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Thérapie génique

Sous titre

Une recherche de longue haleine qui porte ses fruits

La thérapie génique consiste à introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une
maladie. Au départ, cette approche a été conçue pour suppléer un gène défectueux en cas de maladie
monogénique (i.e. liée à la dysfonction d’un seul gène). Mais au cours des deux dernières décennies,
l’évolution rapide des connaissances et des technologies a permis de démultiplier les stratégies
possibles et d’élargir leur utilisation à de très nombreuses indications, dont certains cancers.

Des succès majeurs ont été obtenus lors d’essais cliniques et le domaine est en plein essor. Plusieurs
médicaments de thérapie génique sont aujourd’hui sur le marché, en Europe, aux Etats-Unis et en
Chine.

Soigner grâce à des modifications génétiques de cellules du patient

Des succès cliniques, plusieurs médicaments déjà commercialisés

Plus de 700 essais cliniques en cours

TEMPS DE LECTURE

25-30 min

DERNIÈRE MISE À JOUR

01.06.18

DIFFICULTÉ
4 sur 5

Comprendre la thérapie génique

La thérapie génique a été initialement conçue comme une approche thérapeutique destinées aux
maladies monogéniques (i. e. liée à la dysfonction d’un seul gène), délivrant aux cellules un gène "sain"
capable de suppléer le gène "malade". Aujourd’hui, les modalités et les indications se révèlent beaucoup
plus larges, avec 65% des essais cliniques qui concernent le traitement de cancers. Les approches se sont
beaucoup diversifiées, reposant sur différentes stratégies correctives, vecteurs et modalités de thérapies
géniques.

Les différentes stratégies de thérapie génique

Suppléer un gène « malade »

Cette première stratégie consiste à importer la copie d’un gène fonctionnel dans une cellule cible, pour
qu’elle s’y exprime et aboutisse à la production de la protéine qui fait défaut. Le gène est acheminé
grâce à un vecteur (voir plus loin).

Il s’agit de la première stratégie développée en thérapie génique, pour traiter les maladies
monogéniques. Le gène thérapeutique importé ne modifie pas le gène malade : il vient simplement
s’ajouter au patrimoine génétique des cellules pour compenser la fonction déficiente. Selon les
indications, ce travail peut être effectué :

in vivo directement dans l’organisme le patient

ex vivo, afin de modifier génétiquement les cellules en laboratoire avant de les réinjecter au malade

Les deux principales stratégies de thérapie génique

Les deux principales stratégies de thérapie génique. La thérapie génique consiste à modifier
génétiquement des cellules d’un patient, pour soigner ou prévenir une maladie. Les protocoles utilisés
varient en fonctions des indications et des objectifs thérapeutiques. Les cellules peuvent être modifiées
in vivo, directement dans l’organisme du patient, ou ex vivo. Dans le second cas, des cellules souches
sont prélevées chez le patient, modifiées en laboratoire, puis réinjectées. © Inserm, F. Koulikoff

Travailler ex vivo permet de mieux contrôler les étapes, d’utiliser moins de vecteurs et d’éviter la
dispersion du traitement dans des organes non ciblés. Cette solution est la plus souvent utilisée pour le
traitement des maladies sanguines, car il est possible de prélever les cellules à corriger par une simple
prise de sang. Par exemple, le premier médicament de thérapie génique ex vivo (Strimvelis, arrivé sur le
marché en 2016) correspond à des cellules hématopoïétiques CD34+ prélevées à des patients atteints
d’un déficit immunitaire sévère (ADA-DICS), modifiées au laboratoire pour qu’elles expriment le gène
qui leur fait défaut, puis réadministrées.

Pour d’autres maladies, telles que des maladies musculaires, respiratoires, oculaires, cardiaques ou
encore neurologiques, le transfert du gène se fait in vivo, par injection du gène vectorisé directement
dans l’organisme ou dans l’organe à traiter, comme un médicament. De nombreux essais cliniques sont
en cours avec cette technique et plusieurs produits ont atteint le stade de la mise sur le marché
(Glybera, Luxturna).

Eliminer ou réparer un gène altéré directement dans la cellule

Cette technique, appelée édition génomique

, permet de réparer des mutations génétiques de façon ciblée. Elle nécessite d’importer plusieurs outils
dans la cellule :

des enzymes spécifiques (nucléases

) qui vont couper le génome là où c’est nécessaire

un segment d’ADN qui sert à la réparation du génome et permettra de retrouver un gène fonctionnel

Parmi ces outils, on trouve les nucléases à doigt de zinc, les TALEN et surtout les outils CRISPR. Ces
approches sont encore très expérimentales, mais la révolution apportée par la simplicité du système
CRISPR suscite des espoirs extrêmement importants. Plusieurs essais cliniques sont déjà en cours aux
Etats-Unis et en Chine.

En savoir plus sur l'édition génomique

Modifier l’ARN pour obtenir une protéine fonctionnelle

Cette technique consiste à faire produire par la cellule une version modifiée de la protéine qui lui fait
défaut. Cela nécessite l’injection de petits oligonucléotides

anti-sens qui se fixent sur l’ARN messager transcrit à partir du gène muté et en modifient l’épissage,
une étape importante avant sa traduction en protéine.
Dans la maladie de Duchenne, causée par des mutations dans le gène de la dystrophine, les approches
de « saut d’exon » consistent à faire omettre les séquences du gène qui portent la mutation à l’origine
de la maladie. On obtient alors une dystrophine plus courte que la protéine normale, mais fonctionnelle.
Dans l’amyotrophie spinale, l’approche est de bloquer un site inhibiteur d’épissage, afin de « réinclure »
un exon dans l’ARN pour obtenir une forme normale du gène SMN2.

Schéma de la technique du saut d'exon

Schéma de la technique du saut d'exon. © Inserm, F. Koulikoff

Ces approches de modulation d’épissage ont fait leurs preuves dans des essais cliniques et deux
médicaments, l’Eteplirsen et le Nusinersen, ont récemment obtenu une autorisation de mise sur le
marché pour traiter respectivement la myopathie de Duchenne et l’amyotrophie spinale.

Produire des cellules thérapeutiques par thérapie génique

Pour certaines pathologies complexes, il n’y a pas un gène unique à réparer ou à remplacer. Mais il est
possible de concevoir des stratégies indirectes : en associant thérapie cellulaire et thérapie génique, on
peut obtenir des cellules qui possèdent de nouvelles propriétés thérapeutiques.

C’est par exemple le cas des CAR T cells dans le domaine du cancer : des lymphocytes T de patients
atteints de leucémies B sont prélevées et génétiquement modifiées pour les armer d’un récepteur
chimérique (CAR). Ce récepteur reconnait l’antigène CD19 présents sur les cellules malignes, ce qui
permet de les éliminer une fois que les CAR-T réinjectés au patient. De nombreux essais cliniques de
thérapie génique et cellulaire utilisant des lymphocytes anti-tumoraux redirigés sont en cours. Les
premiers produits de ce type ont obtenu récemment l’autorisation de mise sur le marché (Kymriah et
Yescarta).

Utiliser des virus génétiquement modifiés pour tuer des cellules cancéreuses

Ces virus sont appelés oncolytiques. Ils sont modifiés génétiquement pour infecter spécifiquement les
cellules tumorales qu’ils détruisent. Un premier virus oncolytique, issu d’une souche d’herpès, a obtenu
une autorisation de mise sur le marché en 2015 (Imlygic). Il est indiqué dans le traitement du mélanome

.
Les vecteurs, clés du succès de la thérapie ex vivo et in vivo

Une des difficultés associées au développement de la thérapie génique est qu’il faut faire pénétrer un
acide nucléique à visée thérapeutique dans les cellules d’un patient. On utilise le plus souvent un
vecteur viral

, qui assure ce transport en exploitant les propriétés exceptionnelles des virus pour livrer leur cargo
génétique. Les vecteurs viraux sont impliqués dans plus de 75% des essais cliniques de thérapie génique.

Les débuts de la thérapie génique ont été marqués par quelques accidents liés à l’utilisation de vecteurs
viraux. Ceux-ci ont entrainé des réactions inflammatoires incontrôlables ou provoqué des cancers liés à
l’intégration du gène thérapeutique à proximité d’oncogènes. Bien que rares, ces accidents ont incité les
chercheurs à mieux comprendre le fonctionnement de ces vecteurs viraux et la façon dont ils intègrent
leur ADN dans les chromosomes de l’hôte. Surtout, de nouvelles générations de vecteurs sécurisés ont
été mises au point. Les vecteurs adéno-associés et lentiviraux ont largement remplacé les premiers
vecteurs adénoviraux et gamma-rétroviraux.

Il existe des vecteurs viraux :

intégratifs : l’ADN du vecteur viral s’intègre dans l’ADN de l’hôte

non intégratifs : le gène thérapeutique demeure dans la cellule sans s’intégrer au génome de l’hôte)

Dans tous les cas, les vecteurs utilisés font l’objet d’une ingénierie importante pour annuler leur
potentiel toxique et leur capacité de réplication, pour les diriger plus spécifiquement et, lorsque cela est
nécessaire, pour les rendre les plus silencieux possibles vis-à-vis du système immunitaire de l’hôte afin
de permettre une correction thérapeutique à long terme.

Les vecteurs viraux intégratifs

Les vecteurs viraux intégratifs insèrent leur ADN (qui contient le gène thérapeutique) dans le génome de
l’hôte. En conséquence, le gène thérapeutique est transmis aux cellules filles en cas de divisions
cellulaires. C’est le cas des vecteurs lentiviraux, dérivés de virus humains comme le VIH mais rendus
inoffensifs.

Les vecteurs non intégratifs


Quand il s’agit de faire pénétrer un transgène

dans des cellules qui ne se divisent plus (cellules post-mitotiques), les vecteurs non intégratifs sont
privilégiés car ils sont considérés comme plus sûrs in vivo. Avec ces vecteurs, le gène thérapeutique
reste dans la cellule de l’hôte, mais sans s’insérer dans son génome. Il s’exprime pendant la durée de vie
de la cellule et disparaît avec la mort de celle-ci.

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Vecteur viral AAV (en vert) au niveau de la barrière hémato-rétinienne. © Inserm/Ophélie Vacca

Il s’agit par exemple des vecteurs dérivés de virus adéno-associés (ou AAV). Leur développement a
fortement augmenté au cours de ces quinze dernières années pour en faire un des vecteurs les plus
utilisés pour un transfert de gène in vivo dans le traitement des maladies monogéniques. Ces vecteurs
sont efficaces et bien tolérés. Cependant, leur utilisation peut se trouver limitée en raison de
l’exposition naturelle au virus AAV sauvage : un grand nombre d’individus possèdent des anticorps

dirigés contre ces virus. En outre, le vecteur déclenchant une réaction immunitaire, son utilisation est
souvent restreinte à une injection unique. Pour contourner ce problème, les chercheurs diversifient leur
capside

afin d’augmenter la variété des sérotypes et utilisent des traitements immunomodulateurs

combinés à la thérapie génique.

Les vecteurs non viraux

En parallèle, la mise au point de vecteurs non viraux et de techniques non virales pour la délivrance de
gènes et de complexes nucléoprotéiques pour l’édition génomique se poursuit, afin de répondre à des
besoins de sécurité et de facilité. Ces approches restent généralement moins efficaces que celles
utilisant des vecteurs viraux s’il s’agit de traiter de manière systémique in vivo. Mais les technologies
non-virales se perfectionnent constamment.

Actuellement, près de 20% des essais de thérapie génique ont été réalisés par injection directe d’ADN,
modifié et protégé des nucléases grâce à des modifications chimiques, ou intégré dans un plasmide. Une
autre stratégie est la lipofection : le gène thérapeutique est associé à des lipides cationiques qui
favorisent son entrée dans la cellule hôte. Pour des approches ex vivo, l’électroporation ou la
nucléofection, par application d’un champ électrique, sont très utilisés, notamment pour la délivrance
des protéines et oligonucléotides du système CRISPR.
Vecteurs utilisés lors des essais cliniques de thérapie génique (1989-2017)

Les médicaments de thérapie génique

Il existe deux sortes de médicaments de thérapie génique, avec des parcours distincts de
développement et de réglementation pharmaceutique :

les molécules simples, de type oligonucléotides, qui existent depuis une vingtaine d’années

les produits biologiques innovants, bien plus récents

Les oligonucléotides utilisés (ADN ou ARN) incluent des nucléotides antisens, des aptamères, des petits
ARN interférents (siRNAs

) présentant diverses modifications chimiques. Ces molécules sont administrées sans vecteur viral et
leur développement préclinique suit le parcours des médicaments classiques.

Les produits biologiques incluent quant à eux des virus ou des vecteurs viraux recombinants, des cellules
hématopoïétiques ou des lymphocytes génétiquement modifiés. Le développement de ces produits de
thérapie avancée est bien plus complexe. Guidé par une réglementation française et européenne
spécifique, il est nécessaire de valider de nombreuses données biologiques et pharmaceutiques pour
garantir la reproductibilité et la sécurité des prélèvements de cellules, de manipulation et d’adressage
des vecteurs viraux, etc.

Les premiers oligonucléotides de thérapie génique ont été mis sur le marché dès 1998, mais peu d’entre
eux se sont révélés efficaces pour traiter des maladies génétiques. Citons toutefois le Nusinersen
(Spinraza) indiqué dans l’amyotrophie spinale et l’Eteplirsen contre la myopathie de Duchenne. Les
médicaments biologiques de thérapie génique arrivent juste sur le marché (voir ci-dessous). Ils ont
permis d’obtenir des résultats positifs, parfois spectaculaires, dans différents types de cancer et contre
des maladies rares en immunologie, hématologie, neurologie, myologie, infectiologie ou encore en
ophtalmologie. Plusieurs sont aujourd’hui disponibles en Europe, Amérique et Asie.

Les médicaments innovants de thérapie génique approuvés

Gendicine : C’est le premier médicament de ce type qui a été mis sur le marché, en Chine, en 2003. Il
s’agit d’un adénovirus exprimant le gène p53 (codant pour un suppresseur de tumeur), indiqué dans le
traitement de cancers de la tête et du cou.
Oncorine : Mis sur le marché en Chine, en 2005, il s’agit est un adénovirus oncolytique. Il est utilisé en
combinaison avec une chimiothérapie pour le traitement de cancers nasopharyngés réfractaires.

Glybera : C’est le premier médicament commercialisé en Europe, fin 2012, contre le déficit familial en
lipoprotéine lipase. Il s’agit d’un vecteur adéno-associé. Il vient d’être retiré du marché faute de
demande.

Imlygic : Approuvé en 2015 aux Etats-Unis et en Europe, il est composé d’un virus oncolytique exprimant
une protéine immunostimulante. Il est indiqué chez les adultes atteints de mélanome non résectable.

Strimvelis : C’est le tout premier médicament combinant thérapie génique et cellulaire à avoir été
autorisé au monde. Il a été approuvé en Europe en 2016. Indiqué dans l’ADA-SCID, il s’agit de cellules
CD34+ autologues exprimant le gène ADA.

Zalmoxis : Indiqué contre le rejet de greffe de moelle osseuse depuis 2016 en Europe, il repose sur la
modification génétique de cellules T allogéniques avec un vecteur rétroviral.

Kymriah et Yescarta : Approuvés en 2017 aux Etats-Unis, ils correspondent à des cellules T autologues
génétiquement modifiées (CAR T cell) pour traiter des formes résistantes de lymphome

aigu touchant les cellules B.

Luxturna : Ce vecteur adéno-associé est indiqué dans la dystrophie rétinienne liée à la mutation RPE65. Il
a été approuvé aux Etats-Unis fin 2017.

Généralement bien tolérée, la thérapie génique pourrait supplanter certains traitements de référence et
être proposée en première ligne lorsque les études comparatives auront été réalisées. On voit donc
aujourd’hui se mettre en place une nouvelle filière thérapeutique.

Des essais cliniques tous azimuts ponctués de succès majeurs

Environ 2 000 essais cliniques ont été menés ou sont en cours depuis 1989, dont 65% dans le domaine
du cancer, 11% contre les maladies monogéniques telles que l’amaurose congénitale de Leber,
l’hémophilie, la bêta-thalassémie ou encore la mucoviscidose. Le reste concerne des maladies
infectieuses, cardiovasculaires, neurologiques ou encore ophtalmologiques.

Indications visées par les essais cliniques de thérapie génique (1989-2017)

L’immense majorité de ces essais sont des études de phase I ou II, qui évaluent la sécurité et l’efficacité
des traitements testés. Les essais de phase III, qui permettent de statuer sur le rapport bénéfice/risque
d’un nouveau traitement par rapport à un traitement de référence ou à un placebo
, représentent moins de 4% des études cliniques. Néanmoins, ce chiffre progresse grâce au
développement de nouveaux vecteurs dérivés de lentivirus et d’AVV, plus efficaces et plus sûrs.

En France une trentaine d’essais de thérapie génique a eu lieu ou est en cours, toutes pathologies et
phases confondues.

Des succès et des espoirs réels contre plusieurs maladies monogéniques

Dans les maladies neuromusculaires

Le cas de l’amyotrophie spinale infantile illustre bien ce que la thérapie génique peut actuellement
apporter dans des situations de carences thérapeutiques majeures. Cette maladie se caractérise par une
faiblesse et une atrophie musculaire dès les premiers mois de vie. Autrefois incurable, notamment la
forme de type 1 (la plus grave), la maladie pourrait perdre en sévérité grâce à plusieurs approches très
encourageantes. Un oligonucléotide antisens déjà commercialisé (Nusinersen), administré par voie
intrathécale répétée, permet d’augmenter la quantité de protéine qui fait défaut aux malades dans le
système nerveux central

. Il réduit les symptômes et la probabilité de mortalité chez les patients porteurs de mutations du gène
SMN1. Une deuxième approche, en cours d’essais clinique, utilise un vecteur AAV9 contenant une copie
du gène SMN1 sain, administré par une simple et unique injection intraveineuse. Les résultats présentés
lors de congrès sont remarquables et montrent une récupération fonctionnelle stable chez les enfants
traités.

D’autres essais se fondant sur des approches similaires, avec une seule injection de vecteur AAV, sont en
cours dans d’autres maladies neuromusculaires. Des résultats positifs ont été obtenus chez de jeunes
patients atteints de myopathies myotubulaires. Dans cette maladie, la structure de la fibre musculaire
est modifiée. Un vecteur AAV est utilisé pour véhiculer le gène MTM1 dans les muscles. D’autres
myopathies font également l’objet d’essais cliniques avec l’AAV, notamment la maladie de Duchenne.

Dans les maladies ophtalmiques

Un traitement (Luxturna) est déjà disponible contre l’amaurose de Leber, une dégénérescence
rétinienne pigmentaire d’origine monogénique. Il s’agit d’un vecteur de type AAV avec une copie
fonctionnelle du gène altéré chez les malades, injectable directement dans la rétine. Il permet de
stopper l’évolution de la maladie.
Fort de ce succès qui fut l’un des premiers en thérapie génique, cette approche est également testée
dans plusieurs autre maladies monogéniques ophtalmiques comme la neuropathie optique de Leber ou
maladie de Stargardt. Des approches nouvelles, telles que l’optogénétique sont également essayées
dans ce domaine, afin de rendre des neurones sensibles à la lumière.

Dans les maladies hématologiques

Les résultats de deux essais contre les hémophilies A et B parus fin 2017 sont extrêmement concluants :
avec un recul d’un an, ils semblent avoir permis de guérir des patients, ces derniers ne présentant plus
de symptômes. Le traitement a consisté en une injection unique d’un vecteur de type AAV transportant
le gène codant pour le facteur IX dans le cas de l’hémophilie B, ou pour le facteur VIII dans le cas de
l’hémophilie A. Le suivi à long terme devra confirmer la sécurité du traitement et la persistance de l’effet
thérapeutique dans le temps.

La drépanocytose est une forme grave d’anémie chronique d’origine génétique due à une mutation dans
le gène codant pour la β-globine. Des équipes française et américaine ont développé un protocole pour
corriger la maladie chez un patient de 13 ans atteint d’une forme sévère de la maladie. Cet essai clinique
de phase I/II a consisté à prélever des cellules souches hématopoïétiques au niveau de la moelle osseuse
du patient, les modifier génétiquement à l’aide d’un vecteur lentiviral contenant le gène thérapeutique
et à les réinjecter chez le malade par voie veineuse. Il a permis une rémission complète après un suivi de
15 mois.

Une approche similaire a également donné des résultats très probants dans le traitement de la
thalassémie. Chez 22 patients, elle a permis de réduire ou d’éliminer complètement le besoin de
transfusion, et ce sans effet indésirable.

Dans les déficits immunitaires sévères

Chercheur et bébé

Alain Fischer, Unité Inserm 768, "Développement normal et pathologique du système immunitaire",
Département de Biothérapies et Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatrique, Hôpital Necker
Enfants Malades AP-HP, Université Paris Descartes, Paris © AP-HP, J. Renard

En 1999, les premiers essais sur les « bébés bulle » (atteints de SCID X1) ont démontré qu’il était
possible de traiter des pathologies humaines par thérapie génique. Grâce à de nouveaux protocoles
cliniques et des vecteurs améliorés (pour éviter les problèmes d’insertions aléatoires, à l’origine de
plusieurs cas de leucémies), ces approches ont permis d’obtenir de nouveaux succès thérapeutiques.
Un médicament (Strimvelis) a été lancé à destination des patients atteints d’ADA-DICS, un déficit
immunitaire sévère caractérisé par l’absence de la protéine ADA, nécessaire à la production de
lymphocytes.

Des résultats sont par ailleurs très encourageants pour le traitement du syndrome de Wiskott Aldrich.
Cette maladie due à une mutation sur le gène WAS est caractérisée par des dysfonctionnements des
cellules sanguines et l’absence de plaquettes

. Les essais menés en Europe et aux Etats-Unis confirment l’efficacité de l’approche pour améliorer l’état
de santé des personnes traités et y compris chez un adulte.

Des approches ciblant d’autres déficits immunitaires sont actuellement en cours d’essais, notamment
concernant la granulomatose septique chronique liée à l’X : les premiers résultats positifs viennent
d’être présentés en congrès.

Dans les maladies neurodégénératives

Thérapie génique de l'adrénoleucodystrophie (ALD)

Thérapie génique de l'adrénoleucodystrophie. Les cellules progénitrices CD34+ des patients ALD traités
continuent à exprimer le gène thérapeutique plus de 2 ans après traitement. En rouge : expression de la
protéine ALD ; en bleu : noyau de la cellule.© Inserm, P. Aubourg

Des progrès sont également importants contre certaines maladies neurodégénératives. Dans
l’adrénoleucodystrophie, une maladie démyélinisante du système nerveux central, les cellules souches
sanguines des patients sont corrigées ex vivo à l’aide d’un lentivirus, puis réinjectées. Une vingtaine de
patients ont été traités et les résultats montrent une stabilisation ou une amélioration de leur état dans
la plupart des cas.

Des résultats spectaculaires ont également été obtenus avec une approche similaire chez des enfants
atteints de leucodystrophie métachromatique et d’autres travaux sont en cours dans la maladie de
Sanfilippo. Un essai est mené en France chez quatre enfants atteints de cette maladie. Il vise à obtenir la
production de l’enzyme manquante par les cellules cérébrales. Un vecteur de thérapie génique de type
AAV est pour cela injecté dans différentes zones du cerveau des patients. Aucun effet secondaire notoire
n’a été constaté durant les 30 mois qui ont suivi le traitement et une amélioration du développement
intellectuel et comportemental a été constatée, ouvrant la voie à un essai de phase III.

Les approches de thérapie génique s’appliquent également à d’autres maladies neurologiques plus
fréquentes telles que la maladie de Parkinson. Des résultats prometteurs sont obtenus dans des
modèles précliniques de la maladie d’Alzheimer.

Dans les maladies dermatologiques

Un résultat spectaculaire a été récemment obtenu dans l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle : un


enfant de 7 ans souffrant de cette maladie rare et grave a reçu plusieurs greffes autologues

de cellules de peau génétiquement modifiées pour corriger la mutation à l’origine de la maladie,


affectant le gène LAMB3. Cette mutation empêche la jonction entre le derme et l’épiderme. Face à une
urgence vitale, des médecins allemands et italiens ont procédé à cette intervention avec succès sur 80%
de la surface du corps.

Dans une autre forme de la maladie, un essai clinique est en cours aux Etats-Unis pour produire des
feuillets épidermiques génétiquement corrigés afin de traiter les lésions cutanées qui apparaissent dans
l’épidermolyse bulleuse dystrophique.

Cancers, maladies infectieuses et cardiovasculaires

Dans les cancers

En oncologie, une piste privilégiée consiste à stimuler le système immunitaire du patient contre sa
propre tumeur, de manière à faciliter la reconnaissance des cellules cancéreuses et leur élimination.
Pour y parvenir, des essais ont consisté à prélever des lymphocytes T aux patients et à les armer avec
des récepteurs qui reconnaissent les antigènes tumoraux pour leur permettre d’éliminer les cellules
cancéreuses. Deux médicaments de thérapie génique ont été développé sur cette base (Yescarta et
Kymriah) contre les leucémies de type B. Ils comprennent un vecteur viral de type HIV-1 qui s’intègre
naturellement dans les lymphocytes T. Les chercheurs travaillent maintenant sur de nouveaux
récepteurs (CAR ou T) qui permettraient de décliner cette stratégie pour un grand nombre de cancers.
D’autres approches sont également à l’étude, notamment pour inhiber la molécule PD1 qui constitue un
frein à l’activation de lymphocytes antitumoraux.
Des travaux portent également sur l’utilisation de virus oncolytiques génétiquement modifiés pour
infecter et éliminer sélectivement les cellules tumorales. Un médicament (Imlygic) a déjà une indication
contre le mélanome. D’autres virus oncolytiques sont en cours d’essai, dont un virus atténué de la
rougeole ou encore un mélange de poliovirus et de rhinovirus en cours de développement contre les
gliomes avancés. Outre l’efficacité directe du virus, la libération de débris cellulaires tumoraux issus de
la destruction des cellules cancéreuses permet de stimuler le système immunitaire du patient contre sa
propre tumeur en produisant de nouveaux lymphocytes T anticancéreux.

Dans les maladies cardiovasculaires

Dans le domaine cardiovasculaire, les chercheurs développent la thérapie génique pour favoriser la
régénération des tissus vasculaires en cas d’ischémie artérielle ou pour lutter contre la resténose
(rétrécissement d’une artère survenant après de l'implantation d'un stent) à l’aide de gènes codant pour
des protéines qui freinent ou au contraire stimulent ces processus. Des résultats positifs ont été
rapportés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique avec un vecteur adéno-associé
codant pour Serca2, mais ils ne se sont pas confirmés dans les études ultérieures. Toutefois, des efforts
sont en cours pour améliorer le tropisme cardiaque des vecteurs.

Dans les maladies infectieuses

Un traitement curatif par thérapie génique pourrait est envisagé en cas d’infection par le VIH. Plusieurs
approches sont étudiées. L’une d’elles consiste à rendre les lymphocytes T CD4 des patients (cellules
ciblées par le VIH) résistants au virus : des cellules souches hématopoïétiques sont prélevées chez le
patient et génétiquement modifiées à l’aide de nucléases à doigts de zinc (édition génomique) de façon
à altérer le gène codant pour un récepteur de surface CCR5. L’absence de ce récepteur empêche
l’entrée du virus dans les cellules. Réinjectées chez le patient ces cellules modifiées se multiplient et se
différencient en cellules immunitaires résistantes au virus, permettant de restaurer le système
immunitaire du sujet. Un essai de phase I/II est en cours aux Etats-Unis.

Des avancées possibles grâce à la contribution de différents acteurs

Les avancées majeures sont possibles grâce aux efforts et aux partenariats entre la recherche
académique et clinique, les associations de malades, les sociétés de biotechnologie et les laboratoires
pharmaceutiques.
Plusieurs associations de patients sont en effet investies depuis de nombreuses années dans le
développement de la thérapie génique, en soutenant financièrement la recherche. Il faut mentionner
l’AFM-Téléthon qui mène une politique particulièrement active dans le domaine des maladies rares.

En parallèle, le secteur industriel se développe dans le domaine de la thérapie génique, notamment


pour mettre en place la filière de production des médicaments avancés. Les possibilités d’applications de
la thérapie génique au-delà des maladies rares et dans les maladies fréquentes comme le cancer, les
maladies neurodégénératives, infectieuses ou cardiovasculaires ont fortement attiré l’intérêt des
industriels et dynamisé le secteur. De nombreux résultats précliniques encourageants sont actuellement
décrits dans des modèles animaux, par exemple dans le cas du diabète de type 2. Ils pourraient conduire
à des essais cliniques qui concerneraient de très nombreux patients. Par ailleurs, le chemin a été
parcouru pour mener à l’enregistrement des premiers médicaments de thérapie génique fournit des
exemples concrets à suivre pour les produits futurs.

Encore des freins à lever

Malgré tous les succès déjà obtenus, les chercheurs restent prudents quant à l’utilisation de la thérapie
génique et de la survenue possibles d’effets indésirables dans le temps. Le suivi des patients traités, sur
plusieurs années, permettra d’en savoir plus sur la sécurité et l’efficacité de ces médicaments. Reste
également à poursuivre le développement de nouveaux vecteurs pour contourner le problème de la
réponse immunitaire

qui peut se développer chez des patients, en particulier avec les vecteurs AAV, et l’impossibilité de
réinjecter le traitement une seconde fois. La multiplication des essais cliniques dans des indications
variées devrait permettre d’en apprendre encore beaucoup dans les années à venir pour améliorer
encore les procédés.

La bioproduction de produits vivants (virus, vecteurs, cellules autologues) à échelle industrielle reste par
ailleurs un obstacle majeur pour le développement des médicaments de thérapie génique innovants. Les
procédés sont issus de la recherche académique et ne sont pas toujours adaptés pour être déployés à
grande échelle selon les bonnes pratiques de fabrication appliquées dans les usines de production
pharmaceutiques. Des innovations technologiques et industrielles sont encore nécessaires pour
améliorer les rendements de production. D’autant que les doses nécessaires au traitement d’un patient
ne permettent parfois la réalisation d’essais cliniques que sur un petit nombre de personnes.

Le prix de ces médicaments est également un nouveau sujet de réflexion en santé publique. Le Glybera
coûte environ un million d’euros, le Strimvelis plus de 600 000 euros par traitement et le Nusinersen est
annoncé à plusieurs centaines de milliers d’euros par an, à vie. Un prix qui peut se justifier au regard du
service médical rendu et de la réduction des coûts des soins continus administrés à des individus
souffrant de maladies génétiques rares. Toutefois, les études économiques à coût complet restent à
faire. Comment donner accès aux médicaments de thérapie génique à des populations défavorisées fait
également partie des questions auxquelles il faut commencer à réfléchir.

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25.03.19 Une thérapie génique à l’essai pour traiter la myopathie myotubulaire

18.02.19 La thérapie génique inverse durablement une surdité congénitale chez la souris

05.10.18 Des chercheurs à Généthon démontrent la possibilité de ré-administrer une thérapie génique

26.04.18 Découverte d’une thérapie d’avenir pour les hémoglobinopathies

20.09.17 Syndrome de Usher : restauration de l’audition et de l’équilibre grâce à la thérapie génique

25.07.17 Thérapie génique : la micro-dystrophine restaure la force musculaire dans la myopathie de


Duchenne

20.07.17 Thérapie génique : des premiers résultats chez des enfants atteints de la maladie de Sanfilippo
B

05.04.17 Nouvelle étape dans le traitement de la myopathie myotubulaire

01.03.17 Drépanocytose : rémission des signes de la maladie chez le premier patient au monde traité
par thérapie génique

21.07.16 Correction à long terme de l’hyperbilirubinémie chez les modèles animaux de la maladie
Crigler-Najjar par thérapie génique
21.04.15 Nouveau succès de thérapie génique pour une maladie rare du système immunitaire : le
syndrome de Wiskott-Aldrich

07.04.14 Ataxie de Friedreich : une thérapie génique efficace chez l’animal

23.01.14 Efficacité de la thérapie génique dans les modèles murin et canin de myopathie myotubulaire

10.01.14 Maladie de Parkinson une avancée capitale grâce à la thérapie génique

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XLII-130 | 2004 : Les usages de la précaution

3. La précaution in vivo

Plantes transgéniques en agriculture et principe de précaution : le rôle, l’expérience et le point de vue


d’un acteur suisse du débat

Nicolas Delabays and Pia Malnoë

p. 249-258

https://doi.org/10.4000/ress.488

Outline | Text | Bibliography | Notes | References | About the authors

OUTLINE 🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗🤗

1. Introduction

2. Le rôle de la recherche publique dans l’évaluation des biotechnologies végétales et leur intégration à
l’agriculture

3. Expérience de la Station agroscope rac de Changins dans le domaine des plantes transgéniques :
développement de pommes de terre résistantes aux virus et aux maladies fongiques
4. Analyse et gestion des risques biologiques dans les activités de la RAC en transgénèse

5. En guise de conclusion

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1. Introduction

1Au printemps 1953, Watson et Cricks déterminaient la structure de l’ADN et construisaient la première
maquette en 3 dimensions de la molécule. Depuis, la biologie moléculaire a connu des développements
spectaculaires, stimulés par la découverte du code génétique, puis des mécanismes de réplication de
l’ADN et de la synthèse des protéines. Plus récemment, les données issues du séquençage du génome
de multiples organismes, homme compris, ont encore enrichi notre compréhension du développement
et du fonctionnement des êtres vivants. Comme c’est souvent le cas en science, les progrès réalisés ont
régulièrement induit des remises en cause des conceptions antérieures, (re)considérées comme trop
simplistes ou incomplètes. Ainsi, par exemple, l’analogie désormais classique établie entre, d’un côté, le
code génétique et son expression et, de l’autre, le fonctionnement d’un programme informatique, est-
elle actuellement fortement remise en question (Atlan, 1999 ; Kupiec & Sonigo, 2000). Aujourd’hui, la
biologie et la génétique moléculaires continuent donc de connaître une évolution rapide, et nombre de
biologistes s’accordent pour considérer que leur discipline se situe à une époque charnière de son
développement.

2Comme dans d’autres domaines de la science contemporaine, les avancées scientifiques réalisées en
biologie moléculaire ont généré (et bénéficié en retour d’) un développement technologique qui, lui-
même, a déployé son cortège d’applications pratiques. En biologie, de telles applications touchent
principalement deux domaines : la médecine et l’agronomie.

3😀😀😀😀😀Pour l’agriculture, une des principales applications technologiques des progrès de la


génétique moléculaire est la transgénèse végétale ; c’est-à-dire le développement de plantes
génétiquement modifiées (PGM) suite au transfert direct, dans une espèce cultivée, d’un ou de plusieurs
gènes, souvent issus d’autres espèces. Cette application s’inscrit dans la longue histoire de la
domestication, de la sélection et de l’amélioration des plantes, éléments centraux du développement
passé et actuel de l’agriculture (Strauss, 2003). Parallèlement, comme (presque) toutes les innovations
technologiques, la transgénèse suscite évidemment de nombreuses questions et s’accompagne de
craintes, plus ou moins clairement définies et exprimées. Depuis quelques années, ces craintes
s’inscrivent dans un contexte plus général de remise en cause de la recherche scientifique et de son
statut (Levy-Leblond, 1996), d’une méfiance quant à ses impacts sur l’environnement et ses
conséquences pour la société en général (Lecourt, 1999). En témoignent, par exemple, l’émergence d’un
concept tel que le « principe de précaution » et les multiples débats qu’il suscite (M Hunyadi, ce
volume ; P. Godard, 1997). Les conséquences de cette défiance sont le désir d’une participation
démocratique et le besoin d’un contrôle citoyen vis-à-vis de la science, ses objectifs et ses priorités,
notamment dans le domaine de ses applications technologiques.

4Dans le cas du génie génétique appliqué à l’agriculture, ces questionnements et ces inquiétudes sont
d’autant plus aigus qu’ils portent sur des sujets particulièrement sensibles, tels que l’alimentation et la
santé. Ils sont également exacerbés par la prise de conscience du pouvoir grandissant exercé par
certains intérêts économiques sur l’évolution de l’agriculture et de la société : clairement, l’outil que
constitue le génie génétique, avec les possibilités techniques et juridiques d’appropriation du vivant qu’il
offre à ceux qui le maîtrisent, renforce des tendances considérées par beaucoup comme
antidémocratiques et peu soucieuses du bien commun (Berlan, 2001).

5Actuellement, les plantes agricoles génétiquement modifiées focalisent un débat qui traverse nos
sociétés et cristallisent les clivages. A cet égard, la situation en Suisse offre une illustration caricaturale
de ce clivage et des blocages qu’il génère : ainsi, alors qu’aujourd’hui plus de 67,7 millions d’hectares
sont cultivés de par le monde avec des PGM, soit environ 15 fois la superficie totale de notre pays, il est
extrêmement difficile, au jour où nous écrivons ces lignes, d’expérimenter ces plantes au champ en
Suisse, ne serait-ce que sur une surface de quelques m2. Nous faisons ici allusion à l’essai planifié avec le
blé transgénique développé par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Lorsque l’on considère
que l’essai en question est l’aboutissement d’un projet visant à étudier et augmenter la résistance du blé
à une maladie contre laquelle des fongicides agressifs sont actuellement largement utilisés, qu’il a été
développé par un des instituts parmi les plus réputés du pays dans le domaine des sciences végétales
(EPFZ) et grâce au soutien d’un financement public, on mesure la force du blocage actuel. Enfin, même si
cet essai est finalement réalisé, les exigences requises au niveau de la biosécurité sont telles qu’il sera
difficile de parler d’un essai en « conditions naturelles ».

1 Il s’agit de la « Loi sur l’application du génie génétique au domaine non humain », entrée en vigue (...)

6Cette situation helvétique s’inscrit bien dans le contexte d’une mise en application du « principe de
précaution ». En effet, indépendamment des multiples analyses, définitions et tentatives de
conceptualisation dont il fait l’objet – ce dont témoignent plusieurs contributions du présent ouvrage –
le principe de précaution fait aujourd’hui partie intégrante de la législation suisse. Comme souvent dans
les textes officiels qui en font mention, ce principe s’adresse prioritairement aux instances publiques et
donc aux décisions du pouvoir politique. A cet égard, on peut relever qu’en Suisse, la législation actuelle
relative aux PGM1 n’interdit pas leur expérimentation et leur mise en culture. Cependant, en se référant
explicitement au principe de précaution, elle les soumet à un contrôle très strict. Ce contrôle, concrétisé
par une procédure d’autorisation, exige une analyse interdisciplinaire, qui intègre les points de vue
éthique, juridique, économique, politique et scientifique. Plus généralement, cette approche
interdisciplinaire reste aujourd’hui nécessaire afin de mieux définir et comprendre les différents aspects
liés aux plantes génétiquement modifiées, évaluer les solutions qu’elles peuvent proposer et
appréhender les risques qu’elles soulèvent. Quelle place peuvent et doivent occuper les instituts de
recherches agronomiques publiques pour contribuer au mieux à une telle analyse ?

2. Le rôle de la recherche publique dans l’évaluation des biotechnologies végétales et leur intégration à
l’agriculture

7Globalement, et très schématiquement, la recherche agronomique vise à améliorer la productivité et la


qualité de l’agriculture. Pour ce faire, elle tente de mieux comprendre la biologie des plantes cultivées,
celle de leurs ennemis (pathogènes, ravageurs et mauvaises herbes), les conditions de leur
développement (sol, eau, climat, fumure,…), et plus largement le fonctionnement des agro-
écosystèmes. En tant que recherche appliquée, elle juge constamment de la possibilité et de
l’opportunité d’intégrer, d’utiliser dans les pratiques agricoles, les connaissances nouvelles, notamment
celles issues de la recherche fondamentale. Les plantes transgéniques résultent précisément d’une de
ces technologies qui se doit aujourd’hui d’être évaluée par la recherche agronomique.

8Dans le système économique qui est actuellement le nôtre, une partie importante des développements
technologiques sont, en agriculture aussi, réalisés, ou au moins finalisés, par de grandes entreprises
privées, souvent multinationnales. C’est notamment le cas dans le domaine des plantes transgéniques.
Cette situation découle en partie du désengagement progressif des pouvoirs publics du secteur de
l’agriculture. Elle est accentuée par le fait que les procédures à appliquer en vue d’une
commercialisation de ces plantes (dépôts et défenses de brevets, tests en pleins champs, suivi de la
biosécurité) s’avèrent si complexes et coûteuses que, souvent, même si la recherche et le
développement sont effectués par une institution publique ou une PME, seule une compagnie
multinationale a les moyens d’aboutir à une mise sur le marché. Cette situation donne évidemment un
pouvoir important à l’industrie sur le développement de l’agriculture. Une recherche publique forte
apparaît donc souhaitable pour promouvoir une utilisation socialement et écologiquement optimale de
cette technologie. En effet, il est indéniable que nombre de problèmes rencontrés par l’agriculture, qui
n’intéressent pas directement l’industrie, pourraient cependant bénéficier de cette technologie pour
leur résolution. C’est le cas, par exemple, du développement de variétés offrant une meilleure utilisation
de l’eau ou de la fumure : ici l’objectif est une meilleure gestion des ressources de l’environnement, soit
un bien collectif qui peut échapper aux calculs stratégiques de l’industrie privée. Un autre exemple
concerne la mise au point de plantes présentant des caractéristiques agronomiques utiles
prioritairement aux agriculteurs. Un bon exemple est constitué par la création de lignées de pomme de
terre résistant aux virus. Le problèmes des viroses est important mais les industries phytosanitaires
investissent peu dans ce secteur, car le développement d’antiviraux est très difficiles. Les sélectionneurs
privés sont également assez peu actifs, peut-être parce qu’ils n’ont pas intérêt à remettre en cause le
système actuel de certification et de reproduction régulière de matériel assaini (à partir de collection in
vitro). En effet, la mise à disposition des agriculteurs de lignées de pomme de terre résistantes aux virus
contribuerait à les affranchir des producteurs de semences. Plus généralement, une recherche publique
se justifie pour la sélection de variétés présentant des caractéristiques agronomiques ou nutritionnelles
bénéfiques pour des acteurs agricoles ou des populations économiquement faibles. Parallèlement, elle
s’avère indispensable pour juger en (meilleure) connaissance de cause des aspects relevant de la
biosécurité.

9En Suisse, les institutions publiques les plus concernées par une recherche appliquée à l’agriculture
sont les Ecoles polytechniques fédérales, les Hautes écoles spécialisées et les Stations fédérales de
recherches agronomiques. Pour les questions relatives plus spécifiquement aux plantes GM, ce sont
principalement l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), ainsi que les Stations fédérales de
recherches agronomiques Agroscope de Changins (RAC) et de Reckenholz (FAL) qui sont concernées.

10Les activités de recherche développées dans une Station agronomique telle que celle de Agroscope
Changins prennent évidemment une orientation pratique : cela signifie que l’ensemble de son
programme de recherches, même s’il inclut des aspects de connaissance fondamentale, se justifie
principalement par les perspectives d’une application potentielle, plus ou moins directe selon les cas, à
l’agriculture suisse. Différents critères sont pris en compte pour juger de la pertinence, de l’importance
et du succès de ces projets de recherches, critères qui peuvent être regroupés sous 3 objectifs
généraux : augmentation de la productivité, amélioration de la qualité des produits agricoles, réduction
des impacts sur l’environnement. Parallèlement, elle doit veiller, dans un souci d’efficacité évident, à
inscrire ces travaux dans un réseau de collaborations et de compétences nationales et internationales.
Enfin, elle a également pour tâche d’assurer la diffusion de ces résultats auprès des professionnels de
l’agriculture, des milieux scientifiques et plus généralement de la population dans son ensemble : un
rôle d’information donc, transparent et le plus objectif possible, affranchi d’une approche exclusivement
économique des problèmes.

11Parallèlement à ces travaux de développement et d’information, une part importante des activités
d’une Station fédérale concerne des « tâches légales », qui recouvrent des missions de contrôle ou de
vérification officiels, prévues par la législation, telles que, par exemple, l’étude des variétés, la
certification des plants, l’homologation des produits phytosanitaires, et bien sûr l’évaluation des plantes
transgéniques.
12Dans la pratique, ces deux volets (recherche et tâches légales) sont étroitement complémentaires et
même fortement interdépendants : en effet, dans la majorité des cas, une tâche de contrôle n’est
crédible et efficace que si elle est accompagnée d’une compétence reconnue, elle-même développée et
maintenue par une activité de recherche originale et créative.

13Cette complémentarité est particulièrement nécessaire dans le domaine des plantes GM, compte
tenu, notamment, de la rapidité des innovations scientifiques et techniques qui les caractérisent et des
enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui leur sont liés.

14Schématiquement, en ce qui concerne la Station de Changins, ses missions dans le domaine des
plantes transgéniques peuvent être formulées en trois points :

Développer et maintenir une compétence scientifique et technique dans le domaine de la transgénèse


végétale appliquée aux espèces agricoles.

Evaluer l’intérêt agronomique des plantes GM proposés en expérimentation ou en culture en Suisse.


Parallèlement, identifier et prendre en compte les aspects potentiellement à risque ou indésirables de
cette technologie.

Proposer des applications agronomiquement, écologiquement et socialement utiles et bénéfiques.

3. Expérience de la Station agroscope rac de Changins dans le domaine des plantes transgéniques :
développement de pommes de terre résistantes aux virus et aux maladies fongiques

15Les premières publications relatives à des plantes transgéniques développées par l’homme
apparaissent en 1983 et sont l’œuvre de quatre groupes travaillant de manière indépendante, en
Belgique et aux Etats-Unis : les plantes génétiquement modifiées sont des tabacs et des pétunias
résistants à des antibiotiques de type kanamycine (Herrera-Estrella et al., 1983 ; Bevan et al., 1983 ;
Fraley et al, 1983) et des tournesols exprimant une protéine de haricot (Murai et al., 1983). Les
premières cultures commerciales de plantes GM apparaissent aux USA en 1996. Ce n’est qu’à partir de
la fin des années 80 que cette technologie a vraiment commencé à intéresser l’agronomie et qu’elle
rejoint les préoccupations scientifiques de la RAC, principalement dans la perspective de développer des
résistances aux pathogènes.
16La résistance aux virus a été l’un des premiers domaines d’application de la transgénèse végétale. Il
faut dire qu’en agriculture, il n’existe pas de méthode de lutte directe contre ce type de pathogènes. Or,
les travaux de MacKinney (1929) avaient déjà montré que l’inoculation de virus atténués protégeait les
plants de tabac contre des virus virulents. Plus tard, il a été suggéré que l’intégration et l’expression de
certains gènes d’un virus dans son hôte pouvaient interférer avec son cycle vital et conférer une
résistance à la plante (Sanford & Johnston, 1985). Ainsi, il a été proposé d’utiliser uniquement le gène de
la capside (enveloppe protéique du virus) pour conférer une telle résistance (Powel et al., 1986). C’est
cette approche qui a été appliquée, sur le tabac d’abord, (Powel et al, 1986) puis sur la pomme de terre
(Hemenway et al., 1988, Farinelli et al., 1992).

17A la RAC, après des essais préliminaires sur le tabac, des pommes de terre ont été génétiquement
transformées en y introduisant le gène codant pour la protéine de la capside du PVYN, un redoutable
virus s’attaquant à cette importante plante cultivée (Farinelli et al., 1992 ; Farinelli & Malnoë, 1993).
Plusieurs clones transformés de pomme de terre de la variété Bintje (un des principaux cultivars de
pomme de terre cultivés en Suisse, par ailleurs très sensible aux viroses) se sont révélées totalement
résistants au virus en laboratoire (Farinelli et al., 1990). En 1991, puis en 1992, ces clones transgéniques
ont été testées au champ, dans ce qui restent, jusqu’à ce jour, les deux seules expérimentations
autorisées et réalisées à l’extérieur en Suisse. La résistance totale des lignées transgéniques au virus
PVYN s’est confirmée au champ. Une résistance croisée partielle a également été observée vis-à-vis du
virus PVYO, mais aucune protection contre d’autres potyvirus (PVA et PVM) n’a été mise en évidence
(Collet et al., 1993, Malnoë et al., 1994).

18En ce qui concerne la résistance aux pathogènes fongiques, un réseau de collaboration s’est constitué
au milieu des années 90, dans le cadre du Programme Prioritaire Biotechnologie du Fonds national
suisse pour la recherche scientifique. Ce réseau rassemblait, sous la coordination de la RAC et de
l’Université de Fribourg, plusieurs partenaires académiques suisses (Universités de Bâle, Berne, Genève
et Lausanne, EPFZ, Institut Friedrich Miescher), ainsi qu’une entreprise française active dans la création
variétale de pommes de terre (Germicopa). Ce groupe s’est concentré sur l’étude de la résistance de la
pomme de terre aux maladies fongiques, avec comme objectif spécifique le développement de lignées
transgéniques résistantes au mildiou de la pomme de terre (Phytophthora infestans), une des
principales maladies de cette culture. On peut rappeler ici que, pour combattre cette maladie, les
champs suisses sont traités, en moyenne et par an, avec 60 tonnes de matières actives fongicides.

19Trois approches ont été appliquées pour obtenir des lignées de pomme de terre transgéniques
résistantes au mildiou : insertion de gènes codant des protéines antifongiques, insertion de gènes
codant des protéines liées au processus de résistance aux pathogènes chez les végétaux (protéines PR),
insertion du gène codant la protoporphyrinogène oxydase de la pomme de terre en orientation
antisens. Parmi les nombreux clones obtenus, plusieurs ont montré, en laboratoire et en serre, une
résistance accrue vis-à-vis du pathogène (Schneider et al., 2004, Malnoë et al., 2004). Les clones parmi
les plus prometteurs ont été testés au champ en France en 1998, puis en 2000 et 2001 (Malnoë et al.,
2004) et de nombreux enseignements peuvent être tirés de ces essais. Ainsi, plusieurs clones, portant
en particulier un gène antifongique de type « thionine », ont démontré une résistance accrue au champ.
Chez certains clones, la résistance qui avait été observée en milieu confiné (cases climatisées et serres)
n’a pas été reproduite dans les essais au champ. De plus, plusieurs clones transgéniques ont montré des
altérations stables du phénotype (morphologie), variables selon les clones, même au sein d’une
construction génétique donnée. Avec d’autres clones, pourtant d’aspect normal en serre, des anomalies
morphologiques sont apparues à l’extérieur. Enfin, des résultats préliminaires indiquent une
modification possible du profil phytochimique de certains clones transgéniques, notamment au niveau
de la teneur en alcaloïdes (Ioset et al., 2002)

20Schématiquement, au niveau agronomique, 2 enseignements majeurs peuvent être tirés de nos


expériences :

La transgénèse peut effectivement offrir un outil efficace, permettant de proposer des solutions
originales à des problèmes agronomiques importants, difficiles à résoudre par des moyens classiques.

Nos observations confirment la nécessité de l’expérimentation au champ ; tant pour pouvoir juger
concrètement de la valeur agronomique des lignées transgéniques que pour évaluer correctement leur
conformité et leur stabilité.

21Parallèlement à cette analyse agronomique, il est évident, comme l’illustrent clairement plusieurs des
observations réalisées dans le cadre de nos essais et mentionnées ci-dessus, que la transgénèse soulève
des questions quant à sa sécurité (en l’occurrence biologique), questions qu’il convient de traiter en
détail avant une application à large échelle. Dans ce registre également, il apparaît qu’une activité de
recherches actives et une expérience pratique sont nécessaires pour poser toutes les bonnes questions
et, le cas échéant, tenter d’y répondre.

4. Analyse et gestion des risques biologiques dans les activités de la RAC en transgénèse

22La RAC, comme toute institution ou entreprise travaillant avec des organismes transgéniques (ou
même « simplement » pathogènes) doit, de par la Loi, disposer d’un programme de sécurité. Ce
programme impose, pour chaque projet de recherche incluant des PGM, une analyse des risques
spécifiques, partie intégrante d’une notification ou d’une demande d’autorisation adressée au bureau
suisse pour la biotechnologie, un organisme dépendant de l’Office fédéral de l’environnement, des
forêts et du paysage (OFEFP).

23Une telle analyse de risque tient compte de très nombreux facteurs, situés à différents niveaux. De
fait, chaque cas est différent, dépendant de l’espèce végétale considérée (biologie, mode de
reproduction, possibilité de fécondations croisées avec des plantes de la même espèce ou d’espèces
apparentées), de la caractérisation moléculaire de la transformation (séquence des acides nucléiques et
fonction du transgène, nombre de sites d’insertions et de copies du transgène), des caractéristiques
effectivement conférées à la plantes par la transformation, enfin de l’environnement dans lequel
l’expérimentation se déroule (un essai en milieu confiné, dont le matériel est systématiquement détruit,
s’évaluera évidemment différemment qu’une expérimentation au champ). A partir de ces données, des
effets adverses potentiels sont identifiés et évalués. Le cas échant, une expérimentation spécifique
pourra être planifiée. Ainsi, par exemple, dans le cas de la résistance aux virus par transgénèse, un des
principaux soucis soulevés par l’analyse des risques concernait la possibilité d’une recombinaison entre
l’ARN messager transgénique et l’ARN génomique d’un virus infectant une plante génétiquement
modifiée. En effet, une telle recombinaison pourrait occasionner l’apparition de nouveaux caractères
chez le virus infectant, par exemple la modification du spectre d’hôte ou de la virulence. Il ressort des
essais réalisés à Changins que la recombinaison entre ARN viral génomique et ARN transgénique est très
faible, voire inexistante (Jakab et al., 1997). Par contre, une autre conséquence découlant des processus
de recombinaison a été mise en évidence : différents virus d’une population sont en effet susceptibles
de se recombiner dans une plante infectée ; dans la majorité des cas, les virus recombinants sont moins
virulents et peu compétitifs. Bien sûr, de telles recombinaisons peuvent avoir lieu dans toutes les
plantes, qu’elles soient transgéniques ou non ; mais dans les plantes transgéniques développées pour
résister aux virus, la pression de sélection exercée sur ces derniers favorise l’émergence de
recombinants virulents (Jakab et al., 1997). Au niveau purement agronomique, la présence d’un tel
phénomène imposera des mesures culturales appropriées, comme une rotation des variétés résistantes
utilisées, par exemple.

24Dans tous les cas, l’analyse des risques abouti à une classification dont dépendent les mesures de
sécurité à adopter.

25Il est important de relever à ce stade que, pour tous projets en transgénèse, l’évaluation et la prise en
compte des risques s’inscrivent dans un processus permanent et dynamique. Dès le départ, cette
nécessité découle de la technique même de transformation génétique. Ainsi, l’introduction d’ADN dans
un tissu végétale (fleurs, tiges, feuilles…) se réalise actuellement par l’intermédiaire d’une bactérie
Agrobacterium tumefaciens, ou à l’aide d’un appareil qui projète des particules enrobées d’ADN dans les
cellules. Aujourd’hui, avec ces 2 méthodes, il est techniquement impossible de déterminer à l’avance le
site d’insertion dans le génome (l’ensemble de chromosomes) de manière précise. Si l’insertion se
réalise dans un gène actif de la plante, ou dans une région qui régule l’expression de gènes, on peut
créer une plante transgénique dont une ou des fonctions sont modifiées, voire altérées. De plus, des
variations peuvent apparaître lors de la régénération d’une plantule à partir d’une cellule transformée,
sans que la transformation proprement dite soit impliquée. Une analyse moléculaire est donc
nécessaires, de même qu’une observation continue des plantes obtenues, pour vérifier qu’elles
présentent un comportement conforme aux prédictions. En effet, comme le démontrent plusieurs des
observations effectuées dans nos propres projets, des variations peuvent parfaitement apparaître et
s’exprimer à un stade de développement ultérieur ou dans des conditions particulières.

26Cet exemple illustre la nécessité d’une réévaluation régulière des risques d’un projet, qui intègre les
nouvelles observations ou connaissances acquises. Un telle réévaluation est évidemment d’autant plus
justifiée, et d’ailleurs expressément prévue par la Loi, lorsque l’expérimentation change d’échelle. Ainsi,
dans ce « continuum » que représentent le développement d’un projet et son évaluation au niveau des
risques, le passage de la serre à l’expérimentation au champ constitue évidemment une étape
fondamentale.

27Pour cette étape, il est logique et nécessaire de prévoir une expérimentation de petite taille, dans un
écosystème connu. La taille réduite facilite la surveillance et autorise une destruction rapide, si
nécessaire. Ce type d’expérimentations est important, car il permet justement d’identifier des
phénomènes inattendus ou inconnus, phénomènes qui pourront être inclus dans l’estimation du risque
d’un essai à plus large échelle. Lorsque les surfaces grandissent et que les écosystèmes concernés se
multiplient, l’évaluation des risques devient plus complexe, ces derniers étant plus difficiles à
appréhender : dans un système ouvert, nombre de paramètres échappent à notre contrôle et peuvent
changer de manière inattendue. A chaque étape, on peut donc être amené à formuler un certain
nombre d’hypothèses nouvelles, qu’il convient de vérifier par une expérimentation ad hoc.

28La gestion des risques s’inscrit donc dans un processus continu et permanent d’évaluations, de
vérifications et d’ajustements qui seul permet d’élargir la connaissance et de consolider la confiance.
Evidemment, une certaine incertitude subsistera toujours ; l’épistémologie a maintes fois souligné
l’impossibilité logique des inférences absolues. En ce qui concerne spécifiquement l’appréhension des
risques, on ne peut évidemment jamais totalement exclure l’émergence d’un phénomène inattendu,
non-identifiable en l’état des connaissances à un moment donné, et qui donc ne peut être inclus dans
les hypothèses de travail du chercheur. Cette constatation ultime a évidemment son reflet : on ne peut
également pas prouver l’inexistence de quelque chose qui n’existe pas.

5. En guise de conclusion
29Aujourd’hui, il est de la responsabilité de la Station Agroscope de Changins de rester vigilante quant
aux possibilités qu’offre la transgénèse végétale pour l’agriculture, notamment en regard des progrès
rapides qui caractérisent cette branche de la biologie. Il lui revient également de participer à l’évaluation
des risques que ces plantes peuvent potentiellement présenter, en étroite collaboration avec notre
Station sœur de Reckenholz, chargée plus spécifiquement de l’étude des impacts éventuels sur
l’environnement (Sanvido et al., 2003), ainsi qu’avec les autres instances officielles désignées par la
législation : Offices fédéraux de l’agriculture, de l’environnement, vétérinaire et de la santé publique.
C’est pour remplir ce rôle que nous élaborons et réalisons nos projets en transgénèse végétale.

30Concrètement, dans le cadre de nos activités, l’analyse des risques et la prise en compte du principe
de précaution apparaissent à 2 niveaux. En premier lieu, elles interviennent dans l’élaboration de nos
propres projets, et aboutissent à la définition des mesures de sécurité à prendre. Plus globalement, elles
sont inclues dans notre participation à l’évaluation des projets d’expérimentation et de mise en culture
planifiés en Suisse. Dans tous les cas, notre analyse des risques portent prioritairement sur les
composantes technico-scientifiques des aspects agronomiques et environnementaux. Cette priorité
correspond à la nature expérimentale de nos activités dans ce domaine et tient également au rôle
institutionnel qui nous est assigné.

31Il n’en reste pas moins que ces aspects, pour importants qu’ils soient, n’épuisent de loin pas les
questions soulevées par cette technologie. Il est cependant intéressant de constater, comme l’a très
bien analysé Bordogna Petriccione (ce volume), que les arguments scientifiques pèsent souvent d’un
poids particulier dans l’analyse et la réflexion qui accompagnent la mise en oeuvre du principe de
précaution, qu’ils servent en quelque sorte d’alibi à d’autres types d’arguments, qu’ils soient sociaux,
économiques, politiques, éthiques,… Dans ce contexte, il nous semble que la contribution de notre
Station de recherche est double : d’une part, on l’a vu, il nous revient d’établir et de partager une
connaissance objective nécessaire à l’analyse technico-scientifique des risques soulevés par les PGM ; et
d’autres part, il nous faut également veiller à l’utilisation adéquates de ces données, en particulier à ce
qu’elles ne se substituent pas indûment aux autres arguments.

32Cette double démarche s’inscrit dans un dialogue permanent et durable avec les autres acteurs
impliqués dans l’application du principe de précaution. Dialogue permanent, car tributaire de l’évolution
constante des connaissances ; dialogue durable, car il doit se construire sur un apprentissage et une
compréhension mutuels des approches, des contraintes et même du vocabulaire propres à chaque
discipline.

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BIBLIOGRAPHY

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NOTES

1 Il s’agit de la « Loi sur l’application du génie génétique au domaine non humain », entrée en vigueur le
1er janvier 2004 et issue d’un débat nourri qui s’est déroulé sur une dizaine d’années en sollicitant tous
les outils du processus démocratique helvétique.

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REFERENCES

Electronic reference

Nicolas Delabays and Pia Malnoë, « Plantes transgéniques en agriculture et principe de précaution : le
rôle, l’expérience et le point de vue d’un acteur suisse du débat », Revue européenne des sciences
sociales [Online], XLII-130 | 2004, Online since 13 November 2009, connection on 06 March 2020. URL :
http://journals.openedition.org/ress/488 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ress.488

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