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École pratique des hautes études,

Section des sciences religieuses

Le jugement du roi mort dans les textes des Pyramides de


Saqqarah
Alexandre Moret

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Moret Alexandre. Le jugement du roi mort dans les textes des Pyramides de Saqqarah. In: École pratique des hautes études,
Section des sciences religieuses. Annuaire 1922-1923. 1921. pp. 3-32;

doi : https://doi.org/10.3406/ephe.1921.20031

https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1921_num_35_31_20031

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LE JUGEMENT DU ROI MORT

DANS LES TEXTES DES PYRAMIDES DE SAQQAHAH

Le jugement de l'homme mort par les dieux est une


des créations les plus caractéristiques de la mentalité
religieuse des Egyptiens. Le défunt n'est admis à une
autre vie qu'après avoir justifié sa conduite sur terre
devant un tribunal divin qui« fait le compte de ses vertus »
(hsb kdw). La scène est décrite, depuis la xvnie dynastie
seulement (à partir de 1600 av. J.-C), au chapitre
CXXV du Livre des Morts. Au texte, qui comporte la
fameuse « confession négative (1) », s'ajoute assez
souvent une vignette: on y voit la « psychostasie », cette
pesée de l'âme dans une Balance divine, où, pour que
le défunt soit « justifié », la Jxistice(Mâat) doit se
trouver en équilibre avec l'âme figurée par le « cœur »
(conscience du défunt), sous le contrôle d'Anubis qui
manie les plateaux, et de Thot qui enregistre la pesée:
le tout en présence d'Osiris le Justicier, et de 42 juges
divins, siégeant dans la « Salle des Deux-Justices »
(w'sh.tmâaty). Au pied de la Balance, un monstre,
quadrupède hybride, « la grande mangeuse » (umm.t wr.t) s'ap
prête à dévorer le défunt qui serait reconnu coupable;
non loin du tribunal, un bassin de flammes (Livre des Morts,
ch. CXXVIjsousla garde de 4 dieux (cynocéphales) est un

(1) A ce sujet, Pleyte, Étude sur le ch. CXXV au Livre des


Morts, et l'intéressant article d'Ét. Driot.on, Les confessions
négatives, dans le Recueil d'études égyptologiques dédiées à la
mémoire de Champollion (1922) p. 545 et suiv..
/. I..a psychostasie du Nouvel-Empire.
/" registre: 1 e défunt adore l>a et les dieux Toum, Shou, Tefen et Tefenet, Geb et Nout, Ilorus,
^
Sud, du Nord, de l'Occident (s/e).(Plus tard remplacés par les 42 dieux des 42 nomes.)
2' registre : Le La Balance ; | «La Mangeuse des pécheurs; son avant est Thot « compte H
défunt arrière est d'hippopotame ; les vertus.» d'O
introduit par Anuhis. pesée.
Anubis fait la 1 de
soncrocodile
milieu est; son
de lion.»
de
— 5 —

lieu de purification pour les pécheurs. Telle est la


distribution, qui deviendra rituelle, de la scène du
jugement des morts: c'est essentiellement une manifestation
de la justice osirienne, au seuil de la vie d'outre-tombe.
Les plus anciens Livres des morts actuellement
connus ne remontent pas plus haut que la xvm9 dynastie ;
c'est pourquoi la psychostasie ne se retrouve pas
antérieurement au xvue siècle avant notre ère. Lorsque
Maspero publia, à dater de 1886, les textes des
Pyramides des v-vie dynasties, à Saqqarah, on rechercha
avec curiosité le jugement dans ce nouveau corpus de
textes funéraires, gravés sur la pierre vers 2650 av.
J.-C. Le jugement y est bien; mais le premier éditeur
n'a pas mis en valeur les données du texte. En 1904,
Lefébure (1) reconnut qu'il y avait « une ébauche du
jugement de l'âme» aux lignes 453-456 de la pyramide
d'Ounas: il se borne à une citation de ces 3 lignes.
Aussi cette interprétation judicieuse resta-t-elle sans
écho. En 1912, Breasted, dans son remarquable livre
Religion and Thought in ancient Egypt (2) et en 1918
Boeder dans le Boscher-Lexicon (3) méconnaissent
encore le jugement du roi Ounas. Le texte vaut d'être
réexaminé et considéré dans ses rapports avec le contexte
et les livres funéraires ultérieurs.
Le récit du jugement commence à la ligne 452 de la
pyramide d'Ounas (4), dernier roi de la ve dynastie.
Alors que de nombreuses formules ont des duplicata dans
les autres pyramides, celles des rois de la vie dynastie

(i)La vertu du sacrifice funéraire, ap. Sphinx, VIT], p. 33.


(2) P. 34. Breasted n'a pas connu l'article de Lefébure. Il voit
dans le texte le jugement classique d'Osiris, et non celui du roi
Ounas.
(3) 71 Lieferung, p. 166, s.v.: Tefenet. Roeder n'a pas lu
Lefébure, et n'interprète pas correctement le passage cité .
(4) W. signifie Ounas, T., Téti.
— 6 —

Pépi 1, Merenra, Pépi II), successeurs immédiats


d'Où rias, celle-ci n'a pas été répétée. Cela est d'autant plus
singulier que la formule précédente, qui introduit le
jugement et ne saurait en être, séparée (W. 447-451), est
reproduile à deux reprises dans Téli ; une première
fois avec des variantes purement graphiques (T. 25() -
2;»!)); une deuxième fois dans une rédaction très
légèrement différente (259-203).
Avant d'aborder les formules, rappelons brièvement
les caractéristiques des textes des Pyramides. 1° Ils sont
écrits à l'usage exclusif des rois, et ne se retrouvent, à
cette époque, dans aucun tombeau privé. 2° Ils sont
l'expression de doctrines élaborées par le clergé d'Jlélio-
polis (hrmw, <*•>) ; celui-ci a imposé ses conceptions aux
Pharaons depuis la ive dynastie et a réussi à faire du
soleil Ha le dieu tutélaire de la famille royale, au
détriment du dieu populaire Osiris. C'est pendant la
v° dynastie que s'affirme le triomphe de Ra; les
Pharaons vivants élèvent de splendides temples au Soleil;
et, dans leurs pyramides, les Pharaons morts se contient
plus encore à la protection du dieu solaire. Pour la
première fois dans l'histoire de l'Egypte, nous trouvons
les tombeaux royaux munis de longs textes funéraires-,
ils proclament que le roi mort est assuré de revivre
une nouvelle vie, non plus seulement auprès d'Osiris,
le dieu des hommes, dans la nécropole terrestre, mais
auprès du soleil Ra, en plein ciel, parmi les astres, en
compagnie des Dieux d'en-haut. Cette apothéose suprême
du roi, qui monte (prj) de la terre au ciel, est le but
essentiel des textes des Pyramides. Une condition
rigoureuse est cependant exigée: le roi doit être pur ;
il est tenu de justifier sa conduite sur terre. Auprès de
Ua, réside sa propre fille, la Justice Maat, car rien au
monde n'est juste comme le soleil, qui dispense aux
hommes avec une régularité et une impartialité infle-
— 7 —

xibles et immuables la lumière, la chaleur, la vie(l). Un


jugement du roi mort par les dieux s'impose donc; c'est
l'épreuve que doit subir tout Pharaon qui aspire à
monter au ciel.
Ainsi s'explique la coordination des deux formules
qui vont suivre : la première décrit le roi défunt —
(identifié à Osiris par un respect de la vieille tradition, que
la doctrine solaire ne cherche pas à contrarier) — se
mettant en mouvement et montant, dans les airs,
jusqu'au ciel; la seconde révèle l'épreuve du Jugement.
Les textes sont dans: G. Maspero, Les inscriptions
des Pyramides de Saqqarah, Ounas, 1. 447 et suiv.
Kurt Sethe, Die Aegyptischen Pyramidentexte, § 308
et suiv.. Les passages cités comme § se rapportent à
l'édition Sethe. Pour mes fac similés, j'ai colla lionne
les textes sur les estampages déposés à la Bibliothèque
nationale.

I. — Le roi défunt quitte la terre pour le ciel. (Texte I)

(W. 447J Dd mdwt. Wsir pw W . m ssw. Bwl.f pw


ta (2). NakW.m Gb. Htm.f, kd.f m ht.f tp ta, s'd (3)
(448 J ksw.f, dr sdbw.f. Wab n W. m Irt Hr ; dr sdb. f
m drty Wsir. Sfh n W. rdw.f m Ksâ (4) l,r ta. 'In sn.t
f (449) nb.t P rmt sw (5). Iw W. r pt , \w W. r pt ,
m tàw, m tâw (6).

(1) Voir le Conte du paysan (xne dynastie), ap. Maspero, Les


Contes Populaires de l'Egypte ancienne, 4e édit., pp. 58, 67. Dans
les textes religieux assyro-babyloniens, le soleil Shamash incarne
aussi la Justice suprême.
(2) W. donne mw, l'eau, T. donne la leçon correcte ta, la terre.
(3) T. donne srtvd, fortifier, qui exprimerait une tradition
différente, si ce n'est pas une simple faute cléricale.
(4) T. (260) ajoute: « sur terre » \r ta, après disse.
(5) T. (260) ajoute: « les deux gardiennes l'ont modelé, elles
deux qui ont modelé Osiris».
(6) T. (260) ajoute : « avec Shou et Ra ».
\.

TEXTE 1 (Ou/tas, 1. 447-451.)


— 9 —

« Paroles à dire: Ounas, c'est Osiris en mouvement.


C'est son horreur, la terre. Ounas n'entre pas dans Geb
(\), (où) il est anéanti, (où) il dort dans son château sur
terre, (où) ses os sont brisés, (où) ses imperfections sont
chassées. (Car) Ounas a été purifié par l'OEil-d'Horus et
ses imperfections sont chassées par les deux oiselles
d'Osiris; Ounas a laissé ses humeurs dans Cusaj(1), sur
terre, et c'est sa sœur, la maîtresse de Bouto (Pe) (2)
qui l'a pleuré. Ounas est (en route) pour le ciel, Ounas
est (en route) pour le ciel, dans l'air, dans l'air ! »

La mentalité prêtée à Ounas avant son ascension au


ciel est claire: il refuse la sépulture traditionnelle osi-
ricnne, et puisqu'il est, cependant, Osiris, du moins sera-
t-il « Osiris en mouvement » . La formule est un exemple
du conflit entre les deux doctrines, celle d'Osiris et celle
de Ra, qu'on retrouve presque partout aux textes des
Pyramides. Mieux vaudrait dire rivalité que conflit:
car le rédacteur tient visiblement à tirer profit des
chances de vérité, ou de puissance, que peuvent
présenter l'une ou l'autre doctrine: Ounas ne veut plus
être en terre (dans Geb), comme Osiris, mais il rappelle
que, tel qu'Osiris,il a été démembré (sd ksw-f), et que ces
rites, joints à l'apport de l'offrande purificatrice (Œil
d'Horus), et à l'intervention d'Isis et Nephthvs (les deux
oiselles d'Osiris), ont déjà « chassé ses imperfections » et
« ses humeurs», tristes déchets, physiques et moraux,
inhérents à la nature humaine. Ounas aurait donc pu
être un «Osiris parfait » mais il aspire ardemment à
quitter la terre. On affirme avec force, en répétant des
paroles qui veulent être efficaces, que déjà il est & en

(1) Cusa;, Kous, ville de la moyenne-Egypte; importante


nécropole dès l'ancien-EinpireCilfeiV).
(2) Capitale du plus ancien royaume de basse-Egypte; centre
du culte osirien.
— 10 —

route pour le ciel ». Mais il faut des précisions: les voici,


données tour à tour sous la forme négative, qui écarte
les objections, puis positive, qui crée la persuasion.
(W.449) N hm.f , n hmtw.f im.f. Nhms.f m dadà.t
ntr : W.-py (450) hrj wh. f , smsw ntric. 'Jw pad.fîr
hr , hna Ra ; vw aàb.t.f m !Su:n. W.-py nnw ; Im.f,
Iw.f hna lia. Shn.n.f h.wt.f ; nhb (451) W. Kaw,
nhm.f Kaw , wd.f sdb , Idr.f sdb . Wrs. W. , sdr.f ,
shtp.f nw.l m Wnw . N da rd.f , n hsf ib.f.
« (4i(J) 11 ne porte dommage (1) (à personne) et il ne
ressent nul dommage (1) en lui; il ne siège point comme
conseiller du dieu, car c'est Ounas (450) (qui est) son
chef unique, l'aîné des dieux (2). Son pain est en haut,
auprès (3) de Ra; son offrande est dans le Noun (4).
(Aussi)cetOunasrecule-t-il(5)(loindela terre?) il marche,
il va avec Ra ; (Iorsqu')il a pris possession (6) de ses
palais, Ounas s'unit (7) (451) aux Kaou, il s'empare des
Kaou. 11 dépose l'imperfection, il chasse l'imperfection.
Qu'Ounas veille, (ou) qu'il dorme, il se concilie (8) ceux
(9) (qui sont) dans Hermopolis. Aussi son pied n'est-il
pas déporté, (aussi)son cœur n'est-il pas repoussé. »

(1) Litt. « démolir > et « être démoli ».


(2) T. (261) donne: « c'est ce Téti le dieu dressé, l'aîné des
dieux; ce Téti ne siège point comme conseiller du dieu ». Sur
Ounas dieu unique, cf. W., 1. 432.
(3) Litt. « avec Ra».
(4) Le Noun est l'océan primordial, dont la source est au ciel.
(5) T., (262, 258) « c'est Téti le dieu qui recule » .
(6) Litt. : « embrasser, entourer ».
(7) Litt . : « s'attelle, se marie aux Kaou »
((S) Téti donne sfh « dépouiller » .
(9) W. donne nw-nw au duel; T donne nwt au pluriel; comme
nom, nwt signifierait:* cordage », ce qui n'a pas de sens. Un mot
nwt de sens obscur apparaît aux Pyr.§ 16b9, c. — Faute de
mieux, je considère ici mot comme une forme féminine neutre de
nw, démonstratif —cf. Pyr.;$ 1162,c: nwt mrw n hâ, 113,1.
et Lepsius, Todtb. en. GXIII, 1: nwty; variante: nw, ap. Budge,
Book ofthe Dead, p. 233, 1. 5.
— 11 —

En arrivant au ciel, Ounas ne rencontre pas de


résistance: ainsi commence et conclut le développement;
c'est la grande préoccupation des textes religieux de
prévoir qui pourrait s'opposer aux desseins du défunt,
comment celui-ci pourrait surmonter de tels adversaires .
Auprès de Ra, Ounas ne saurait occuper une situation
inférieure, telle que celle de conseiller (dada.t): avec
unesortedeblutï,qui asa valeur magique— car onprétend
créer la situation en énonçant le fait, — le texte déclare
que le roi défunt est supérieur même à Ra; cette
affirmation se retrouve souvent (cf. Pépi I, 1. 1)1). Parfois
le roi, plus modeste, se contente d'être le scribe de Ra
et son premier conseiller {Pyr., § 154, 120); mais ici,
il paie d'audace. Ses moyens d'existence sont assurés:
pains, offrandes, substance éternelle (Kaou) (I), qu'il
retrou veauciel, dans l'océan primordial (Noun)oii sont les
germes de tout être et de toutes choses. Les dieux d'Her-
mopoiis, — qui sont probablement les 4 cynocéphales
que nous retrouverons plus loin auprès du Bassin de
flammes, — lui sont tout acquis, et il ne connaît nul
obstacle, ni pour son corps (pied),, ni pour sonàme(cœur).

II. — Le Jugement du roi défunt. (Texte II)

(W.452) IJd mdivl. '1 Gb, ka Nivt, Hr-py »■'., la llf.


W.-py sby , %y , fdnw n fdw Ipw ntrw, inw mw , irdir
abab.t , Irw (453) hây m hps n itir.sn.

(452) Paroles à dire: 0 Geb, taureau (2) de Nout ! C'est


Horus, Ounas, l'héritier de son père.
C'est Ounas qui passe, qui vient, le quatrième de ces

(1) Cf. A. Moret, Mystères égyptiens, pp . 207 et suiv.


(t) Upithète ordinaire des dieux mâles; ce'a signifie « le mari
de Nout ». Nout est la déesse du ciel, sœur et épouse du dieu de
la terre, Geb. Osiris est le fils de Geb et de Nout.
— 12 —

4\S£ H

Pts c: w

TEXTE II (Ounas, 1. 452-460.)


quatre Dieux qui apportent l'eau, qui déposent la
nourriture, qui font (453) descendre (1 ) la cuisse (de la victime)
à leurs pères. »
Le texte commence par définir les personnages en
scène. Geb, le dieu de la terre est présent, accompagné
probablement de Nout, déesse du ciel, sa femme.
D'autres acteurs seront nommés plus loin; si Geb
et Nout sont invoqués dès le début, c'est qu'Ounas
vient de « passer » (sy) de la terre, domaine de Geb, au
ciel, domaine de Nout. Le roi défunt est ensuite qualifié
« Horus, héritier de son père»; c'est rappeler à Geb
qu'Ounas est le fils de son fils à lui, Osiris; Geb ne
saurait être l'adversaire de son propre petit-fils. Le texte
assimile ensuite Horus-Ounas à un autre dieu, le«
quatrième de ces quatre dieux » qui approvisionnent leur
père d'eau et d'offrande. Dans les parties anciennes des
textes des Pyramides, ces quatre dieux sont quatre
Horus (2), dieux-faucons de caractère solaire, habitants
du ciel (§ 526 et suiv. ; § 1408 et suiv.); dans les
adjonctions plus récentes, ils deviennent, par contamination
avec la doctrine osirienne, les « quatre enfants d'Horus
de Létopolis (3) » (§ 2078). Ce sont eux qui ouvrent et
ferment les portes du ciel, qui dressent, aussi, l'échelle,
dont les rois défunts se servent souvent pour escalader
le firmament: ils reçoivent donc Ounas, à son arrivée
au ciel . Par stratagème, on facilitera le voyage d'Ounas
en le faisant passer pour le quatrième de ces dieux, qui
est soit Horus del'Orient ou de l'Horizon, soit (dans
la version plus récente) Kebehsenouf .
(1) Phrase obscure: le rôle de m semble être d'introduire le
régime.
(2) Horus-des-Dieux, Horus-de-Shesmet, Horus-de-1'Orient, IIo-
rds-de-l'Horizon.
(3) Amset, Hapi, Douamoutef, Kebehsenouf. Sur la
contamination de ce quatuor céleste par le quatuor osirien, voir J. Breasted,
Religion and Thouyhl in ancien Egypt, pp. 112 et 153.
— 14 —

(W. 453). Mer.f mâa hrw.fm îrt.n.f. 'Iw wda n W.


Tfn hna Tfn.t; %w sdm.n.Maaty ; %w Sw (454) m mtrw;
Iw wdw n Mâaty : phr.n.fnsw.t Gb, tsy.f hv n mrtn.f,
dmd at.f Im.t Uaw, smâ.f imw-Ntvn, (455) rdw.f phw
hrw mdâir.t m 'Iwnw. Sk W.prj m hârw pn, m uw mâan
âhw anh; .
« II veut être juste de voix par ses actions (1).
Attendu que ïefen et Tefenet ont jugé Ounas;
Attendu que les Deux-Justices Font entendu ;
Attendu que Shou a été le témoin ;
Attendu que les Deux-Justices ont rendu le verdict:
II a pris possession des trônes de Geb, et il s'est élevé
lui-même jusqu'où il voulait. Rassemblant ses chairs
qui étaient dans le tombeau, il s'unit à ceux qui sont
dans le Noun, il fait aboutir les paroles d'Héliopolis (2)
Ainsi Ounas sort en ce jour, sous forme juste de
Akhou vivant. »

La scène du jugement débute par une déclaration de


principe. Ounas a veut (litt. : « aime, désire »), être

(1) Litt. : « parce qu'il a fait ».


(2) Le signe, vérifié à l'estampage ressemble à hno, mais doit
être mdw, comme dans T. 219 (§ 3:33 c) et dans Louvre, st. G 14
(Lepsius, Ausivahl, bl.9). La traduction présente quelque
difficulté. Le signe-mot phw écrit par l'arrière-train de quadrupède
exprime, aux Pyramides, le sens matériel « arrière, extrémité
postérieure» par opposition à hà . t « avant », d'où le sens abstrait
«extrémité, fin, aboutissement». La confusion entre cette graphie
et 1" celle du verbe ph, déterminé par les jambes, 2° celle du mot
ph.t, ph.ty, déterminé par la double tête de lion «puissance,
force magique, incantation » (comme hhâ) ne se trouve pas encore
aux Pyramides (Shack-Shackenburg, Index, s. v ). Je ne puis
donc traduire, comme le fait Maspero, « proférant les
incantations dans On », mais : « il fait l'aboutissement des paroles
(provenant) d'Héliopolis », c'est-à-dire « il fait aboutir les paroles», il
réalise tout l'effet des formules héliopolitaines. Pour l'expression
« paroles », au sens de « paroles divines » mdw ntr T. 219 =
§ 3 33 c) cf. § 218, 1688; pour le sens « provenant de » inclus
dans m, cf. § 50 b, 214 c.
— 15 -

mâa-hrw parce qu'il a fait (1)», par ses actions.


L'expression maa-hrw, qui a donné lieu à tant de
commentaires, et qui est en effet riche de significations
successives, définit évidemment ici « celui qui a la voix de
justesse et de justice » (Lefébure) ; celui qui dit la vérité,
et qui la dit comme il faut, suivant les formules rituelles
et juridiques prescrites et seules valables. Le roi défunt
maa-hrw est donc un « juste » et devient un « justifié » .
Ce résultat, il l'obtient à la fois par un moyen magique,
et par un acte de valeur religieuse. En proférant ses
formules rituelles g les paroles d'Héliopolis », le roi
use d'un procédé magique, qui doit agir en quelque
sorte mécaniquement. Cependant la valeur morale des
actions du roi défunt est aussi invoquée comme moyen de
devenir maa-hrw ; cette valeur n'est pas seulement
magique; au contraire, Ounas dira plus loin (l . 456) et
répétera (1. 459) que « ce qu'il amène avec lui c'est la
Justice (Maat) ». Notons qu'il ne s'agit point ici des
« Deux-Justices» (Mua.ty), ces divinités jumelles de la
haute et de la basse-Egypte, qui ont un corps visible et
tangible, sur lequel les charmes magiques peuvent
opérer; c'est la Justice en soi, le Droit (Maat), une
abstraction, une idée, qui échappe aux violences, aux sortilèges,
aux suggestions. La valeur moraledes actions estdoncune
condition nécessaire de l'admission du roi défunt auprès
des dieux - quelle quesoitl'importance certaine que
gardent, pour réaliser le même but, les formules magiques,
les talismans, les offrandes (2).
Le tribunal qui juge Ounas n'a pas la même
composition que celui décrit au chapitre CXXV du Livre des
Morts. Nous ne voyons ici ni Osiris, ni Anubis, ni Thot,

(1) Cf. Pépi I, 400: « ce Pépi est (trouvé) maa-hrw au ciel et


sur terre » .
(2) C'est ce qu'a bien vu Ad. Erman, d'après d'autres textes des
Pyramides (À. Z., XXXI (1893), p. 75).
— 16 —

ni les 42 dieux des Nomes, ni la Balance, ni certains


personnages divins tels que Schaït et Rennoutet. Le
procès d'outre-tombe n'est introduit que devant 4
personnages divins : Tefen et Tefenet, Shou et la Double-
Justice; le rôle de chacun est bien caractérisé.
Le couple Tefen et Tefenet « juge wda; nous verrons

>
qu'il n'interroge pas, qu'il ne témoigne pas, qu'il ne
prononce pas la sentence; donc il constitue le tribunal,
organe passif, mais indispensable, dont le «jugement »
détermine le verdict : tel sera le rôle d'Osiris et des
42 juges dans le tribunal des temps plus récents.
De ces deux dieux, la déesse Tefenet seule est connue:
lille de Ra (cf. W. 1.242), on l'adorait à Héliopolis, et
surtout en haute-Egypte, sous la forme d'une lionne,
ou d'une femme léontocéphale (î). Elle est qualifiée
a sœur et épouse de Shou », le dieu de l'air, fils deRa ;
ici nous la voyons formant un couple avec Tefen, son
homonyme masculin et, probablement, son premierpar-
lenaire, que Shou aura remplacé par la suite ; de ce Tefen,
nous ne savons rien; il n'est nommé ni sur les monuments,
ni au Livredes Morts, mais seulement dans quelques
vignettes et lextes magiques. (2) Shou, (qui plus tard est toujours
associé à Tefenet), joue ici le rôle de témoin(mJr) ; au Livide
des Morts, c'est le cœur du défunt, sa propre conscience
qui est le témoin de ses actions, aussi ce témoin est-il

(1) Lanzone, Dizionario di mitologia egiziana, p. 1234, pi.


CGCXVII, sq. Rœder, Roscher-Lexicon, s. v., ne cite que ce texte
d'Ounas, qu'il traduit d'une manière erronée :« Ounas a jugé Tefen
et Tefenet », aussi ajoute-t-il : « de quel jugement il s'agit ici, on
ne peut le voir d'après le contexte. n Le sens devient clair si Ton
fait de Tefen et Tefen. t le sujet du verbe wda, comme l'indique
tout le contexte.
(2) Où il joue le rôle du scorpion, animal typhonien (Stèle de
Metlernich. 1. 51, 5'i) cf. mon Horus Sauveur, pp. 260-261. Sur
la pi. 136 de Naville, notre fig. 1, Tefen et Tefenet sont
représentés par une seule figure. La légende donne deux fois Tefenet;
il faut évidemment masculiniser le premier nom.
— 17

facile à émouvoir. Le chapitre XXX, parfois écrit dans


le voisinage de la psychostasie, (1) supplie le cœur en
ces termes: « 0 mon cœur (qui me viens) de manière,
mon cœur de mes existences, ne te dresse pas contre
moi en témoin à charge contre moi parmi les conseillers
du Dieu ; ne sois pas mon ennemi par devant le préposé
à la Balance. (2) » (mtr m hsf r wj m dâdat, m îrt rk-k rwj
r bah Irj-mahât) Le cœur pouvait donc accuser autant
que justifier. L'âme Ba est aussi invoquée et « se dresse
comme témoin de ses actions justes auprès de la
grande Balance. (2) » Les Pyramides connaissent une
procédure plus rigoureuse et impartiale, c'est un dieu

La

Fig. 2. La plus ancienne psychostasie de la XV11I* dynastie.


(D'après Naville, Todtenbuch, pi. 13(i.)
Thot. Balance et Maat. Le défunt Le défunt devant Osiris entre Isis
La Grande-Mangeuse. introduit par Anubis. les tables et Nephthys.
d'offrandes .

et non point la conscience, naturellement partiale, du


défunt qui enquête et témoigne sur la conduite de celui-
ci. Shou tient donc la partie de l'« accusateur public. »
A Maaty, les Deux-Justices, c'est-à-dire la Justice de
la haute et celle de la basse-Egypte (division
traditionnelle, pour tout ce qui touche à l'organisation
religieuse et politique) est dévolu le rôle actif du

(1) Budgo, Bookof Ihe dead, (Ani)t p. 15.


(2) Ibidem, p. 16.
— 18 —

tribunal. 1° Tout d'abord, elle écoute (s dm). Qui écoute-


t-elle ? Le texte ne mentionne que Shou, l'accusateur-
témoin; mais il serait inique que le défunt ne puisse
répondre ou se justifier ; bien que mention n'en soit pas
faite, nous devons supposer ici une déclaration du
défunt correspondant à ce qui deviendra la confession
négative dans le Livre des Morts. Il est vraisemblable
que le roi défunt usait de ces formules positives a moi, je
suis Je juste... etc » dont on trouve le modèle dans de
nombreux tombeaux de l'ancien Empire (1) ; mais la
forme négative n'était pas exclue, si l'on en juge par
de courtes phrases qui se retrouvent dans les autres
pyramides (à l'exception d'Ounas et de ïéti) a Le roi N.
vole et monte au ciel... auprès de Ra. Le roi N. n'a pas
injurié (n sut ) le roi; il n'a pas....(?i sm ?) la déesse
Bastit ; il n'a pas dansé (n ir n N. îhâbw) dans
l'édifice wr-a. »(2) Quel que soit le sens exact de ces trois
péchés, que le roi n'a pas commis, le premier des trois
se retrouve dans la confession négative (Todtb., Naville,
chapitre CXXV, 29-38), soit contre le roi, soit contre le
dieu -, les deux autres sont relatifs à des actes néfastes
que le vivant ne peut se permettre, et dont le
chapitre CXXV offre des équivalents. Voilà ce
qu'entendaient les Deux-Justices : d'une part la justification du
roi défunt ; d'autre part le témoignage de Shou. 2° A
Mciâty était aussi attribué le droit deprononcer le verdict
(litt. « ordonner, décréter » wdw), sous forme d'un
arrêt, pareil aux « décrets royaux » (ivdw ns'wl). Au Livre
des Morts, Thol remplace Maaty dans ces deux rôles

(1) A ce sujet, cf. mon articlosur La Profession de foi d'un


magistrat sous la xne dynastie (Cinquantenaire de l'École des Hautes
Etudes, IVe Section, pp. 73 et suiv.).
(2) Ad.Erinan,/Jer gerechte Todlc, cf. Aeg . Z., XXXI, (1893),
75-77 .
— 19 —

(1). « Thotdit devant Osiris : j'ai entendu les paroles de


Vérité, et j'ai jugé le cœur de N... On n'a trouvé
aucune faute en.lui... » Maaty ne prononce point de
discours direct aux textesdes Pyramides, mais son influence
domine le tribunal. Elle y représente le dieuRa ; elle est
sa tille chérie et l'incarnation de sa volonté. J. Ikeasled
a bienmis en valeur ce grand rôle delà Justicedans les
textesdes Pyramides, et le fait, longtemps méconnu, que,
sous l'ancien Empire, le dieu Justicier par excellence n'est
point Osiris (qui le deviendra depuis le moyen-Empire),
mais « [\n, le grand Dieu maître du ciel », au jugement
duquel hommes et rois se réfèrent pour les litiges du
monde terrestre et d'outre-tombe. (2)
Après le verdict d'acquittement, Je roi défunt prend
possession de son héritage, le royaume de fjleb (la terre)
,et s'élève (au ciel) jusqu'où il lui plaît de monter. On
rappelle qu'il a quitté le tombeau et que le voici parmi
ceux qui habitent le Noun; ainsi a-t-il «réalisé toutl'eiïel
des formules d'Héliopolis. » J'ai déjà signalé l'importance
de cette phrase, au point de vue de la magie; nous avons
ici une expression delaconfiancedes théologiens
d'Héliopolis, créateurs des textes des Pyramides, en leurs livres
sacrés. L'orgueil" héliopolitain »,quiexpliquela présence
des seuls dieux solaires dans le tribunal du Jugementaux
Pyramides, éclate en maints passages, tel que celui-ci:

(1) Cela est vrai dès la XIIe dynastie (vers 2000). Au conte du
Paysan, Thotest déjà préposé à la Balance de lia (Maspcro, Coules,
p. 58). Cependant Maat, fille deRa, ou les deux Maaly, restent
souvent représentées dans les tableaux de la psyctiostasie, et la salle
du tribunal Osirien s'appelle toujours « la salle large des Deux-
Justices », titre du chapitre CXXV (Todlb. ,Naville, Va>\ p. 275
et Naville, Papyrus funéraire de louiya (le beau- père du roi
Aménophis III) pi. 22; cf. Scthe, Urkunden, IV , p. 116.
(2) Religion and thought, p. 170. Les textes que j'ai réunis à
ce sujet dans le Recueil de, travaux t. XXIX, pp. 87-89, se
rapportent à lia et non pas à Osiris.
— io —

« Héliopolis est Ounas, ôdieu ! Ton Héliopolis estOunas,


ô Dieu ! Héliopolis est Ounas, ô Ra! Ton Héliopolis est
Ounas, ô Ra! La mère d'Ounas est Héliopolis ; le père
d'Ounas est Héliopolis ! Ounas lui-même est Héliopolis
(variante : Héliopolitain) ; il est né dans Héliopolis. (1)»
La conclusion, c'est que le roi, vainqueur du tribunal
grâce aux formules d'Héliopolis, peut « sortir pendant
le jour » (voir le commentaire infra p. 24) en formes
justes, c'est-à-dire à la fois « correctes » et « justifiées par
le jugement o d'un 'Akhou vivant. La place nous
manque ici pour développer les idées complexes et assez
imprécises, variables d'ailleurs suivant les époques,
qu'impliquent le terme 'Akhou. Nous dirons seulement
que ce mot désigne l'Esprit, bienheureux et semblable
aux dieux, qui vit au ciel et peut s'unir au mort, lorsque
celui-ci, se dégageant du tombeau, réussit son ascension
vers la Lumière.

(W 455). 'Isd W.ahà , bhn.f hnw. Prj W. (456) ir


M?ml , rnt.f s , is hr f . Rw.n.f dndw, phr.n.f %mw
Nwn anh , Iw nhat W. m irt.f , %w mki W.m irt (sic), Iw
nht (457) W. m trt.f , Iw ivsr W. m Irt.f.

« Ounas brise le combattant, il tue l'opposant. Ounas


monte (456) vers Maat, car ce qu'il amène avec lui,
c'est Elle. Il a repoussé les (puissances) hostiles (2),
car il a pris possession (3) de ceux qui sont dans le

(1) Pyr. § 482-3 (W. 591-592).


(2) Dnd, déterminé par une tête de quadrupède cornu, portant
une urœus entre les cornes, désigne une puissance hostile,
capable de tuer Ounas (cf. W. 1.96-97 : « !e Ka d'Osiris le protège
contre tout dnd de mort » . Au Livre des Morts, il apparaît
comme une forme d'Apophis, l'ennemi de Ra, sous le graphie
Dndu (Budge, pp. 107, 472), parfois avec le déterminatif du dieu.
(Cf. Lefébure, Sphinx, VIII, 3).
(3) Cf. W.,\. Wi (§ 304 c).
— 21 —

Noun, (comme un) vivant, car l'asile d'Ounas est dans


son œil, la défense d'Ounas est dans son œil, la victoire
(457) d'Ounas est dans son œil, la force d'Ounas est dans
son œil. »
Le texte est clair : si le roi défunt est fort grâce à la
Justice (en soi) qu'il apporte avec lui, il est bien défendu
contre tout ennemi qui lui défendrait, par des sortilèges,
l'accès du ciel, grâce à son talisman tout puissant,
qu'il appelle « son œil » et qui ne peut être que l'Œil
d'Horus (1) puisque le roi défunt est identifié à Horus
(1.452). Ici, religion, morale et magie s'unissent pour
défendre le Juste.

(W. 457) 7 ntrw rsw, mhtj, îmntj (2), iïibtj, mky W.,
snd. n.f, hms.n. fm htâ hw ; âm.n.tn aÀwt.tw Dnnwt.t,
mdd.'s îbw.ln. 'Iwt.sn r W. m îmj-rd, m îy n f, m îy
n f. W.-pj, dsds n îtf (459) Nhb n mt.f. Bwt W. sas m
kkw, n mîiâ.f, shdw. Prj W. m hrw.pn : înt.f Mâal ls hrf;
n rdjtv (400) W .n n's.tn, ntrw.

(457) Oh ! Dieux du Sud, du Nord, de l'Occident, de


l'Orient, défendez Ounas, car il a eu peur, lorsqu'il a
pris séance avec la Hyène de la Double-Salle; (sinon),
cette urœus Dennout vous dévorera, elle broiera vos

(1) Sur le sens complexe de cette expression, cf. mon Rituel du


Culte divin, pp. 151 et suiv. L'Q^il d'Horus est le nom do tout ce
que le démiurge voit et crée par son œil; c'est la création entière,
l'Egypte, toutes choses bonnes, les offrandes, les talismans, les
valeurs morales, etc.. Maât, elle-même, est l'œil d'Horus et
sert à la fois de force morale et de talisman magique au roi
défunt. L'Œil d'Horus peut être, aussi, un talisman matériel, la
couronne royale, que le roi Ounas porte sur terre et au ciel. A la
1. 271 iïOunas, (§ 195 e, 198 d), on dit d'Horus (et d'Ounas), qu'il
est « enveloppé dans le charme de son œil, la Grande-Magicienne »,
c. à d. la couronne royale. Chez les primitifs, les insignes royaux
sont des talismans tout puissants (J.Frazer, Les Origines magiques
de la royauté, pp. 130 et suiv.).
(2) Sur le fac-similé de notre texte II, il faut ajouter l'oiseau tj
après imn.
— 22 —

cœurs. Oh !ceux qui viendront versOunason courant (1)v


venez à lui, venez à lui ! Ounas lui-même est son (propre)
père ;Nekhebest sa mère (2). L'horreur d'Ounas, c'est de
marcher dans les ténèbres : il n'(y) voit pas, et il tombe
la tôle en bas.
(Mais voici qu') Ounas sort en ce jour : ce qu'il amène,
c'est Maàt, certes, avec lui; Ounas n'est pas donné (460)
à vos flammes, ô Dieux ! »

Au début vient une invocation aux dieux des 4 points


cardinaux, « ces quatre dieux qui embrassent les quatre
régions pures, qu'ils donnent à Osiris, lorsque celui-ci
monle au ciel » (3), et qui font une ronde vigilante
autour des quatre parties du monde (4) (ce que les
textes cunéiformes appellent kibrâtou) (5). Dans
chacune Ounas a besoin de protection.
Mais que redoute-t-il ? Ici apparaît une indication
très intéressante, et dont le sens a été jusqu'ici méconnu.
« Ounas a pris séance avec l'animal htâ de la double-
salle. » lltâ est certainement une variante du mot ht.t,
qui désigne la hyène dans les bas-reliefs des tombeaux
memphites(6). Or, dans les vignettes du chapitre GXXV
figure, à côté de la Balance, ou devant Osiris, un
monstre quadrupède, qui se tient prêt à dévorer le
défunt, au cas où la pesée et le jugement tourneraient

(1) Expression obscure : Imj-rd; cf. W., 1. 293 (§ 2 N a et


148-1 d-e).
(2) Litt. : « pour son père,. . . pour sa mère ».
(3) Pyr., § 465 [W. 1. 573.
(i) Pyr., § 1612 sqq.. Cf. la note de Maspero, dans son édition,
à la ligne 122 de Merenra.
(5) A ce sujet, cf. A. Moret, Horua sauveur. Revue de l'histoire
des religions, LXXII, 3 (nov.-déc 1915), p. 219.
(6) Sur ces mots, cf. Gardiner, Egyptian hierniic texts. Pap.
Anastasi, pp. 12 et 25; Spiegelberg, Koptiches Ilandwôrterbuch,
s. v. p. 251.
— 23 —

contre lui. La hyène htâ doit être le prototype du


monstre qui exécute les sentences du tribunal divin.
Nous avons vu la scène du Jugement décrite dans
nos textes avec une sobriété qui contraste avec
l'appareil compliqué de la justice osirienne du nouvel
Empire; de même le monstre justicier est, clans les
pyramides, une hyène ordinaire, un animal d'espèce définie,
de nature terrestre, tandis que dans les Livres des morts
il prend une nature et un aspect fantastiques. La hyène
y devient la « bête de l'Amenti (1) », la « grande
Mangeuse (2) », la « Mangeuse des pécheurs (3) » {amm.t wrl,
etc.)-, elle perd son nom réel, et n'est plus désignée
que par une périphrase. Son aspect se modifie plus
encore: c'est un être hybride, qui a, suivant la
définition d'un papyrus « le devant du crocodile,
l'arrière de l'hippopotame,et le milieu du lion. »(voir fig.l)
La hyène habite une a double salle ». Le signe
vérifié sur l'estampage, reproduit un plan d'é-
difico, fort semblable au signe wsh.t « salle
large (4)» ; la seule différence est que VtishJa., de place
en place, sur le côté extérieur des murs, des renforts,
ou piliers de soutien. La « double salle hic » est aussi,
à n'en pas douter, le prototype de la « salle large wsh.t
de la Double-Justice (5; », où se passe la psychostasie
à l'époque thébaine.
Bien que réduite aux formes de la nature, la hyène
inspire au roi défunt une crainte telle qu'il réclame la
protection immédiate des dieux des quatre parties du
monde ; il joint la menace à la prière : si les dieux

(t) Lepsius, Todtb.yl. L.


(2) Budgo, Pap. d'Ani.
(3) Naville, Todtb. pi. 136 cf. notre figure 1.
(-4) Cf. Naville, chapitre CXXV, V«r.,p. 312.
(5) Tomb. de Paherj, Urk., IV, 116; Rekhmara, ibid., IV, 1092
et Livre des Morts, passim.
— 24 —

n'arrivent pas« à la course »(?), pour lui porter renfort,


le roi les fera consumer par la flamme de l'Urœus, ce
serpent lové devant la couronne, qui protège la tête des
rois et des dieux, et crache le feu sur leurs ennemis (I).
Les dieux ne peuvent manquer d'obéir, car Ounas rappelle
opportunément qu'il est leur maître, puisque lui-même,
tel le démiurge, est son propre père et que la ville de
Nekheb (2) (El Kab), ou la déesse de cette ville, Nekhbet,
est sa mère: stratagème de bonne guerre, qui est d'un
emploi fréquent aux Pyramides.
La fin de la formule nous ramène à l'idée initiale :
Ounas ne veut plus vivre dans les ténèbres du tombeau,
où il ne voit pas clair, où il tombe, quand il essaye
de marcher. Mais il veut «sortir au jour » et il en a le
droit, puisqu'il «amène avec lui la Justice».
L'expression soulignée pr m hârw « sortir au jour,
ou dans le jour» permet de faire remonter aux textes
des Pyramides une conception de la vie d'outre-tombe
qui a eu une remarquable fortune en Egypte. La partie
principale du Livre des morts thébain porte comme
litre: « Chapitre de sortir pendant le jour » (r n per
m hàrtv); le souhait réalisé par Ounas a donc inspiré un

(1) L'uneus est désignée par une épithète ahw.t et un nom Ijnn-
iri.l . C'est une déesse qui orne la tête du roi et passe pour être
sa mon;; elle se confond avec la couronne « grande magicienne»
dont nous avons vu plus haut le rôle protecteur, sous le nom
Œil d'Horus(p.21,n.l); tout ceci ressort de textes tels que TV7. 1.276
(S 198 b-d). Sur l'uraeus ahw.t qui brûle (cm) les ennemis du roi,
voir la stèle triomphale de Thoutmès III (Sctho, Urh., IV, 613) et
la stèle de Hn-Ka-h ; cf. A. Moret, Du caractère religieux de la
royauté pharaonique, pp. 288 et suiv..
(2) Nekheb (El-Kab) est la capitale du plus ancien royaume de
haute-Egypte. On a vu plus haut qu'Héliopolis est appelée aussi
« la mère d'Ounas ». Dans Nekheb vitNekbbet, déesse protectrice
de la haute-Egypte, qui anime la couronne du Sud (A. Moret, Du
caractère religieux. p. 289)
— 25 —

développement considérable de la pensée et de la


littérature religieuse des époques postérieures.
Cette expression « sortir pendant le jour » a suscité
toute une série d'explications, ce qui implique qu'elle
n'a pas toujours été comprise exactement. La
traduction « sortir du jour », c'est-à-dire mourir, a longtemps
prévalu : le Livre des morts serait donc surtout un
livre qui apprend à bien mourir. Lefébure a, depuis
longtemps, fait la critique de ces interprétations, et
montré que le sens réel était le plus littéral: « sortir dans
le jour, c'est-à-dire pendant le jour et en pleine lumière.))
Je citerai, à l'appui, ces variantes qui se retrouvent
dans les tombeaux thébains de la xviii6 dynastie: le
mort demande à « sortir (du tombeau) pendant le jour
et à y revenir à la nuit » (1). L'opposition entre le départ
et le retour, le jour et la nuit, montre l'exactitude du
sens proposé par Lefébure. Notre passage confirme celte
interprétation par le rappel des désagréments qu'Ounas
trouve dans les ténèbres, ce qui explique son vif désir
de « sortir au jour ». Le retour à la lumière du ciel,
après le passage au tombeau, tel est ici le thème de
tout le développement: ce sera aussi le thème d'une
grande partie du Uvre des morts, dont l'idée principale
se trouve donc en germe aux Pyramides.

La dernière ligne n'est pas la moins importante. Elle


mentionne les « flammes de ces dieux ;> et la crainte
qu'a le roi Ounas d'y être livré. Quels sont ces dieux ?
Et quelles sont ces flammes ?
Le Livre des Morts fournit le développement de
cette situation, qui est seulement ébauchée aux textes
des Pyramides.
Dans le Livre des morts thébain, après le chapitre

(1) Sethe, Urk., IV, 148.


— 26 —

CXXV, vient un court chapitre CXXV1, décoré d'une


vignette qui figure un bassin rectangulaire, encadré de
torches ou deflammes sur chaque bord, et de quatre
cynocéphales. C'est donc un « bassinde flammes »:les quatre
singes, images du dieu Thot, dieux d'Hermopolis,
sont là pour « faire monter la justice au Maître-de-Tout
(Osiris), et pour juger le misérable comme le riche; ils
se concilient les Dieux avec les flammes de leurs
bouches », et sont chargés de «donner des offrandes
aux dieux et aux esprits (âhw) ». Ces 4 cynocéphales me

Fig. 3. Le bassin de flammes de la XVIII" dynastie.


(Naville, Todtenbuch. pi. 136.)

Le bassin encadré La Balance. Au dessous : La plume de Le défunt


de torches « la Mangeu- la Justice. devant Osiris.
enflammées et des 4
cynocéphales.

paraissent remplacer les 4 dieux auxquels Ounas


avait adressé un pressant appel Nous avons vu
que, suivant l'époque, ils sont tantôt 4 Horus du ciel,
tantôt les 4 enfants d'Horus; ici, pour harmoniser
ce quatuor avec le dieu du Jugement de l'époque
thébaine, Thot, le Livre des Morts transforme ces 4 Horus
en 4 cynocéphales d'Hermopolis. Or, nous avons vu que
— 27 —

précédemment (l. 451) Ounas a dû « se concilier les


dieux qui sont dans Hermopolis ».
Les quatre cynocéphales « vivent de justice (1)
repoussant le mensonge et détestent les péchés». Le défunt,
au Livre des morts, les supplie de détruire ses iniquités,
d'anéantir ses péchés, de façon à pouvoir entrer dans
la nécropole, franchir les portes secrètes de l'Àrnenti,
sans souillures, et de façon aussi à recevoir les offrandes
comme les autres dieux et esprits. — A cette prière, les
quatre dieux répondent :« Entre et sors dans la
nécropole ; nous détruirons tes souillures, nous
anéantirons tes péchés, qui étaient tes imperfections sur
terre .... ».
On voit quel rôle, dans la tradition postérieure du
Livre des Morts, jouent les 4 dieux et leurs flammes : il
ne s'agit pas d'un châtiment appliqué aux hommes
reconnus coupables par le tribunal divin, mais d'un
« passage par le feu », sorte d'épreuve purificatoire,
peut-être « ordalie du feu ». que subissent les morts
au sortir du Jugement; le bassin de flammes, auquel
président les 4 dieux, n'est pas un Enfer, mais un lieu
de purification, un réservoir de force et de nourriture
magique .
Les textes des Pyramides décrivent, par brèves
allusions, un semblable lieu. Il existe dans l'autre monde
une a île de flamme nfiâ-nsr'sr) (2) où les défunts «
remplissent leurs ventres de magies (hkâiv) » (WM.506 = s 397
b-c). Quand le roi Ounas renaît à sa nouvelle vie, « il
vient à l'île de la flamme(3) et « il y met (c.àd. échange)

(1) Comparer avec Pépil, 1. 672-673 (§ 1183) : « ce Pépi est un


de ces ï dieux, Amset, Il.ipi, Douainoutef, Kebelisemml, qui
vivent de Justice. . . »
(2) W. écrit nkjsj pour nsrsr (cf. Sethe, Verbum, I, p.
(3) Cf. Lefébure, Sphinx, VIII, 37.
— 28 —

la Justice à la place du péché» (Wd n W. Mâà.l Im.f


m îs.l isft= W. 1. 393-394, § 265) . Au Livre des Morts
ce lieu est tantôt une « île », tantôt un « bassin de
flammes »,sur lequel on navigue (Todtb . ,XXIV , 3); des
hymnes à Thot, du nouvel-Empire, mettent a l'île de
flamme »où ledieu donneà chacun ses« vivres ou moyens
d'existence» (ành.wt), sous le patronage de Thot(l),
de même que le « bassin de flammes » du en. CXXVI
est gardé par les 4 cynocéphales d'Hermopolis. Ces
renseignements sont trop brefs pour que nous puissions
nous faire une idée précise du rôle attribué à la «
flamme des 4 dieux » : il semble, du moins, que ce soit une
épreuve complémentaire du Jugement; le mort y trouve
pureté, force magique et nourriture. Des formules
spéciales, telles que celles du en. XVIII, 1. 40, du Livre
des Morts, permettaient au défunt « de traverser le feu
sans qu'il lui arrive aucun mal » (cf. éd.Naville, Var.
p. 83), grâce à la protection de Thot. C'est à ces
préoccupations que correspond la crainte exprimée par Ounas
et son appel pressant aux 4 Dieux, qui remplacent ici
Thot et les cynocéphales dans leur rôle de gardiens des
flammes et de protecteurs du défunt.
Au nouvel Empire, il est fait allusion à un enfer de
flammes où sont brûlés pêcheurs et ennemis des dieux
(2). Les textes des Pyramides ne fournissent pas, à
ma connaissance, des données précises sur cette
conception.

(1) TomaiQÏÏ, Zwei Hymnen an Thoth,a\). À.Z., XXXIII, 121-1:23.


(2) Chabas, l'Enfer égyptien, dp. Mélanges êgyptologiques, III,
2, pp. 168 et suiv.. Les exemplaires du nouvel Empire du Livre
des Morts ajoutent au passage du Gh. XVII, cité p.:-sl, cette glose
(qui n'existe pas antérieurement) : « cette nuit où l'on fait le
compte des criminels, c'est la nuit de la flamme (nsr.t) pour les
ennemis (du Dieu)...» (Grapow, l. c. p. 56,) Est-ce la flamme
d'un enfer, ou celle de l'urams vengeresse?
— 29 —

Le tableau suivant résumera les ressemblances et les


différences de la scène du Jugement dans le texte d'Ou-
nas et au Livre des morts.

Pyr. d'Ounas. 1 452-460 Livre des Morts.


Chapitre GXXV.
Lieu : La double-salle Hou . Lasallelarged' s Deux-
Justices.
Juges: Tefen et Tefenet. Les 4 Osiris et les 4? juges.
dieux des 4 côtés du Les 4 cynocéphales.
Monde.
Accusateur:.... Shou. Le cœur et l'âme du
(témoin) défunt (ch. XXX).
1° Osiris.
Juge suprême qui 2° Thot.
écoute et La Double-Justice 3° La Balance, maniée
prononce le Maàty. par Horus et Anu-
verdict bis, en présence de
Maaty.

Exécuteur du{ I-a Hyène de la La Grande Mangeuse.


châtiment : . . .) double-salle.
Bassin de flamme sous
Ordalie du feu - Les flammes des 4 la surveillance des
dieux. 4 cynocéphales
(ch. CXXVI).

A part le personnage de la Double-Justice, qui est


prépondérant dans Ounas, qui joue un rôle important,
mais non prépondérant au Livre des morts, tout le
personnel diffère, de l'un à l'autre texte. Le tribunal, dans
Ounas, est essentiellement solaire : Tefen et Tefenet sont
enfants de Ra; Maaty est fille de Ra ; les 4 dieux
des 4 côtés du monde, sont au service de Ra;les
formules victorieuses sont tirées des écrits d'Hélio-
polis (1. 455). Au Livre des morts, le tribunal est
essentiellement osirien: Osiris, son fils Horus, ses amis Thot
— 30 —

et Anubis, les 42 juges de la terre, et les 4 cynocéphales


d'Hermopolis remplacent le personnel ancien. De celui-ci
il ne reste que Maàty, debout près de la Balance, et dont
l'hiéroglyphe (la plume) déposée dans un des plateaux,
fait équilibre au cœur du défunt, et contrôle le
témoignage de sa conscience.
Si dans sa forme extérieure, le tribunal a subi
l'empreinte profonde de Vosirification, qui à dater du
Moyen-Empire s'impose dans le culte et les rituels, pour
le fond la doctrine solaire est restée intacte. Ce que le
mort apporte avec lui pour passer le jugement, et pour
en triompher, c'est le témoignage de la Double-Justice;
{Ounas: 1.453, 456, 459 = Livre des Morts, en. CXXV ;
Naville, variantes, p. 278). Les deux grands
développements introduits dans la scène du Jugement, par le
Livre des morts,, la confession négative et la psychos-
tasie ont aussi leur origine dans la doctrine solaire.
Pour la confession négative, j'ai cité plus haut, p. 18,
des formules rudimentaires, qui portent en germe la
future énumération des fautes que le défunt prétend
n'avoir pas commises.
Pour la psychostasie, c'est-à-dire la pesée du cœur
dans la Balance, les textes des Pyramides ne fournis
sent pas, à ma connaissance, d'indication quelconque;
mais dans la période intermédiaire entre l'ancien et le
nouvel Empire, (2400 à 1600 environ) les textes des
cercueils de la ixe à la xme dynasties mentionnent à
plusieurs reprises a la Balance de Ra, où la Justice est
pesée (1) »,et les dieux « qui pèsent avec la Balance,
le jour où l'on fait le compte des vertus, et où le défunt
se réunit à ceux qui sont dans la barque de Ra(2) ». Le
défunt implore Ra « pour être sauvé de ce dieu aux

(1) Lacan, Textes Religieux, ap. Recueil de travaux,XXX,\) . 189.


(2) Ibid., XXXII, p. 78; cf. XXXI, p. 23.
— 31 —

formes mystérieuses, dont les sourcils sont les bras de


la Balance, en ce jour où l'on fait le compte des
criminels, où Ton ligotte les pêcheurs pour le billot, pour
tailler en pièces les âmes (1) ». La scène allégorique
de la Balance fait donc partie du fond même de la
doctrine solaire. La littérature populaire y fait des allusions
expresses (2).
Ces attestations permettent de croire que ce symbole
expressif du Jugement, la Balance de Ha, devait figurer
dans les rites funéraires royaux de l'Ancien-Empire.On
sait que ces rites, longtemps réservés exclusivement aux
rois, furent divulguésàla suite de révolutions politiques
et sociales, et concédés — vers l'an 2000 — avec bien
d'autres droits sociaux et politiques, à toutes les classes
de la société égyptienne (3). Si la Balance est
mentionnée sur les cercueils des particuliers, dès le moyen-
Empire, c'est que les rois de l'ancien-Empire subissaient
déjà la psychostasie. Rappelons qu'aucun texte des
Pyramides ne nous est parvenu au complet : l'absencede
duplicata du Jugement dans les pyramides postérieures
à celle d'Ounas, l'absence d'allusion à la Balance dans
les fragments que nous possédons, ne permet donc pas
de conclure à l'inexistence de ces formules sur les
monuments à l'état primitif. Lefébure (4) et Breasted (5)

(1) Ohap. XVII du Livre des Morts, dès la xne dynastie; cf. H.
Grapow, Religiôse Urkundcn, I, p. 55.
{2) Conte du paysan, 1. 148 - 150, 307 - 308, 322 (cf. Maspero,
Contes populaires, 4e édit., p. 58, 67). Voir aussi les allusions à
Thot justicier (xnedyn.) dinsla Profession de foi d'un magistrat,
p. 86.
(3) J'ai traité les lignes générales de ce sujet dans le Recueil
Champollion, sous le titre: L 'accession de la plèbe égyptienne,
aux droits religieux et politiques sous le mogen Empire, (p. 331-
360) .
(4) Sphinx, VIII, 31 et suiv.
(5) Religion and Thought, 172 et suiv.
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ont bien démontré que les rois successeurs d'Ounas


ne sont admis dans l'autre monde qu'à la conditon d'être
reconnus mâa-kherou, «justifiés » par leurs actes. Cela
suppose l'épreuve du Jugement.

Nous concluons que, dans ses éléments essentiels, la


doctrine de la rétribution appartient aux textes hélio-
politains des ve-vie dynasties. C'est donc près de 3.000
ans avant l'ère chrétienne qu'apparaît la première
attestation écrite d'une conception, certainement
élaborée à une époque bien plus ancienne, qui fait déjà
reposer sur la nécessité du triomphe final de la Justice,
ou de la Conscience, la meilleure raison de croire à
une autre vie après la mort.

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