi une influence
déterminante sur l’évolution de la comédie latine. On y parodie la tragédie : c’est l’"hilarotragédie", une
farce burlesque et grossière improvisée sur le répertoire des grands tragiques grecs par des acteurs,
les φλύακες (phlyakes, "les bouffons bavards"), qui auraient été inventés par un certain Rhinthon de
Tarente vers 300 avant J.-C. Il ne subsiste aucune trace écrite de ce genre appelé "jeu de Phlyax" : il
nous est connu par les scènes caricaturales représentées sur de nombreux vases du IVe siècle avant
J.-C. ; il a sans doute inspiré l’atellane en Campanie et plusieurs de ses thèmes à succès seront
recueillis par Plaute.
Scène de Phlyax

Scène phlyaque sur un cratère en calice à figures rouges de Paestum attribué à Astéas, 350-340 av.
J.-C. : trois hommes (Gynmilos, Kosios et Karion) dépouillent un avare (Kharinos) dans sa maison.
Altes Museum, Berlin. © Wikimedia Commons.

Plaute
Titus Maccius Plautus, que nous nommons Plaute (env. 254-184 av. J.-C.), est considéré comme le
plus grand auteur comique latin avec Térence.
Avec une grande liberté de ton et une verve souvent très licencieuse, il a exploré les formes
comiques les plus variées : farce grossière, voire indécente (Casina, Bacchides), comédies plutôt
d’intrigue (Mostellaria, Pseudolus) ou plutôt "psychologiques" (Aulularia, Trinummus), drames
"bourgeois" (Captivi, Rudens), et même "tragi-comédie" à sujet mythologique (Amphitruo). Souvent
imité, sinon pillé, Plaute est devenu un modèle de référence "classique" : Molière lui doit plusieurs de
ses créations, voire des sujets entiers comme Amphitryon et L’Avare, tiré de l’Aulularia (voir l'article
"Plaute : repères biographiques, répertoire des œuvres").

Praetexta
Selon la classification et la dénomination des grammairiens, la praetexta est une tragédie historique
à sujet romain, ainsi désignée en raison du vêtement d’apparat porté par ses acteurs (voir
Costumes). À côté de la palliata jouée en costume grec, c’est une innovation nationale qui manifeste
l’attachement des Romains à leur histoire. En effet, la praetexta se voulait célébration patriotique :
elle mettait en scène les hauts faits d’un héros de la mythologie romaine ou d’un aristocrate
(Romulus, Énée, Brutus, Marcellus, Decius, Marcus Fulvius Nobilior,...). La production fut abondante,
mais elle n’eut qu’un succès passager sous la République  : il nous en reste seulement des titres -
ainsi le Romulus de Naevius ou Les Sabines d’Ennius au IIIe siècle avant J.-C. - et quelques
fragments.

Prologue
Plus de la moitié des comédies sont précédées d’un prologue prononcé par un dieu ou par un
personnage spécial appelé précisément Prologus ("celui qui parle avant") : c’est l’occasion pour
l’auteur de solliciter la bienveillance des spectateurs tout en annonçant son intrigue. Le rôle est
souvent tenu par un jeune acteur de la troupe, parfois le chef de troupe lui-même, comme Lucius
Ambivius Turpio pour le prologue de L’Hécyre ("la belle-mère" en grec) de Térence.

Hécyre Prologus

Le Prologus prononçant le prologue de L’Hécyre : Hecyra est huic nomen fabulae... (« L’Hécyre, c’est le
nom de notre pièce... »). Manuscrit enluminé (début du IXe siècle) qui reproduit un manuscrit antique
aujourd’hui disparu comportant les six comédies de Térence, Bibliothèque nationale de France,
Département des manuscrits, Paris. © BnF, Gallica.

Satura
La première satura, issue de la tradition des jeux fescennins, aurait été représentée sur le sol italique
en 364 avant J.-C. (voir Origines). «  La première fois qu'elle fut appliquée à la littérature, c’est à
propos du théâtre. Les jeux grossiers des paysans romains venaient d’être perfectionnés par
l’imitation des jeux étrusques. Aux railleries mordantes, qui faisaient le fond des plaisanteries
fescennines, on avait ajouté la danse et le chant, que les histrions de l’Étrurie avaient fait connaître et
goûter aux Romains. Ce mélange de paroles, de musique et de mouvements cadencés, qui ravissait
les spectateurs, reçut le nom de satura. » (Gaston Boissier, Satura tota nostra est, in École pratique
des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques, 1895).
Le mot même désigne une sorte de "pot-pourri" (la satura lanx est un plat romain composée
d’ingrédients les plus divers, à la manière de notre "macédoine" ou "salade russe"), ce qui manifeste
bien la variété des origines comme du contenu. Notre "farce" procèdera de la même évolution
sémantique et littéraire.
Ce n’est qu’après le milieu du IIIe siècle avant J.-C. que Livius Andronicus a l’idée de développer une
intrigue à l’intérieur de ce simple cadre ludique qui ressemble sans doute à nos revues de
chansonniers. Les techniques de jeux, essentiellement fondées sur la danse et le mime, aboutissent
alors à un curieux dédoublement : le même rôle est réparti entre deux acteurs, l’un qui mime l’action,
l’autre qui dit ou psalmodie le texte, soutenu par la mélodie d’une flûte. La "satire", au sens moderne
du terme, y joue un rôle déterminant, non par la dénonciation des mœurs publiques et politiques,
comme en Grèce au temps d’Aristophane, mais par la critique moqueuse des caractères humains les
plus populaires. De fait, il semble bien que le goût de "la farce", plaisanteries et lazzis en tout genre,
soit caractéristique d’une forme de sensibilité romaine : Satura tota nostra est, "la satire est toute à
nous", revendiquent fièrement les Romains, selon la formule du théoricien de l’art oratoire Quintilien
(L’Institution oratoire, livre X, 1, 93).

Structure dramatique
Par convention, et en référence à nos règles du théâtre classique, on a divisé les pièces latines en
cinq actes et en scènes, à une époque où elles n’étaient plus jouées mais encore beaucoup lues. De
fait, il n’est guère évident que cette répartition ait eu sa raison d’être dans l’Antiquité. Elle est tirée des
travaux de l’érudit Varron (Ier siècle av. J.-C.) qui établit des divisions dans la représentation : elles
sont destinées à marquer une succession de scènes et d’actes, en fonction de l’occupation du lieu
scénique par les acteurs et des intervalles modulés par le joueur de flûte. Cependant, on sait que les
auteurs devaient plutôt éviter tout "temps mort", toute interruption de l’action, par peur de voir les
gens s’en aller : il ne s’agissait donc pas d’enchaîner les actes, mais bien les séquences comiques
qui alternent diverbium et canticum.
À la différence du théâtre grec, en effet, la comédie latine ne possède pas de chœur mais donne une
plus large place aux parties chantées, les cantica (voir Musique).
Ce n’est pas le récit qui structure essentiellement une comédie mais plutôt une succession de
séquences de jeux, moteurs du spectacle comique. L’intrigue, exposée dans le prologue (ce qui
élimine tout suspens narratif) n’est qu’un fil conducteur, sans grande variation d’une pièce à l’autre :
jeunes gens en quête d’argent pour louer les services d'une prostituée, voire la racheter  ; enfants
enlevés par des pirates, achetés par des marchands, retrouvés par leurs parents à la fin (voir l'article
« La comédie latine : intrigues et personnages »).
Térence
Publius Terentius Afer, que nous nommons Térence (env. 190-159 av. J.-C.), est considéré comme le
plus grand auteur comique latin avec Plaute.
Il n’a écrit que six comédies, dans lesquelles il a cherché à égaler ses modèles grecs, Ménandre
surtout (voir l'article "Térence : repères biographiques, répertoire des œuvres").

Togata
La togata est un genre de comédies à sujets romains, dont le réalisme populaire se veut plus
"national" : elle tire son nom de la toge (toga), le vêtement typiquement romain, par opposition à la
palliata (voir Costumes). Il nous reste seulement quelques fragments de ces pièces qui n’obtinrent
qu’un succès passager.

Sommaire du dossier
CONFRONTER LA COMÉDIE CLASSIQUE À LA COMÉDIE LATINE

Accueil du dossier

Plaute : repères biographiques, répertoire des œuvres

Térence : repères biographiques, répertoire des œuvres

Le Phormion de Térence : une page de manuscrit à déchiffrer

Au théâtre à Rome : quelques repères

\ Petit dictionnaire pour découvrir le théâtre latin

La comédie latine : intrigues et personnages

Le théâtre romain

Plaute et Molière : de la marmite d’Euclion à la cassette d’Harpagon

Molière mauvais acteur tragique ?

La comédie du ridicule

Médecins, médecine et maladie dans le théâtre de Molière

Réflexions sur la mort de M. de Molière en habit de médecin imaginaire


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