Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide
range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and
facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.
Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at
https://about.jstor.org/terms
is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue des Deux Mondes
(1829-1971)
ORIGINES DU THÉÂTRE
discours d'ouverture;
Messieurs,
(i) M. Magnin, qui supplée, cette année, M. Fauriol à la faculté des lettres,
a bien voulu communiquer cette première leçon à la Revue . Nous avons lieu
d'espérer que cette communication ne sera pas la seule que lui fera notre collabo-
rateur pendant la durée de son cours. ( N . du D. )
Ce n'est pas par hasard queje viens de prononcer les mots Opéra,
Théâtre Français, théâtres des boulevards. Ces trois sortes de spec
tacles, parmi lesquels tousles genres de représentations scénique
peuvent, plus ou moins facilement, se classer, ont eu des origines
distinctes, quoique vöfcines, et qu'il faut étudier séparément
Chacun de ces théâtres nous offre la dernière forme et l'expression
la plus avancée de trois espèces de drames, qui ont coexisté au
moyen-âge et qu'on peut retrouver même dans l'antiquité grec-
que et latine, quoique l'érudition ait eu peut-être jusqu'ici le tort
de ne pas les distinguer assez nettement.
L'Opéra , c'est-à-dire le génie dramatique dans toute sa pléni-
tude et sa puissance , soutenu de toute la pompe du spectacle , de
tous les arts accessoires, de tout ce qui peut agir sur l'imagination,
l'Opéra qui ne vit que de merveilleux , de fictions , de féeries , de
traditions mythologiques, fabuleuses, miraculeuses, l'Opéra qui
ne marche qu'accompagné de l'enivrement de la musique et de la
danse, a succédé, dans les pays où il est indigène, c'est-à-dire
en Italie , aux représentations les plus pieuses. Il est la continua-
tion immédiate de ces drames que les communautés demi-ecclésias-
tiques et demi-laïques, n'ont cessé d'exécuter, du xiii® au xvi® siè-
cle , sur les places de Rome , de Naples , de Tolède et des autres
villes de l'Europe, représentations qui succédaient elles-mêmes à
d'autres bien autrement solennelles et graves, véritables drames
liturgiques , approuvés par la papauté et par les conciles, admis
dans les Diurnaux et dans les Rituels , joués et chantés aux proces
sions et dans les cathédrales , parties nécessaires et intégrantes de
la solennisation des saints offices.
ries, ne vous ont pas laissé ignorer qu'à côté du théâtre public
solennel , national des Accius et des Sophocle , des Aristophan
et des Térence , il y eut à Athènes et à Rome des théâtres privé
des ballets à huis-clos, de petites pièces domestiques sans cothu
nes et sans masques , complément ordinaire de tous les festins
splendides. Muratori, Montfaucon, Flögel, Boulanger, Böttiger
ont r ecueilli une foule de documens sur les Stolidi et les Moñone
nains idiots et contrefaits, commensaux des riches, joujoux de
gynécées, ancêtres et précurseurs de nos fous de cours. Quant
théâtre populaire , les peintures et les bronzes ďHerculanum , le
mosaïques, les bas-reliefs, les pierřes gravées, lesmonumens de
toute espèce attestent assez que la populace antique, outre
grandes boucheries de l'amphithéâtre, et les grands jeux scéni-
ques , n'a pas manqué , plus que la nôtre , de toutes les variétés
saltimbanques, de faiseurs de tours, de joueurs de gobelets,
grimaciers, de funambules, d'animaux savanset d'improvisateu
en plein air. Nous reconnaîtrons, messieurs, dans les vêtemens
la coiffure et les gambades de leurs saniones et de leurs mimes
modèle du zanni , ou bouffon moderne par excellence, en un m
l'aïeul de notre Arlequin.
Mais ce petit théâtre, soit populaire , soit aristocratique, dan
lequel vient se perdre et mourir le grand théâtre ancien ,
théâtre de salon et de boudoir , comme on dirait aujourd'hui , do
nous lisons de curieuses et charmantes relations contemporaines da
le Symposion et l' Anabasis de Xénophon, dans l'Ane ďor d'Apulé
dans les dialogues de Lucien , surtout dans le Banquet d'Athénée
et dont on peut, en cherchant bien, recueillir çà et là quelques
précieux échantillons, ce petit théâtre, dis-je, n'est que d'un int
rêt bien foible , et d'une importance tout-à-fait secondaire po
les professeurs appelés à vous foire connaître les inépuisab
richesses du théâtre grec et romain. Pour nous , au contraire , cett
source tarissante , ce gravier mêlé de terre , cette vase dramati
que, pour ainsi dire, dans laquelle apparaissent les premiers ge
mes , et comme les premières molécules du théâtre moderne , so
d'une importance extrême, d'un prix sans égal.
Au fond de presque toutes les origines , messieurs , il y a deu
élémens : un élément nouveau et spontané, et un élément trad
tières, danses bizarres des vivans sur les tombes, qui ont donn
aux artistes de l'époque suivante l'idée de la fameuse danse maca
bre , dans laquelle la Mort grimaçante prend de sa main de sque
lette et fait danser au son de sa rote tous les états, depuis
Reines et les Archevêques jusqu'aux courtisanes et aux mendia
La troisième période nous montrera l'art dramatique échappan
en partie, comme les autres arts, des mains affaiblies du sacer
doce, pour passer au xiii® siècle, dans celles des communau
laïques, pleines de cette ferveur pieuse et de cet enthousiasme d
liberté qui amenèrent, trois siècles après, l'entier affranchisse
ment de la pensée et la complète sécularisation des arts , nouve
période que nous n'entamerons pas et qui constitue propremen
l'ère moderne.
Dès l'ouverture de cette période , qu'on peut appeler celle de
confréries , nous verrons le drame ecclésiastique obligé de reno
cer à la langue latine et de la remplacer par les idiomes séculier
Devenu , peu à peu , trop étendu pour conserver sa place dans l
offices , le drame liturgique fut représenté , les jours de fête
après le sermon. La bibliothèque royale possède un précieux m
nuscrit des premières années du xve siècle, qui ne contient pa
moins de quarante drames ou miracles tous en l'honneur de la
Vierge , précédés la plupart du sermon en prose qui leur serva
de prologue. Déjà dans ce recueil , dont la composition remont
au xive siècle, plusieurs légendes laïques et chevaleresques , tel
que celle de Robert-le-Diable, qui sera bientôt publiée , par pare
thèse, dénotent l'affaiblissement graduel et la prochaine déca-
dence du véritable drame hiératique. Enfin l'étendue toujou
croissante que prennent les mystères en langue vulgaire , obli
gea le clergé de laisser transporter la scène du jubé dans
parvis, ou le nombre infini des personnages rendit bientôt néce
saire la coopération des confréries qui éloignèrent de plus
plus ces représentations du lieu et des idées qui leur avaient don
naissance. Je vous ferai connaître tel de ces drames prodigieux
ne figurent pas moins de cent , de deux cents et même de six
cents acteurs. Il fallait alors presque la moitié des habitans d'u
ville pour amuser ou édifier l'autre. Ainsi le drame chrétien sor
peu à peu de l'église et bientôt après des mains du clergé.
Charles Magnin.