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Transfusion Clinique et Biologique 12 (2005) 205–207

SÉANCE ÉDUCATIONNELLE

Application d’une méthode d’analyse de risques


au processus transfusionnel
Application of a hazard analysis method
to blood manufacturing activities

C. Becel
Établissement français du sang Bretagne, rue Pierre-Jean-Gineste, BP 91614, 35016 Rennes cedex, France
Disponible sur internet le 31 mai 2005

Résumé

Le contexte réglementaire transfusionnel et les objectifs qualité de l’EFS imposent une analyse et une maîtrise de
l’ensemble du processus transfusionnel. Les méthodes d’analyse de risques sont des outils qui permettent d’évaluer
la fiabilité des processus et de mettre en évidence leurs points critiques. Ces techniques s’inscrivent dans un concept
plus large de maîtrise des risques. Cette maîtrise implique d’avoir analysé et évalué les risques pour mettre en œuvre
les dispositions les plus adaptées visant ainsi à améliorer la fiabilité du processus transfusionnel. Les risques étudiés
peuvent être des risques réels caractérisant des approches « réactives » ou des risques potentiels notamment dans
des approches dites « préventives ». Cet article propose une présentation des principales étapes des méthodes
d’analyse de risques et une présentation de situations transfusionnelles pour lesquelles ces méthodes peuvent être
appliquées en tout ou partie.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

French regulations for blood transfusion and the aims of quality insurance policy of the French National Blood Service
(EFS), impose the analysis and the control of the whole blood manufacturing process. The methods of hazard analysis
are tools used to evaluate the reliability of processes and to mention their critical points. These techniques take part
in a broader concept of hazard control. This control imply that hazards have been analysed and evaluated in the aim
to set up the best procedures for improving the reliability of blood manufacturing process. The hazards which are
analysed can be « real » hazards leading to a reactive approach, or « potential » hazards, leading to a preventive
approach. This paper presents the main steps of the methods which are used for hazard analysis, and some situations
in blood manufacturing where these methods can be applied.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Management qualité ; Maîtrise des risques ; Transfusion sanguine

Keywords: Quality management; Hazard control; Blood transfusion

Analyser et optimiser ses processus constituent les prin- de management de la qualité doit permettre, notamment, de
cipes même de toute démarche qualité. « déterminer les critères et les méthodes nécessaires pour
Dans le milieu transfusionnel, compte tenu des exigences assurer l’efficacité du fonctionnement et de la maîtrise de ces
réglementaires et normatives, la mise en place du système processus » [1], mais également « la mise en évidence de
points critiques tant au niveau des processus que de leurs
Adresse e-mail : christine.becel@efs.sante.fr (C. Becel).
interactions » [2].

1246-7820/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/S1246-7820(05)00047-9
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Les méthodes d’analyse de risques constituent des outils Les différentes analyses de risques menées au niveau du
pour évaluer la fiabilité et les points critiques de toutes processus transfusionnel s’appuient sur les principes de ces
sortes de processus [3]. Elles définissent des techniques méthodes. Elles peuvent être appliquées dans leur intégralité
pour mettre en évidence les risques potentiels ou réels liés à ou partiellement, l’important étant d’arriver à l’objectif final
un processus, un produit, un service... Elles peuvent être de fiabilité des processus.
utilisées dans une approche « réactive » qui consiste à
corriger des dysfonctionnements ou dans une approche
« préventive » qui consiste, par l’analyse, à faire en sorte que 3. LES ÉTAPES DES MÉTHODES
les dysfonctionnements ne se produisent pas.
Les méthodes d’analyse de risques sont fondées sur
plusieurs étapes : une analyse des risques, une évaluation,
1. QUELQUES DÉFINITIONS une détermination et mise en œuvre des moyens de préven-
tion, voire de correction, une vérification du système mis en
L’analyse du risque s’inscrit dans un concept plus global place et une évaluation des risques résiduels.
de « gestion des risques ». Mais avant d’initier la démarche, il est important de bien
La norme NF EN ISO 14971 définit l’analyse de risque préparer le champ de l’étude et de réaliser une analyse
comme « utilisation des informations disponibles pour iden- fonctionnelle ou la décomposition du processus sous forme
tifier les phénomènes dangereux et estimer le risque ». [4] de logigramme par exemple. Cela permet de structurer la
La gestion des risques est « l’application systématique des phase d’analyse.
politiques de gestion, des procédures et des pratiques à des
tâches d’analyse, d’évaluation et de maîtrise des risques ». 3.1. Analyse des risques et évaluation
Le risque est alors la combinaison de la probabilité d’un
dommage et de sa gravité. Le danger représente le phéno- Cette phase consiste en l’analyse exhaustive des modes,
mène qui est source de dommage. causes, effets et détection des défaillances [3]. Elle repré-
La maîtrise du risque est « le processus par lequel les sente l’analyse qualitative.
décisions sont prises et des mesures de protection mises en Le recensement des modes de défaillances doit prendre
place pour réduire les risques ou les maintenir dans des en compte tout ce qui est plausible et potentiel ou ce qui
limites spécifiées ». s’est déjà produit. Le mode de défaillance est le caractère
Cette maîtrise implique donc, au préalable, d’avoir ana- observable, le symptôme.
lysé et évalué les risques pour mettre en œuvre les disposi- Les causes de défaillances doivent être recherchées. Gé-
tions les plus adaptées visant ainsi à améliorer la fiabilité du néralement, le diagramme d’Ishikawa ou diagramme de
processus transfusionnel. « cause-effet » permet de parcourir toutes les composantes
d’un processus pouvant être à l’origine du problème : maté-
riel, main d’œuvre, matière, méthode et milieu.
2. DIFFÉRENTES MÉTHODES Chaque mode de défaillance produit un effet ou un mode
de défaillance associé qu’il faut identifier. Le recensement
Plusieurs méthodes ont été développées dans le secteur des moyens existants permettant soit de détecter le danger,
industriel : soit de le prévenir ou de le réduire, conduira à la recherche
L’AMDE, analyse des modes de défaillance et de leurs de moyens de prévention adaptés.
effets, méthode d’analyse préventive qui recense et met en Le risque est la combinaison de la probabilité d’un dom-
évidence les risques potentiels, a été complétée par mage et de sa gravité. L’étape suivante consiste à quantifier
l’AMDEC, analyse des modes de défaillance, de leurs effets le risque. La fréquence d’apparition (F), ou occurrence, la
et de leur criticité, qui ajoute la quantification des risques et gravité (G) mais également la non-détection (ND) sont des
permet donc de les hiérarchiser afin d’agir plus efficacement. facteurs à prendre en compte pour estimer la criticité du
[5] risque. Une grille de notation est alors établie pour l’étude.
Ces deux méthodes sont des outils de prévention à La criticité est alors le produit des trois paramètres :
privilégier au stade de la conception des produits ou des FxGxND. La pondération permet de hiérarchiser les risques
procédés. Elles peuvent cependant être utilisées en situation et ainsi de définir les mesures prioritaires à poser.
d’amélioration de l’existant.
Dans le cadre de la sécurité alimentaire, une autre mé- 3.2. Le plan d’action
thode d’analyse des risques est aujourd’hui très développée :
l’HACCP, Hazard Analysis Critical Control Point ou analyse des La mise en place du plan d’action vise à réduire, voire à
risques, maîtrise des points critiques. Ce système permet supprimer les risques identifiés et s’établit au regard des
d’identifier les risques spécifiques susceptibles d’affecter la priorités mises en évidence dans la phase précédente. Cette
sécurité ou la qualité d’un produit alimentaire défini et la étape consiste à définir des actions préventives (lorsque le
détermination des mesures appropriées pour en assurer la risque est potentiel) ou des actions correctives (lorsque le
maîtrise. risque s’est déjà produit).
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3.3. Vérification du système considérées comme critiques ou nécessitant une démons-


et évaluation des risques résiduels tration à priori de leur fiabilité.
La mise en œuvre de toutes nouvelles dispositions sur le
La mise en place d’un système de prévention n’est pas processus transfusionnel devra faire l’objet d’une telle ana-
suffisante à elle seule. Il est nécessaire de suivre l’efficacité lyse afin de s’intégrer dans le système décisionnel de l’EFS.
des actions engagées afin de mesurer la pertinence du L’acceptabilité du risque dépend du niveau d’acceptabilité
système. par la société, par les patients, par les donneurs et par les
Cette mesure consiste à réévaluer les risques résiduels professionnels [6].
après application des dispositions. Existe-t-il des risques
résiduels ? Sont-ils acceptables ? Doit-on mettre en œuvre
un nouveau système de prévention ? Peut-on identifier de 5. CONCLUSION
nouveaux dangers ?
Cette phase est souvent négligée, pourtant il est néces- Les méthodes de maîtrise des risques sont des outils
saire de s’assurer que les actions engagées ne génèrent pas permettant de garantir la sécurité de fonctionnement des
de nouveaux risques inacceptables. processus. Fondées sur la connaissance des risques associés
aux activités, elles permettent de mettre en place un sys-
tème de prévention adapté. L’étape d’analyse est importante
4. DANS LE DOMAINE TRANSFUSIONNEL
et ne doit pas être limitée. Réduire l’examen des risques
L’analyse des risques constitue un outil pour fiabiliser et potentiels ne réduit pas les risques : plus les risques seront
vérifier la sécurité de fonctionnement du système en place. identifiés, plus le système de prévention sera efficace et
Cependant, il apparaît nécessaire d’utiliser des méthodes contribuera ainsi à l’amélioration de la sécurité. [7].
adaptées au contexte et aux objectifs. Ces méthodes peuvent être appliquées en tout ou partie
aux activités transfusionnelles.
4.1. Une approche « réactive » Aujourd’hui, l’expérience acquise dans le secteur indus-
triel démontre l’intérêt de la mise en œuvre de ce type de
Lorsqu’il s’agit de détection de dysfonctionnements (inci- méthodes. Cependant, leur utilisation peut s’avérer lourde
dents de matériovigilance, hémovigilance, réactovigilance ou et il est important de cibler leur champ d’application à des
biovigilance), la quantification du risque s’établie selon une points critiques ou lors de changement de dispositif. Elles
notation définie et spécifique (grades pour l’hémovigilance doivent s’inscrire dans une démarche globale de gestion des
et arbre décisionnel pour les autres vigilances sur les formu- risques intégrant une composante managériale, traduisant
laires Cerfa). L’établissement concerné, destinataire de ce ainsi la préoccupation constante de la sécurité au cœur de
type de déclaration, devra engager une recherche de causes nos métiers.
et mettre en place un plan de prévention et une évaluation
de son efficacité.
RÉFÉRENCES
4.2. Des approches « préventives »
[1] Norme NF EN ISO 9001 : 2000 : Système de management de la
Dans le contexte réglementaire, les bonnes pratiques qualité – Exigences Afnor, décembre 2000.
imposent l’application d’une méthode d’analyse des risques [2] Arrêté du 10 septembre 2003 portant homologation du règlement
pour un point relatif au prélèvement : « Le prélèvement de de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
définissant les principes de bonnes pratiques dont doivent se doter
sang total et d’aphérèse ne peut-être effectué simultanément les établissements de transfusion sanguine.
par le même personnel sauf si est assurée la maîtrise des [3] Cattan M, Idrissi N, Knockaert P. Maîtriser les processus de
risques étayée par une analyse des risques » (Ligne directrice l’entreprise : Guide opérationnel. Paris: Édition d’organisation;
relative au prélèvement, extrait des bonnes pratiques trans- 1998,1999.
fusionnelles). Cette étude reprend l’ensemble des étapes [4] Norme NF EN ISO 14971 : 2000 : Dispositifs médicaux – Application
présentées dans le chapitre précédent. L’analyse de l’exis- de la gestion des risques aux dispositifs médicaux Afnor, mai 2001.
[5] Garin. AMDEC/AMDE/AEEL : l’essentiel de la méthode Afnor, 1994.
tant est fonction des organisations de chaque établissement,
[6] Principes méthodologiques pour la gestion des risques en
voire de chaque site. établissement de santé ANAES, janvier 2003.
Les autres applications complètes des méthodes d’analyse [7] J. Le Bissonnais. Conduite de projets : Le management des risques
de risques devront se porter sur les étapes du processus Afnor, 1997.

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