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La Dérive Génétique (suite)

Pour les grandes populations, la dérive génétique est une force évolutive très faible
comme on peut le voir par le nombre de générations nécessaires pour réduire H de
moitié.
!
Il faut ici déterminer pour quelle valeur de « t » ℋ! = ℋ!
!

1 1 !
ℋ! = ℋ! = ℋ! 1 −
2 2𝑁
1 1 !
= 1−
2 2𝑁
!
1 1
ln = ln 1−
2 2𝑁
1
ln 1 − ln 2 = 𝑡 ln 1 −
2𝑁
ln(1) = 0 , donc :
1
− ln 2 = 𝑡 ln 1 −
2𝑁
! !"(!)
𝑡! = ! Equation 4
! !" !!
!!
On peut faire une approximation donnée par la formule suivante :
Quand 𝑥 est proche de zéro : ln(1 + 𝑥) ≅ 𝑥
Donc :
1 1
ln 1 − = −
2𝑁 2𝑁
L’équation 4 devient :

− ln(2)
𝑡! ≅ ≅ 2𝑁 ln 2
! 1

2𝑁
𝑡! ≅ 2𝑁 ln 2 Equation 5
!

donc : 𝑡! ≅ 2 ln 2 𝑁 ≅ 2×0,693×𝑁 ≅ 1,38 𝑁


!

𝑡! ≅ 1,38 𝑁
!

38
En d’autres termes, le temps nécessaire à la dérive génétique pour réduire H de moitié
est proportionnel à la taille de la population.

Exemple :

Une population avec 1 million d’individus 𝑁 = 10!

𝑡! ≅ 1,38×10! Générations
!
si l’espèce a un temps de génération de 20 ans, cela prendra environ 28 millions
d’années pour diminuer de moitié la variation génétique.

En temps géologiques, il y a 28 millions d’années la Terre était à l’ère oligocène, les
Alpes er l’Himalaya étaient en train d’apparaître suite à la collision de l’Inde et de
l’Eurasie ; et les 1ers grands mammifères explorateurs apparurent, en même temps que
les premiers primates ressemblant aux singes. Au cours des 28 millions d’années, les
baleines, les singes, les grands carnivores, et les hominoïdes tous apparurent, alors que
la dérive génétique avait enlevé la moitié de la variation génétique.

Exercice n°5.

Faites le graphique des équations 4 et 5 simultanément en fonction de N pour N variant


de 1 à 100.
Question : que pensez-vous de l’approximation ?

La probabilité de fixation d’un allèle dans une population :

Une autre propriété de la dérive génétique : la probabilité qu’un allèle A1 soit le seul
allèle survivant dans la population. C’est ce qu’on appelle la probabilité de fixation d’un
allèle.
Dans la figure 1, l’allèle A1 s’est fixé dans 2 populations sur 4 où on a observé la fixation
d’un allèle. On peut penser que la probabilité de fixation de l’allèle A1 est de ½. En fait, la
probabilité de fixation est de 0,2.
Comme toute la variation est perdue à la fin, on sait qu’éventuellement un allèle au
départ sera l’ancêtre de tous les allèles dans la population. Comme on a 2N allèles dans
la population, la probabilité que l’un des allèles soit l’ancêtre de tous (lorsque H=0) est
!
juste égale à .
!!
Si nous avons i copies de cet Allèle A1, la chance que l’une de ces copies soit l’ancêtre est
!
égale à .
!!

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De la même manière, si l’allèle A1 a une fréquence « p », alors la probabilité que tous les
allèles soient A1 est « p ». dans ce cas on dit que l’allèle A1 est fixé dans la population.
Donc, la probabilité de fixation finale d’une allèle neutre est égale à sa fréquence
actuelle :
𝜋 𝑝 = 𝑝 Equation 6
Ceci est facile, puisque tous les allèles sont équivalents ; il n’y a pas de sélection
naturelle.
Exercice n°6. (facultatif)

G est presque la même chose que l’homozygotie G de la population.

Supposons que l’on veuille définir l’homozygotie d’une population comme étant la
probabilité que 2 allèles choisis au hasard dans la population (tirage avec
remplacement) soient identiques par leurs états.
1. montrez que ceci est équivalent à la définition donnée dans l’équation 3 :
𝐺 = !!!! 𝑝!!
! !
2. montrez que : 𝐺 = !! + (1 − !!) 𝒢

Utilisez cela pour dire que G et G sont « presque les mêmes ».


La Dérive Génétique semble remettre en question la validité ou du moins l’utilité de la
loi de Hardy-Weinberg. Cependant, ce n’est pas le cas sauf dans les petites populations.
Les fréquences de Hardy-Weinberg sont atteintes au bout d’une ou deux générations. Le
croisement aléatoire, vu en tant que force évolutive, a une échelle de temps de 1 ou 2
générations.
La Dérive Génétique a une échelle de temps de 2N générations, échelle largement
supérieure à 1 ou 2 générations pour les populations naturelles.
Quand deux forces évolutives ont de telles différences d’échelles de temps, elles
interagissent rarement de manière intéressante. Ceci est certainement vrai pour
l’interaction entre dérive génétique et croisement aléatoire.
A une génération particulière, la population apparaitra à l’équilibre de Hardy-Weinberg.
L’écart de la fréquence d’un génotype par rapport aux fréquences attendues pour la loi
!
de Hardy-Weinberg ne sera pas plus de environ , et certainement pas un écart
!!
mesurable.
De plus, la fréquence allélique ne changera pas de manière mesurable en une seule
génération.

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Ainsi, en se basant sur les fréquences alléliques et génotypiques, l’expérimentateur ne
pourra pas dire si la population se conforme ou non aux prévisions de la loi de Hardy-
Weinberg.

3. Mutation et dérive génétique :

On peut se demander si la Dérive Génétique élimine la variation génétique des


populations naturelles, pourquoi est-ce que toutes les populations ne sont elles pas
dépourvues de variations génétiques ?
Réponse : c’est bien entendu la mutation qui restore la variation génétique éliminée par
la Dérive Génétique.
L’interaction entre Dérive Génétique et Mutation est particulièrement importante pour
la Génétique Moléculaire des Populations et sa Théorie Neutraliste.
La théorie neutraliste revendique le fait que la plupart des différences dans les
séquences d’ADN entre les allèles au sein d’une population ou entre espèces sont dues à
des mutations neutres.
Soit 𝒖= taux de mutation des allèles neutres ; appelé « taux de mutation » alors que
« probabilité de mutation » serait un terme plus précis.
La mutation introduit la variation génétique dans une population à un taux de 𝟐𝑵𝒖.
(2N allèles x u)
𝟏
La Dérive Génétique élimine la variation à un taux de .
𝟐𝑵
A l’équilibre, la probabilité que 2 allèles différents par leur origine soient identiques par
leurs états est donnée par la formule classique :
!
𝒢= Equation 7
!!!!"
! !
Equation 1 : 𝒢 ! = !! + (1 − !!)𝒢

Quand une mutation a lieu, on suppose qu’elle a lieu au niveau d’un allèle unique, un
allèle qui diffèrera par son état de tout autre allèle qui ait jamais existé dans la
population.
Une population tout au long de son existence aurait vu un grand nombre d’allèles
différents. Par conséquent notre modèle de mutation est appelé « modèle à nombre
infini d’allèles ». Ce modèle est ainsi désigné pour avoir une approximation du grand
nombre, quoique fini, d’allèles qui sont possibles au niveau moléculaire.

Exercice n°7.

Combien y-a-t-il d’allèles différents après une mutation à un locus qui a 3000
nucléotides ? combien y en a-t-il après 2 mutations ?

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La valeur de G après un tour de croisement aléatoire et une mutation est égale à :

! !
𝒢 ! = (1 − 𝑢)! + (1 − )𝒢 Equation 8
!! !!
! !
Equation 1 : 𝒢 ! = !! + (1 − !!)𝒢

Cette formule diffère de l’équation 1 par le facteur (1 − 𝑢)! .


Ce facteur est la probabilité qu’une mutation n’a pas lieu dans aucun des 2 allèles choisis
au hasard dans la population à la fin de la 1ère génération.
Probabilité de mutation à u
Probabilité de non mutation à 1-u
G= probabilité que 2 allèles différents par leur origine (sans remplacement)
soient identiques par leur état ( Homozygotie de la population).
L’équation 8 peut-être manipulée pour obtenir une approximation de ∆ℋ .
L’approximation est basée sur le fait que les taux de mutation sont faibles
( 10!! à 10!! 𝑠𝑒𝑙𝑜𝑛 𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒) et que les effectifs des populations sont grands
(𝑠𝑜𝑢𝑣𝑒𝑛𝑡 > 10! ).
L’approximation est obtenue en 3 étapes :
1. on fait l’approximation (1 − 𝑢)! ≅ 1 − 2𝑢
!
2. ignorer les termes ayant comme facteur
!
1 1
𝒢 ! ≅ (1 − 2𝑢) + (1 − )𝒢
2𝑁 2𝑁
1 1 1 1
𝒢! ≅ + 1− 𝒢 − 2𝑢 − 2𝑢(1 − )𝒢
2𝑁 2𝑁 2𝑁 2𝑁
1 1 1 1
𝒢! ≅ + 1− 𝒢 − 2𝑢 − 2𝑢𝒢 + 2𝑢 𝒢
2𝑁 2𝑁 2𝑁 2𝑁
1 1 1 1
𝒢! ≅ + 1− 𝒢 − 2𝑢𝒢 ≅ +𝒢− 𝒢 − 2𝑢𝒢
2𝑁 2𝑁 2𝑁 2𝑁
1 1
𝒢! ≅ +𝒢− 𝒢 − 2𝑢𝒢
2𝑁 2𝑁
3. ℋ = 1 − 𝒢

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1 1
ℋ! = 1 − 𝒢! = 1 −−𝒢+ 𝒢 + 2𝑢𝒢
2𝑁 2𝑁
1 1
ℋ! = 1 − −𝒢+ 𝒢 + 2𝑢𝒢
2𝑁 2𝑁
1
ℋ ! = (1 − 𝒢) − (1 − 𝒢) + 2𝑢𝒢
2𝑁
1 1
ℋ! = 1 − 𝒢 1 − + 2𝑢𝒢 = ℋ 1 − + 2𝑢(1 − ℋ)
2𝑁 2𝑁
1
ℋ! = ℋ 1 − + 2𝑢(1 − ℋ)
2𝑁
1
∆ℋ ≅ ℋ ! − ℋ ≅ ℋ 1 − + 2𝑢 1 − ℋ − ℋ
2𝑁
1
∆ℋ ≅ ℋ − ℋ + 2𝑢 1 − ℋ − ℋ
2𝑁
!
∆ℋ ≅ −ℋ + 2𝑢 1 − ℋ Equation 9
!!
à l’équilibre ∆ℋ = 0
la valeur de H qui satisfait ∆ℋ = 0 est

1
−ℋ+ 2𝑢 1 − ℋ = 0
2𝑁
1 1
−ℋ + 2𝑢 − 2𝑢ℋ = −ℋ + 2𝑢 + 2𝑢 = 0
2𝑁 2𝑁
2𝑢 2𝑢 2𝑢
ℋ= = =
1 1 + 2𝑢×2𝑁 1 + 4𝑁𝑢
2𝑁 + 2𝑢 2𝑁 2𝑁
2𝑢 2𝑢×2𝑁
ℋ= =
1 + 4𝑁𝑢 1 + 4𝑁𝑢
2𝑁
!!"
ℋ= Equation 10
!!!!"
!
Ceci donne immédiatement l’équation 7 ci-dessus : 𝒢 =
!!!!"

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4𝑁𝑢
𝒢 = 𝒢 à 𝑙 ! é𝑞𝑢𝑖𝑙𝑖𝑏𝑟𝑒 = 1 − ℋ = 1 −

1 + 4𝑁𝑢
1 + 4𝑁𝑢 4𝑁𝑢 1 + 4𝑁𝑢 − 4𝑁𝑢 1
𝒢= − = =
1 + 4𝑁𝑢 1 + 4𝑁𝑢 1 + 4𝑁𝑢 1 + 4𝑁𝑢

Exercice n°8.

Faites le graphique de l’équation 7 en fonction de 4Nu.


Question : quelle valeur de (4Nu) donne un compromis raisonnable à la moyenne de
l’hétérozygotie pour les protéines telle que décrite par les études électrophorétiques
chez l’homme (environ 0.05).

Essayons de comprendre l’interaction des forces évolutives en jeu (Dérive Génétique et
mutation) .
L’équation 9 :
!
∆ℋ ≅ −ℋ + 2𝑢 1 − ℋ
!!
montre que la variation de H est une somme de deux éléments :

∆ℋ ≅ ∆! ℋ + ∆! ℋ
!
∆! ℋ = − ℋ est la variation en H due à la Dérive Génétique ;
!!

∆! ℋ = 2𝑢 1 − ℋ est la variation en H due à la mutation ; Equation 11

On peut aussi retrouver cette équation en considérant les effets de la mutation


séparément dans une population infinie.
En effet, dans une population infinie avec mutation, la probabilité que 2 allèles choisis au
hasard soient différents par leur état à la génération suivante est égale à :
ℋ ! = ℋ + (1 − ℋ) 1 − (1 − 𝑢)!
c’est la somme des deux façons possibles pour que les 2 allèles soient différents :
1. si les allèles parents étaient différents par leurs états et qui a lieu avec la
probabilité H ;
2. si les allèles parents ne sont pas différents (avec une probabilité 1-H) et une
mutation a lieu pour la production d’au moins l’un des 2 allèles. Le terme à droite

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est 1-Probabilité(pas de mutation), qui est le même que la probabilité qu’au
moins une mutation a lieu.

Explication :
Probabilité mutation = u
Probabilité qu’il n’y ait pas de mutation pour un allèle= 1-u
Probabilité que le deuxième allèle n’a pas de mutation=1-u
Probabilité que les deux allèles n’aient pas de mutation= (1 − 𝑢)!
Probabilité que les 2 allèles aient une mutation = 1 − (1 − 𝑢)!
La valeur (1 − ℋ) 1 − (1 − 𝑢)! est la probabilité que les é allèles soient différents par
le fait de la mutation.

On fait une approximation (1 − 𝑢)! ≅ 1 − 2𝑢
ℋ ! = ℋ + 1 − ℋ 1 − 1 − 2𝑢 = ℋ + 1 − ℋ 2𝑢
ℋ ! = ℋ + 2𝑢 1 − ℋ

2𝑢 1 − ℋ = ∆! ℋ est la variation due à la mutation qu’on avait ci-dessus (équation 11).

L’équation 9 , montre que les variations dues à la Dérive Génétique sont négatifs (la
Dérive Génétique élimine la variation génétique), alors que les variations dues à la
mutation sont toujours positifs.

1
∆ℋ ≅ −ℋ + 2𝑢 1 − ℋ
2𝑁
L’équilibre entre Dérive Génétique et Mutation sera atteint lorsque ces 2 forces
évolutives s’équilibrent

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