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L’essentiel
– Les céphalées représentent environ 1 % des consultations aux urgences, mais le
diagnostic de migraine y est sous-estimé.
– Un excès d’imagerie cérébrale est demandé aux urgences, sans que le motif des
demandes soit justifié.
– Les traitements administrés correspondent peu aux recommandations.
– Des fiches simples de diagnostic et de traitement devraient figurer dans les
cahiers de protocole des urgences.
– La recherche des critères positifs de diagnostic et de crises antérieures avec des
intervalles libres permettrait bien souvent un diagnostic positif de migraine.
Introduction
Les crises de migraine sont faciles à diagnostiquer pour qui connaît les
critères diagnostiques mais ces connaissances peinent encore à diffuser, entraî-
nant des errances diagnostiques, des excès d’examens complémentaires et des
prescriptions thérapeutiques parfois non optimales.
Aux urgences, la situation est encore plus délicate : les enfants et adolescents
y seront amenés soit pour une première crise qui soulèvera la question du
diagnostic, soit pour une « énième » crise précédée de céphalées sans diagnostic,
soit encore pour une crise particulièrement intense ou résistante au traitement,
longue, qui peut être un état de mal migraineux mais pose aussi la question
Recommandations thérapeutiques
Les recommandations de l’Afssaps, en 2009 [15], basées sur l’analyse de la
littérature proposent : « Le traitement de la crise doit être donné précocement.
L’ibuprofène 10 mg/kg est recommandé car son efficacité est supérieure à celle
du paracétamol 15 mg/kg. En cas de vomissements, le diclofenac rectal ou le
sumatriptan nasal (à partir de 12 ans) doivent être utilisés. »
Il est bien souligné que l’« on ne doit pas donner d’opioïdes (faibles et forts)
en traitement de crise ». Aux urgences, en cas de vomissements, la voie veineuse
peut être nécessaire : Kétoprofène 1 mg/kg, suivi en cas d’échec de paracétamol
15 mg/kg.
Pourtant, ces recommandations ne sont pas suivies.
En France, ces recommandations sont mal connues, le traitement par ibupro-
fène, quand il est prescrit, l’est souvent à dose insuffisante [7, 16].
Les enquêtes canadiennes [12, 13] réalisées l’une dans 4 et l’autre dans 10 services
d’urgences montrent que les enfants reçus aux urgences avec des céphalées ont
en moyenne 12 ans et que 15 % d’entre eux ont une céphalée chronique. Avant
l’arrivée aux urgences, 63 % ont déjà pris un antalgique, presque toujours du
paracétamol ou de l’ibuprofène. Seulement 2 % avaient pris un triptan, 5 % un
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En pratique
La situation aux urgences est inconfortable. Bien souvent les enfants y sont
amenés pour de premiers épisodes, ou des crises inhabituelles ou plus sévères
qu’habituellement. Ces critères sont aussi ceux qui, d’après les recommanda-
tions HAS, pourraient faire indiquer une imagerie.
Pourtant, souvent, un interrogatoire bien conduit mettra en évidence que la
céphalée est un peu plus sévère que d’habitude mais pas inhabituelle, ou un
peu prolongée, mais a les mêmes critères cliniques, ou encore plus sévères car
le traitement a été rejeté. Enfin, bien souvent, des facteurs de stress importants
seront une explication à la sévérité de cette crise.
Dans ces situations, le temps pris pour discuter avec l’enfant et sa famille sur
les événements récents et les facteurs déclenchants sera le seul moyen d’éviter
l’imagerie. Ce temps « perdu », précieux aux urgences, sera du temps, et de
l’argent gagnés pour la suite de la prise en charge. Le diagnostic repose sur
Discussion
Ces études montrent que les céphalées de l’enfant représentent 0,5 à 1 %
des motifs de consultation aux urgences. Le diagnostic de céphalée primaire
est fait dans 18 % à plus de 50 % des cas. Cette disparité est certainement le
reflet de différences de formation. Malgré des progrès évidents ces dernières
années, la migraine reste insuffisamment connue des médecins. Or le diagnostic
est la pierre angulaire d’une prise en charge correcte. Le cadre de l’urgence
rend impératif que ce diagnostic puisse être évoqué simplement. Des forma-
tions spécifiques sur la migraine de l’enfant sont nécessaires. Enfin, des fiches
simples devraient être mises à disposition des médecins des urgences, rappelant
les critères diagnostiques, les signes d’alerte pour demander un bilan paracli-
Chapitre 9 – Les enfants migraineux aux urgences 131
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