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LA FAÇADE ATLANTIQUE DE
L’AFRIQUE :
UN ESPACE GÉOPOLITIQUE
EN CONSTRUCTION
Pierre ADIMI
Zitha AFANG NDONG
Najib AL MAGHREBI
Abdelkhalek EL BIKAM
Youssef EL HAMDOUNI
Mohcine KARZAZI
Oumar KOUROUMA
Sarra SEFRIOUI
Rachid EL HOUDAIGUI
Pierre ADIMI
Mohcine KARZAZI
Sarra SEFRIOUI
OCP Policy Center est un think tank marocain « policy oriented », qui a pour mission
de contribuer à approfondir les connaissances et à enrichir la réflexion autour de
questions économiques et de relations internationales revêtant un enjeu majeur pour le
développement économique et social du Maroc, et plus largement pour celui du continent
africain. À cet effet, le think tank s’appuie sur des productions analytiques indépendantes
et un réseau de partenaires et de chercheurs de premier plan, dans l’esprit d’une
plateforme ouverte de discussions et d’échanges.
Porteur d’une « perspective du Sud », celle d’un pays à revenu intermédiaire africain, sur
les grands débats internationaux ainsi que sur les défis stratégiques auxquels font face
les pays émergents et en développement, OCP Policy Center apporte une contribution sur
quatre champs thématiques majeurs : agriculture, environnement et sécurité alimentaire;
développement économique et social ; économie des matières premières ; et géopolitique
et relations internationales.
Sur cette base, OCP Policy Center est activement engagé dans l’analyse des politiques
publiques et dans la promotion de la coopération internationale favorisant le développement
des pays du Sud. Un de ses objectifs est de contribuer à l’émergence d’une « Atlantique
élargie », dont le potentiel reste très largement sous-exploité. Conscient que la réalisation
de ces objectifs passe essentiellement par le développement du Capital humain, le
think tank a pour vocation de participer au renforcement des capacités nationales et
continentales en matière d’analyse économique et de gestion.
Ce faisant, OCP Policy Center se veut être un incubateur d’idées, une source proactive
de propositions d’actions pour les politiques publiques des économies émergentes, et
plus largement pour l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le processus de
croissance et de développement sur la scène nationale et régionale. En particulier, le think
tank a pour ambition de rapprocher la recherche académique de la prise de décision.
PRÉSENTATION....................................................................................................................................................11
1. Le Statut des différends relatifs aux frontières maritimes sur la côte africaine
atlantique...............................................................................................................................................................149
2. La délimitation maritime consensuelle dans la côte africaine en Atlantique......155
C’est pour répondre à cette problématique que l’OCP Policy Center a organisé dans le
cadre de ses activités de recherche académique le colloque sur « la façade atlantique
de l’Afrique : un espace géopolitique en construction », le 25 mai 2015. A l’issue de ce
colloque, une édition des actes a été unanimement souhaitée. C’est chose faite.
Les chercheurs africains, notamment, ont toujours eu des lectures différentes voire
antagonistes sur l’utilité de créer de nouveaux espaces de coopération. Il était donc
temps d’ouvrir le débat dans un espace neutre, que l’OCP Policy Center est apte à offrir.
Nous avons invité pour cela des experts, de jeunes docteurs et des doctorants. Ils sont
les témoins de cet échange académique et leurs contributions croisées constituent la
matière de ce livre.
Nous avons fait le choix de 3 axes répondant aux principales interrogations soulevées.
S’agissant du deuxième axe, les auteurs traitent du jeu des acteurs étatiques africains
et émergents. Le doctorant Youssef EL HAMDOUNI contribue avec un sujet sur « La
perception chinoise de l’Afrique atlantique: Une nouvelle ruée géostratégique ». Dans
le même sens, le doctorant Oumar KOUROUMA aborde « L’Afrique du Sud et le Nigeria
dans la géopolitique africaine : des puissances moyennes émergentes, au-delà des
débats et contre-débats ». Le doctorant Abdelkhalek EL BIKAM poursuit la réflexion sur
le comportement des grandes puissances émergentes par une étude sur « L’Afrique
atlantique : quel positionnement stratégique pour le Brésil ? ».
Puissent toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l’élaboration de
ce modeste travail, trouver ici l’expression profonde de notre gratitude et reconnaissance.
1
Zita AFANG NDONG1
Introduction
Cette dynamique trouve en grande partie son explication dans la situation actuelle de la
région : dichotomie entre Espace riche/États peu développés et absence d’une stratégie
maritime claire. Certes, l’immensité de la richesse de la zone n’est plus à prouver, mais
l’exploitation reste des moindres, si bien que certains auteurs comme Didier OGOULA
(1998), n’hésitent pas à affirmer que lesdits Etats ont été peu préparés à la chose maritime,
(1). Doctorante en Droit international/Relations internationales, Université Hassan II Casablanca, Faculté des Sciences
Juridiques, Economiques et Sociales.
(2). Grand Navigateur anglais.
(3). L’Océan atlantique, 2ème plus grande composante de l’Océan Mondial, avec une superficie de 94 millions de km²
(4). Créée en 2001 par le Nigeria, le Cameroun, la Guinée Équatoriale, le Gabon, Sao Tome de Principe, le Congo, la Répu-
blique Démocratique du Congo (RDC) et l’Angola.
(5). Par l’Organisation Hydrographique Internationale.
(6). A la frontière de l’Atlantique et de la Méditerranée.
(7). Fondé à Dakhla (Maroc), le club aura sa première session le 13 juin à Bruxelles (Forum de Crans Montana)
Lorsqu’on interroge le nombre de travaux effectués sur la question des rapports des
Africains à la mer, force est de constater la prééminence du débat négationniste sur
l’existence en tant que telle d’une conscience maritime historique. En effet, ceux des
historiens, archéologues, géographes voire géo-politologues ayant concouru à la mise à la
lumière progressive de plusieurs siècles inconnus, ont présenté sur l’Afrique atlantique, des
visions quelque peu divergentes en fonction des grilles de lectures que chacun proposait.
Cela donne, a priori, l’illusion d’une diversité de réflexions susceptibles de faire évoluer des
travaux. Or, à terme, cette diversité ne s’opère que superficiellement, rendant ainsi peu
utiles, plusieurs informations malgré l’existence d’une documentation non négligeable en
la matière. Aussi, notre tâche a été ardue car, plongés dans les mémoires lointaines de
l’histoire maritime africaine, nous avons été confrontés à un ressassement insistant de
plusieurs travaux et à limites spatio-temporelles qu’on en impose. Il nous revient donc de
fournir plus d’efforts pour espérer atteindre l’objectif de cette modeste contribution.
Pour autant, la démarche de cette étude sera aussi bien descriptive qu’analytique car
notre travail consistera beaucoup plus à étaler les éléments du passé, (I; II) et, à mesure
que l’on évoluera, on opérera une analyse non comparative mais explicative du contexte
actuel (III) pour trouver une éventuelle rupture/continuité dans les possibles rapports
maritimes. C’est donc tenter de créer une voie aux recherches actuelles.
Une histoire maritime africaine est-elle possible ? C’est l’interrogation posée par Jean-
Pierre Chauveau8 Chauveau8 dans son article en 1986; il entamera : « A de rares
exceptions près, les études anciennes et récentes portant sur les relations des sociétés
africaines au milieu maritime peuvent faire croire à une Afrique privée de mer ou, plus
précisément à une Afrique coupée de ses mers puis passivement assujettie au destin
forgé par les conquérants océaniques venus d’Europe» (Chauveau, 1986). Ces termes
expriment l’opinion de la quasi-totalité des historiens et autres auteurs de l’histoire
maritime en général qui se sont intéressés ou non à celle de l’Afrique. Cette opinion
fut très souvent le fruit de plusieurs attitudes parmi lesquelles, la facilité que certains
prennent à ne focaliser que sur la situation précoloniale qui correspond à l’arrivée des
• la partie du nord qui correspond actuellement au Maroc. Dès 640, la région du Nord a
vu se succéder de grandes dynasties après la victoire des Arabes (les Maures) face aux
Berbères dans la province Africa (Ifriqiya); les Omeyyades, les Abbassides, les Aghlabides,
les Idrissides, les Fatimides, les Almohades qui ont pour chacun, au prix de maints conflits,
contribué à la naissance d’un grand ensemble communautaire dont les délimitations
géographiques vont s’opérer à longueur des confrontations.
• La partie Ouest va de l’actuelle Mauritanie au Nigeria. Vers le IXe siècle, deux anciens
« Etats », Gao et Ghâna, étaient déjà solidement organisés. Ils rassemblaient alors, l’actuel
Ghana et certaines autres tribus qui seront intégrées par la suite à l’empire du Mali. Dès
le XIe siècle jusqu’au XIIIe siècle, l’empire du Mali s’étendra jusqu’au désert du Sahara,
(9). La période correspondant aux conquêtes européennes et à la traite d’esclaves.
(10). Chercheur gabonais en Géographique, Géopolitique.
(11). J-P Chauveau et Jean Dévisse.
• La partie du Centre - Sud de la Côte comprenait le Royaume du Kongo qui dès le VIIème
siècle, sera déjà connu du monde européen. Il regroupera toute la partie centrale du
Cameroun jusqu’en Angola où sera sa « capitale » Mbanza à partir du XIVe siècle. Ses
frontières couvraient les pays actuels du Congo, du Zaïre, de l’Angola, d’une faible partie
du Mozambique et du Gabon, soit environ plus de 300 000 Km2 de terres dirigées par
un souverain, le Mani Kongo (ou MweneKongo).
La partie australe à l’extrémité qui correspond à l’Afrique du Sud portait en son sein, l’un
des plus anciens foyers de peuplements mondial. En effet, compte tenu de sa situation
géographique, plusieurs tribus y ont immigré ou se sont imposées. Des Bochimans, aux
Bantous en passant par les Khoikhoi vont adopter des formes d’organisation
« décentralisées mais très organisées » jusqu’à la formation vers le XVIIIe- XIVe siècle de
l’empire Zoulou qui connaitra son apogée sous le règne de Chaka. Fort de son histoire
riche mais complexe, ladite région ne sera pas traitée dans les prochains chapitres.12
Dans ces grands ensembles sous régionaux, interagiront diverses populations dont la
seule proximité avec la Mer pouvait avoir un impact dans leurs traditions : économiques,
« militaires » ou socialement intrinsèques.
Etonnants peuvent être les mythes et les récits qui exaltent, à travers le monde, la
puissance et les frasques des mers et océans, tels qu’ils finissent par asseoir de
véritables conceptions. Si même s’agissant de l’océan Atlantique, certains navigateurs
parlaient du « tombeau des Blancs » (courrier de L’UNESCO, 1983), ce ne sont guère les
profanes qui pouvaient ne pas accoucher des légendes maritimes, positives ou non. De
ce pas, l’Afrique (fortement spirituelle) en général et la région Atlantique en particulier
(12). Nous avons choisi pour cette étude introductive de mettre la partie australe, notamment l’Afrique du Sud hors de
notre grand II qui constitue le cœur même de ce travail, ce qui ne nous empêche pas de réévaluer la question dans un temps
relativement long pour rendre l’étude intégrale, cela est même très envisageable ; pour une modeste contribution plus globale.
C’est sur ce dernier aspect, qu’en général, les peuples côtiers fondaient leurs rapports
alors enclins de méfiance et quelques fois de crainte. Dans le même climat d’hostilité
primaire, l’imaginaire populaire du Nord (arabes et berbères) représentait l’Océan comme
« un monde hostile, hors de l’Islam et sa protection » (Salah Eddine, 2009). Qu’à cela ne
tienne, les légendes n’étaient pas les seules à influencer la nature des rapports maritimes
de ces communautés.
La mer qui, juste au-dessus, vient de mettre en scène des entités spirituelles – divinités-
esprits –, se prolonge dans cette acception beaucoup plus réelle et naturelle.
A présent que nous avons vu les grandes conceptions maritimes des peuples ouest –
africains, il convient de parler de la pratique maritime elle-même à l’époque précoloniale
précisément à partir du XIIe siècle, jusqu’au XVe dans cette partie. L’intérêt étant donc de
déceler à ce niveau les différentes activités qui deviennent une certitude coutumière à
l’aune des précédents chapitres. Le choix de cette période se justifie par la volonté de
ressortir l’originalité (ou ce qui s’en rapproche) sans apports et contraintes extérieures16
de l’antériorité maritime des peuples de la côte Ouest-africaine. Ce n’est que timidement
que nous pourrons aussi remonter les activités à des périodes relativement plus avancées
(au-delà du XIIe siècle) selon que les documents nous le permettront. Avant d’entrer de
plain-pied dans le travail, il est impérieux de reconnaitre que les remarquables travaux de
J.P Chauveau nous ont particulièrement aidés en tant que source très détaillée (quoique
limitée géographiquement à la zone Mauritanie-Nigeria) dans l’identification des usages
au bord de l’Atlantique.
Dans sa double façade, le littoral du nord baigné par la méditerranée et l’Atlantique, dès le
XIIe siècle entretenait déjà des relations maritimes certes peu enrichissante par rapport
aux siècles qui suivront, mais assez notables. A l’Ouest, cependant, entre la Mauritanie et
(16). Les conquêtes européennes
Que l’on soit au Nord, à l’Ouest-Centre ou au Sud, les activités dans l’ensemble du littoral
atlantique étaient destinées premièrement à la consommation personnelle. La pêche était
pratiquée dans le souci premier de nourrir les habitants qui étaient proches de la côte
et ne bénéficiait qu’épisodiquement des richesses de l’arrière-plan des territoires. Mais à
la longue et par l’attrait qu’ils pouvaient présenter, les produits maritimes commençaient
à être sollicités à l’intérieur et par-delà les « frontières ». Un véritable commerce prenait
forme. Au Nord, dans le Maroc, la pêche se concentrait dans la salaison du poisson;
une « industrie » que Michel Ponsish17 remontait aux Ve et VIe avant JC, correspondant
remontait aux Ve et VIe avant JC, correspondant à l’entrée des Carthaginois et qui, au
fil des siècles connaitra une évolution. En aucun cas, l’hostilité de l’Océan et la méfiance
populaire à son endroit ne suffiront à empêcher les habitants du Nord de constituer
une « flottille » de pêche et à commercer dans le littoral18. Au contraire, les différentes
communautés vont tirer de la mer une partie essentielle de leurs besoins alimentaires à
travers une pratique maritime qui s’enracinait de plus en plus. Un fait dont témoignent
les recherches archéologiques à la découverte à Larache, des ruines de ce qu’on peut
appeler « usine » poissonnière. La culture maritime halieutique du Nord constituait à
elle seule une « économie » solide (Godio, 2013). Ces usines de salaison de poisson qui
sont aujourd’hui, un patrimoine historique du Maroc présentaient une certaine expérience
dans la conservation du poisson et d’autres produits aquatiques. Ainsi, la répartition du
travail à l’intérieur de celles-ci, s’organisait généralement en plusieurs étapes spécifiques:
préparation et nettoyage du poisson, conservation et salaison du poisson à la chaufferie
nous renseigne Mohammed Habib19.
En temps de conflit, certaines activités côtières pouvaient très vite changer, les
pirogues devenant de véritables appareils de guerre seront affectées principalement
au transport des combattants. La façade atlantique devenait un espace stratégique,
des zones d’embarquement, de retrait, d’affrontement. Les rives étaient devenues des
voies appropriées pour contrer les conflits qui pouvaient parfois éclater entre peuples
frontaliers.
Dans la zone en général, les activités étaient influencées soit par les grands mouvements
migratoires de plusieurs groupes ethno-démographiques soit par les luttes internes.
Au centre : c’est en grande partie ce qui explique les quelques conflits répertoriés à
la côte notamment du Gabon et à l’extrême Angola. Les grandes pirogues de guerre
transportant jusqu’à cent vingt hommes semblent d’abord évoluer dans les rivières et
fleuves à l’intérieur, suite à des instabilités internes. Elles vont très vite développer une
stratégie tournée vers la mer. Sur environs 600 km de côte du Gabon, les Ajoumba vont
vivre au bord de la mer jugée à la fois plus sécurisée et aussi propice au commerce. Plus
loin dans le temps, les Fang, à la recherche d’espaces côtiers vont être confrontés aux
myénés dont l’installation était antérieure.
Quel que soit les proportions conflictuelles, la façade atlantique a parfois été le théâtre
des questions purement géopolitiques, soit parce qu’on y voyait là des espaces «
riches » (au sens traditionnel) à conquérir, soit parce qu’elle constituerait une position
déterminante dans la relative domination d’un groupe par rapport à d’autres (interne ou
non) : le rapport de force et de pouvoir se faisait déjà ressentir comme de nos jours.
A ce niveau de l’étude, il est important de noter que les navigations décrites jusqu’ici
n’étaient -comme nous l’avons précisé- que côtières et continentales mais pas
hauturières22 : aussi loin qu’elles pouvaient être effectuées, elles gardaient en vue les
côtes. Pour autant, doit–on en conclure que celle dite « hors de vue des Côtes » était
« hors de portée » des peuples de la région atlantique africaine ?
A notre niveau, il s’agit beaucoup plus de poser le possible à partir d’un raisonnement
cohérent et évolutif de notre travail : les peuples décrits plus haut, loin de tourner le dos
à la mer ont au contraire eu des relations « quotidiennes », certes limitées, mais que rien
n’empêchait d’amorcer singulièrement ou non une expédition maritime hors de vue de
leurs côtes.
In fine, nous constatons d’une part que les peuples de la côte disposaient certes des
outils très limités mais pas moins performants en fonction des activités qui constituaient
leur quotidien maritime. Au contraire, pour leur époque et face à la quasi-facilité que leur
offraient les produits de l’hinterland, ils affirmaient de cette façon l’intérêt qu’ils portaient
aussi aux produits maritimes, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs où l’espace terrestre
fut moins tolérant que le maritime. D’autre part, nous pouvons oser relativiser voire
réfuter l’idée d’un manque d’abri littoral et du phénomène de la barre (Angot 1961) comme
obstacle incontournable aux navigations côtière et hauturière.
2.3. La relative permanence des activités à l’ère des conquêtes, XVe- XVIe siècle
A l’arrivée des Portugais –depuis Ceuta26-- dont Diego Cao (1482-1483), Bartolomeo
Dias (1487-1488), Vasco de Gama (1497-1498), la côte atlantique est déjà ensemencée
de petites et grandes activités au profit des peuples-habitants et de quelques « clients »
d’ailleurs. Il ne sera donc aucunement question d’apprendre une quelconque vie maritime
aux propriétaires des zones, mais de conjuguer avec. Les foyers sans distinction aucune
étaient dans la continuité de leurs fonctions. Les parties du littoral les plus avancées dans
les activités maritimes et particulièrement la pêche comme le Sénégambie, la Guinée
Bissau et le Ghana, allaient être dotées d’un type d’établissement facilitant le trafic. Il
s’agit entre autres des forts (Towrson cité par Surgy 1969), construits par les Portugais.
Il faut dire que ces derniers vont de prime abord, avoir un impact admirable sur les
activités de pêche, de transport côtier et de transbordement entre les navires et la plage.
Au Ghana, on notera le fort d’Elmina bâti en 1482, les Portugais construiront aussi ceux
d’Axim et de Shama. Après quoi, Anglais, Français et surtout Hollandais commenceront à
fréquenter les côtes « les autres nations maritimes européennes disputent aux Portugais
leur monopole sur les côtes africaines » (J.P Chauveau)
Avec cette présence étrangère, force est de reconnaitre qu’une « nouvelle » époque de
l’histoire du littoral atlantique vient de commencer. Le développement des échanges
opère une transformation des activités côtières.
Au fur et à mesure, l’adoption des outils étrangers tel le navire à voile, se faisait voir.
Le transport par pirogues déclinait sans pour autant disparaître -car entre la Petite-
Côte sénégalaise, la Guinée Bissau jusqu’en Guinée, il est encore très usité- tandis que,
Les côtes du Nord ont aussi subi des variations dans leur étendue : dilatation de leurs
aires maritimes avec un essor économique relatif à la pêche et au commerce; dans ces
périodes précisément où les Saadiens et des Alaouites vont établir un « Etat » puissant.
Entre-temps le jeu des convoitises européennes fait perpétrer les opérations corsaires de
Rabat et de Salé dans les eaux de l’atlantique et de la méditerranée.
Dès les XVe et XVIe siècles, il y aura des expansions ou contractions et même des
reconversions des activités maritimes selon qu’on se situe dans une zone ou dans une
autre; mais, aucune ne disparaitra. Les activités traditionnelles, même lorsqu’elles étaient
relayées au second rang ne faisaient pas moins des heureux à l’exemple de la région (Kru
du Libéria et de la Côte Ivoire). La « technicité » des outils européens et leur organisation
« infrastructurelle » n’ont pas enrayé l’organisation traditionnelle en la matière. D’ailleurs,
J.P Chauveau, dira que le contact européen ne doit pas être perçu
« comme un phénomène linéaire et massif » car « les emprunts furent sélectifs » s’agissant
des outils et des techniques; « la dépendance technique la plus forte (…) fut au contraire
celle des activités européennes à l’égard des techniques africaines ».
Les activités demeurèrent assez centrées sur la pêche et le commerce jusqu’à ce que
débutât un autre type de trafic : la traite négrière à partir du XVIe siècle (que nous
n’inclurons pas dans ce travail quoique appartenant à l’ère précoloniale).
En guise de conclusion de cette première partie, et sur la base d’une démarche beaucoup plus
descriptive/déductive, il est nécessaire d’observer que les habitants des sociétés Ouest-
atlantiques avaient depuis toujours conscience que la mer au-delà de toute considération
superstitieuse ou non (présente alors chez tous les peuples de la terre) présentait un
intérêt presqu’aussi grand que toute autre activité quelconque. De quelle conscience est
née une culture maritime adaptée à leur époque et besoins. En effet, nous avons pu
déceler essentiellement les points forts de leurs stratégies maritimes : comment, quand
usaient-ils de la mer et à quelle proportion selon les régions. Cette lecture géopolitique
devrait pourtant nous permettre d’en dire plus de nos jours, si rien n’en obstrue l’évolution.
Dès la fin du 19e siècle, certains États de la rive atlantique accèdent à l’indépendance
(Afrique du Sud, 1910). Mais c’est surtout après l’ère coloniale que la totalité des États de
l’Afrique atlantique émergent et accèdent à la souveraineté internationale (dès le début
des années soixante). Le Maroc qui connaitra le protectorat aura son indépendance
plus tôt en 1956. La nécessité d’une réorganisation à l’échelle mondiale des rapports
interétatiques réhabilitera plus ou moins une pratique maritime « noble ». Entre-temps, la
donne a changé, on ne parle plus de grandes sociétés, mais des Etats indépendants furet-
ils géographiquement plus petits. Dès lors, commencera un long périple de tentatives de
maritimisation « moderne » des économies étatiques à travers une série de conventions
internationales28 et d’initiatives individuelle ou collective29 (Didier Ogoulat : 22). Mais force
aujourd’hui est de constater que depuis, les choses n’ont pas beaucoup évolué en matière
de développement des activités maritimes. Quelques bons résultats peuvent être notés
au Maroc, au Nigeria et en Afrique du Sud et même dans les États du Golfe de Guinée,
mais dans l’ensemble, on peine encore à répondre conséquemment à la richesse des eaux
et des rives de l’Atlantique. C’est sur cette base, qu’après avoir distinctement démontré
la culture maritime des peuples de la façade atlantique, nous voulons questionner cette
dernière à l’aune du contexte actuel. La pratique maritime peut- elle toujours répondre
aux exigences actuelles ? Et que peut-on en déduire (quel rôle a-t-elle et peut-elle encore
jouer ?) ? De ces questions, nous n’envisageons pas revenir sur le débat du : puisque
« pas de culture maritime historique », alors « pas d’évolution maritime moderne » d’où
« pays riche/populations pauvres ». Non, car le faire, rendra vaines nos tentatives des
précédents chapitres. Nous souhaitons tout au contraire montrer si oui ou non, lesdites
traditions doivent, peuvent-elles encore s’appliquer à la gestion actuelle de l’Océan
mondial.
Nous venons de le dire, les Etats de l’Afrique atlantique doivent plus que jamais procéder
à des réformes structurelle et infrastructurelle pour intégrer leur économie à travers une
exploitation conséquente de leurs riches ressources. En effet, l’Afrique atlantique présente
une densité de produits selon les régions. La zone du Nord avec un étendu côtier d’environ
3500 km présente une richesse halieutique incontestable. Selon la FAO 2013, le Maroc
regorge d’un potentiel halieutique dont la prise est estimée à plus de 1,5 million de tonnes
par an, le Royaume étant à cet effet, le premier producteur en Afrique de poissons et de
fruits de mer. La zone Ouest-Centre qui correspond au Golf de Guinée est qualifiée de
« scandale géographique » en raison de la diversité des ressources qu’elle présente avec
sensiblement 24 milliards de barils de réserve d’hydrocarbures, de riches gisements de
gaz principalement au Nigeria, au Ghana et au Gabon, la sous-région ayant en outre la
deuxième grande richesse halieutique estimée à plus d’un million de tonnes par an. Au
Sud, en Namibie et précisément en Afrique du Sud, les réserves prouvées de pétrole et
de gaz naturel sont à l’heure actuelle très limitées, mais le pays est tout aussi riche des
produits halieutiques (chinchards, merlu, sardines). De ce fait, et à l’exception du Maroc,
du Nigeria, de l’Afrique du Sud et dans une moindre mesure l’Angola, qui avec beaucoup
d’efforts parviennent à « fortement » industrialiser l’activité, la pêche dans l’ensemble est
encore en grande partie, une affaire artisanale à laquelle s’attachent -et surtout de façon
illicite- les petites habitudes côtières d’hier (Rapport du FAO. 2013). Si bien que lorsque,
qu’ils font leurs pas dans l’industrie moderne, plusieurs États principalement du Golfe de
Guinée ont recours aux flottilles européennes et asiatiques au terme des accords souvent
peu adaptés aux contextes locaux et où l’absence d’autorité de contrôle donne parfois lieu
à des « abus » d’exploitation.
Une hypothèse qui maintient la question des capacités portuaires, élément indispensable
au développement du commerce. Effectivement, après l’ère des comptoirs, les foyers
d’autrefois « dynamiques » doivent maintenant constituer de véritables ports. Et ici aussi,
seuls quelques Etats, dont le Maroc (surtout), l’Afrique du Sud, et quelque peu le Nigeria,
présentent à ce jour une nette amélioration de la performance portuaire. Le reste de
leurs voisins de l’Ouest et du Centre concentre encore de faibles indices de EVP30 et les
infrastructures receveuses (le terminal).
Pour autant, il ne suffit plus d’avoir un port, et cela d’autant plus que les réformes d’entretien
et d’exploitation portuaires sont devenues de plus en plus difficiles. Alors qu’autre fois
elles servaient souvent à améliorer la productivité dans un contexte strictement national.
(30). Equivalent de Vingt Pieds; Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, réunion des experts
sur l’évaluation des résultats en matière de gestion portuaire. 2 décembre 2012
D’autres aspects d’ordre économique peuvent être relevés pour montrer non pas
l’incapacité, mais la difficulté de plusieurs sinon tous les pays de l’Afrique atlantique
à explorer, exploiter, gérer et conserver leurs différentes zones maritimes surtout à
partir de la ZEE (zone économique exclusive) jusqu’au plateau continental. Mais nous
ne saurons aller plus loin dans le cadre de ce travail synthétique. Cependant, cela aura
suffi pour comprendre (au-delà de la pêche) que ni la pirogue, ni les pagaies, pas même
les impressionnants filets qui jusqu’alors capturent encore des poissons ne peuvent
permettre d’exploiter les ressources naturelles non biologiques des fonds marins et des
sous-sols. La production d’énergie, des réseaux de télécommunication et autres enjeux
économiques et logistiques aujourd’hui ont révolutionné les relations avec la mer.
Alors que 90% du commerce mondial se fait par la voie maritime, celle-ci ne garantit
pourtant pas un transport sans inconvénients. Au quotidien, la production et le transport
des hydrocarbures notamment sont soumis au risque de collision, aux catastrophes
naturelles et aux aléas météorologiques, causant des pertes humaines, des pertes de
marchandises et des arrêts de production. A ces accidents s’ajoute le risque de piraterie,
toujours présent dans les espaces stratégiques (Golf, canal, et détroit). Sur l’ensemble
de la façade, les pays du Golfe de Guinée, sont les plus touchés. Les pôles Nord et Sud
semblent mieux gérés avec le concours de certains pays développés partenaires. La
question a pris une autre tournure suite au détournement d’un pétrolier français dans
les eaux ivoiriennes en 2012. Dès lors, le Golfe de Guinée véritable « zone utile » et haut
lieu de la production de pétrole on shore /offshore affiche un coût de piraterie annuel
d’environ 20 millions/an, sachant qu’en général, la rançon réclamée pour libérer un navire
pétrolier s’élève à 5 M €. En outre, la zone est de plus en plus en proie au vandalisme
et pillage de proximité voire aux ports, une conséquence des frustrations interne (delta
du Niger) ou d’actes illicites étrangers (les pêcheurs clandestins chinois aux larges du
Gabon). Entre-temps, les tensions relatives à la délimitation des frontières subsistent
pendant que l’instabilité politique de certains états riverains alimente cet état d’insécurité.
Fort de cela, l’océan au même titre que les terres devient invraisemblablement un espace à
Sécurise. De ce fait, l’analyse des risques maritimes, la conception puis le développement
Tant bien que mal, l’ouest et le Centre dans leur retard chercheront encore à constituer
une marine à même de protéger les ressources pétrolières et/ou halieutiques nationales
en se faisant livrer des patrouilleurs océaniques ou côtiers. Après l’URSS (en 80,90),
ils bénéficient de la manne chinoise qui renforcera les marines du Ghana, du Congo, de
l’Angola et de la Namibie. Quant au Sénégal, Guinée, Bénin, Gabon, Cameroun, et Mauritanie,
ces derniers se tournent vers leurs fournisseurs occidentaux habituels pour l’acquisition
de vedettes : des patrouilleurs français Grèbe et Rieuse (Cameroun, Gabon), Conejera
(Espagne) des sous-marins allemands de type 209/1400 (Mauritanie), des engins de
débarquement au Sénégal (Sabre) et des frégates du type Meko A200 (Mauritanie).
Au Sud, l’Afrique du Sud doit tarder à renouveler ses patrouilleurs faute de moyens
budgétaires, ainsi contraint de prolonger ses 3 derniers patrouilleurs du type Reshef.
De même, elle doit retarder son projet d’acquisition d’un grand bâtiment amphibie et d’un
nouveau pétrolier-ravitailleur. Par ailleurs, ces patrouilleurs océaniques des garde-côtes
(et les 3 unités du type Stan Patrol 4708), assurent encore la protection des Côtes
(Bernard Prézlin 2012).
Quant au Maroc, mieux loti dans le domaine, le pays modernise et renforce sa flotte
avec l’acquisition de grands et puissants bâtiments. La mise en service en 2013 de la
frégate Mohammed VI du type FREMM français lui conférera une puissance de feu. Les
trois corvettes du type Sigma néerlandaises (2011 et 2012) le Bir Anzarane construit en
France, l’acquisition de sous-marins type 209/1200 allemand ou S1000 russo-italien
serait par ailleurs envisagée (B. Prézlin, ‘Flottes de Combat’ 2012).
Ces quelques exemples constituent les nouveaux moyens de défense et de protection pris
individuellement par chaque pays. La mise en exécution est aussi une question de bonne
politique sécuritaire (formation et stratégie) que la région doit entreprendre collectivement
ou non. Là aussi, la région n’est pas suffisamment représentative ou dominante pour
pouvoir elle-même défendre ses intérêts, car la sécurité n’est pas seulement mise en
branle par les éléments plus ou moins internes ou continentaux, mais la zone est aussi
sous le collimateur des grandes puissances (européennes, américaines et asiatiques) du
fait de ses ressources. Une partie que ne peut jouer la culture maritime historique de la
région : elle n’en a tout simplement plus les moyens, pas même avec les corsaires du nord.
Qu’est-il donc besoin d’aller plus loin, l’héritage maritime n’a tout simplement plus droit
de cité, ici où la modernité et l’ultra performance font la loi, où surtout la conscience
élémentaire a cédé aux caprices de « la réalité complexe » et où les pratiques sont le
résultat des jeux économiques, géopolitiques et géostratégiques . Dès lors, plus qu’une
simple hypothèse, les traditions maritimes qui jusqu’alors font toujours la part belle de
nos chers paysans sont tout simplement plus « capables » de répondre aux exigences
actuelles. Ont-elles contribué au paradoxe que nous avons signalé dès l’introduction ?
Nous dirons oui et non; non parce que les peuples de la façade se sont intéressés à la
mer -c’est une affirmation dès à présent-, ils ont développé une culture maritime presque
similaire dans toute la façade, et comme dans le reste du monde, celle-ci était organisée
en fonction du contexte et des besoins. Elle était donc appelée à évoluer. Bien d’aléas ont
perturbé cette évolution dans le temps, d’autres ont contraint une « forme de progrès »
qui sortait du contexte régional, si bien qu’il y ai eu presque des « retours à la case départ»
(Ogoulat Didier 1998; J.P Chauveau 1986). Le oui, parce que les Africains n’ont pas su
puiser dans leurs traditions, des aspects susceptibles de faciliter leur maritimisation. Au
contraire, certains en ont fait perdurer dans le temps, sans même réussir à les intégrer
dans une vision générale et organisée, (à défaut de les exploiter). Ainsi les traditions-
maritimes ou non- restent ceux qu’elles sont : une preuve d’antériorité et une base forte
pour qui sait les exploiter et réévaluer.
Fort de ces observations, les grands défis de la région atlantique, sont également
l’occasion pour celle-ci de développer une politique commune de développement : l’«
intégration stratégique et économique afro-atlantique ». Des termes, sans prétention
aucune, qui veulent tout simplement poser la nécessité de coopération au regard du
contexte actuel. Du Maroc à l’Afrique du Sud, la question de coopérer présente un double
enjeu : économique et stratégique.
2
Pierre ADIMI33
Introduction
Pour mieux appréhender le sujet, nous nous interrogerons d’abord sur le contexte et les
formes de la criminalité transnationale en Afrique de l’Ouest; ensuite sur les enjeux et
les acteurs de ce phénomène en Afrique de l’ouest. Comment peuvent s’articuler au plan
national et régional les stratégies pour une lutte efficace et efficiente contre ce phénomène
criminogène transfrontalier en Afrique de l’ouest ? Telle sera aussi la principale question
prospective qui mènera le débat vers des solutions concrètes.
Cette étude nous permettra de mettre en évidence d’abord (I) la synergie des facteurs
élevant la bannière de la criminalité transfrontalière en Afrique de l’ouest. Il sera aussi
question ici de déterminer les impacts multidimensionnels de la criminalité transnationale
sur les États de la région. Et puis dans un second temps, (II) déterminer le cadre juridique
et politique infranational et multilatéral de lutte contre ce phénomène de la criminalité.
Au terme de cette définition, nous retiendrons dans un premier temps, un certain nombre
d’infractions de nature criminelle qui élève l’étendard de la criminalité transnationale en
Afrique de l’ouest. Puis dans un second temps, nous démontrerons que ce phénomène
est avant tout le résultat d’une gouvernance défaillante des Etats de la région et
déterminerons enfin ses acteurs multiples.
Plusieurs produits illicites faisant objet de trafic en Afrique de l’ouest peuvent être
regroupés dans cette catégorie à savoir la cocaïne, héroïne et l’amphétamine. D’abord,
la cocaïne qui provient essentiellement de l’Amérique latine notamment de la Colombie,
le Pérou et la Bolivie (Luntumbue, 2012), trouve en Afrique de l’Ouest des conditions
particulièrement favorables au transit.
On estime que plus de 50 tonnes de cocaïne transitent chaque année par l’Afrique de
l’ouest vers les villes européennes, où leur revente atteint une valeur de près de 2 milliards
de dollars (ONU, 2013).
(34). La Résolution 55/25 de l’Assemblée générale du 15 novembre 2000 de l’ONU Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée de 2001 (article 2, alinéas 1) fait un éclairage sur le sens qu’il faut donner à la criminalité
transnationale organisée en ces termes : « un “groupe criminel organisé” désigne un groupe structuré de trois personnes ou
plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves
ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage
financier ou un autre avantage matériel ».
(35). Selon l’ONUDC, le trafic de cocaïne transitant par l’Afrique de l’Ouest a connu une hausse significative ces dernières
années, passant de 3 tonnes environ en 2004 à 47 tonnes en 2007, avant de baisser à 18 tonnes en 2010.
Il faut noter ici que la baisse observée sur ce tableau peut être liée à une modification
des modes opératoires des trafiquants, rendant plus malaisé la détection d’une partie du
trafic.
Le tableau suivant montre les principales localisations des saisies effectuées de 2004 à
2011 en Afrique de l’ouest incluant aussi le Maroc.
Source : Base de données sur les saisies individuelles de drogue ( ONUDC ), et Bureaux régionaux et
nationaux de l’ONUDC
Outre la montée du trafic de cocaïne, on constate une évidente augmentation des volumes
d’héroïne faisant aussi l’objet d’activités illicites qui transitent par l’Afrique de l’Ouest.
Le trafic d’arme est aussi une autre menace grandissante pour la paix et la sécurité dans
la région, entravant ainsi son développement.
Après la Guerre froide, il y eut une période où l’Afrique de l’Ouest recevait des tonnes
d’armes de provenance extérieure. Pour l’essentiel, cette époque a pris fin, dans la mesure
où l’offre régionale suffit désormais à satisfaire la demande locale. Par ailleurs, le nombre
(36). États-membres de la CEDEAO : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte-d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée-
Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. A l’exception du Sénégal, tous les Etats de la région ont déjà
connu un ou plusieurs coups d’Etat militaires depuis leur indépendance.
Les armes légères et de petit calibre (ALPC) issues de différents conflits qui ont touché
la sous-région au cours de la dernière décennie circulent sans entraves en Afrique de
l’Ouest. Initialement un grand nombre de ces armes sont issues des stocks accumulés
pendant la période de la Guerre froide, auxquels s’ajoutent aujourd’hui d’autres filières
de production locale, dont la production artisanale. On estime à 100 millions environ le
nombre d’armes illicites en circulation en Afrique sub-saharienne, dont 8 à 10 millions
d’armes pour la sous-région ouest-africaine (Luntumbue, 2012).
L’augmentation du trafic d’armes dans la région ces dernières années permet à des
groupes tels que le MNLA, AQMI, Ansar Dine etc… de développer des capacités militaires
suffisantes pour défier les armées régulières (OCDE, 2013).
Chaque année, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont victimes de la traite
des personnes dans leur pays ou à l’étranger. Par la contrainte, la duperie ou la force, ils
sont exploités pour leur force de travail, pour le sexe ou pour leurs organes. Presque tous
les États sont touchés par ce crime contre l’humanité, soit comme pays d’origine, de transit
ou de destination des victimes. La traite des êtres humains peut être une entreprise
lucrative et les responsables sont souvent liés à la criminalité organisée. Pourtant, la
traite affectant généralement des individus en marge de la société, peu de ces trafiquants
sont jugés et la plupart des victimes ne seront probablement jamais identifiées et aidées.
A côté de cette traite des personnes, il faut mentionner aussi un autre trafic illicite que
condamnent un certain nombre d’instruments juridiques internationaux.
Les instruments juridiques internationaux opèrent une distinction entre la traite des êtres
humains et le trafic illicite de migrants. L’une des différences principales entre les deux
crimes réside dans l’absence de consentement et la contrainte exercée sur les victimes de
la traite. Les deux formes de criminalité se distinguent également par la nature de leurs
bénéfices : dans le cas du trafic de migrants, les bénéfices sont tirés du transport et de la
facilitation de l’entrée illégale ou le séjour des personnes dans un autre pays, tandis que
dans le cas de la traite, les bénéfices sont tirés de l’exploitation des victimes (Luntumbue,
2012).
Le trafic illicite de migrants par terre, mer et air désigne le fait « d’assurer, afin d’en tirer,
directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel,
l’entrée illégale dans un État Partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un
résident permanent de cet État » (Luntumbue, 2012).
La région ouest africaine connait une criminalité maritime endémique, qui a longtemps plus
relevé d’un phénomène de subsistance des populations locales que d’un trafic organisé de
portée plus large. Elle représente l’une des trois zones de piraterie dans le monde avec le
Golfe d’Aden et le Sud –Est asiatique.
En 2011, on a recensé 22 attaques au Bénin, pays jusqu’alors relativement épargné par les
actes de piraterie commis en permanence au large de Lagos, la capitale nigériane, située
à quelques kilomètres à peine des côtes béninoises. Les attaques ont cependant cessé
aussi rapidement qu’elles sont survenues, et on n’en a signalé que deux depuis le début
de 2012 dans les eaux du Bénin. En revanche, entre janvier et mi-septembre 2012, on a
enregistré 18 attaques similaires au Togo, lors d’une vague d’attaques d’une ampleur sans
précédent. Dans le même temps, les attaques dirigées contre des pétroliers ont inspiré
de nombreux vols dans des eaux jusqu’alors réputées sûres (NTUDA EBODE, 2014).
L’une des grandes voies d’accès de la drogue en Europe passe par l’Afrique, principalement
via des pays plus à l’Ouest que le cœur du Golfe de Guinée. L’Office des Nations unies
contre la drogue et le crime estime que vingt à quarante tonnes de cocaïne, pour un
coût de 600 millions de dollars, transitent chaque année par le Golfe de Guinée à
destination de l’Europe. Ce type de trafic charrie de telles sommes d’argent que le risque
de déstabilisation (on le voit en Guinée Bissau) est particulièrement élevé.
En effet le talon d’Achille des États ouest africains de la bande sahélo-saharien est
plus que jamais notamment leur incapacité à marquer leur présence et à véritablement
assurer les fonctions régaliennes qui sont les leurs sur l’ensemble de leur territoire.
Les cas malien et nigérien de ces dernières années constituent des exemples suffisamment
éloquents de l’ampleur du terrorisme dans la région et ses capacités déstabilisatrices
Ils cristallisent en effet tous les problèmes et la vulnérabilité structurelle d’États fragiles
face à la montée de la menace terroriste, dans un contexte où les effets de contagion de la
violence transfrontalière se propagent à cause de la déliquescence alarmante du pouvoir
régalien d’États faibles.
Le cas malien est aussi la métaphore alarmante d’une condition collective, celle d’États
vulnérables qui peinent à se hisser à la hauteur du défi majeur de l’époque: la construction
d’États forts capables de contrôler l’usage de la violence et contenir décisivement des
groupes terroristes en compétition avec les Etats pour le contrôle de l’exercice de la
violence armée (Kigbafori Soso, 2013).
« Ces pouvoirs centraux ne disposent pas ainsi de relais suffisamment denses pour
assurer, en permanence et durablement, les fonctions régaliennes de l’Etat dans les zones
périphériques ». Cette situation crée de fait des velléités indépendantistes de populations
qui sont « déconnectées » du pouvoir central et l’instauration de territoire sous leur
contrôle (l’Organisation International de la Francophonie, 2011).
La circulation des armes profite de la porosité des frontières qui complique sérieusement
les initiatives de désarmement. Ces frontières facilitent la présence de réseaux
transfrontaliers illégaux et les renforcent dans leurs activités comme le trafic de drogue
et la traite des êtres humains. L’existence de groupes armés échappant au contrôle d’un
État compromet la conduite des affaires publiques, l’état de droit et la sécurité au sens
large (UNIDIR, 2008).
La faiblesse des institutions publiques est une évidence dans de nombreux pays
d’Afrique subsaharienne. Les raisons de cette faiblesse sont multiples : ressources
publiques limitées, corruption, manque d’organisation et de conception, attitudes et
comportement des élites dirigeantes. Chacun de ces problèmes favorise et encourage
l’activité des trafiquants de drogue, et ceci, à plusieurs niveaux. Les ressources limitées
ne permettent pas aux États de faire face à leurs fonctions élémentaires, en cela compris
la surveillance et le contrôle douanier (qui exige des équipements techniques aussi
sophistiqués qu’onéreux), la réglementation des activités commerciales, l’application de
la loi, les opérations de police et le maintien du monopole national de la violence à des
niveaux élevés dans de nombreux territoires relevant de la juridiction de certains États
africains. Cette faiblesse des ressources disponibles pour l’État se traduit également par
des salaires très bas, ce qui peut inciter les fonctionnaires et les agents chargés de la
loi à accepter les pots-de-vin et toute autre forme de compensation. En contrepartie, les
trafiquants continuent leurs activités illicites et achètent ainsi leur impunité. Dans les plus
hautes sphères de l’État, la corruption est encouragée par une conception patrimoniale
de l’État, très largement réservée aux élites dirigeantes, habituées depuis des générations
à gérer les ressources de l’État et les ressources naturelles du pays, comme s’il s’agissait
des leurs. Une tendance qui est également accrue par la profonde politisation de la
fonction judiciaire et des forces de police. Ces effets dévastateurs ont été mis en exergue
dans les pays où les hautes sphères politiciennes et militaires ont autorisé, voire soutenu,
les trafics illicites, en allant même parfois jusqu’à exercer le leadership sur ces activités.
Avec des frontières poreuses et des centaines de kilomètres de côtes non surveillées,
un système judiciaire affaibli, la corruption, le taux élevé de chômage chez les jeunes, et
d’autres défis sociaux ont rendu la Guinée-Bissau vulnérable au trafic de drogue, et ces
derniers temps avec une hausse du taux de criminalité. Qualifiée de « narco-Etat », la
Guinée Bissau présente des failles multidimensionnelles qui favorisent l’implantation et
l’implication des trafiquants de drogue au sommet de l’Etat.
A ce titre, en 2013, deux hauts gradés de l’armée Bissau- guinéenne ont été arrêtés
par l’agence américaine anti-drogue aux larges des côtes bissau-guinéennes. Il s’agit
du lieutenant-général Antonio Indjai, chef d’état-major des armées, et le contre-amiral
Bubo Na Tchuto, ex-chef de la marine. Le chef d’état-major des armées a été arrêté pour
« implication dans le trafic de drogue et la vente d’armes dont des missiles sol-air et qu’il
négociait avec ceux qu’il a pris pour des membres des FARC venus de Colombie. Nous
n’avons pas demandé l’aide de la Guinée-Bissau car nous considérons ce pays comme un
narco-État et les États-Unis ne collaborent pas avec ces États37».
Bubo Na Tchuto quant à lui est accusé d’être impliqué dans le narcoterrorisme, d’avoir
comploté en vue d’importer des stupéfiants aux États-Unis et d’apporter un soutien
aux Forces armées révolutionnaires de Colombie -considérées comme une organisation
terroriste-. Pour l’agence américaine anti-drogue, l’arrestation de ces hauts gradés de
l’armée décrédibilise tout le pays : « La Guinée-Bissau est un Etat trafiquant de drogue. Les
autorités sont impliquées dans des activités terroristes. Ces gens-là sont des terroristes.
Ils veulent s’en prendre aux Etats-Unis et à ses voisins. Ils ont perdu toute crédibilité 38».
Dans de nombreux d’autres États de l’Afrique de l’ouest, des autorités politiques sont
aussi impliquées dans ce phénomène où l’argent de la drogue finance des élections. Ainsi,
pendant les élections parlementaires et présidentielles de 2008, l’argent de la drogue
finançait certains acteurs politiques importants, y compris au moins l’un des principaux
candidats à la présidence de la République. Raymond Kwame Amankwah, un trafiquant
de drogue ghanéen tristement célèbre qui purge actuellement une peine de 14 ans de
prison pour trafic de drogue au Centre de détention provisoire de Caucaia au Brésil, est
réputé avoir été un important bailleur de fonds du New Patriotic Party (NPP) alors au
pouvoir39.
Nous allons ici distinguer les acteurs locaux organisés en réseaux et les groupes insurgés
qui opèrent sous la bannière de revendications indépendantistes et djihadistes.
En ce qui concerne les réseaux locaux, les premiers exemples les plus significatifs des
groupes de trafiquants locaux en Afrique subsaharienne concernant les réseaux criminels
nigérians, qui allaient servir de modèles aux autres groupes similaires, notamment au
Ghana, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Ils se distinguent par leur petite taille, leur flexibilité
et la fragmentation en cellules de 10 membres au plus. Chaque membre apportant au
groupe des compétences spécifiques (IEEE, 2014).
(37). Information Publiée le 25-04-2013, par la Radio France Internationale sur : « Narco terrorisme: la Guinée-Bissau dans
le collimateur des Etats-Unis ».
(38). Ibid.
(39). Lansana Gberie, op. cit. p. 16.
Figure 3 : Nationalité des ressortissants étrangers arrêtés en Suisse pour trafic de cocaïne,
2011 (UNIDC, 2013).
Nous nous limiterons sur les aspects politiques (cas de la Guinée Bissau), économiques
(cas du Bénin) et état de droit dans l’analyse de l’impact que peut avoir la criminalité
organisée en Afrique de l’ouest.
Elles ont longtemps été cantonnées aux côtes du Nigeria mais elles se sont étendues
aux pays voisins, le Nigeria en restant l’épicentre. En outre, il arrive fréquemment que les
navires capturés soient « relâchés » assez loin du lieu de l’attaque initiale. Par exemple,
en janvier 2014, un pétrolier a été détourné aux abords de Luanda en Angola et « relâché
» au large du Nigeria neuf jours plus tard, délesté de 13 000 tonnes de gazole et de
diverses marchandises qui étaient à son bord. Cette piraterie fait peser une pression
sécuritaire sur les États de la région.
La montée de la piraterie maritime dans le golfe de Guinée est à l’évidence une menace
pour les économies des pays riverains, qui dépendent des activités portuaires pour leurs
exportations ou leurs approvisionnements extérieurs.
La principale préoccupation des pays de la région tient non pas aux pertes directes
découlant des actes de piraterie, mais à l’impact de ces pertes sur les taux d’assurance
Pour le Bénin, ces actes de piraterie aux larges de ses côtes pourraient se traduire par la
désertion d’un grand nombre de navires vers les ports les plus sécurisés ce qui serait très
préjudiciable pour ce pays qui dépend essentiellement des activités du port de Cotonou.
Quelles sont les actions entreprises par les États de la région (A) ? Et quelles sont les
conditions supra et infranationales nécessaires pour une lutte efficace (B) ?
légères et de petit calibre (1), les mesures contre la traite des êtres humains (2) et le plan
de lutte régionale contre la piraterie maritime sur lesquelles il convient de revenir.
Les États s’engagent par ailleurs à établir une liste exhaustive des producteurs locaux
d’ALPC et à procéder à leur enregistrement dans les registres nationaux d’armes, ainsi qu’à
transmettre les données sur les types d’armes, la quantité et leur production annuelle au
Secrétaire exécutif de la CEDEAO. La Convention interdit en principe la détention, l’usage
et le commerce des armes par les civils, mais pose le principe d’une licence pour encadrer
la détention individuelle d’une ou plusieurs armes de petit calibre et leurs munitions, en
conformité avec la législation nationale de chaque État membre (Luntumbue, 2012).
L’ONUDC participe activement à I-Map, un programme créé pour faciliter les échanges
d’informations et d’analyses portant sur les flux migratoires, dans le but de soutenir les
efforts de lutte contre le trafic de migrants aux niveaux international, régional et sous-
régional en Afrique, au Proche-Orient et en Europe. L’ONUDC soutient également les
Etats en Afrique de l’Ouest et du Nord dans leur mise en œuvre du Protocole sur le trafic
de migrant, grâce au Programme Impact.
Dépassés et pris de court par l’amplitude de la piraterie maritime aux larges des côtes
ouest africaines, la lutte contre le phénomène devenait alors mission impossible pour
les États de la région. Cette situation explique la très forte implication des partenaires
étatiques européens et notamment l’Union Européenne. Pour accompagner les Etats de
la région à lutter contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée.
A ce titre, le dispositif opérationnel et juridique actuel qui fait office de cadre de lutte
contre la piraterie est interrégional, couvrant en même temps que l’Afrique de l’ouest,
l’Afrique centrale qui partage le Golfe de Guinée.
Soutenue par les Nations-Unies, une initiative régionale a pris corps avec le sommet
de Yaoundé en juin 2013. Regroupant les pays du golfe de Guinée, la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique
des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Commission du golfe de Guinée (CGG), les
chefs d’Etat ont adopté :
Malgré des efforts pour améliorer la transparence et la reddition de comptes sur l’ensemble
du continent, la lutte contre la corruption en Afrique subsaharienne régresse depuis dix
ans, selon les Indicateurs mondiaux de gouvernance (WGI) de 2013 développés par la
Banque mondiale. À l’exception de l’Afrique du Sud et du Botswana, l’Afrique subsaharienne
a affiché le plus faible pourcentage mondial de contrôle de la corruption. Les Etats de
l’Afrique de l’ouest ne font pas exception en matière de la corruption endémique qui sévit
sur le continent.
«La corruption permet de perpétuer le régime et une de leurs méthodes pour y arriver
consiste à acheter des voix, ce qui nuit vraiment à la qualité de la démocratie», un
gouvernement considéré comme corrompu ne jouissait pas de la confiance des gens,
souvent réduits au silence ou ignorés lorsqu’ils dénoncent la corruption. Comme
les pauvres ont davantage besoin des services publics, ils consacrent un plus grand
pourcentage de leurs revenus au versement de pots-de-vin aux fonctionnaires, y compris
aux directeurs d’école. La corruption aggrave la pauvreté des plus vulnérables. Au Sierra
Leone, 69% de la population pensent que la police est corrompue et ce chiffre atteint 78%
au Nigeria.
Cette corruption structurelle érigée en pratique « légale » et « acceptée » exclu de facto une
frange de la population qui livrée à elle-même et sans perspective socio professionnelle
rompt le contrat social et se livre à des actes de désobéissances civiles, rébellions, de
délinquance, et pour finir, à la criminalité contre les autorités étatiques.
Et donc par nature, la bonne gouvernance repose sur la démocratie libérale et l’Etat
de droit, suppose un Etat libéral, c’est-à-dire un Etat qui se désengage au maximum
possible au profit de l’initiative privée. Ce désengagement est opéré par rapport au
secteur économique, voire même, également, par rapport aux secteurs dits sociaux.
Cet Etat minimal se cantonne ainsi dans le cadre réduit de ses fonctions régaliennes, à
savoir la justice, la diplomatie, la sécurité intérieure et la défense de l’intégrité du territoire
(JAUME, 2014).
Les secteurs ainsi libérés le sont au profit des privés, lesquels, soumis à un libre jeu des
forces du marché, se livrent une concurrence loyale et saine. Les conditions sont ainsi
réunies pour l’épanouissement du secteur privé, lequel est unanimement reconnu comme
le moteur de la croissance et du développement économiques.
Ce « moins d’Etat » ne signifie cependant pas un Etat faible ou sans autorité, incapable
de résister aux forces du marché et à leurs effets pervers qui se traduisent par le
développement de la pauvreté et des inégalités sociales. Outre ses fonctions régaliennes
susmentionnées, cet Etat intervient par des mesures correctives (de type fiscal ou autres)
aux fins de remédier à ces déséquilibres sociaux générés par le jeu aveugle des forces du
marché et empêcher ainsi le mal développement.
Délesté de secteurs désormais gérés par le privé, l’Etat se trouve plus à même de
s’acquitter correctement de ses missions régaliennes et, éventuellement, de bien gérer
les secteurs sociaux encore à sa charge. Le « moins d’Etat » est ainsi instauré en vue
d’un « mieux d’Etat ». Cet Etat minimal contribue à instaurer un environnement incitatif au
travail et à l’initiative privée.
L’ONU définit l’état de droit comme « un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble
des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-
même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de
façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec
les règles et normes internationales en matière de droits de l’Homme » (ONU, 2004).
Cependant, malgré toutes les mesures mises en place à l’échelle nationale et supra-
nationale afin de déjouer la criminalité organisée, les inquiétudes augmentent dans la
région et au-delà, ce qui témoigne des résultats limités qu’on eut les efforts déployés
jusqu’à présent pour faire face à ces menaces. Les craintes concernant la criminalisation
de la politique, par exemple, ne se sont pas dissipées.
Si des acteurs politiques sont fortement impliqués dans ces trafics, cela révèle l’état des
institutions politiques des pays dont la déliquescence ne profite qu’aux trafiquants qui
profitent donc de l’impunité et la corruption généralisées de l’appareil étatique.
3
Mohcine KARZAZI41
Introduction
La spoliation des ressources et des richesses africaines est menée par des puissances
extra-africaines selon des stratégies englobant à la fois des actions de la force
coercitive militaire /hard power et des actions d’influence intelligente visant l’obtention
de ce que l’on veut par l’attraction/soft ou smart power. L’Afrique devient même un lieu
de collision entre les grandes puissances et les pays émergents, un objet de convoitise
et de prédation illicite42.
(41). Docteur en Relations Internationales, Université Abdelmalek ESSAADI Tanger, Faculté des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales ; Chercheur associé à l’Observatoire d’Etudes Méditerranéennes Tanger.
(42). D’une part, les Etats-Unis et l’Union Européenne dont la France est le fer de lance, d’autre part, les nouvelles
puissances planétaires que sont désormais la Chine, l’Inde, la Russie regroupés avec d’autres au sein des BRICS.
De même, l’emploi45 dans ce secteur connaissant une croissance rapide du fait que le
poisson reste l’un des produits alimentaires les plus échangés à l’échelle mondiale.
Dans cette optique, toute action se doit d’être en faveur d’une pêche et d’une aquaculture
responsables ne se devant pas s’arrêter aux aspects économiques mais, selon Mr. José
Graziano da Silva, directeur général de la FAO, de « veiller à la convergence du bien-être
environnemental et du bien-être humain car la santé de notre planète tout comme notre
propre santé et notre sécurité alimentaire future dépendent de la manière dont nous
traitons le monde aquatique ». Il y a donc nécessité vitale d’assurer une gestion éco-
systémique généralisée et une meilleure gouvernance du secteur.
66 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
• Les pratiques de pêche préjudiciables et la question des déperditions.
C’est pourquoi, outre le pillage systématique des richesses minières, des matières
premières du sol et du sous-sol de l’Afrique, outre l’accaparement de ses terres
fertiles, les ressources halieutiques46 africaines, subissent le ravage de la surpêche,
de la surexploitation industrielle européenne ou asiatique et surtout sont victimes de
la présence quasi-permanente et saccageuse de la pêche illicite, non déclarée et non
réglementée (Pêche INN)47 dans les eaux poissonneuses de la façade maritime atlantique
de l’Afrique de l’ouest et du golfe de Guinée48.
La pêche artisanale, activité à forte intensité de main-d’œuvre, est très prégnante dans
nombre de ces pays. Partie intégrante de leurs économies, elle participe sans conteste
de la structuration de la vie socio-économique. On évaluerait, en Afrique occidentale,
subsaharienne et golfe de Guinée entre 6 et 9 millions le nombre de personnes travaillant
à temps partiel ou à temps complet dans le domaine de la pêche et à quelque 30 à
45 millions de personnes tributaires de cette activité pour leur subsistance sans que
pour autant, leur sécurité alimentaire soit assurée. Les femmes sont également très
(46). Les zones marines et côtières de l’Afrique de l’Ouest, de la Mauritanie et du golfe de Guinée sont parmi les plus
poissonneuses du monde car bénéficiant de conditions climatiques et écologiques exceptionnelles.
Ces eaux maritimes, sous l’effet du phénomène connu sous le nom d’ « upwelling » causé par des alizés soufflant du continent
vers le large et repoussant les eaux de surface
provoquant la résurgence d’eaux profondes froides, ont une grande productivité biologique du fait de la remontée des eaux
profondes riches en nutriments à la base de la chaîne alimentaire marine.
(47). La première utilisation de l’expression « pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INN) » a été attribuée à
la session de 1997 de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (CCAMLR) où
elle est apparue dans les débats concernant les activités de pêche non conformes (illégales, non déclarées, illégales et non
réglementées). Le texte est disponible à : www.fao.org ; Voir aussi, W. Edeson, « Tools to adress IUU Fishing : The Current
Legal Situation » at : www.fao.org.
(48). L’espace maritime du golfe de Guinée couvre deux vastes régions géographiques, politiques et économiques, toutes
deux affiliées à la Commission du golfe de Guinée (CGG)) :
▪ La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) + Mauritanie = 15 pays
(Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal,
Sierra Leone et Togo). Seuls trois pays ne disposent pas d’accès à l’océan – Burkina Faso, Niger et Mali
▪ La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) qui comprend dix États membres : la République
d’Angola, la République du Burundi, la République du Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, la Ré-
publique Démocratique du Congo, la République gabonaise, la République de Guinée équatoriale, la République démocratique
de Sao Tome & Principe et la République du Tchad.
La Mauritanie, par exemple, avec 750 kms de côtes sur la façade atlantique, mise
largement sur ses recettes d’exportation qui ont augmenté de 30 % entre 2008 et 2009
et plus globalement, le secteur de la pêche compte pour près de 5 % au Produit intérieur
brut (PIB).
De même, selon le rapport 2014 de la FAO, le Nigéria se place en première position avec
presque 2 millions de personnes travaillant dans le secteur de la pêche et de l’aqua-
culture, suivi du Maroc (presque 1,4 million) et de l’Ouganda (presque 1 million).
À un niveau plus détaillé encore, le Maroc arrive en tête pour ce qui est du nombre de
pêcheurs (870 000), suivi du Nigéria (790 000), de l’Ouganda (470 000) et du Mali
(350 000).
La situation est très différente dans l’aquaculture, puisque l’Égypte compte davantage
d’actifs dans ce secteur (580 000) que l’ensemble des autres pays africains réunis, loin
devant le Nigéria (135 000) et l’Ouganda (53 000). Parallèlement à ces emplois directs,
un grand nombre de personnes travaillent dans des services d’appui au secteur, tels que
la construction et la réparation navales, l’avitaillement des navires, la commercialisation
du poisson, l’administration et la recherche (FAO, 2014).
Un peu moins de deux décennies après son adoption, le code de conduite pour une pêche
responsable (le Code) demeure l’outil d’un développement durable de la pêche et de
l’aquaculture. Dans le monde entier, on estime que le Code est un guide indispensable au
développement et à l’amélioration des secteurs de la pêche et de l’aquaculture, un guide
qui tient compte de l’utilisation durable des ressources de la pêche, de la conservation
ainsi que de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté dans les communautés
de pêcheurs.
(49). Le Nigeria, le Sénégal, le Ghana et la Mauritanie sont les plus gros producteurs, tandis que d’autres ont une production
majoritairement externalisée – les ressources halieutiques étant exploitées par des navires étrangers (Guinée-Bissau, Sierra
Leone et Libéria). Enfin, les pays n’ayant pas de façade maritimes produisent évidemment très peu (Burkina Faso, Niger et
Mali).
68 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
L’Approche éco-systémique des pêches (AEP) et l’Approche éco-systémique de
l’aquaculture (AEA) traitent de la conservation des écosystèmes et de la biodiversité, tout
comme de l’importance nutritionnelle, économique, sociale, environnementale et culturelle
de la pêche et de l’aquaculture, ainsi que de l’intérêt de toutes les parties prenantes.
L’AEP et l’AEA sont devenues des outils clés pour la mise en œuvre du Code qui établit
donc un cadre dont la mise en œuvre est articulée sur :
Les 28 directives techniques sont conçues afin d’aider les pêcheurs, les industriels et
les États à prendre les mesures concrètes nécessaires pour appliquer les différentes
facettes du Code qui forme le cadre général dans lequel s’exécute le programme de travail
de la FAO dans les domaines de la pêche et de l’aquaculture.
La FAO promeut donc la «Croissance bleue» car elle considère qu’il s’agit d’une approche
cohérente, axée sur la pêche de capture, l’aquaculture, les services éco-systémiques, le
commerce et la protection sociale des communautés côtières garantissant la gestion des
océans et des zones humides. Le cadre de la croissance bleue encourage le développement
d’une pêche et d’une aquaculture responsables et durables, au moyen de l’adoption d’une
approche intégrée associant toutes les parties prenantes (FAO, 2001).
Tout au long des XXe et XXIe siècles, le nombre et la diversité de ces organes ont
considérablement augmenté. Aujourd’hui, la FAO est en relation avec 50 organes
régionaux des pêche s’occupant de pêches et de capture continentales et marines ainsi
que de recherche et de conseil en matière de pêche, d’aquaculture et de gestion ou de
conservation d’autres espèces liées d’un point de vue écologique (albatros, pétrels et
baleines, par exemple).
En conséquence, le terme «organe régional des pêches» est une appellation générique. Il
regroupe aussi les organisations régionales de gestion des pêches qui sont des organes
régionaux des pêches ayant compétence pour mettre en place des mesures contraignantes
L’instauration de la zone économique exclusive ou zone de pêche qui est de 200 milles
marins à partir de la ligne de base51 ouvre un espace de 90% des lieux où se pratique la
pêche à caractère commercial. D’où l’importance du régime juridique applicable à cette
zone.
Pour cela, l’Etat côtier dispose de droits souverains pour l’exploitation, l’exploration, la
conservation et la gestion des ressources naturelles biologiques. Il a aussi juridiction pour
la protection et la préservation des milieux marins52 . Cela-dit, les autres Etats gardent la
liberté de navigation ainsi qu’un certain nombre d’obligations et de droits53.
Dans un souci de conservation et de gestion des ressources halieutiques, l’Etat côtier est
chargé de prendre les mesures appropriées dans la zone où il dispose de juridictions et de
droits souverains pour éviter la surexploitation de ses stocks. Ces mesures visent aussi
à maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées à des niveaux qui assurent le
rendement constant maximum.
Dans ce contexte, l’Etat côtier fixe le volume admissible des captures. En ce qui concerne les
ressources biologiques , il prend les mesures nécessaires à l’égard des facteurs écologiques
et économiques pertinents, y compris les besoins économiques des collectivités côtières
vivant de la pêche et les besoins particuliers des États en développement, compte tenu
des méthodes en matière de pêche, de l’interdépendance des stocks et de toutes normes
minimales internationales généralement recommandées au plan sous-régional, régional
ou mondial54.
L’Etat côtier, en prenant ces mesures, s’assure de leurs effets sur les espèces exploitées
ou dépendant de celles-ci afin de maintenir et de rétablir les stocks de ces espèces à un
niveau ou leur reproduction ne risque pas d’être endommagée. Enfin, l’Etat côtier doit
participer activement et régulièrement :
70 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
• à l’échange et à la diffusion des informations scientifiques disponibles ainsi que des
statistiques relatives aux captures ;
• à l’effort de pêche et des données de la conservation des stocks de poissons par
l’intermédiaire des organisations internationales compétentes ( sous-régionales,
régionales ou mondiales) lors des différentes rencontres avec la participation de
tous les États concernés, notamment ceux dont les ressortissants sont autorisés à
pêcher dans la zone économique exclusive.
Pour ce faire, l’Etat côtier fixe le volume admissible des captures55 en ce qui concerne
les ressources biologiques dans sa zone économique exclusive. Il détermine ensuite sa
capacité d’exploiter lui-même lesdites ressources. Si cette capacité d’exploitation est
inférieure à l’ensemble du volume admissible des captures, il autorise d’autres États,
par voie d’accords ou d’autres arrangements, à exploiter le reliquat du volume
admissible en tenant compte de la situation des États en développement sans littoral ou
géographiquement désavantagés56.
En ce qui concerne le choix des pays tiers autorisés à venir pêcher le reliquat du volume
admissible, la Convention laisse la plus grande discrétion à l’Etat côtier.
La Convention pose aussi le principe que l’Etat côtier tiendra compte de tous les facteurs
pertinents en accordant l’accès à d’autres Etats, en particulier l’importance des ressources
biologiques de la zone pour l’économie de l’Etat intéressé et ses autres intérêts nationaux.
La Convention se réfère en outre à des catégories de pays dont l’Etat côtier prendra en
considération les besoins ou les intérêts : États sans littoral limitrophes et États côtiers
de la région ou sous-région présentant certaines particularités géographiques :
Les ressortissants des États tiers qui pêchent dans la zone économique exclusive doivent
se conformer aux mesures de conservation et aux autres modalités et conditions fixées
par les lois et règlements de l’Etat côtier et qui peuvent porter sur les domaines suivants :
La convention des Nations Unis sur le Droit de la mer souligne, par ailleurs, l’importance
de la conservation des ressources biologiques en haute mer, obligeant les États à prendre,
à l’égard de leurs ressortissants, les mesures de conservation en haute mer desdites
ressources.59
Enfin, les États doivent se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles
(facteurs économiques et écologiques pertinents, modes de pêche, interdépendance des
stocks et besoins spéciaux des États en développement) pour fixer le volume admissible
des captures et prendre d’autres mesures en vue de la conservation des ressources
biologiques en haute mer. Les États ont aussi l’obligation d’échanger les informations
scientifiques disponibles par le biais des organisations régionales ou internationales
compétentes, ainsi que les statistiques relatives aux captures et à l’effort de pêche, sans
faire de discrimination à l’encontre d’aucun pêcheur dans la mise en œuvre des mesures
de conservation.
72 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
II. Les répercussions de la pêche INN sur les territoires
et populations de l’Afrique de l’ouest
La pêche INN est une pratique catastrophique contre laquelle une coopération régionale
et mondiale est nécessaire car elle représente un danger réel pour les populations et les
ressources halieutiques.
La pêche INN, très organisée, ne respecte aucune loi ou règlement des États côtiers. Les
bateaux pirates, persuadés de toujours échapper au contrôle, développent impunément
leurs activités (Environmrental Justice Foundation, 2012).
Sur toute la côte ouest-africaine, les communautés de pêche sont en perdition. Les
populations vivent du poisson qui leur procure l’équilibre protéinique. Les femmes qui
pratiquent la technique de conservation du poisson par fumage depuis plus de 1000 ans
voient leur activité en crise.
Alors que les eaux les plus touchées par la pêche illicite étaient encore très récemment
celles au large du Sénégal, le renforcement du système de surveillance dans ce pays
a légèrement déplacé l’activité illicite plus au Sud, dans la ZEE de la Guinée et de la
Sierra-Leone. Les systèmes de contrôle sont en effet quasi inexistants dans cette zone
et l’instabilité politique fait de ces eaux un paradis pour les pêcheurs pirates.
La Guinée, par exemple, est un des pays où la Pêche INN est pratiquée le plus au
monde. Ses eaux ne sont pas surveillées faute de moyens. Elle a une mer territoriale
de douze milles marins réservée à la pêche artisanale locale. Cette mer territoriale
La pêche INN y est mélangée au poisson autorisé, ce qui rend impossible toute traçabilité.
C’est ainsi que le poisson pêché de façon illicite se retrouve en Europe, en violation des
lois et règlements en vigueur. Pour 2009-2010, sur 1300 bateaux pirates dans la région,
seuls 58 ont été arraisonnés.
L’espace maritime africain demeure le plus touché par ce pillage illégal des ressources
halieutiques (NDIAYE, 2010). Les prises illégales constituent 37% des captures totales
de poissons, ce qui représente une perte économique estimée entre 828 millions et 1,6
milliard de dollars chaque année.
74 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
car les pêcheurs artisanaux – pour remédier à la raréfaction des prises – sont contraints
d’aller au-delà des zones côtières proches et sécurisées dans lesquelles ils avaient
l’habitude d’exercer, accentuant de fait la dangerosité des expéditions mais augmentant
aussi la consommation en carburant, ce qui a des répercussions en termes de coût de
production et de prix du poisson.
Les navires illégaux pratiquant la technique du chalutage, raclant lourdement les fonds
avec leurs filets, sans égard pour la faune et la flore marine causent des dommages
irréversibles aux ressources halieutiques et à l’écosystème. Cette technique ne permet
pas de choisir les espèces remontées à bord (tous les poissons sont attrapés sans
considération pour les espèces protégées et les normes de sécurité, tandis que 75%
des captures sont triées et rejetées mortes à l’eau). On comprend dès lors pourquoi
les propriétaires n’hésitent pas à payer dès que leurs bateaux sont immobilisés. Ces
propriétaires pratiquent une falsification des spécifications techniques de leurs bateaux,
que l’on appelle le marquage. Ils pratiquent également le clonage de leur navire. Pour un
navire doté de licence de pêche en bonne et due forme, l’on peut trouver d’autres navires
de pêche avec le même nom et la photocopie de la même licence. Ces propriétaires
pratiquent en outre le repavillonnement « reflagging » pour échapper aux contrôles des
États côtiers dans les zones placées sous leur juridiction nationale.
La pêche INN telle qu’elle est pratiquée dans les eaux africaines se fait de façon excessive
et dans l’urgence, sans tenir compte du temps de reconstitution des stocks, ni des
mesures de restriction, causant inévitablement la diminution et l’amoindrissement des
richesses marines.
Parce qu’elles effectuent des prélèvements illicites dans les zones de pêche locales,
réduisant ainsi la quantité et la qualité des captures disponibles pour les pêcheurs
légitimes, de telles activités de pêche ont des effets délétères sur les communautés
des régions concernées. Elles peuvent exacerber la malnutrition, l’insécurité alimentaire
et même la faim dans certains endroits, aggraver les pertes de moyens d’existence et
de revenus dans d’autres, retentissant sur la chaîne commerciale et au-delà (incidence
néfaste sur le développement).
La pêche illicite, non déclarée et non règlementée (INN) est définie comme suit par
l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) :
• effectuées par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux placées sous la
juridiction d’un Etat, sans l’autorisation de celui-ci, ou contrevenant à ses lois et
• qui n’ont pas été déclarées, ou l’ont été de façon fallacieuse, à l’autorité nationale
compétente, contrevenant ainsi aux lois et règlements nationaux;
• entreprises dans la zone de compétence d’une organisation régionale de gestion des
pêches compétente et qui n’ont pas été déclarées ou l’ont été de façon fallacieuse,
contrevenant ainsi aux procédures de déclaration de cette organisation.
• qui sont menées dans la zone de compétence d’une organisation régionale de gestion
des pêches compétente par des navires sans nationalité, ou par des navires battant
pavillon d’un Etat non partie à cette organisation, ou par une entité de pêche, d’une
façon non conforme ou contraire aux mesures de conservation et de gestion de cette
organisation ;
• qui sont menées dans des zones, ou visent des stocks pour lesquels il n’existe pas
de mesures applicables de conservation ou de gestion, et d’une façon non conforme
aux responsabilités de l’Etat en matière de conservation des ressources biologiques
marines en droit international » (FAO, 2001).
La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) constitue une menace majeure
sur les écosystèmes marins. C’est pourquoi, de nombreux États s’efforcent de mettre en
œuvre le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche
illicite, non déclarée et non réglementée, et les organes régionaux des pêches conduisent
de vigoureuses campagnes de lutte contre ce type de pêche.
76 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
• le nouvel instrument relatif aux biens publics mondiaux (organisations, membres),
qui vise à renforcer la coopération, l’échange de connaissances et d’expériences, de
même que les capacités des pays partenaires en ce qui concerne les quatre piliers
de la sécurité alimentaire (disponibilité des aliments [production], accès aux aliments,
utilisation des aliments et stabilité de l’approvisionnement), en privilégiant quatre
aspects;
• l’agriculture à petite échelle, la gouvernance, l’intégration régionale et les mécanismes
d’aide aux populations vulnérables;
• la déclaration commune sur la pêche INN, signée par la Commission européenne et
le Gouvernement des États-Unis d’Amérique, dans laquelle il est dit que «la pêche
INN est un phénomène mondial porteur de conséquences environnementales et
socioéconomiques dévastatrices, en particulier pour les communautés côtières des
pays en développement qui dépendent de la pêche comme moyen de subsistance ou
comme source de protéines»;
• le règlement INN de l’Union européenne relatif à l’établissement d’un système de
certification des captures;
• l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer
et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (accord relatif aux
mesures du ressort de l’État du port) adopté en 2009 par la FAO;
• les Directives volontaires pour la conduite de l’État du pavillon, adoptées en 2013
par la FAO;
• la mise à jour et l’application des mesures du ressort de l’État du port et d’autres
programmes de SCS par diverses organisations régionales de gestion des pêches
(ORP);
• les résolutions annuelles de l’Assemblée générale des Nations Unies relatives à l’INN.
C’est dans cet élan de coopération que la Déclaration de Nouakchott sur la pêche INN
souligne les dangers de la pêche INN et affirme sa pleine adhésion aux réglementations
de la FAO de protéger par un contrôle strict les activités des navires de pêche opérant
dans la sous-région.
Dans ce cadre, les Etats et les organisations régionales et mondiales sont fortement
encouragés à coordonner , à avoir des consultations étroites et efficaces fournissant
les informations permettant de réduire l’incidence de la pêche INN par l’application des
mesures visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite. Ces mesures ont
été prises à plusieurs niveaux.
A ce niveau, tous les États doivent donner plein effet aux normes du droit international
telles qu’elles sont exprimées dans la Convention des Nations Unies de 1982. Ils sont
aussi encouragés à ratifier, à accepter ladite convention ainsi que l’accord des Nations
Unis de 1995 sur les stocks de poissons et l’accord visant à favoriser le respect par
les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de
gestion FAO de 1993, ou à y adhérer, sans agir de manière incompatible vis à vis de ces
instruments (pour ceux qui n’ont pas adhéré, accepté ou ratifié).
Les Etats se doivent, par ailleurs, de pleinement mettre en œuvre tous les instruments
internationaux appropriés relatifs à la pêche tout en prenant, vis-à-vis de leurs
ressortissants, toutes les mesures nécessaires pour assurer la conservation des
ressources biologiques en haute mer (FAO, 2001).
Dans le cadre des organisations régionales de gestion des pêches, les États doivent
assurer le respect et l’application des politiques et mesures adoptées, par lesquelles
ils sont liés. Ils doivent aussi coopérer à la mise en place de telles organisations dans
les régions où elles n’existent pas, d’autant plus qu’ils doivent agir dans l’égide desdites
organisations pour prendre les mesures, ayant pour objectifs :
78 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
• le perfectionnement des systèmes de suivi, de contrôle et de surveillance, des
contrats d’affrètement qui pourraient donner lieu à des opérations de pêche illicite.
Dans ce contexte, les États, agissant par le biais des organisations régionales de gestion
des pêches, devraient mettre à la disposition des autres organisations régionales de
gestion des pêches et de la FAO, dans les meilleurs délais et au moins chaque année,
les informations concernant les évaluations de l’ampleur, de l’importance et du caractère
des activités de pêche illicite dans la zone de compétence de l’organisation régionale de
gestion des pêches.
Enfin, les États et les organisations régionales de gestion des pêches devraient rendre
compte à la FAO des progrès accomplis dans l’élaboration et l’application de leurs plans
visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, dans le cadre de leur
rapport biennal à la FAO sur le code de conduite (FAO, 2001).
A ce niveau, les États doivent développer des législations dont l’objet porte, de manière
effective, sur tous les aspects de la pêche illicite, conformément au droit international, et
cela comme suit :
L’Etat du pavillon
Chaque Etat du pavillon doit tenir un registre des navires de pêche autorisés à battre son
pavillon. Ce registre doit inclure :
• les noms précédents et la liste de tous les propriétaires précédents du navire ainsi que
l’historique de ses activités contraires aux mesures ou dispositions de conservation
(nationale, régionale ou mondiale) ;
• le nom, l’adresse et la nationalité de la personne physique ou morale sous le nom de
laquelle le navire est immatriculé, des ayants de la propriété effective du navire, de
ses ayants de la charge de gestion et d’exploitation ;
• les dimensions du navire et, le cas échéant, une photographie prise au moment
de son immatriculation ou après la dernière modification apportée à sa structure
montrant le profil latéral du navire.
Enfin l’Etat du pavillon doit s’assurer que chacun des navires autorisés à battre son
pavillon, qu’ils soient de pêche, de transport et d’appui, détient une autorisation valide
préalable à cet effet, délivrée par ledit Etat du pavillon (FAO, 2001).
L’Etat côtier
Par ailleurs, l’Etat côtier, dans l’exercice de ses droits souverains d’explorer, de conserver et
de gérer les ressources biologiques marines sous sa juridiction, doit appliquer les mesures
visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite dans sa Zone économique
exclusive, conformément au droit international et aux législations nationales :
L’Etat du port
L’Etat du port doit procéder au contrôle des navires de pêche étrangers ayant accès
à ses ports ou aux installations terminales pour réapprovisionnement en carburant,
80 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
ravitaillement, transbordement et débarquement.
De ce fait, il exige des avertissements suffisamment en avance, aux navires, avant leurs
entrées dans le port, en fournissant un exemplaire de leurs autorisations de pêche, ainsi
que des renseignements détaillés sur leurs sorties en mer et la quantité de poisson se
trouvant à bord.
Lorsqu’il détient la preuve qu’un navire ayant obtenu l’autorisation d’entrer dans ses ports
a participé à des activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée, l’État du
port ne devrait pas autoriser ce navire à accoster ou à transporter du poisson dans ses
ports et devrait avertir l’État du pavillon du navire concerné, ainsi que les organisations
régionales de gestion de pêche.
3.1.3. Les mesures de restriction commerciale et d’aide aux pays les moins
avancés
Toutes les mesures précédemment évoquées ne sauraient être efficaces sans une
restriction commerciale et sans une aide matérielle, technique et financière aux pays les
moins avancés.
Dans cette optique, les États doivent prendre toutes les mesures pour empêcher que
le poisson pêché par les navires identifiés s’adonnant à la pêche illicite ne fasse l’objet
d’un commerce ou ne soit fourni sur les marchés intérieurs. Cette interdiction doit faire
l’objet d’une législation, en vertu de laquelle, les relations commerciales, et le commerce
de poisson ou de produits dérivés de la pêche illicite, constituent une infraction dont les
sanctions doivent être appliquées de manière équitable.
Dans ce contexte, la Commission peut déclarer un pays-tiers non coopérant s’il ne s’acquitte
pas des obligations relatives aux mesures à prendre, imposées par le droit international
en tant qu’Etat du pavillon, Etat du port, Etat côtier ou Etat de commercialisation. Dans
cette démarche, la Commission avertit sans délai les pays susceptibles d’être reconnus
pays-tiers non coopérant, leur notifiant les raisons de l’avertissement accompagnées des
informations probantes, tout en leur accordant le temps suffisant pour répondre à la
notification et un délai raisonnable pour remédier à la situation. Par la suite, le Conseil, sur
proposition de la Commission, décide de dresser une liste des pays-tiers non coopérants.
(60). RÈGLEMENT (CE) N o 1005/2008 DU CONSEIL , établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décou-
rager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, modifiant les règlements (CEE) n o 2847/93, (CE) n o
1936/2001 et (CE) n o 601/2004 et abrogeant les règlements (CE) n o 1093/94 et (CE) n o 1447/1999
82 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
au regard de la lutte contre la pêche INN ;
• la non-participation de la Commission à aucune négociation destinée à conclure un
accord de pêche bilatéral ou des accords de partenariat dans le domaine de la pêche
avec ces pays.
La Commission publie, également, la liste mise à jour des pays tiers non coopérants au
Journal officiel de l’Union européenne et prend toute mesure nécessaire pour assurer la
diffusion de cette liste, y compris en la publiant sur son site internet. C’est dans ce cadre,
par exemple, que l’UE a sanctionné, en mars 2014, la Guinée jugée défaillante dans ses
mesures de lutte contre la pêche illicite et se voyant subir les sanctions ci-dessus. Il s’agit
ici de la première application d’une sanction de ce type depuis la mise en place de la
règlementation de 200861.
A rappeler que le Togo et le Ghana avaient déjà été avertis auparavant qu’ils devaient
réaliser des progrès significatifs s’ils ne voulaient pas tomber sous le coup des mêmes
sanctions.
Hélas, malgré cette volonté politique affichée, les opérateurs européens continuent à
pratiquer la pêche illicite dans les eaux africaines et les prises continuent à affluer sur les
marchés des pays de l’UE. De nombreuses prises illégales transitent par le port espagnol
de Las Palmas sur les îles Canaries où elles sont incorporées aux captures « légales » et
redistribuées en Europe (Guibbaud, 2014).
(61). IBID
84 Géopolitique des ressources halieutiques en afrique de l’ouest : cas de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (inn)
Bibliographie
4
Youssef EL HAMDOUNI62
Introduction
Avec l’avènement du troisième millénaire, et depuis les années 2000, on assiste à
une montée exponentielle des relations sino-africaines. En effet, à travers les fils des
analyses sur le Boom de la puissance chinoise et ses enjeux majeurs vis-à-vis du monde
entier, la relation de ce pays avec l’Afrique est objet de diverses interprétations. Ainsi, on
retrouve qu’une grande partie de la littérature consiste à enclaver ces relations dans une
optique purement économique expliquée par une motivation chinoise simple et unique,
celle d’assurer ses approvisionnements en pétrole, en absence d’une vision globale
susceptible d’appréhender l’Afrique comme espace géostratégique pour la Chine.
C’est dans cette optique que nous proposons une analyse transversale de la politique
chinoise en Afrique dans le cadre d’une perspective plus globale et plus complexe,
transcendant le prisme purement intermittent et instantané, qui résume les relations
sino-africaines à travers l’enjeu énergétique, et lance les dés d’un éventuel projet de Soft
Power chinois dans la région africaine, comme modèle de présence en Afrique. Toutefois,
il est question de s’interroger sur les limites de cette portée chinoise, vue la nouvelle ruée
vers l’Afrique qui pourrait limiter le champ d’action de la Chine, du fait de l’existence sur
scène d’autres acteurs concurrentiels.
Partant de cet angle d’analyse, on se rend compte que l’Afrique, et surtout la façade
atlantique de ce continent, produit des germes d’un nouvel espace d’affrontement
géopolitique susceptible de transposer les tensions et les caprices étatiques, épuisés
dans les espaces classiques de batailles géostratégiques (Méditerranée et Moyen orient),
vers ce nouvel espace sombre, vulnérable et fertile.
(62). Doctorant en Relations Internationales, Université Abdelmalek ESSAADI Tanger, Faculté des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales ; Chercheur associé à l’Observatoire d’Etudes Méditerranéennes Tanger.
Une fois les éléments analytiques d’une vision chinoise de l’Afrique, à travers les deux
premiers points dressés, un troisième point mettra l’accent sur les dix dernières années
qui peuvent être qualifiées de période d’institutionnalisation et de sophistication des
relations sino-africaines.
Il convient de s’interroger dans ce sens, sur la portée des principales transformations qu’a
connu la diplomatie chinoise au fil du temps, et de mettre le doigt sur les déterminants
de cette nouvelle politique étrangère chinoise. En effet, si les changements économiques
contemporains, entachés par la dernière crise mondiale, sont des éléments révélateurs de
la nouvelle importance de la Chine sur la scène internationale, considérée il y a moins de
vingt ans, comme un pays émergent. D’autres éléments ne manquent pas d’importance
dans l’alimentation de cette montée chinoise, tels que la modernisation militaire, une
diplomatie active, et une révolution technologique exponentielle. Si bien qu’on peut se
demander si nous n’assistons pas à l’émergence d’une hégémonie chinoise.
Focalisant ses objectifs et ses forces sur la construction économique, la Chine s’est
trouvée contrainte par la nécessité de revoir son modèle de gestion de sa politique
(63). Jean-Pierre CABESTAN, « La montée en puissance de la diplomatie chinoise » in Sophie BOISSEAU DU ROCHER;
(dir.), Asie dix ans après la crise, Paris, La Documentation française, 2007.
S’inscrivant dans une logique de processus, on peut prétendre que cette transformation
du métabolisme diplomatique chinois s’est nourrie et s’est épanouie par la volonté du
nouveau leader Jiang Zemin. Dépourvu du charisme de son prédécesseur, et se trouvant
englouti dans une situation politique incertaine caractérisée par une période de difficultés
économiques et d’isolement sur la scène internationale, Zemin voulait assurer sa légitimité
politique en passant par le rôle du « premier Homme de la politique étrangère chinoise ».
Pour lui, la clé de voute de la réussite d’un ancrage international chinois, est de passer par
de bonnes relations avec les États Unis d’Amérique qui étaient pour lui, et pour plusieurs
experts chinois de l’époque, et surtout après la chute de l’URSS, la seule superpuissance
mondiale entourée de puissances moyennes gravitant autour d’elle, chose avec laquelle
on déduit l’architecture de la vision mondialiste de la scène internationale par la Chine64 :
(64). ZENG Peigeng, 1996, « Jiang’s African Visit Successful », Chinafrica, 20 juillet : 5-13.
Les successeurs de Jiang Zemin, l’ont fortement critiqué pour sa politique pro-
américaine, trop rêveuse et incommode pour la Chine du fait qu’elle se basait sur un
principe de concession et d’infériorité vis-à-vis des Etas Unies. Hu Jintao et Wen Jiabao
sont considérés comme étant les premiers dirigeants chinois à adopter une approche
d’ensemble des questions de sécurité et de diplomatie en s’investissant dans de nouveaux
En effet, le virage qu’a marqué la Chine en matière de sa politique étrangère, peut se faire
remarquer de façon percutante à travers la délocalisation de ses ambitions diplomatiques
extérieures. Cette nouvelle tendance, se manifeste dans un premier temps, par une
sorte de sécurisation de son voisinage géostratégique, pour garantir son hégémonie
régionale66,en passant ensuite, vers une transposition de ses caprices extérieurs vers
des espaces nouveaux67.
Le premier fait marquant dans cette nouvelle ruée chinoise, réside dans l’amplification
de ses relations économiques et commerciales avec les pays de l’Amérique Latine. Des
États comme le Brésil, le Mexique, l’Argentine et le Chili, ont été drastiquement visés par la
politique commerciale chinoise, chose qui lui permettait d’atteindre plus de quatre Milliard
de Dollars américains, en octroyant à la Chine le rang du troisième partenaire économique
et commercial de la région. Pour ce faire, la République Populaire de Chine s’est procuré
cette place, dans le cadre d’une stratégie d’ensemble, basée sur une diplomatie très active
dans cette région (visites diplomatiques, échange d’experts, mobilité des commerçants
etc.) et concrétisée par des accords de libre-échange (Chili), et des partenariats globaux
de coopérations (Pérou 2005).
La forme de présence chinoise en Afrique obéit aujourd’hui à une logique selon laquelle
les préoccupations économiques sont centrales. Cette présence se manifeste notamment
à travers plusieurs secteurs : le commerce, les mines et hydrocarbures, l’investissement
et l’aide au développement en sont les principales composantes.
(69). David LAMPTON (dir.), The making of Chinese foreign and security policy in the era of reform, 1978-2000, Stanford,
Ca., Stanford University Press, 2001
120
106,8
100
80 72,9
exportation +
importations 60 55
en milliars de $
39,6
40
29,2
18,5
20 10,7 12,3
5,7 5,5 6,5
0
source : OMC 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Années
(71). DAVIES Martyn, 2007, « China’s Special Economic Zone Model Comes to Africa », The China Monitor, no 18.
(72). TAYLOR Ian, 1998, « China’s foreign Policy towards Africa », The Journal of Modern African Studies, vol. 36, no 3:
443-460.
L’outil majeur dont la Chine s’est dotée pour promouvoir et consolider son retour sur
le continent africain est le Forum de la coopération Chine-Afrique (FOCAC). Le retour
de Pékin en Afrique se caractérise par sa volonté de compenser la faiblesse de son
influence politique sur le continent par une série de mesures permettant de concurrencer
les partenaires dits traditionnels de l’Afrique qui, eux, disposent déjà de structures
semblables à l’image du sommet France-Afrique.
Toutefois, c’est à partir de 2006 que les annonces dans le cadre de cette coopération
prennent toute leur ampleur. La Chine décide, entre 2006 et 2009, de doubler son
Ce bilan semble corroborer les propos du président sénégalais Abdoulaye Wade selon
lesquels « l’approche chinoise est tout simplement mieux adaptée à nos besoins que
l’approche postcoloniale, lente et parfois condescendante, des investisseurs européens,
des donateurs et des organisations non gouvernementales » (Wade 2008). Cette
quatrième conférence a confirmé la tendance engagée trois ans plus tôt. De nouvelles
mesures y ont été annoncées : établir un partenariat sino-africain de lutte contre
le changement climatique en réalisant 100 projets d’énergie propre (solaire, biogaz et
petites centrales hydroélectriques); établir 100 projets pilotes de recherche scientifique
conjointe; accueillir 100 post-doctorants en Chine ; accorder 10 milliards de dollars de
crédits préférentiels et 1 milliard pour aider les PME africaines ; supprimer les droits de
douane à 95 % des produits en provenance des pays les moins avancés (PMA), dont 60
% avant la fin de 2010; porter à 20 le nombre de centres pilotes agricoles, envoyer 50
missions techniques agricoles et former 2 000 techniciens agricoles africains; fournir du
matériel pour les centres anti-paludisme et former 3 000 infirmiers et médecins pour
l’Afrique; construire 50 écoles, former 1 500 directeurs d’école et enseignants et porter
à 5 500 le nombre de bourses chinoises (Plan d’action de Charm el-Cheikh 2010-2012,
FOCAC 2009).
La fréquence à laquelle les hommes d’État chinois se sont rendus en Afrique ces dix
En second lieu, la Chine a entrepris d’asseoir une influence culturelle en Afrique, domaine
dans lequel l’avancé des pays occidentaux comme la France et les États-Unis est inégalée
pour l’instant. Celle-ci passe par des stratégies de lowouhigh soft power selon qu’elles
visent les citoyens en général ou l’élite politique, militaire et diplomatique. La promotion des
instituts Confucius, équivalents des centres culturels français ou américains, participe du
low soft power et constitue un des instruments à travers lesquels les autorités chinoises
entendent créer un cadre d’interactions entre Chinois et Africains. Au début de l’année
2010, il y avait vingt et un de ces instituts en Afrique (Afrique du Sud, Bénin, Botswana,
Cameroun, Égypte, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Nigeria, Rwanda, Soudan,
Togo, Tunisie et Zimbabwe). Rattachés aux universités des villes où ils sont implantés, en
partenariat avec des universités chinoises, ces instituts, dont l’objectif est la promotion
de la langue et de la culture chinoises, visent à encourager le rayonnement et le pouvoir
de séduction de la Chine (Kurlantzick 2007). En outre, une centaine de jeunes volontaires
ont été envoyés dans des pays africains et le nombre des touristes chinois qui choisissent
des destinations africaines ne cesse d’augmenter. Dans le domaine des médias, la China
Central Television (CCTV) a inauguré, en septembre 2007, une chaîne en langue française
destinée prioritairement aux auditeurs francophones.
En février 2006, Radio Chine internationale (CRI) a ouvert une station en modulation de
fréquence à Nairobi, au Kenya. Cette première station de la CRI à l’étranger diffuse dix-
neuf heures par jour en anglais, chinois et swahili.
Depuis, de nombreuses stations ont été ouvertes ailleurs en Afrique. Les bourses de
formation données aux étudiants, les programmes de perfectionnement pour diplomates
et militaires, de leur côté, participent du high soft power, car ils visent à avoir en Afrique
une élite sinophile sensible aux intérêts de Pékin, comme il existe une élite francophile
ou américanophile. Ces initiatives démontrent une vision d’ensemble, la Chine étant
consciente que son éventuel statut de grande puissance tiendra pour une bonne part à
son rayonnement culturel.
De plus, deux flottes chinoises – qui montrent aussi les ambitions de projection militaire
de Pékin – ont été récemment affectées à la mission anti-piraterie dans le golfe d’Aden, au
large des côtes somaliennes, la première à la fin de 2008 et la deuxième au mois d’avril
2009.
Enfin, ces dernières années, on note une réelle adaptation dans l’approche chinoise dans
le sens du pragmatisme (pour apparaître il est vrai comme un pays responsable), car le
pays concilie son principe traditionnel de non-ingérence dans des affaires intérieures
avec les exigences de la communauté internationale, comme le montre le cas du Soudan.
Naguère alliée inconditionnelle du gouvernement soudanais auquel elle a épargné
plusieurs condamnations du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine a nuancé maintenant
son appui, cautionnant même le déploiement de la force hybride des Nations Unies et
de l’Union africaine au Darfour. Pékin a nommé en 2007 un envoyé spécial au Soudan,
estimant le contact bilatéral permanent « plus efficace » que la contrainte et l’imposition
de sanctions préconisées par les pays occidentaux, épousant ainsi la position largement
répandue chez les gouvernants africains.
Si le pouvoir d’attraction que la Chine exerce sur ses partenaires africains obtient de réels
succès, sa stratégie africaine n’est pas exempte de faiblesses : elle demeure cantonnée
à la sphère étatique ; elle sacralise le principe de souveraineté, ce qui n’exclut pas des
risques de récupération pour justifier les dérives autoritaires de certains leaders africains;
elle est confrontée à la mauvaise image découlant de « l’aventurisme entrepreneurial » de
certains hommes d’affaires chinois en Afrique. De surcroît, Pékin doit se consacrer à des
préoccupations internes telles la modernisation et la résolution des tensions sociales de
plus en plus diffuses. Ce qui précède relativise l’omnipuissance présumée de la Chine
en Afrique et fait le deuil de la conception rigide qui montre la politique chinoise comme
une stratégie unique et monolithique décidée depuis Pékin. Par ailleurs, on l’a vu, la Chine
est loin d’être l’unique opérateur asiatique émergent à opérer sur les marchés africains
où l’Inde se montre très dynamique, et où les opérateurs traditionnels, européens et
américains, ne se désengagent point, l’Afrique offrant encore de très bonnes opportunités
dans certains domaines.
Convaincue que son statut international ne se limite pas à la protection des États parias,
l’équipe dirigeante chinoise a, par exemple, incité le président soudanais à accepter le
déploiement d’une force au Darfour et s’est relativement distanciée de Robert Mugabe,
le président du Zimbabwe. Tout porte à croire qu’en cas de force majeure la coopération
sera privilégiée par tous, en partie en raison des interdépendances économiques globales.
D’autant que les intérêts chinois, européens et américains se côtoient dans plusieurs
pays. Ces constats expliquent une politique offensive et ambitieuse ambiguë car, si la
Chine aspire à peser sur le continent africain, elle doit apporter des ajustements et
des transformations à ses stratégies. D’où la politique des « quatre forces », présentée
par l’équipe dirigeante chinoise au corps diplomatique réuni à Pékin en juillet 2009 à
l’occasion de la 11ème conférence des ambassadeurs chinois : « être plus actif sur le plan
politique, plus compétitif au plan économique, améliorer l’image de la Chine et exercer un
attrait moral ». Ces orientations sont mues par l’intérêt national et s’imposent dans un
environnement où les partenaires traditionnels sont loin d’être déclassés alors que de
nombreux autres pays émergents concurrencent la Chine.
5
Oumar KOUROUMA73
Introduction
Depuis la fin du 20ème siècle jusqu’au début du 21ème siècle, deux États africains plus que
tout autre sont au cœur des discours géopolitiques et de relations internationales traitant
de l’émergence économique et politique en Afrique. Il s’agit essentiellement de l’Afrique du
Sud et du Nigéria : deux pays qui provoquent à la fois espoir d’émergence économique et
rayonnement politique continental et international au regard de leurs nombreux atouts,
mais aussi une certaine prudence, voire méfiance quant à leur reconnaissance comme
membres du Club des États dits émergents d’aujourd’hui, en se fondant en cela sur les
multiples défis auxquels ils font face.
Mais, face à ces débats et contre-débats, il est important de s’interroger sur le contenu
réel de la puissance de ces États. C’est-à-dire qu’il convient de se demander : dans quelle
mesure peut-on considérer l’Afrique du Sud et le Nigéria comme des puissances moyennes
émergentes ? Quels sont leurs principaux défis ? Quels scenarios envisageables dans les
rapports entre ces deux Etats importants (et d’autres puissances) du continent au regard
de leurs défis et ambitions notamment en Afrique?
Cette réflexion tentera de répondre à ces questions à travers une analyse qui se penchera
en premier lieu sur les comportements de l’Afrique du Sud et du Nigéria dans la mise en
œuvre de leur puissance (I), avant d’aborder les défis et les perspectives des puissances
nigériane et Sud-africaine (II).
Telles que formulées, cette recherche sera menée dans le cadre de la géopolitique
envisagée comme une partie des relations internationales (HUGON, 2006). A cet effet
la démarche sera éclectique (KADONY, 2007) et contextualiste (particularisme ou
provincialisme méthodologique). D’où le départ du modèle de la multivectorialité de Marque
Barbara (BARBARA), pour l’adapter au contexte des comportements des puissances
moyennes émergentes africaines que sont le Nigéria et l’Afrique du Sud. Bien que visant
à contribuer au débat sur la reconnaissance ou non du statut de puissances moyennes
(73). Doctorant en Relations Internationales, Université Abdelmalek ESSAADI Tanger, Faculté des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales ; Chercheur associé à l’Observatoire d’Etudes Méditerranéennes Tanger.
Dans cette première partie, il sera question essentiellement de savoir comment les facteurs
de puissance (géographique, démographique, militaire, économique, technologique,
politique) dont disposent les deux pays, caractéristiques d’une puissance moyenne
régionale émergente, sont déployés sur le terrain (en Afrique et dans le monde) dans
l’exercice de la puissance. Ainsi, il conviendra d’aborder successivement chacune des deux
puissances : l’Afrique du Sud et le Nigéria.
(74). En effet dans la suite de cet article, rédigée dans le cadre de cette recherche, une discussion théorique importante
est réalisée à partir d’une interrogation sur la pertinence du concept de puissance en général et de puissance moyenne
émergente dans le contexte africain. Au regard de la mutation actuelle du système international par la distribution de la
puissance (Organski), de la transformation de la puissance (Joseph Nye ; 1992 ; Bertrand Badie ; 2013), il est tout à fait
possible de sortir des conceptions rigides de cette dernière (Buhler Pierre; 2011 ; Abomo Pierre ; 2013), pour reconnaitre la
pertinence de ce concept dans le contexte africain. Cela implique la prise en compte de la nature de l’Etat en Afrique acteur
principal des relations internationales africaines malgré ses faiblesses (KADONY Nguway Kpalaingu ; 2007 ; Luc Sindjoun ;
2002), du niveau d’observation ou champ (sous-régional, régional, international) et du mode de déploiement de la puissance
en Afrique ou de l’exercice de l’influence par l’Etat africain même dans un rapport de dépendance (Luc Sindjoun ; 2002).
(75). Jacques Leroueil, La SADC, géant ou non ? : URL : http://terangaweb.com/la-sadc-geant-ou-nain/, consulté le
05/05/15
Enfin, l’Afrique du Sud contribue au décollage économique de ses voisins par la mise
en place d’infrastructures importantes comme le port de Maputo ou le chemin de fer
reliant ce dernier et Johannesburg. Cette sous-région est donc un marché important
pour l’Afrique du Sud avec ses voisins proches notamment dans le cadre de la Southern
African Customs Union (SACU). Cette importance considérable du poids économique
de l’Afrique du Sud dans cette sous-région a fait dire à Merveilleux du Vignaux que : «
la zone d’échange d’Afrique australe ressemble aujourd’hui, pour l’Afrique du Sud, à un
confortable pré-carré » (VIGNAUX, 2007-2008), où elle constitue 80% des économies
des pays de la SADC.
Sur le plan militaire, l’Afrique du Sud reste de loin la plus grande puissance militaire de
la sous-région. Ce qui lui permet de jouer un rôle déterminant dans sa stabilisation. C’est
ainsi qu’elle participa fortement au maintien de la paix au Lesotho par une intervention
militaire avec le Botswana, avant de s’impliquer profondément dans la négociation. En
République Démocratique du Congo (RDC, autre pays membre de la SADC), l’Afrique
du Sud a joué un rôle déterminant dans la résolution du conflit interne de ce pays, en
favorisant l’ouverture des discussions à Sun City et la signature de l’accord de Pretoria
entre les protagonistes. De même, dans ce pays (RDC), le contingent Sud-africain est le
plus important par son nombre dans le cadre d’un convoi Onusien de maintien de la paix.
L’Afrique du Sud y a aussi envoyé du personnel de différents départements ministériels
pour aider la RDC dans son fonctionnement administratif. Il en a été de même pour le
Burundi, où l’influence des dirigeants Sud-africains dans la résolution de conflit dans ce
pays a permis un retour à une stabilité plus durable.
Il apparaît que cette sous-région reste marquée par une « hégémonie douce » de l’Afrique
du Sud (Luntumbue, 2013). Elle est le centre et les autres États de la périphérie. Toutefois,
certains des États de cette périphérie (par exemple le Zimbabwe (Sindjouni, 2002) et
l’Angola) contestent parfois sur le plan politique cette prédominance.
C’est donc en étant bien enracinée dans sa sous-région ou pré-carré que l’Afrique du Sud
se déploie sur le continent africain.
« Du fait de l’importance des capacités du pays, les actions Sud-africaines exercent
une influence considérable sur la région » (Vennesson, Sindjoun, 2000). Dans le même
sens, Merveilleux du Vignaux, Michel Foucher et Dominique Darbon (Foucher, Darbon,
En tant que puissance moyenne émergente, l’Afrique du Sud cherche à jouer un rôle
important sur la scène internationale à la fois dans la défense de ses propres intérêts
directs mais aussi en tant que porte-parole du continent ou des pays du Sud. Vue sous
cet angle, l’acte de puissance de l’Afrique du Sud va se situer dans deux endroits : le
domaine économique équivaut au domaine politique (qui inclut la dimension militaire de
l’expansion internationale Sud-africaine).
Sur le plan économique, il faut dire que c’est avec la fin de l’apartheid que l’Afrique du
Sud entame une véritable ouverture économique internationale après plusieurs années
d’embargo international. En effet, en effectuant une transition démocratique tout
à fait exemplaire, l’Afrique du Sud a su maintenir un climat social apaisé et favorable
aux investissements. Ce qui lui a permis de maintenir des liens solides avec les États
occidentaux (avec lesquels le régime d’apartheid entretenait déjà des relations renforcées
dans le contexte de la guerre froide). Ainsi plus de 80% des exportations du pays sont
destinés à l’étranger en dehors du continent africain (jusqu’en 2009). Les principaux
clients de l’Afrique sont l’Union européenne (avec laquelle elle a signé un accord de libre-
échange en 2002), la Grande Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la France (qui a vu ses
Dans le cadre des échanges économiques Sud-Sud, l’Afrique du Sud est un pays
très dynamique qui cherche à marquer sa présence et renforcer ses intérêts avec les
grands pays émergents. A cet effet, le pays est, depuis 2011, membre des BRICS (Brésil,
Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui se présentent comme une alternative à la
prédominance financière et politique occidentale. L’Afrique du Sud est aussi membre de
l’IBSA qui est un G3 formé de l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud et qui a pour but de
développer des échanges économiques entre ses membres, leur permettre d’influencer
sur les négociations internationales notamment au sein de l’organisation mondiale du
commerce pour favoriser la mise en place de règles nouvelles. Ceci est un comportement
typique d’une puissance moyenne émergente telle qu’identifiée par Barbara Marque
(BARBARA, 2011).
Avec l’Asie, l’Afrique du Sud est l’un des membres fondateurs en 1997 de l’Association de
la couronne de l’Océan Indien pour la coopération régionale (IOR-ARC), qui rassemble 18
pays riverains de l’océan Indien. Elle entretient également des échanges très importants
avec la Chine, lesquels représentent 20% des échanges sino-africains. Cependant, bien
qu’en pleine progression, ces échanges économiques avec la Chine, souvent semblables
à des échanges Nord-Sud (matières premières contre produits finis) suscitent de
nombreuses critiques au sein de l’élite Sud-africaine (Thabo Mbeki). Avec la Russie, les
relations commerciales vont de l’exploitation minière (étant tous deux des pays miniers :
diamant, or...) aux échanges de technologies notamment dans les domaines de la
technologie spatiale, du nucléaire et du montage d’automobile.
Sur le plan politique global, l’Afrique du Sud continue à faire usage de son image
issue de sa transition démocratique. Avec cette dernière, elle bénéficie auprès des
Occidentaux d’une certaine crédibilité en tant qu’Etat défenseur des droits de l’homme,
de la liberté, de la tolérance et de la diversité. C’est ainsi que le pays fera son entrée
sur la scène internationale en réintégrant les institutions internationales : tels que
l’ONU76, l’UNESCO77, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), ou
en marquant sa présence véritable. Mais, en tant que puissance moyenne émergente, la
démarche Sud-africaine est marquée à la fois par la promotion des valeurs et principes
moraux internationaux (allant dans le sens de l’approbation occidentale), en même temps,
et contrairement aux attentes occidentales, le pays s’affiche comme un fervent défenseur
des pays du tiers monde parfois contre les premières valeurs et des principes (dans leur
compréhension occidentale). Ainsi, l’Afrique du Sud entretient de très bonnes relations
avec les Etats Unis, vote même au conseil de sécurité des sanctions contre l’Iran pour son
programme d’enrichissement nucléaire en mars 2008. Cependant, au même moment,
(76). L’Organisation des Nations Unies.
(77). L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.
Avec l’Union africaine et d’autres puissances africaines (Nigéria, Algérie, Egypte), l’Afrique
du Sud demande une réforme du conseil de sécurité des Nations Unies afin que deux
sièges permanents soient attribués à l’Afrique, un étant de facto et de jure échu à la
puissance Sud-africaine.
L’Afrique du Sud utilise les mécanismes des BRICS ou de l’IBSA pour défendre les intérêts
du Sud, pour parler en leur nom. Ce qui en fait un chantre des pays du Sud. A cet égard,
elle ne s’empêche pas de fréquenter des États qualifiés infréquentables par l’occident
comme la Syrie, le Cuba, le Zimbabwe etc.
Au regard de ce développement qui est bien loin d’être exhaustif, il ressort que le
comportement de l’Afrique du Sud en tant que puissance moyenne émergente est marquée
de complexité, elle varie et augmente en intensité conformément au niveau d’observation et
selon que l’on se déplace de la sphère internationale vers le pré-carré sous-régional. Mais
dans l’ensemble, il reste marqué par les fondamentaux qui caractérisent les puissances
moyennes à savoir leur rôle de médiateur, de promoteur des normes internationales, mais
surtout, par celui d’acteur porté par le désir ardent de réviser les règles internationales,
réformer les institutions internationales afin de promouvoir les intérêts des États du Sud,
principalement ceux de l’Afrique. Dans cette lancée, l’Afrique du Sud ne suit toujours pas
la même voie que les grandes puissances occidentales. Mais qu’en est-il du Nigéria ?
1.2. Le Nigéria
A l’instar de l’Afrique du Sud, le Nigéria déploie sa puissance dans trois cadres
géographiques principaux : le cadre sous-régional (1), celui régional (2) et la sphère globale
(3).
Ce rôle du pays a connu des évolutions importantes ces dernières années, notamment
avec le retour à la démocratie au Nigéria. Celles-ci se manifestent dans une prise en
compte de la démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance dans les
instances sous-régionales. Le Nigéria a ainsi contribué aux réformes entreprises au sein
de la CEDEAO qui intègrent ces thématiques ainsi que celles de la sécurité et de la
paix. La diplomatie nigériane sera ainsi très dynamique dans la résolution pacifique de
plusieurs conflits politiques dans la sous-région comme en Guinée, en Guinée-Bissau et
au Togo. Son président Olusegun Obassandjo, faisant partie des grands médiateurs du
continent, a pesé de son poids dans ce dynamisme de la politique étrangère nigériane.
Le président Goodluck Jonathan s’est aussi inscrit dans la même perspective, mais il
n’a pas compris la réorientation de la politique étrangère nigériane dans son pré-carré.
Certains analystes des récents conflits dans la sous-région comme le Sud-africain
Adekeye Adebajo, directeur exécutif du Centre for Conflict Resolution (Cape Town), ont
rapidement conclu à une perte d’influence du Nigéria dans cet espace au profit de la
France (Luntumbue, 2013). Cependant, selon l’étude de Michel Luntumbue, il faut y voir
des actions diplomatiques cohérentes selon les redéfinitions des intérêts nationaux du
Nigéria où la défense de la démocratie et des intérêts économiques propres figurent au
premier rang. C’est ainsi que, contre l’irruption de l’Afrique du Sud et de l’Angola en Afrique
de l’Ouest dans le conflit ivoirien et leur soutien à une solution négociée du conflit post-
électoral, le Nigéria a soutenu les résultats des urnes qui rendaient Ouattara vainqueur. Il
a aussi encouragé l’intervention française en concordance avec ses intérêts notamment
dans la protection de ses ressortissants (qui exercent des activités économiques en
Côte d’Ivoire) qu’il avait commencés à évacuer. Les retombées de ces prises de position
n’ont pas tardé après la stabilisation de la Côte d’Ivoire : deux compagnies pétrolières
nigérianes ont pu obtenir des permis d’exploitation en Côte d’Ivoire, et des coopérations
commerciales sont en train de se mettre en place. La récente visite d’Avril 2015 au
L’autre levier de l’influence hégémonique nigériane est sans doute ses grands moyens
financiers et économiques. A cet égard, en collaboration avec la Banque Africaine de
développement, le Nigéria a mis en place un fond d’appui au développement pour les
Etats d’Afrique occidentale qui peuvent avoir accès à des prêts à taux concessionnels. Il
s’agit du Nigeria Trust Fund (NTF) ou le Fond spécial du Nigéria dont le capital est passé
de 80 millions de dollars des débuts à 200 millions de dollars en 2013 (Udo, Ekott, 2013).
Le pays joue aussi un rôle déterminant dans les négociations entre la CEDEAO et l’UE. Il a
ainsi influencé la communauté dans son refus de l’accord de Partenariat économique (APE)
avec l’UE, jugeant celui-ci défavorable pour la sous-région. L’importance de l’expansion
du secteur privé nigérian n’est pas sans impact sur la sous-région. Le premier de ces
acteurs privé nigérian est sans doute Aliko Dangote (avec plus de 20 milliards de dollars
de fortune). Son entreprise Dangote Cement évoluant dans le domaine du Ciment dispose
de trois cimenteries au Nigéria et a lancé la construction de treize autres dans la région
(Michel Lutumbue). Les Nigérians sont presque présents dans tous les pays d’Afrique de
l’Ouest et sont très dynamiques dans le domaine économique.
Ainsi, loin d’être le signe d’une perte d’influence, la nouvelle configuration de la puissance
nigériane dans la sous-région apparait plus comme l’élargissement de sa légitimité à la
fois dans la sous-région, en Afrique et dans le monde. Les dernières élections réalisées
cette année 2015 dénotent de ce souci du pays d’être un exemple dans la sous-région et
pour le reste du monde. Donc renforcer son assise sous régionale par l’emploi d’un « soft
power » est fondamental pour le Nigéria en tant que puissance moyenne émergente.
A ce propos, le politologue Detlef Nolte du German Institute for Global and Areas studies
(GIGA), notait : « les politiques d’alliances et d’institutionnalisation régionales font partie
des ressources stratégiques des puissances moyennes, désireuses de sécuriser leur
espace politique, et constituent un moyen de contenir l’influence d’autres États plus
puissants ou concurrents » (Nolte, 2010). Dans cette perspective, ces puissances, tel que
le Nigéria, déploient une stratégie d’« hégémonie douce » ou « hégémonie coopérative »
qui leur permet d’asseoir une « une domination [...] plus stable et plus légitime parce qu’elle
coopte d’autres pays via des incitations positives, car elle garantit la stabilité dans la
région, et parce qu’elle rend [en principe] plus difficile la constitution de contre-alliances à
l’intérieur de la région ou à l’extérieur avec les États de la région » (Nolte, 2010). Il y a donc
comme une pax nigeriana (Lutumbue Michel, D.C. Bach) en Afrique de l’Ouest.
C’est donc sur cette base plus ou moins solide et stable (bien que très dynamique) que le
Nigéria se projette sur le continent : son influence dans cette sphère plus large apparait
comme le continuum de celle de la sous-région mais sans être hégémonique.
En ce lieu, il faut dire que le Nigéria d’Olusegun Obasandjo a fortement contribué, avec
le Sud-africain Thabo Mbeki et le libyen Mouammar Kadhafi, à la réforme de la défunte
Organisation de l’Unité Africaine pour la mise en place de l’Union Africaine dans la
perspective de la renaissance africaine. Dans cette lancée, le président nigérian sera l’un
des membres influents du Mécanisme d’évaluation par les pairs (MAEP), une institution
dont le but est de promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance sur le continent.
Ainsi, fort de ses réformes institutionnelles en matière de démocratie et gouvernance
(malgré la persistance de certaines insuffisances), le Nigéria devait exercer un soft
power sur la scène internationale africaine. Mais ce nouveau contexte d’orientation de la
politique étrangère qui connait l’arrivée au pouvoir du président Jonathan, sera marqué
par la critique de l’exercice traditionnel de la puissance nigériane. Celui-ci est jugé trop
soft dans la mesure où le Nigéria s’est toujours abstenu de candidater aux principales
directions des institutions africaines et même sous-régionales, au nom de la promotion
de l’Unité africaine (Olugbenga, 2013). Partant, le pays se veut plus attentif à ses intérêts
nationaux (matériels et immatériels comme les valeurs démocratiques) en faisant des
choix rationnels et en évaluant les coûts et les bénéfices. C’est dans cette perspective
théorique qu’il convient de lire les interventions récentes du Nigéria au Mali et en Côte
d’Ivoire (présentées plus haut). En véritable puissance moyenne émergente, le Nigéria fait
usage de la Niche diplomacy, en privilégiant certains domaines par rapport à d’autres.
Cependant, ceci intervient après que le pays se soit forgé une véritable place en matière
de participation aux opérations de maintien de la paix et de la sécurité.
En tant qu’une des plus importantes puissances militaires sur la scène internationale
En commençant par les Occidentaux, il faut dire qu’ils demeurent depuis l’indépendance du
Nigéria des partenaires privilégiés même pendant la guerre froide où le pays brandissait
la carte de la neutralité ou du non-alignement, observe Daniel C. Bach (Bach, 1988). Le
pays a toujours évolué dans la voie du capitalisme, et aujourd’hui de la démocratie et de
la bonne gouvernance.
Cependant, malgré cet attachement à l’occident, le Nigéria a joué un grand rôle dans
la libération du continent. C’est à ce titre qu’il intervient comme interlocuteur privilégié
des puissances occidentales dans la lutte contre le système d’apartheid en Afrique du
Sud, dans la libération de l’Angola ou encore de la Rhodésie (actuelle Zimbabwe). Pour
cette dernière, le Nigéria d’Obassandjo sera associé à un plan anglo-américain devant
lui conduire à intervenir militairement en Rhodésie. Il s’ensuivra une visite du président
nigérian Olusegun Obassandjo à Washington avant de celui du président américain
Jimmy Carter à Lagos en avril 1978. Dans la même dynamique, les Etats Unis (sous
Carter) appuieront l’élection du Nigéria au Conseil de sécurité de l’ONU.
De sa part, le Nigéria utilisera cette tribune pour mettre pression sur les Occidentaux
pour la libération de territoires africains comme la Namibie et l’Afrique du Sud. Le
président nigérian Shehu Shagari déclarera dans ce sens à Walter Mondale (Vice-
président américain) : «...qu’après l’accession du Zimbabwe à l’indépendance, la Namibie
et l’Afrique du Sud doivent « être libres pour que l’amitié américano-nigériane continue à
se développer». Pendant ces périodes, le Nigéria va parfois faire usage de son instrument
économique qu’est le pétrole pour exercer la pression sur les États occidentaux en les
menaçant d’embargo. Ce fut ainsi le cas avec les entreprises pétrolières anglaises comme
La finalité de tous les efforts du Nigéria est précisée ici par Daniel C. Bach qui écrit : « la
politique nigériane en Afrique australe [dans son rôle d’intermédiaire et représentant
du continent] allie de façon indissociable une volonté de promouvoir l’indépendance de
la région à un souci de légitimer et de justifier auprès des États membres de l’OUA
l’émergence d’un leadership nigérian en Afrique subsaharienne » (Bach, 1988).
Ce dynamisme est aujourd’hui poursuivi par le Nigéria devant les instances internationales
pour la défense des intérêts de l’Afrique. C’est ainsi que le pays interviendra auprès du
G8 avec l’Afrique du Sud de Thabo Mbeki, pour une meilleure réinsertion de l’Afrique
dans la mondialisation.
Outre ce rôle de médiateur, le Nigéria est devenu aujourd’hui un acteur de plus en plus
important dans les affaires économiques et sécuritaires africaines et ce, depuis les
attentats du 11 septembre 2001. En effet, la montée de la menace terroriste à la fois
pour les États occidentaux et pour le Nigéria lui-même (avec Boko Haram), de même que
les menaces sécuritaires (piraterie, pêches illégales, trafics...) dans le golfe de Guinée et
l’importance stratégique et géoéconomique de cette région (où se côtoient gisements de
pétroles et de gaz...), de nouvelles donnes qui ont remis le Nigeria au cœur de la stratégie
des grandes puissances en Afrique et en ont fait un acteur incontournable à l’aube du
21ème siècle. L’émergence économique du pays ainsi que ses ressources énergétiques en
font aussi un centre de convoitises pour les pays occidentaux ainsi que pour les grandes
puissances émergentes que sont la Chine, l’Inde, le Brésil, et la Russie. Les premiers
désireux de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen orient (une région
très instable ces dernières années) font route vers le Golfe de Guinée, il en est de même
pour les seconds plus soucieux de leur croissance et très énergétivores. Le Nigéria est
ainsi le lieu de l’afflux de grands investissements étrangers qui ont atteint les 9milliards
de dollars US en 2012.
Au regard de tout ce qui précède, le Nigéria s’affiche comme l’un des pays les plus
importants dans la géopolitique du 21ème siècle à la fois pour l’Afrique et le monde, en tant
que facteur de stabilité (ou d’instabilité), lieu de promesse d’après les grandes potentialités
qu’il présente. C’est un pays lancé dans une dynamique d’affirmation continue à la fois
dans sa sous-région, en Afrique et dans le monde.
Mais, s’ils sont bien des puissances moyennes émergentes en Afrique, il faut reconnaitre
que le Nigéria et l’Afrique du Sud font face à de nombreux défis.
En entendant le défi comme un «problème, [une] difficulté que pose une situation et que
l’on doit surmonter » (Larousse 2009), n’est-il pas pertinent de soutenir que « le défi est
à la puissance ce qu’est l’œuf à la poule », c’est-à-dire sans l’un l’autre peut-il exister ? Il
apparaît que le défi est un élément, une composante naturelle du champ de la puissance.
En concevant les choses sous cet angle, cette réflexion entend s’émanciper des discours
du « chao de la puissance en Afrique » au profit de l’importance voire de l’utilité des défis
pour les puissances. Elle cherche à affirmer que loin de sonner la fin de la puissance en
Afrique, les défis en annoncent l’existence et la pertinence. De même cette conception du
défi pose le problème de sa surmontabilité, rompant ainsi avec l’idéalisme de la puissance
ou son hyperbole pour ne prendre en compte que les efforts concrets qui sont déployés
pour transformer un défi en atout (transformer par exemple une grande démographie en
Les problèmes ou les éventuels freins à l’émergence de l’Afrique du Sud sont à la fois
d’ordre interne et international. Toutefois, les difficultés internes sont de loin les plus
importantes.
En effet, plus de vingt ans après le régime d’apartheid en Afrique du Sud, le pays peine
encore à se relever de ses cendres. Les séquelles de ces longues années d’« exclusion »
de la majorité de la population demeurent visibles et s’accroissent d’ailleurs pour
certaines. Ce qui place toujours ce pays en bas des classements mondiaux pour
l’indice de développement humain (121ème sur 177) (Vignaux, 2009). L’Afrique du Sud
est confrontée à une profonde fracture sociale entre la majorité des exclus d’hier (noire,
métisse et indienne) et la minorité blanche. Les premiers montrent tous les chiffres
négatifs de la progression. Ainsi, avec 25% de chômeurs (Jean-François Fiorina ; 2013),
50% sont noirs, 30% sont métis, et 20% sont des Sud-africains d’origine indienne et 8%
seulement sont de la minorité blanche. D’après François Lafargue, « sur 200 élèves, seul
1 noir arrive à l’université contre 8 blancs », remettant en cause l’égalité des chances,
qui demeure encore un rêve dans la société Sud-africaine. Il en est de même pour le
taux de mortalité infantile de loin plus important chez la population noire et métisse que
chez les blancs. Dans le domaine de la répartition des terres arables, l’Afrique du Sud
fait face à « une profonde situation inégalitaire » que Merveilleux du Vignaux Guillaume a
qualifiée de « bombe à retardement » (Vignaux, 2009) en comparaison avec l’expérience
Zimbabwéenne bien observée par la majorité des Sud-africains. En effet, les fermiers
blancs qui ne forment que 13% de la population détiennent 90% des exploitations.
Envisagées en 1994, la répartition de ces terres s’est relevée très délicate, et depuis
environ 600 fermiers blancs ont été assassinés.
Cette situation sociale critique devient plus sérieuse lorsque la violence et la criminalité
s’y invitent. C’est d’ailleurs l’un des nombreux clichés qui sont collés à la « Nation arc-
en-ciel ». A cet égard, Graeme Simpson78, présentait la situation en ces termes : « Si
l’apartheid criminalisait toute forme de manifestation politique, la lutte pour la libération
politisait les actes criminels ». Ces derniers sont devenus le quotidien d’une bonne partie
(78). Directeur général du Centre for the Study of Violence and Reconciliation (CSVR) de Johannesburg.
Face à ses réalités, des actions ont été entreprises par les gouvernements post-apartheid
avec notamment l’affirmative action visant à favoriser l’accès de la majorité des exclus
à l’emploi, ou le Black economic empowerment qui incite les grandes industries à céder
certaines de leurs filiales à des entrepreneurs noirs ; deux mesurent qui ont permis
l’émergence d’une bourgeoisie noire et d’une certaine classe moyenne. Toutefois, elles
sont à leur tour contestées au sein de la population pour leur manque de solidarité.
L’Afrique du Sud connait aussi l’épineuse question de la fuite des cerveaux, notamment
pour la population blanche qui, souffrant des conséquences des mesures de discrimination
positive, émigrent parfois vers les Etats Unis, la Grande Bretagne et l’Australie. Ils sont
ainsi entre 20.000 à 40.000 chaque année à effectuer ce voyage.
A ces problèmes sociaux, il faut ajouter les difficultés énergétiques. En effet, avec
l’activité industrielle la plus importante du continent, l’Afrique du Sud a fait face ces
dernières années à des crises répétées de ses installations énergétiques. Ce qui a eu des
conséquences sur les industries extractives notamment.
Sur le plan international, la situation particulière de l’Afrique du Sud entre pays en voie
de développement et pays développé est à la fois un atout mais aussi un handicap. Pour
ce dernier, l’Afrique du Sud fait souvent face à un problème d’acceptation d’abord dans
sa sous-région notamment avec le Zimbabwe et l’Angola, mais aussi sur le continent où
certains prétendants comme le Nigéria n’hésite pas de remettre en cause ses positions
(l’exemple du conflit post-électoral ivoirien).
Avec les États occidentaux, l’Afrique du Sud est souvent qualifié d’Etat qui joue un double
jeu. D’une part, elle se présente comme grand défenseur des principes de liberté, de
démocraties et des droits de l’homme ; et d’autre part, elle évite de « heurter [...] les
sensibilités régionales [et] l’exigence de solidarité africaine, voire de solidarité Sud- Sud »
(Trachsler, 2011). Ainsi, pour Trachsler du Center for Security Studies (Suisse) 79, c’est cette
orientation qui explique, dans une large mesure son comportement conciliant vis-à-vis du
Zimbabwe ou son refus de sanctionner Myanmar, le Soudan ou l’Iran, ainsi que certaines
rhétoriques anti-occidentales de l’Afrique du Sud. L’auteur poursuit en constatant que « le
positionnement actuel de l’Afrique du Sud est caractérisé par une incertitude persistante
quant à son rôle ». Ce qui le conduira à conclure qu’ « il sera déterminant pour l’Occident
de voir si l’Afrique du Sud continue, sur le plan mondial, à opter principalement pour une
représentation des pays en voie de développement ou pour une fonction de liaison entre
(79). Center for Security Studies : www.ssn.ethz.ch
Mais, plus que l’Afrique du Sud, le Nigéria est au centre de tous les discours du fait de
l’importance considérable de ses défis.
Souvent qualifié de « géant aux pieds d’argile », le Nigéria présente de nombreux défis qui
relativisent sans doute sa puissance dans la sous-région, en Afrique et dans le monde.
Le premier de ces défis se situe dans le domaine socioéconomique. A l’instar de la plus
part des pays émergents, le Nigéria connait une inégalité sociale très considérable.
Au pays de l’homme d’affaires le plus riche du continent, Aliko Dangote, le fossé entre
les riches et les pauvres est vraiment profond. En effet, plus de 70% de la population
nigériane vit en deçà du seuil de pauvreté (moins de deux dollars US par jour) (Hugon,
2006). Le taux de chômage reste élevé jusqu’aux élections de 2015, il concerne environ
24% de la population active. D’après Brahim Fassi Fihri du Think Tank marocain Amadeus
(Fihri), cette situation a entrainé une explosion de l’informel dans le secteur économique.
L’auteur souligne aussi la grande disparité entre les régions du Nord musulmanes et
fortement pauvre avec plus de 50% des chômeurs, et celles du Sud majoritairement
chrétiennes et ne connaissant que 20% notamment dans la région de Lagos. Il y voit l’une
des explications essentielles de la crise sécuritaire qui mine le Nord du Nigéria.
Pour cette dernière, il faut y voir le fait d’une chasse permanente de l’Etat nigérian contre
la « secte islamiste » Boko Haram. Mais comme l’analyse bien Marc-Antoine Pérouse
de Montclos du centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po (De
Montclos, 2012), l’argument islamiste ou religieux à lui seul est très insuffisant pour
rendre compte de cette crise. Elle renvoie à la double crise sociale et politique de l’Etat
moderne au Nigéria. Pour l’auteur, c’est un mouvement qui « est surtout engagé dans une
logique de désobéissance et de confrontation avec les représentants d’un État « laïque »,
bien plus qu’avec les tenants d’un Islam traditionnel ». Il ne rejette pas complètement la
modernité (Marc-Antoine Pérouse de Montclos). Le mouvement Boko Haram peut être
reconnu comme un mouvement social qui conteste l’Etat dans son rôle social, son échec
en la matière, faisant régner un énorme sentiment d’injustice sociale. De Montclos écrit
à cet égard : « en fait de mouvement ethnique, le recrutement de Boko Haram parmi les
exclus de la croissance évoque davantage une révolte sociale basée sur une sorte de
théologie de la libération en faveur de la justice (adalci en haoussa) » (De Montclos, 2012).
Ainsi, il apparaît que les crises sociales et sécuritaires sont le reflet de la crise du champ
politique. A cet égard, un rapport du Senat français de 2009 constatait « une transition
démocratique inachevée, reposant sur des équilibres institutionnels délicats »80. En effet,
comme la plupart des États d’Afrique, et après un long cycle de coups d’Etat militaires
(une dizaine pendant plus de trente ans), le Nigéria a entamé sa transition démocratique
dans les années 1990 sous la direction d’Olusegun Obasanjo. Mais les caractéristiques
ethniques de cet Etat, véritable mosaïque démographique, ont souvent rendu difficile
l’évolution de la démocratisation et même l’organisation d’élection libres et transparentes.
Cependant, c’est l’état des élites (militaire, politique et économique) nigérianes qui est le
plus inquiétant. Principales détentrices du pouvoir, elles font fonctionner le champ politique
par le clientélisme néopatrimonialiste (M. Jean-François Médard). Par conséquent le
Nigéria reste l’un des pays les plus corrompus d’Afrique et où la vie politique est très
souvent personnalisée.
Toutefois, conscient de sa position et du rôle qu’il doit jouer sur la scène sous-régionale,
africaine et internationale, le Nigéria connait progressivement une certaine mutation
de son champ politique et économique vers les bonnes pratiques internationales de
la gouvernance. L’élection de Muhammad Buhary en Avril 2015 est très significative
à cet égard. Le géopolitologue français Philippe Hugon a ainsi parlé de « victoire de la
démocratie » et de « première alternance démocratique au Nigéria » (Hugon, 2006). Ce
qui dénote d’un progrès véritable dans la consolidation des institutions démocratiques,
mais surtout dans la maturité des hommes politiques et de la population nigérians. Ceci
n’est pas sans redorer l’image du pays à l’extérieur et accroitre son influence. Aussi, avec le
nouveau chef d’Etat, le Nigéria entend renforcer la crédibilité de ses institutions financières
qui ont connu d’énormes progrès depuis les premières réformes d’Obassandjo ; en même
temps que de faire face à la menace que constitue Boko Haram. A la lumière, de cette
mise en exergue des défis du Nigéria et de l’Afrique du Sud, il apparaît qu’en dépit de leurs
nombreux atouts, les deux pays présentent des difficultés qui ne sont pas des moindres et
qui sont révélatrices de leurs limites. Toutefois, il convient de s’interroger sur les rôles que
ces défis peuvent jouer dans l’avenir des deux puissances en termes de coopération ou de
rapport de puissance, de même quelle lecture prospective peut-on faire de leur influence
à la lumière des évolutions actuelles et futures du système international africain ?
En s’appuyant sur quelques crises récentes sur le continent, notamment sur la crise
ivoirienne, cette analyse entend soutenir la thèse selon laquelle le renforcement des
pôles de puissance sur le continent (dans les sous-régions) entraine une distribution de
la puissance qui met en relief des hégémons sous-régionaux. Ces derniers entendent
préserver cette hégémonie contre les puissances d’autres sous-régions et même les
puissances extérieures, et l’utilisent pour asseoir leur point de vue sur le plan continental
se positionnant en tant qu’interlocuteur incontournable à l’échelle globale.
Dans le cas de la présente étude, la crise ivoirienne a permis d’observer cette tendance.
En mettant en lumière les divergences entre les grandes puissances africaines que sont
l’Afrique du Sud et le Nigéria et en consacrant la victoire du second sur la première.
En ce qui concerne cette crise ivoirienne, l’analyse qu’en a faite Vincent Darracq (Darracq,
2011) est l’une des plus sérieuses. En effet, après la proclamation des résultats du second
tour des élections présidentielles ivoiriennes du 28 novembre 2010 par la commission
électorale indépendante (CEI) donnant l’opposant Alassane Ouattara vainqueur (avec 54,1
% des voix) contre le président sortant Laurent Gbagbo (ONUCI, 2010), ces résultats sont
invalidés plus tard par la cour constitutionnelle ivoirienne qui va consacrer la victoire du
chef de l’Etat sortant avec 51,45 % des suffrages et après annulations des résultats dans
sept (7) départements. Mais, le même jour, le représentant spécial du secrétaire général
des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Mr. Choi Young-Jin81, va reconnaitre les résultats de
la CEI, confirmant la victoire de l’opposant. Ces proclamations contradictoires seront à
l’origine d’une crise post-électorale sans précédent, entrainant une lutte féroce entre les
supporters des deux camps (opposition et parti au pouvoir) pour la détermination du
président légitime de la Côte D’ivoire. Le Nigéria, puissance hégémonique ouest-africaine,
va se présenter comme le défenseur des valeurs démocratiques et des résultats des
urnes certifiés par les Nations Unies ; alors que l’Afrique du Sud, puissance hégémonique
en Afrique australe, adoptera une posture de puissance anti-impérialiste. De part et
d’autre des facteurs internes, sous régionaux et continentaux vont jouer un rôle important
dans ces prises de positions. Pour le Nigéria, c’est l’évolution du système politique vers
(81). A noter que le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, Choi Ying- Jin, disposait d’un mandat de certification
des résultats par ordonnance présidentielle du 14 avril 2008 (Vincent Darracq ; 2011 : 361).
Ainsi, le continent semble évoluer vers l’instauration de règles tacites de jeu qui
signifient que « chacun soit maître chez lui, nul ne peut commander dans un pré-carré
autre que le sien ». Une telle considération appelle à s’interroger sur l’avenir des relations
Maroco-nigérianes à la lumière de la poussée diplomatique du Maroc en Afrique de
l’Ouest. Favorisera-t-elle les relations diplomatiques entre ces deux pays importants de
l’espace atlantique africain ?
Toutefois, au-delà de ces luttes, ces puissances ont conduit au final à l’entente pour une
solution pour la Côte d’Ivoire. Ce qui explique la nécessité d’une certaine coopération.
Le second lieu d’explication de cette thèse tient à l’importance géopolitique qu’a prise
l’espace atlantique africain (dans ses définitions extensives ou restrictives). Ce gain
d’intérêt à la fois lié à l’abondance de ressources énergétiques (pétrole et gaz), des
ressources minières dans la région, ainsi que des richesses économiques maritimes
comme le poisson, font de cette région l’objet de convoitise internationale d’envergure.
L’insécurité qui marque aussi cet espace en termes de trafic de drogue, de produits
énergétiques et de pêches illégales, la piraterie accroit les enjeux de cette région. En tant
que puissances importances dans cet espace, le Nigéria et l’Afrique du Sud sont appelés
à y jouer un rôle important. A cet égard, cette étude a montré l’intérêt que les deux
portent à la mer, et les moyens qu’ils mettent en place dans ce sens. L’Afrique du Sud
étant plus avancée que le Nigéria en matière d’armement maritime.
Enfin, l’avenir d’une coopération entre deux pays dans la perspective d’une pax africana
peut aussi s’observer sur le plan économique et social, sachant l’importance de ces
deux domaines dans la stabilité de nombreux pays africains dont ces deux pays. En
ce lieu, cette réflexion a pu montrer l’évolution de la coopération économique entre les
deux pays pionniers du NEPAD. Si l’un dispose un marché intérieur en pleine expansion
Au soir de cet exercice, qui n’entend pas dire la fin, il convient de noter deux grands moments
de réflexion articulés autour d’une thèse (affirmation de la puissance) et d’une antithèse
(relativisation de la puissance) cherchant à répondre à la question fondamentale du statut
de puissance moyenne émergente du Nigéria et de l’Afrique du Sud, dans la perspective
des études internationales africaines. Pour ce faire, cette étude a choisi la démarche de la
contextualisation, provincialisation des catégories théoriques dominantes pour aboutir à
la reconnaissance de la pertinence et de la fécondité du concept de puissance en Afrique,
et donc celui de puissance moyenne émergente. Pour asseoir la thèse de la fécondité du
concept de puissance en Afrique, cette réflexion a emprunté à Marque Barbara le modèle
de multivectorialité et au professeur Luc Sindjoun l’idée d’identification des niveaux
d’observation de la réalité internationale afin de distinguer celui global des niveaux
régionaux et sous-régionaux (en dépit de leur interaction permanente). En considérant
l’Afrique comme un sous-système du système international global, ou comme un système
international autonome avec ses acteurs, des enjeux et ses propres sous-systèmes ; en
prenant en compte la réalité de l’État en Afrique, cette réflexion a reconnu qu’il n’est pas
abusé de considérer certains États africains, notamment le Nigéria et l’Afrique du Sud
comme des puissances moyennes émergentes, contrairement à certaines prétentions. En
ce lieu, l’analyse s’est focalisée sur la mise en œuvre de la puissance dans trois principaux
champs : la sous-région, la région ou le continent et le champ global. Il apparait que les
puissances moyennes émergentes africaines adoptent des comportements variant en
intensité selon le champ : si dans la sous-région elles agissent comme des hégémons
(hégémonie douce) en considérant cet espace comme un pré-carré ; dans la région ou
sur le plan continental, bien que demeurant relativement très important par rapport à
la grande partie des États, elles ne peuvent exercer une hégémonie même douce mais
exerce de très grandes influences avec en face d’autres puissances importantes. Il en
est ainsi du Nigéria et de l’Afrique du Sud, l’un par rapport à l’autre. Enfin dans la sphère
globale, elles se comportent comme de véritables puissances moyennes émergentes. Ce
qui a conduit au modèle de la puissance tricéphale.
Toutefois, l’analyse des grands défis de ces États, second moment de la réflexion, permet de
reconnaitre la relativité de leur puissance. Ces défis ainsi que la configuration du système
international africain laissent voir pour l’avenir à la fois des rapports de rivalités et de
coopération. Mais, dans le même temps, ils sont appelés à coopérer davantage en vue de
répondre à certains besoins fondamentaux notamment dans les domaines sécuritaires,
économiques voire politiques. En pesant lourdement sur les instances continentales, les
deux puissances se donnent les moyens de légitimation de leurs actions.
6
Abdelkhalek EL BIKAM82
Introduction
La présence brésilienne sur le continent africain suscite une attention particulière
des observateurs. En effet, l’importance qu’accorde le Brésil à sa politique africaine peut
laisser supposer qu’il existerait une spécificité de sa diplomatie à l’égard de ce continent. Le
Brésil, à l’instar des autres acteurs internationaux a fortement accéléré la diversification
de ses partenaires économiques et ses relations extérieures, focalisant, sur l’idée dite
Sud-Sud. La politique étrangère brésilienne est marquée par sa souplesse qui lui permet
de se positionner dans un environnement international concurrentiel.
Dans cette perspective, le continent africain, se présente comme un espace sur lequel
le Brésil pourrait donner l’image d’un Etat progressiste, tiers–mondiste. L’Afrique c’est
aussi un terrain de compétitivité économique entre plusieurs puissances internationales
qu’elles soient classiques ou émergentes.
Les facteurs de rapprochement entre le Brésil et l’Afrique sont très spécifiques qui date
d’une longue histoire. Les structures sociales et culturelles, la formation de la population
brésilienne par des ethnies d’origine africaine, des valeurs partagées ainsi que les modèles
de comportement des groupes sociaux sont des éléments d’enrichissement de la société
brésilienne, mais aussi des facteurs d’orientation de sa politique étrangère.
Si les relations entre le Brésil et l’Afrique se plongent dans l’histoire, actuellement sont
devenus plus normatives et institutionnelles, il s’agit donc, d’une redécouverte de l’intérêt
de ce continent, ces liens tissés avec les pays africains sont très profonds et variés, en
effet, plusieurs programmes de coopération économique, universitaire ou militaire ont vu
la lumière.
Cette intensification de la présence brésilienne sur le continent africain a connu son grand
essor, surtout lors du lancement du gouvernement de Lula Da Silva en 2003 de son
programme de la politique étrangère (Lula Da Silva, 2003). Dans ce sens, la stratégie
brésilienne fixe l’Afrique comme deuxième objectif prioritaire derrière l’Amérique du Sud
et ce, bien évidemment, montre l’intérêt de ces pays africains dans l’agenda de Brasilia.
En œuvrant sur la connexion des deux rives de l’Atlantique, le Brésil demeure la seule
puissance régionale capable d’orienter les grandes orientations et choix stratégiques des
pays des Sud. Les accords interrégionaux entre le Marché commun du Sud (MERCOSUR)
et l’union douanière d’Afrique australe (SACU) ainsi que les réunions périodiques des
chefs d’Etats dans les sommets des deux continents viennent renforcer le rythme actif
de la diplomatie brésilienne et sa vision qui place le développement économique et social
comme condition d’une plus grande stabilité et sécurité des pays africains.
Ce choix stratégique du Brésil s’inscrit –il dans la continuité ? Quels sont les intérêts
économiques et géostratégiques du Brésil en Afrique ? Quel positionnement stratégique
pour le Brésil ? Comment le Brésil élabore-t-il sa politique africaine ?
La traite négrière atlantique constituait un sombre passé qui a duré plus de trois siècles,
le Brésil comme d’autres pays du continent américain a connu le déplacement forcé de
plus de quatre millions d’Africains.
Les relations afro-brésiliennes ont été fortement consolidées dans la seconde moitié au
du XX siècle. Elles furent établies juste après la première vague d’indépendance des États
africains (Patriota, 2011).
En effet, l’intérêt croissant du Brésil pour l’Afrique s’inscrivait dans un contexte particulier,
Brasilia avait un choix de positionnement visant à s’affranchir des pressions exercées par
les États-Unis et des contraintes imposées par les clivages Est-ouest de la guerre froide.
(Ribeiro, Malaquais, 2009)
Dans ce sens, le Ministre des affaires étrangères João Augusto de Araújo Castro (1963-
1964) avait adopté les constantes de la politique étrangère du pays en les résumant en
trois éléments essentiels : désarmement, développement économique et décolonisation. Il
(83). Déclaration devant l’assemblée générale de l’ONU, 19 septembre 2006.
Si les années soixante ont été marquées par une dépendance au Portugal en matière
de sa politique coloniale en Afrique, le gouvernement brésilien à l’ère de la dictature
militaire sous Ernesto Geisel (1974-1979) changea de conduite en adoptant une posture
anticoloniale, la reconnaissance du Brésil de l’indépendance de la Guinée-Bissau et du
Cap Vert en 1974 , l’Angola et le Mozambique constituera un tournant drastique dans
sa politique étrangère. Cette attitude de rapprochement a largement participé dans
l’établissement des mesures de confiance avec les pays africains et a mis fin à la position
ambiguë du Brésil en termes de la décolonisation de l’Afrique portugaise.84
C’est à cette époque que s’affiche clairement l’importance stratégique de l’Afrique en tant
que frontière de l’Est du Brésil.85 Celle-ci, impose une stratégie cohérente prospective que
le Brésil a bien su développer tout au long de son processus d’élaboration de sa politique
africaine. Cette dynamique met en exergue l’importance stratégique et économique
primordiale de la côte atlantique africaine, c’est pourquoi la dimension maritime devint
indispensable dans la projection stratégique du gouvernement brésilien (El Houdaigui,
2015).
Plusieurs États africains ont subi un processus d’ajustement issu à la fois de facteurs
économiques, mais aussi d’autres facteurs politiques.L’économie brésilienne quant à elle,
a vécu un ralentissement imposé par un ordre international économique en crise.
Dans ce sens le Brésil, se voit dans l’obligation d’orienter sa politique étrangère à l’égard
des pays africains, en préférant, focaliser son attention sur ses principaux partenaires
économiques, l’Afrique du Sud postapartheid, et les pays lusophones.
Toutefois, cette approche s’inscrivait dans une optique de redécouverte de l’Afrique riche
par ses matières premières (pétrole, uranium, charbon…), ce qui attire les convoitises des
puissances classiques, ainsi que des pays émergents.
A l’instar de la Chine et de l’Inde, le Brésil veut aussi se positionner en Afrique par le biais
d’achat des matières premières et la vente des produits manufacturés. Le dynamisme
diplomatique brésilien déployé lors du mandat de Lula da Silva à l’intention de l’Afrique
trouve ses origines dans une stratégie qui considère le continent africain comme un
débouché commercial très important pour les entreprises brésiliennes afin d’exporter
leurs produits et services.
(86). En terme de présence diplomatique en trouve le Brésil au quatrième rang avec 37 ambassades, les Etats Unis(49), la
Chine (48), la Russie (38).
(87). Le 25 mai 2013 à l’occasion du 50ème anniversaire de l’Union Africaine à Addis-Abeba en Ethiopie, le Brésil a pris
décision d’annuler la dette des 12 pays africains
En effet, les pays producteurs de pétrole ont de grand intérêt géostratégique et attirent
l’attention du Brésil. Les importations en provenance du Nigeria et de l’Algérie et l’Angola
constituaient plus de la moitié du total des produits africains importés par le Brésil
(Patriota, 2011).
L’enjeu énergétique est prépondérant, ce qui permet au Brésil d’accéder aux ressources
pétrolières et gazières, puis que le continent africain détient 9.7% des réserves mondiales.
La diversification des sources d’approvisionnements en gaz capte l’intérêt de Brasilia en
s’orientant vers l’Angola l’Algérie, la Lybie et le Nigeria.
De nombreux accords ont été signés entre les marchés communs des deux rives de
l’atlantique notamment entre le Marché commun du Sud (MERCOSUR) et l’Union
Douanière de l’Afrique Australe (SACU). S’y rajoute la participation active de la Banque
brésilienne pour le développement (BNDES acronyme en langue portugaise) dans le
financement de plusieurs projets pour l’Afrique.
Le volume du commerce brésilien avait dépassé les US $ 25 milliards (en 2007), et les
échanges ont été quintuplés. L’Afrique pour le Brésil est le quatrième bloc89 en termes
de partenaire commercial après la Chine, les États Unis et l’Argentine. Il s’agit d’un chiffre
supérieur à celui des échanges avec des partenaires traditionnels, tels que l’Allemagne
et le Japon90. Le Brésil est le deuxième fournisseur du Continent par rapport à d’autres
pays des BRICS derrière la Chine (Stolte, 2012).
C’est en 2005 que le Brésil s’est associé à l’Allemagne, l’Inde et le Japon pour présenter
un plan de réforme de conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU). Pour ces pays le
Conseil de Sécurité est issu d’une ère historique qui ne reflète pas aujourd’hui les réalités
du nouvel ordre international. La réforme du CSNU est indispensable pour Brasilia pour
bien répondre aux problèmes de la gouvernance mondiale. Les autorités brésiliennes
cherchent le soutien des pays africains afin de briguer un siège permanent au sein de
conseil de sécurité.
A cet égard, il faut mentionner que l’Afrique est importante en termes de voix puisqu’elle
est représentée par quelques 53 membres à l’ONU (Santander, 2012). Le Brésil veut une
reconnaissance de son rôle international en tant que nation respectée, même si le Brésil
est affronté à un entourage concurrentiel. Les aspirations de Brasilia d’avoir un siège
permanent sont revendiquées par ses voisions notamment, le Mexique, l’Argentine et le
Venezuela qui défendent une représentativité rotatoire au sein du CSNU, des pays de
l’Amérique du Sud, qui accusent Brasilia de concrétiser une approche hégémonique qui
peut atteindre à l’équilibre politique de l’Amérique Latine.
La ligne de conduite de la diplomatie brésilienne vise le tiers monde comme l’une de ses
priorités. Cette préférence renvoie à la nécessité d’assurer un lien solide avec les pays
africains, dès lors le Brésil a œuvré pour le renforcement de ses relations avec toutes les
instances régionales plus profondément avec les intégrations économiques africaines
telles que la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Le Brésil à travers cette dynamique relationnelle avec les pays africains cherche à se
positionner en tant que pont entre les deux rives de l’Atlantique. A ce propos, l’Atlantique
Sud pour le Brésil est un espace de grand intérêt stratégique, d’où la nécessité de paix
et de sécurité comme des éléments indispensables pour garantir le commerce et les
opérations de l’off-shore. Toutefois, Brasilia a fait revivre son initiative de la zone de
Paix et de Coopération de l’Atlantique Sud (ZPCAS). Ladite initiative avait pour objectif
l’élimination de l’apartheid et œuvrer pour l’indépendance de la Namibie comme des
conditions pour établir la paix et la sécurité dans l’Atlantique Sud92.
L’économie repose sur la mer. En effet, plus de 90% des échanges commerciaux se font
par voie maritime. Cette spécificité, offre au Brésil un positionnement stratégique vital.
Le Brésil qualifie cet espace d’Amazonie bleu malgré les énormes foyers de tensions que
connait cet espace. Dans une approche collective pour préserver la paix et la sécurité,
Brasilia et Pretoria ont conduit des manœuvres navales pour le maintien de la sécurité et
la lutte contre la piraterie et le terrorisme maritimes. En outre, le gouvernement brésilien
s’est engagé à faire des patrouilles étroitement avec le Cap Vert, afin de surveiller les
trafiquants de drogues, dans le golfe de Guinée.
La Guinée Bissau dans cet espace est devenue une plateforme de détournement
d’argent, de drogues et d’armes. Dans ce contexte, l’administration brésilienne insiste
sur l’importance de la ZPCAS comme un espace avec de nouvelles priorités, dont la
sécurisation et l’approfondissement de la recherche sur les fonds marins, riches en
biodiversité.
Le Brésil dispose des facteurs de puissance d’ordre structurel : un vaste territoire, une
démographie, un poids économique, les capacités militaires, les ressources énergétiques…
Tous ces ingrédients, font du Brésil une puissance relationnelle selon la théorie réaliste.
En effet, dans un monde en pleine mutation, l’analyse de la politique étrangère brésilienne
en tant que pays émergent suscite, à l’évidence, l’étude des différents acteurs dans le
processus décisionnel interne, ceci étant dit, que la politique étrangère est le miroir de la
politique interne de chaque Etat.
(91). Le Brésilien Roberto Azevêdo actuellement Président de l’OMC,
(92). En 1986, une initiative brésilienne résulta en une résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU (41/11) déclarant la
région située entre l’Afrique et l’Amérique du Sud « Zone de Paix et de Coopération de l’Atlantique Sud » (ZPCAS) une
initiative qui incluent 24 pays des deux rives de l’Atlantique excepte le Maroc et la Mauritanie.
Tout en allant sur la voie de continuité, Dilma Roussef, malgré les différences (présence
charismatique, discours, communication)94 avec son prédécesseur Lula Da Silva, a bien
fixé les obligations internationales du Brésil.
Le rapprochement avec l’Afrique constitue donc une place prépondérante dans le discours
du Chef d’Etat brésilien. En effet, le régime présidentiel incombe au président des larges
compétences en matière de politique étrangère mais également de politique interne. Ceci
est dans une optique qui synthétise les aspirations des différents groupes d’intérêts qui
influencent la politique envers l’Afrique95.
Le Brésil a des capacités matérielles et immatérielles qui le distinguent des autres pays en
développement. Il a également un rôle et une identité dans le système international reconnu
par d’autres pays du Sud. Dans ce contexte, l’articulation de plusieurs acteurs contribue
au renforcement des relations afro-brésiliennes. Citons à titre d’exemple le parti politique
des travaillistes dont la structure composée d’un tissu social qui défend les intérêts
de la population afro-descendante. L’effet d’attraction du Brésil incite aussi plusieurs
gouvernements africains à demander l’établissement des relations avec ce pays.
Le Ministère des Affaires Etrangères est l’une des unités décisionnelles centrales qui
monopolise un poids majeur dans la définition de la politique étrangère avec une certaine
indépendance, dans ce sens nous avons trois déterminants de la politique africaine du
Brésil :
Tout en contribuant à la promotion de ses relations avec l’Afrique à travers ses capacités
diplomatiques de négociation, le Brésil cherche à se positionner en tant que leader des
pays du Sud.
• Amorim, Celso : « Le Brésil veut jouer un rôle ambitieux dans le nouvel équilibre du
monde. » En ligne : www.lemonde.fr;
• Baldwin, David (2013) : “Power and international Relations,” in: W.Carlnaes, T. Risse
and B.Simo-ons (Eds), Handbook of international Relations, London: sage en ligne:
www.princeton.edu;
• Costa Vaz, Alcides (2014): “La política exterior de Brasil en perspectiva: Del activismo
internacional a la continuidad y pérdida del impulso”. La CELAC en el escenario
contemporáneo de América Latina y del Caribe, impreso en San José, por perspectiva
digital. pp.145, 159;
• El Houdaigui, R. : ”L’atlantique élargi, renaissance d’une aire de puissance. ” En Ligne:
www.ocppc.ma;
• Patriota, Thomas C : ”le Brésil, un partenaire de l’Afrique qui s’affirme « les relations
Brésil/Afrique sous les gouvernements Lula (2003-2010) ” Les Etudes de l’institut
français des relations internationales, septembre 2011. En ligne www.ifri.org;
• Ribeiro, Claudio, et Malaquais Dominique, (2009) : “ la politique africaine du Brésil et
le gouvernement Lula, ” Editions Karthala, pp. 71, 91;
• Santander, Sébastian, (2012) : “Repenser l’Atlantique : Commerce, Immigration,
sécurité. , Edition bruylant,, pp.147-165;
• Stolte Christina :” Brazil in Africa , just another BRICS country seeking resources?”
en ligne: www.chathamhouse.org.
7
Sarra SEFRIOUI96
Introduction
L’une des plus importantes activités humaines en mer est l’exploitation pétrolière qui
montre que « les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent
être envisagés dans leur ensemble ». Cet extrait du préambule de la Convention des
Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) souligne que l’exercice de compétences
fonctionnelles sur les ressources naturelles se trouvant dans les zones maritimes
soumises à leur souveraineté n’est pas une question aisée, surtout dans des régions
riches en ressources naturelles comme la région située sur la côte ouest de l’Afrique qui
donne sur l’Océan atlantique.
Cet article traite des aspects juridiques de la délimitation des frontières maritimes
entre les États côtiers de la côte africaine atlantique. Il souligne d’une part, le statut
des différends actuels existants en Afrique sur la côte atlantique relatifs aux frontières
maritimes (I). D’autre part, il analyse les solutions de délimitation adoptées par les États
ayant effectué cette opération avec leurs États voisins (II). Ces solutions qui pourraient
éventuellement servir aux autres États pour résoudre leurs délimitations non encore
effectuées sont développées dans la conclusion de cet article.
Les réservoirs de pétrole et de gaz traversent souvent les frontières maritimes dont
la détermination est incertaine entre les États concernés. Les côtes africaines sont
particulièrement devenues des zones très riches pour l’exploration du pétrole, du gaz et
d’autres ressources naturelles.
La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM ou la Convention) entrée
en vigueur en 1994 clarifie certaines règles qui encadrent les relations entre les États
dans leurs demandes légales de contrôle ou de juridiction sur les mers adjacentes. La
CNUDM leur fournit la possibilité de résoudre leurs différends maritimes pacifiquement
à travers la négociation ou d’autres moyens diplomatiques. En revanche, quelques
controverses relatives à l’interprétation et l’application de la Convention restent toujours
d’actualités. La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire des Nations
Unies et le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) est le Tribunal international
spécialisé ayant la compétence de statuer sur les différends relatifs à l’interprétation et
l’application de la Convention.
Il convient d’abord d’examiner les zones maritimes selon la CNUDM (1), pour ensuite
distinguer entre l’opération de fixation des limites extérieures des zones maritimes
nationales et la délimitation maritime (2).
1.1. Les zones maritimes selon la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer
Un apport important de la CNUDM est notamment la définition des zones maritimes : la
mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive, le plateau continental et
la haute mer. La Convention contient aussi des dispositions relatives aux passages des
navires, la protection de l’environnement marin, la liberté de la recherche scientifique et
l’exploitation des ressources.
Ces zones maritimes sont généralement définies par leur distance à partir de la terre, et
plus précisément à partir de la ligne de base de la mer territoriale.
150 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
territoire terrestre et aussi de la côte des îles.98
2. Les lignes de base droite sont considérées comme formant un système de lignes
reliant des points spécifiques situés sur la ligne de basse mer. Ces lignes de base droite
sont tracées lorsque la côte est profondément échancrée ou découpée ou s’il existe un
chapelet d’îles le long de la côte99.
3. Les lignes de fermeture baies100ou fleuves101sont aussi des lignes droites tracées entre
les points limites de la laisse de basse mer de l’embouchure du fleuve sur les rives ou
baies.
4. Les lignes archipélagiques sont des lignes droites reliant les points extrêmes des îles les
plus éloignées et des récifs découvrant de l’archipel à condition que le tracé de ces lignes
de base englobe les îles principales et définisse une zone où le rapport de la superficie
des eaux à celle des terres, atolls inclus, soit compris entre 1 à 1 et 9 à 1.102
Les eaux intérieures sont les eaux situées en deçà de la ligne de base de la mer territoriale,
elles font partie des eaux intérieures de l’Etat.103
La mer territoriale est une zone maritime dont la largeur ne dépasse pas 12 milles marins
mesurés à partir de lignes de base.
La zone contiguë est la ceinture de mer adjacente à la mer territoriale qui ne mesure
pas plus de 24 milles à partir des lignes de base à partir desquelles la mer territoriale
est mesurée. Dans cette zone, l’Etat côtier peut exercer le contrôle nécessaire en vue
de prévenir les infractions à ses lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou
d’immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale; réprimer les infractions à ces
mêmes lois et règlements commises sur son territoire ou dans sa mer territoriale.104
L’opération de fixation des limites extérieures des zones sous juridiction nationale relève
exclusivement de l’État riverain.107 Néanmoins, malgré le fait qu’elle soit une opération
unilatérale, elle a tout de même un aspect international surtout lorsqu’elle concerne le
plateau continental au-delà de 200 milles108. La Cour internationale de Justice avait
affirmé dans l’affaire des Pêcheries anglo-norvégienne que la fixation des limites des
zones maritimes (qu’elle désigne par le terme « délimitation des espaces maritimes ») « […]
a toujours un aspect international : elle ne saurait dépendre de la seule volonté de l’État
riverain telle qu’elle s’exprime dans son droit interne. S’il est vrai que l’acte de délimitation
est nécessairement un acte unilatéral, parce que seul l’État riverain a la qualité pour y
procéder, en revanche, la validité de la délimitation à l’égard des États tiers relève du droit
(105). Article 76 de la CNUDM. Voir aussi, « Status Report on African Maritime Border Disputes », The Ocean Data and
information Network for Africa ODINFRICA, http://www.odinafrica.org/index.php/news/139africanmaritimeborderdisputes
1/3 (Date de dernière consultation 20/10/2015)
(106). La limite extérieure est : « La limite jusqu’à laquelle un État côtier revendique ou peut revendiquer une juridiction
spécifique conformément aux dispositions de la Convention. Les limites extérieures de la mer territoriale, de la zone contiguë
et de la zone économique exclusive sont constituées par des lignes dont chaque point est séparé du point le plus proche de
la ligne de base par une distance égale à la largeur de la zone mesurée (art. 4 ; art. 33, par. 2 et art. 57). Division des affaires
maritimes et du droit de la mer, Manuel sur la délimitation des frontières maritimes, op. cit., p. 142.
(107). Il convient de soulever l’exception du tracé des limites extérieures du plateau continental situé au-delà des 200
milles. En effet, cette opération suppose l’intervention d’un organe international qui est la Commission des limites du plateau
continental (CLPC).
(108). Notamment par la création de la commission des limites du plateau continental par l’Annexe II de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer chargée d’examiner la limite du plateau continental au-delà de 200 milles marins.
152 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
international (CIJ, arrêt, 1951).»
la zone maritime adjacente et en détermine les limites extérieures. Toutefois, pour que
cette opération soit valide et reconnue, il est nécessaire qu’elle soit conforme aux critères
du droit international.
La différence entre « limite » et « frontière » a été mise en lumière par le Tribunal arbitral
dans le différend en matière de délimitation maritime entre l’Érythrée et le Yémen (1999).
Le Tribunal arbitral soulignait que : « Le terme frontière est […] au sens normal et ordinaire
qui est le sien, à savoir comme désignant une frontière maritime internationale entre
les deux États […] et non pas au sens de ce que l’on appelle habituellement une limite
maritime, telle que la limite extérieure d’une mer territoriale ou d’une zone contiguë »
(Tribunal arbitral, 1999).
Les deux notions sont en effet, différentes mais complémentaires. Différentes, car
« une limite indique jusqu’à quelle extrémité s’étend un domaine, tandis qu’une frontière
possède une fonction séparative entre deux États »115. Complémentaires, dans la mesure
où la frontière a pour objectif de partager l’espace maritime où existe un chevauchement
marqué par l’extension de compétences des deux États par une limite.
concernant la détermination des frontières maritimes », Annuaire français de droit international, vol. 25, 1979, p. 707.
(112). En effet, il a été difficile de concevoir comment les titres peuvent se chevaucher alors que leur octroi est essentiellement
basé sur le critère de prolongement naturel.
(113). L., Lucchini, et M. Vœlckel,, Le droit de la mer – Délimitation- Navigation et Pêche, Paris,A. Pedone, Tome II, 1996, pp.
12-14.
(114). Professeur M. Kamga souligne que la nécessité de résoudre les questions de délimitation maritime peut varier
considérablement d’une situation à l’autre. Cette nécessité est beaucoup plus pressante lorsqu’il y a un réel danger que le
différend dégénère en un conflit ouvert, ou lorsqu’il prive une ou plusieurs parties concernées de la possibilité d’exploiter des
ressources dont elles éprouvent un besoin impérieux. M., Kamga, Délimitation maritime sur la côte atlantique africaine, op.
cit.,p. 5.
(115). Tribunal arbitral, Sentence Guinée/Guinée Bissau, Recueil 1985, § 49. Ici le Tribunal souligne en effet que la notion de
frontière a une référence territoriale qui sort de son cadre maritime.
154 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
II. La délimitation maritime consensuelle dans la côte africaine
en Atlantique
Dans les différends relatifs aux frontières maritimes, deux ou plusieurs États peuvent,
soit revendiquer la souveraineté sur la terre ou une île, soit le différend porte sur le
chevauchement de leurs droits et juridiction en mer. Il est donc important de comprendre
du point de vue juridique, l’importance des accords dans la délimitation maritime en
Afrique (1), et d’examiner les méthodes de délimitation dans cette région à travers les
accords conclus entre les États côtiers voisins (2).
La délimitation maritime est une opération juridique et technique qui consiste à établir
une ligne entre les titres des États sur leurs zones maritimes qui se chevauchent. Elle
consiste à déterminer l’étendue des droits de chaque État côtier dans son rapport avec
l’État voisin par une ligne de délimitation jouant un rôle de « frontière maritime ». Cette
dernière traduit l’ensemble des paramètres essentiellement techniques d’une ligne
déterminée préalablement par un processus de délimitation juridictionnel ou par la voie
de négociation entre États. L’enjeu est donc d’éviter toute confrontation éventuelle avec
l’État côtier voisin ainsi que tout conflit relatif à la délimitation ou aux activités maritimes
(116). En effet, en plus de l’égoïsme étatique visant à assurer un maximum d’espaces maritimes, le chevauchement des zones
maritimes provient à vrai dire de l’absence de règles précises concernant le tracé de la limite extérieure des zones maritimes
par l’État côtier afin de déterminer ses zones maritimes. Bien qu’elle soit une opération unilatérale qui doit prendre en compte
les implications internationales, la détermination des limites extérieures ne respecte pas toujours la précision voulue afin de
définir l’étendue de la juridiction maritime de l’État côtier.
(117). Les droits souverains s’exercent essentiellement dans les zones maritimes au-delà de la mer territoriale qui est
seule soumise à la souveraineté de l’État côtier incluant les eaux intérieures. Dans la zone économique exclusive, les droits
souverains sont à finalité économique tel que défini dans la Déclaration de Lima du 8 Août 1970 où il est reconnu : « le
droit imprescriptible de l’État riverain d’explorer, de conserver et d’exploiter les ressources naturelles de la mer contiguë à
ses côtes…afin de favoriser au maximum le développement de son économie et d’élever le niveau de vie de sa population… »,
L’État par là a des droits sur les ressources en relation avec l’exercice de sa juridiction d’une part mais qui est à caractère
économique d’exploitation et de préservation du milieu marin ainsi qu’en matière de sécurité. L., Lucchini, et M., Voelckel, La
mer et son droit – Les espaces maritimes, Paris, A. Pedone, Tome I, 1990, p. 217 et 220. En effet, il a été souligné par le
même auteur que « la formule « droits souverains » soulève également des critiques. Lui est notamment reproché le /son
manque de précision juridique (Cf. Pinto UN General Assembly. 11th. Session. 6th. Committee. Summary record, 496 th.
Meeting. Déc. 19. 1956. p. 88). » Il ajoute en effet que « la conception de « droits souverains » … implique que les droits ainsi
reconnus à l’État sont souverains dans leur exercice, mais limités dans leur objet- fonctionnels- ou selon la formule souvent
employée, parce que juste et révélatrice de la correspondance existant entre le droit reconnu et le but poursuivi, finalisés. En
l’occurrence se sont les droits nécessaires et liés à l’exploration et à l’exploitation des ressources naturelles du plateau (cf.
CIJ 1969 § 19). », Ibid. p. 260.
La délimitation maritime est effectuée par accord sur la base du droit international qui est
aujourd’hui basé sur les articles de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
relatifs à la juridiction nationale, les lignes de base et la délimitation de la mer territoriale,
de la ZEE et du plateau continental.
(118). La Chambre de la Cour a souligné dans l’affaire de délimitation du plateau continental dans la région du Golfe du
Maine qu’ : « Aucune délimitation maritime entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face ne peut être effectuée
unilatéralement par l’un de ces Etats. Cette délimitation doit être recherchée et réalisée au moyen d’un accord faisant suite
à une négociation menée de bonne foi et dans l’intention réelle d’aboutir à un résultat positif. Au cas où, néanmoins, un tel
accord ne serait pas réalisable, la délimitation doit être effectuée en recourant à une instance tierce dotée de la compétence
nécessaire pour ce faire. » CIJ, Golfe du Maine Canada/États-Unis, Recueil 1984, § 112, p. 299.
(119). « L’arrêt rendu en l’affaire Roumanie c. Ukraine est donc important en ce qu’il expose de façon structurée l’état actuel
du droit de la délimitation maritime. », Discours de S. Exc. M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, à
l’occasion de la Soixante-quatrième session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 29 octobre 2009.
(120). Voir supra, introduction sur le droit de la délimitation maritime.
(121). Mis à part le caractère vague et général des principes de délimitation contenus dans la Convention sur le droit de
la mer et dans le droit coutumier, chaque délimitation révèle une situation caractérisée par ses propres conditions qui sont
prises en compte par les États ou par le juge international. Les précédents judiciaires internationaux ainsi que la pratique
étatique mettent en lumière les facteurs à prendre en compte pour les cas futurs de délimitation. Ils donnent lieu à une
approche qui pourrait être adoptée dans les délimitations futures mais comme un simple cadre référentiel. Toutefois, ces
précédents ne peuvent en aucun cas permettre de dicter le résultat final de la ligne de délimitation.
(122). Il convient de souligner que les différends en droit de la mer ont occupé la place la plus importante dans la liste
des différends internationaux de ces dernières années. Ils constituent des occasions généreuses pour la jurisprudence
internationale.
156 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
2.2. Les accords de délimitation maritime sur la côte atlantique africaine
Certaines délimitations maritimes dans la région atlantique de l’Afrique ont été effectuées,
mais deux d’entre elles, à savoir celles effectuées entre la Guinée-Bissau et le Sénégal,
ont été effectuées par l’instauration d’une procédure de règlement par une tierce partie, à
laquelle serait soumis le différend sur la frontière maritime (l’arbitrage) avec la soumission
du dernier à la Cour internationale de Justice. Les autres délimitations en atlantique
(Cameroun-Nigéria, Maroc – Mauritanie) sont des négociations par accord à travers des
négociations directes entre les parties.
Certaines délimitations étaient négociées dans le désir des parties d’éviter les problèmes
juridictionnels futurs. En effet, dans un esprit de bon voisinage, les États ont décidé
d’entreprendre la délimitation de la frontière maritime sans qu’il y ait une réelle controverse
ou incident. C’est le cas, par exemple, de l’accord entre la Gambie et le Sénégal en 1975.
D’autres accords étaient motivés par des raisons politiques spécifiques comme c’est le
cas dans l’accord entre le Maroc et la Mauritanie (1976) (Charney, Alexander, 1993)
ou par des incidents spécifiques comme c’est le cas de l’accord entre le Cameroun et
le Nigéria (1975) (Charney, Alexander, 1993) , ou encore par le désir de résoudre un
différend judiciaire qui a déjà eu lieu comme c’est le cas de l’arbitrage entre la Guinée et
la Guinée Bissau (1985) (Tribunal Arbitrale, 1985).
Prises dans leur ensemble, les délimitations maritimes en Afrique de l’ouest partagent
des caractéristiques communes. Il convient de constater, dans un premier lieu, qu’elles
ont toutes utilisé une combinaison d’une ligne d’équidistance lorsqu’elle est appropriée
et un système de parallèles de latitude, spécialement lorsqu’il s’agit d’un segment d’une
ligne de frontière au large dans le cas des États adjacents. Cela est, comme l’a expliquée
la sentence arbitrale Guinée-Guinée Bissau, pour permettre aux États parties d’étendre
leurs juridictions maritimes à une étendue maximum vers le large permis par le droit
international. C’est un système de délimitation désigné à éviter l’empiètement sur les
zones maritimes de chacune des parties qui aurait résulté si un système de parallèles de
latitudes n’était pas utilisé sur un segment particulier de la frontière.
Une autre caractéristique commune aux frontières maritimes en Afrique de l’Ouest, c’est
que chaque délimitation a tenté d’établir des lignes de frontières qui tiennent compte de
l’intérêt des délimitations potentielles dans la région. En effet, l’arbitrage dans l’affaire
Guinée - Guinée-Bissau a pris en considération la longueur considérable de la côte de
l’Afrique de l’Ouest et a établi une frontière qui s’adapte aux frontières maritimes futures
dans la région.
Plusieurs méthodes de délimitation ont été utilisées entre les États africains du côté /
de la côte atlantique. Il s’agit en effet du système de parallèle (1), l’équidistance (2), la
création de zone d’exploitation commune (3).
La solution des parallèles de latitude adoptée pour la Gambie avec le Sénégal évite
l’amputation des zones de la Gambie, comme c’est le cas de la solution à la délimitation
maritime dans les affaires de Délimitation du plateau continental de la mer du Nord. C’est
un élément à considérer dans la négociation de leurs lignes de délimitation.
Le Cap Vert dispose d’un statut d’archipel selon la Convention de 1982 et a déposé
avec la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone,
une demande conjointe à la CLPC, le 25 septembre 2014. La Mauritanie et le Cap Vert
ont conclu un traité en 2003 délimitant la zone qui se situe entre leurs côtes opposées
respectives. Cette frontière n’a pas été tirée vers le nord sans doute à cause de l’absence
de délimitation entre le Maroc et la Mauritanie. Peut-être la solution serait de créer une
zone de développement commune au long des lignes entre la côte du Nigéria et São Tomé
and Príncipe qui est un autre Etat archipélagique (Daniel, 2005).
En descendant vers le sud, il y a une sorte d’abandon des solutions basées entièrement
sur les parallèles de latitude.
(123). Article H. La frontière d’Etat entre la République islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc telle que définie à
l’article I ci-dessus constitue la frontière terrestre et délimite également dans le sens vertical la souveraineté dans l’espace
aérien ainsi que l’appartenance du sous-sol. En ce qui concerne le plateau continental, la délimitation est constituée par le
24e parallèle Nord.
https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%201035/volume-1035-I-15406-French.pdf
https://treaties.un.org/Pages/UNTSOnline.aspx?id=2(Date de dernière consultation 20/10/2015)
158 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
sur une sentence arbitrale en 1989 dont la validité a été remise en cause par la Guinée-
Bissau et donnant lieu à un arrêt de la Cour en novembre 1991 rejetant tous les points
de la Guinée-Bissau124. Cette même année, la Guinée-Bissau a demandé à la Cour de
délimiter toutes ses zones maritimes. Durant cette période, le Sénégal a affiché sa
volonté de négocier un accord. En 1993, la Guinée-Bissau et le Sénégal ont conclu
un accord d’exploitation commune des ressources et la mise sur pied d’une agence
internationale pour l’exploitation de la zone par le protocole instituant l’Agence de gestion
et de coopération entre les deux États.
La frontière maritime entre le Nigéria et la Guinée Equatoriale (1999) était dirigée par des
considérations relatives aux ressources en hydrocarbures. Elle a effectivement respecté
les blocks de licences des deux États.
160 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
Conclusion :
Certaines délimitations maritimes en Afrique atlantique restent
pendantes
Plusieurs cas de délimitation maritime ne sont pas encore effectués sur le littoral atlantique
africain. Il s’agit notamment de la délimitation entre l’Espagne, le Maroc et le Portugal.
Par rapport à l’Espagne et au Portugal, le Maroc se trouve confronté à la présence, au
large de son littoral, de deux groupes d’îles qui appartiennent respectivement à ces deux
pays européens. Cette situation implique la question de la méthode de délimitation des
frontières maritimes en cause. Dans la législation interne des Etats en question, on trouve
qu’il y a mention à la nécessité de ne pas franchir la ligne d’équidistance. En outre, et
concernant la délimitation entre le Maroc et les îles canaries et les îles Madères au large
de la côte atlantique126, il convient de souligner que la question de souveraineté ne pose
aucun problème en ce qui concerne les îles espagnoles et portugaises. Le problème est en
revanche, celui de la question de l’effet des îles qui se pose entre ces États. De nos jours la
question de la délimitation entre le Maroc et l’Espagne devient de plus en plus importante.
Il existe une divergence de vues susceptible de dégénérer vers un différend au sujet de la
méthode de délimitation maritime entre les îles canaries et la côte marocaine. Le Maroc
rejette toute délimitation unilatérale de la part de l’Espagne, et s’attache à l’application de
la règle de l’équité dans la délimitation du PC et de la ZEE (Note, 2015). L’Espagne paraît
défendre l’équidistance et départ, n’acceptait pas de négocier avec le Maroc tant que le
problème du Sahara marocain n’est pas résolu. En revanche, à partir de sa note du 13
mars 2015, l’Espagne a souligné qu’elle est prête à négocier notamment avec le Maroc
sur cette question de délimitation maritime, même celle au-delà de 200 milles.127
Entre le Ghana et la Côte d’Ivoire, un différend a été soumis, par un compromis entre
les deux États concernés, à une chambre spéciale du Tribunal International du droit de
mer formée par l’ordonnance du Tribunal du 12 janvier 2015. Le 27 février 2015, la Côte
d’Ivoire a soumis une demande en prescription de mesures conservatoires par laquelle
elle a prié la chambre de prescrire que le Ghana, notamment, « prenne toutes mesures
aux fins de suspension de toutes opérations d’exploration et d’exploitation pétrolières en
cours dans la zone litigieuse ».
d’Ivoire et le Ghana créée en 2008 (ci-après, « la Commission mixte »), les positions
(126). Les îles dans la délimitation maritime en général, posent deux problèmes : celui de la souveraineté sur les territoires,
et celui de l’effet qu’il pourrait lui être accordé dans le processus de délimitation. Le droit de la mer ne contient aucune
disposition relative à l’effet qui peut être accordé à des îles ou groupe d’îles.
(127). “The Government of Spain is open to delimiting all of its maritime areas with States with opposite or adjacent coasts,
in accordance with the United Nations Convention on the Law of the Sea. To that end, Spain reiterates its willingness to
delimit its maritime areas with Morocco, Portugal or any other coastal State, including, where appropriate, the continental
shelf beyond 200 nautical miles that may result from the recommendations of the Commission on the Limits of the
Continental Shelf based on the partial submissions made by the Kingdom of Spain.” Déclaration 22 avril 2015. Accessible sur
l’URL suivante : http://www.un.org/depts/los/clcs_new/submissions_files/esp77_14/2015_04_22_ESP1_NV_UN_004_15-
00366.pdf (Date de dernière consultation 20/10/2015)
Un peu plus au Sud, aucun accord n’a été trouvé entre le Gabon et les deux Congo.
Entre ces derniers se trouve une enclave de Cabinda appartenant à l’Angola, mais aucun
accord formel sur les frontières maritimes n’existe entre tous ces États. En revanche, il
existe un accord d’unitarisation qui stipule un partage équitable des revenus de la zone
qui est extrêmement riche en hydrocarbures. L’Angola donne des licences sur des blocks
juste de l’autre côté de l’embouchure du fleuve Congo, tandis que l’unitarisation des deux
concessions qui se chevauchent pourrait offrir une solution à court terme (Daniel, 2015).
Plus loin vers le sud, la frontière terrestre entre la Namibie et l’Afrique du Sud suit le cours
du fleuve Orange. Cette frontière terrestre est aussi objet de différends. De plus, certaines
îles situées sur l’embouchure du fleuve et à l’intérieur du fleuve sont riches en diamants.
L’un des problèmes posés par ce fleuve est aussi son instabilité et fluctuation de façon
périodique. Ce qui rend difficile la détermination exacte de la frontière terrestre entre les
deux Etats concernés (Kamga, 2006). Sa nature particulière fait que l’embouchure est
bloquée par un important ensablement qui la réduit par rapport au lit normal du fleuve.
162 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
Bibliographie
I. OUVRAGES
• ANTUNES, N. M. 2003. Towards the Conceptualisation of the Maritime Delimitation:
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face ou sont adjacentes », R-J., Dupuy et D., Vignes (dir.), Traité du nouveau droit de
164 Les zones maritimes et la délimitation des frontières maritimes en Afrique de l’Ouest
• Discours de S. Exc. M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice,
à l’occasion de la Soixante-quatrième session de l’Assemblée Générale des Nations
Unies, 29 octobre 2009;
• Note du 10 mars 2015 du Royaume du Maroc au Nations Unies, accessible sur l’URL
suivante : http://www.un.org/depts/los/clcs_new/submissions_files/esp77_14/mor_
re_esp77.pdf (Date de dernière consultation 20/10/2015);
IV. JURISPRUDENCE
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• CIJ, Golfe du Maine Canada/États-Unis, arrêt, Recueil 1984;
• CIJ, Frontière terrestre et maritime (Cameroun/Nigéria ; Guinée Équatoriale
Intervenant)), arrêt du 10 octobre 2002;
• CIJ, Plateau continental de la Mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/
Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969;
• TIDM, Chambre spéciale, Différend relatif a la délimitation de la frontière maritime
entre le Ghana et la Côte d’Ivoire dans l’océan atlantique, Demande en prescription de
mesures conservatoires présentée par la République de côte d’Ivoire conformément
à l’article 290, paragraphe 1, de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, 27 février 2015;
• Tribunal arbitral, Délimitation de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-
Bissau, Sentence du 14 février 1985, Recueil des sentences arbitrales, Vol. XIX pp.
149-196;
• Tribunal arbitral, Sentence Érythrée/Yémen (deuxième étape), Recueil 1999.
8
Najib AL MAGHREBI 128
Introduction
En octobre 2012, les pays membres de la Conférence ministérielle des États Africains
Riverains de l’Atlantique129, réunis pour la première fois à Rabat le 04 août 2009, ont
entamé une série de négociations pour l’institutionnalisation de cette conférence sous le
nom d’« Initiative Atlantique Africaine» (IAA). Ces négociations portaient essentiellement
sur l’adoption de deux textes à savoir la convention régionale devant donner naissance à
l’IAA ainsi que la conclusion d’un accord de siège avec le gouvernement marocain.
Cette évolution est le fruit d’une initiative marocaine formulée dans le cadre des réflexions
menées lors des Forums Internationaux Tricontinentaux de Skhirat en 2009 et de 2012.
Ainsi, quels sont les motifs ayant présidé au lancement de cette initiative par le Maroc ?
Quelle lecture pouvons-nous faire de ce comportement «singulier» du Maroc visant la
création d’une nouvelle organisation régionale ? Traduit-elle seulement une volonté de
peser davantage dans le continent africain ? Ou s’agit-il d’une initiative pouvant permettre
au Maroc de se positionner par rapport aux évolutions futures de l’espace atlantique ?
Quelles sont les opportunités offertes au Maroc dans l’espace atlantique ? Enfin quelles
sont les réponses institutionnelles apportées par les États africains en vue de mettre en
place des structures pérennes à cette initiative ?
(128). Doctorant en Relations Internationales, Université Abdelmalek ESSAADI Tanger, Faculté des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales ; Chercheur associé à l’Observatoire d’Etudes Méditerranéennes Tanger.
(129). Selon les textes soumis aux négociateurs, les pays membres de cette Conférence sont : La République d’Afrique du
Sud, la République d’Angola, la République du Bénin, la République du Cameroun, la République du Cap-Vert, la République du
Congo, la République Démocratique du Congo, la République de Côte d’Ivoire, la République Gabonaise, la République de Gam-
bie, la République du Ghana, la République de Guinée, la République de Guinée-Bissau, la République de Guinée Equatoriale, la
République du Libéria, le Royaume du Maroc, la République Islamique de Mauritanie, la République de Namibie, la République
Fédérale du Nigéria, la République Démocratique de Sao Tomé et Principe, la République du Sénégal, la République du Sierra
Leone, la République du Togo.
Ainsi, le premier forum de Skhirat mettra l’accent sur le rôle déterminant de l’Atlantique
pour l’avenir de la planète ; En effet, outre le fait que cet espace concentre les deux tiers
du PIB et près de 70 % de la consommation globale, il attire une bonne partie du trafic
maritime et aérien du globe. C’est aussi le milieu qui abrite plus de la moitié de l’eau douce
Les travaux du Forum ont également mis en exergue les multiples paradoxes existants
dans l’espace atlantique à commencer par les multiples sources de tensions et de
problèmes ; les grandes disparités sociales, l’écart immense du niveau de développement
entre ses différentes nations et les trafics de genre et la criminalité (HCP, 2012).
Ces réflexions vont ainsi mettre l’accent sur la nécessité de voir émerger une volonté
commune chez les États riverains de l’Atlantique et fédérer leurs efforts en vue de faire
passer l’espace atlantique d’un simple concept géographique à un espace de coopération
politique, économique et social. A cet égard, des propositions d’actions communes
concrètes et immédiates ont été faites pour la valorisation de l’espace atlantique. Elles
comprennent :
• L’océan lui-même, qui relie les sociétés de cet espace, est évidemment le premier
objet de coopération possible130;
• L’énergie131;
• L’agriculture et l’eau;
• La lutte contre le réchauffement climatique et défense de la biodiversité;
• La Mobilité humaine et le développement;
• Le Développement des nouvelles technologies nécessaires pour l’adaptation des
économies atlantiques à un nouveau modèle d’économie « vert »;
• L’éducation.
Aujourd’hui, malgré les efforts déployés par le Maroc pour le maintien de la stabilité et de
la sécurité du continent, force est de constater que les positions adoptées par certains
(130). Les actions communes dans ce domaine comportent la gestion et la réglementation des ressources naturelles,
en particulier les ressources halieutiques; l’organisation d’une réponse mutualisée à la menace posée par la criminalité
transnationale, particulièrement le trafic de drogues, d’armes et d’êtres humains, ainsi que par la piraterie dans l’espace
maritime atlantique ; la protection et l’organisation des activités économiques maritimes.
(131). la coopération dans ce domaine chercherait à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’espace
atlantique et développer en commun les filières d’énergie renouvelables et durables.
En outre, devant la domination imposée sur les diverses instances de l’UA, par le trio
Algérie, Nigeria et Afrique du Sud, le Maroc se trouve ipso facto exclut des initiatives
menées par cette organisation en matière de sécurité et de maintien de la stabilité du
continent. En conséquence le Maroc bien qu’il soit un pourvoyeur important de troupes
pour les opérations de maintien de la paix sur le continent133, est exclu des actions
collectives concernant les problématiques de la paix et la sécurité en Afrique et des
actions visant la lutte contre le terrorisme, les menaces transnationales et la piraterie
maritime en Afrique. Dans le processus des partenariatsrégionaux134, l’Union Africaine,
déploie tous les subterfuges destinés à exclure le Maroc de ces partenariats.
Certes le Maroc est membre à part entière de quelques organisations régionales telle que
la Communauté des États Sahélo-saharienne (Cen-Sad), membre observateur auprès de
la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)135 et s’emploie à
devenir membre de la Communauté Economique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC)
et auprès de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP). Toutefois le constat
général est qu’il ne bénéficie pas d’une présence dans les organisations régionales et
sous-régionales africaines.
Cet intérêt croissant pour l’espace atlantique revêt une importance pour le Maroc d’autant
plus que la coopération économique avec les pays de l’Afrique subsaharienne occupe une
place importante dans la politique africaine du Maroc.
(132). Le nombre d’États africains reconnaissant l’entité fantoche, qui était par le passé de l’ordre de 36 ne compte
aujourd’hui que 18 pays
(133). L’armée marocaine est actuellement présente dans les opérations de maintien de la paix en Côte d’Ivoire, la République
Démocratique du Congo et en Centrafrique.
(134). L’auteur fait allusion ici au Partenariats Europe-Afrique, Pays-Arabe-Afrique, Afrique-Chine, Afrique-Japon,
Afrique-Amérique du Sud, Afrique-Turquie, Afrique-Russie, Afrique-Thailande, Afrique-Etats-Unis d’A
(135). Le Maroc bénéficie depuis 2005 du statut de membre observateur de cette organisation.
Sur le plan économique le commerce intra-régional se situe autour de 1,2% des échanges
extérieurs de la zone, soit le taux le plus bas des groupements régionaux à travers le
monde. Par comparaison, le commerce intra-zone représentait 32,7% des échanges de
l’Union Européenne, 11% de l’ASEAN, 14,6% des PECO et 7,9% des pays du MERCOSUR.
La crise dont pâtit depuis 2008 l’Union Européenne, principal partenaire économique et
financier du Maroc, a eu des effets économiques négatifs sur le Maroc. Selon les experts
du Fonds Monétaire International (Tahari, 2008) « l’impact de la crise économique en
Europe sur le Maroc passerait essentiellement par des canaux tels que le ralentissement
de la demande extérieure (: exportations marocaines) adressée au Maroc ; celui des
recettes du tourisme ou des transferts des Marocains résidents à l’étranger et une
réduction des investissements étrangers » (Tahari, 2008).
Les blocages des projets d’intégration régionale au Maghreb et la crise économique ayant
frappé le vieux continent en 2008, ont largement amené le Maroc à donner un coup
d’accélérateur à ses relations économiques avec les pays d’Afrique particulièrement ceux
ayant une façade sur l’atlantique.
Depuis lors, et comme le dévoilent les graphiques suivants, l’on assiste à un développement
des relations économiques avec les pays de l’Afrique subsaharienne particulièrement
dans les domaines du commerce et de l’investissement :
Source : Ministère de l’économie et des finances direction des études et des prévisions financières
1- Investissements
directs marocains en 2 181,0 2794,7 4424,2 788,4 1611,1 1157,8
Afrique subsaharienne
2- Investissements
directs marocains en 2 329,6 3046,2 4624,9 912,3 1726,67 1183,7
Afrique
3- Investissements
directs marocains à 4 235,6 3 838,9 5 015,6 1 709,9 3 531,5 2 683,0
l’étranger
97,8
Part (%) 1/2 93,6 91,7 95,7 86,4 93,3
La coopération économique avec les pays africains a franchi une nouvelle étape en 2014
avec la conclusion par le Maroc et le Gabon d’un partenariat stratégique dans le domaine
de la production des engrais. Ce Partenariat est fondé sur le principe d’une intégration
totale des ressources naturelles des deux pays (phosphate et gaz). La Joint-venture qui
sera créée dans ce projet, investira à terme, plus de 2 milliards de dollars dans des actifs
industriels comprenant, au départ, au Gabon une unité de production d’Ammoniaque à
partir du gaz gabonais et une unité de production d’engrais. Au Maroc, elle comprend
deux unités de production d’Acide Phosphorique à partir du phosphate. La capacité
totale de production des deux unités sera de l’ordre de 2 millions de tonnes d’engrais
dès 2018, soit l’équivalent de la consommation actuelle d’engrais phosphatés en Afrique.
Cet ensemble industriel permettra de couvrir au moins 30 pc de la demande totale du
continent à cet horizon.
Dans cette optique, l’initiative atlantique africaine, outre qu’elle permettra au Maroc
d’avoir un cadre de coopération avec les pays africains dans les domaines de la sécurité,
les questions économiques et un cadre de coopération beaucoup plus large, remplit une
fonction de valorisation stratégique pour le Maroc.
Dans un champ de vision beaucoup plus large, le leadership prit par le Maroc dans
la promotion d’une l’initiative atlantique africaine, lui permettrait d’assoir une notoriété
favorisant davantage le renforcement de ses relations avec les Etats-Unis d’Amérique,
l’Union Européenne et les autres puissances traditionnelles et émergentes. Dans cette
optique, les Etats-Unis d’Amérique, dans le cadre de leur politique de « multi-partership »,
sont davantage enclins à « trouver des partenaires susceptibles de partager leur
conception de la sécurité et de contribuer tant sur le plan financier qu’opérationnel.
Dans l’espace atlantique, ces partenaires sont les membres de l’Otan mais également
les autres pays riverains avec lesquelles l’interopérabilité militaire et politique est
développée » (El Houdaigui, 2015).
(136). Le Maroc est actuellement en négociations avec la Chine et la Russie pour établir un partenariat stratégique.
(137). Ian O. Lesser, Geoffrey Kemp, Emiliano Alessandri and S. Enders Wimdush, Morocco’s New Geopolotics, op. cit. p 15
Les documents issus des réunions de la Conférence Ministérielle des États africains
riverains de l’Atlantique tenue respectivement en août 2009 et novembre 2010138,
mettent l’accent sur l’identité propre et indivisible de la région atlantique. Il y est aussi
exprimé la volonté de création d’un espace de concertation intra-africain dans l’objectif
de concevoir une vision africaine commune sur cet espace et défendre d’une seule voix,
lors des rencontres « tri-continentales » et autres réunions similaires, les intérêts du
continent africain.
Ces deux documents ont, par ailleurs, précisé les trois domaines d’actions communes
entre les États africains de l’Atlantique :
Afin de garantir la pérennité du processus né à Rabat en 2009, il a été par ailleurs décidé
de le doter d’instruments institutionnels adaptés. Ainsi, à côté des réunions ministérielles
et des actions de coopération sectorielle, la Conférence Ministérielle dispose actuellement
d’outils institutionnels opérationnels, tout comme il est envisagé de la doter d’organes
institutionnels permanents, une fois le processus de négociations des instruments
(138). Il s’agit précisément du document intitulé « déclaration de Rabat » et de la déclaration finale de la deuxième de la
Conférence ministérielle de cette initiative.
• Réunions ministérielles :
• Réunions informelles :
Des réunions informelles des Ministres des Affaires Etrangères des États concernés
se sont tenues également, en marge des sessions de l’Assemblée Générale des
Nations Unies, des années 2010, 2011 et 2012.
Deux secteurs importants font l’objet d’une coopération entre les pays membres de la
Conférence Ministérielle des États Africains Riverains de l’Atlantique à savoir les secteurs
du Transport maritime et celui de la Sécurité.
Dans cette optique les pays membres ont tenu en mai 2011 une réunion des ministres
en charge du secteur du transport maritime. Cette réunion a porté sur les thématiques
de la sécurité et la sûreté des infrastructures et équipements des ports ; les installations
portuaires et la protection de l’environnement et la prévention de la pollution; les nouvelles
formes de gestion portuaire dans un cadre concurrentiel, les connexions maritimes le
développement économique et le développement des activités portuaires et maritimes
Dans le but de doter l’initiative atlantique africaine de structures adaptées, il a été décidé
dès le départ de mettre en place les instruments opérationnels suivants : le Secrétariat
Permanent et les Points focaux.
Composé de quelques États membres cet organe est chargé de la gestion, la coordination
et le suivi des décisions de la conférence entre les réunions officielles de celle-ci.
- Le Secrétariat Exécutif :
Placée sous la tutelle du Conseil Exécutif, cette instance est l’organe d’exécution des
décisions de la Conférence des Ministres de l’organisation. Il est dirigé par un Secrétaire
Exécutif, désigné par la Conférence des Ministres.
Aujourd’hui, malgré l’enthousiasme qui a accompagné la genèse de cette initiative, force est
de constater qu’après presque six ans de son lancement et mis à part quelques réunions
ministérielles et sectorielles et la mise en place de quelques structures institutionnelles,
l’initiative en question a, de plus en plus, besoin d’un second souffle pour être remise en
selle.
A cet égard, il serait utile d’avancer avec pragmatisme, sur certains champs de coopération
sectorielle qui permettraient à cette organisation de gagner en visibilité tant de la part
de ses pays membres que des autres organisations régionales. Les aspects politiques et
sécuritaires voire celles de la mise en place des structures institutionnelles durables de
cette organisation, pourraient être envisagés dans une seconde étape.
Figure 1 : Tonnes de cocaïne pure acheminées vers l’Europe via l’Afrique de l’Ouest, 2004-
2004-2010.....................................................................................................................................................................44
Figure 2 : Principales saisies de cocaïne en Afrique de l’Ouest (2005-2011)............................ 45
Figure 3 : Nationalité des ressortissants étrangers arrêtés en Suisse pour trafic de cocaïne,
2011. ................................................................................................................................................................................... 52
Figure 4 : Perception chinoise de la scène internationale sous le règne de Jiang Zemin...... 92
Figure 5 : L’évolution du commerce entre l’Afrique et la Chine........................................................... 96
Figure 6 : Direction géographique et composition des exportations vers l’Afrique subsahari .
subsaharienne, 2000-2002 (en % des exportations totales)............................................................174
Figure 7 : Évolution des échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne........................174