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TIC1 – MMI 1ère année – TD2

Analyse de texte 2

Eric HAZAN, LQR1. La propagande au quotidien


(Raisons d’agir Éditions, 2006, p. 83-84)

Pour des raisons tenant à l’histoire et à la culture politique, les suites du 11 septembre 2001
ont été plus graves en France que dans les autres pays européens. Le dispositif policier déjà
bien fourni a été renforcé et des lois sécuritaires comme on n’en avait pas vu depuis Vichy ont
été votées sans trop de protestations. Mais ces mesures spectaculaires ne sont peut-être pas le
plus important de l’affaire. Les mots et syntagmes qui firent alors leur apparition dans la
LQR, les modifications de forme et surtout de sens d’expressions anciennes, toute cette dérive
aura peut-être un impact plus durable que des décrets, arrêtés et lois abrogeables du jour au
lendemain. C’est que les faits de langage sont plus têtus que les autres, et surtout qu’ils sont
performatifs : par leur apparition, ils révèlent des tendances qu’ils contribuent ensuite à
renforcer, contaminant par ondes successives d’autres milieux, d’autres castes, d’autres
médias.

Ainsi a-t-on vu surgir du magma médiatico-politique une entité nouvelle, l’arabo-musulman,


qui a gagné en quelques semaines toute la LQR jusque dans ses variantes les plus distinguées.
Dans un entretien accordé au Monde (28 août 2004), Dominique de Villepin, à l’époque
ministre de l’Intérieur, laisse échapper une ligne révélatrice : parlant des « actions violentes à
caractère antisémite sur les sept derniers mois de l’année », il précise que « cinquante [d’entre
elles] ont été commises par des individus d’origine arabo-musulmane ». À l’autre bord (si
l’on peut dire), Michel Rocard écrit dans Le Figaro du 16 novembre 2004 : « Il faut aussi
trouver des alliés, au sein du monde arabo-musulman, pour triompher des forces de
destruction qui s’y donnent libre cours. »

On connaissait les judéo-bolchéviques, les hitléro-trotskistes, mais les arabo-musulmans ? Le


succès de la formule repose d’abord sur l’ignorance des Français, dont beaucoup sont
convaincus que les Turcs et les Iraniens sont des Arabes et que tous les Arabes sont
musulmans. Arabo-musulman renforce cette ignorance et favorise l’amalgame de tous les
basanés. Elle aide à légitimer la « lutte antiterroriste » dans le métro, les cités, les aéroports.

1
« LQR » signifie Lingua Quintae Reipublicae, allusion à l'analyse linguistique menée par Victor Klemperer
pendant la montée en puissance du Troisième Reich et de sa langue qu'il avait baptisée Lingua Tertii Imperii (la
« Langue du Troisième Reich » en latin). L'auteur évoque également les figures de George Orwell se battant
contre la novlangue et d'Hannah Arendt dénonçant la banalité du mal (source Wikipédia)
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Ceux qui sont fouillés au corps, gardés à vue, reconduits à la frontière, sont-ils des citoyens de
la République démocratique algérienne, du Royaume marocain, de la République tunisienne ?
Viennent-ils d’ailleurs, Saoudiens, Syriens ou, qui sait, Palestiniens ? Peu importe au fond, ce
sont des arabo-musulmans, cible n° 1 de la « lutte antiterroriste ».

Webographie

Illustrations, discussion

https://fr.wikipedia.org/wiki/LQR

http://blogs.mediapart.fr/blog/nabile-fares/160414/qu-est-ce-qu-un-arabo-musulman ?

http://www.pointsdereperes.com/articles/lettre-ouverte-aux-medias-francais

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