Vous êtes sur la page 1sur 14

a présence de Flaubert dans les Trois Contes

« Et voilà l’histoire de saint Julien l’Hospitalier, telle à peu près qu’on la trouve, sur un vitrail
d’église, dans mon pays » (1) : l’unique intervention à la première personne dans les Trois
Contes  semble, chose paradoxale, affirmer la désinvolture, sinon le détachement, de l’auteur.
D’une part, il y a sûrement un élément de fausse modestie dans son propos. D’autre part, n’a-
t-on pas peut-être l’étrange sentiment qu’il y a là le sous-entendu d’une excuse ? Sentiment
qui se précise d’ailleurs quand on tient compte des conditions dans lesquelles furent écrits
les Trois Contes. L’écrivain en difficultés financières aurait-il donc bâclé son œuvre,
rédigeant au plus vite un recueil d’histoires quelconques dans le seul but de mettre fin à ses
problèmes matériels. ? La composition extrêmement rapide de son volume et la disparité des
trois sujets auxquels il appliqua tour à tour son attention sembleraient à première vue
confirmer une telle hypothèse. Mais que l’auteur ait tiré son œuvre du plus profond de lui-
même, autant et même plus que dans ses travaux de longue haleine, c’est ce qu’on va tâcher
de démontrer ici.

« Je me suis toujours défendu de rien mettre de moi dans mes œuvres, et pourtant j’en ai mis
beaucoup » (2). écrivait déjà Flaubert en 1846. Si l’absence du moi est donc une discipline à
laquelle il ne s’astreint qu’avec difficulté, il s’ensuit que dans un ouvrage où il y a un
relâchement de discipline dans un but de composition rapide il sera encore moins détaché
qu’à l’accoutumée. Mais puisqu’il n’y a qu’un exemple d’intervention directe de la part de
l’auteur, c’est à d’autres niveaux que la présence de l’artiste se fait sentir dans les Trois
Contes  : souvenirs personnels, structures psychologiques, pensée — ce ne sont que trois des
catégories principales, pour ne pas mentionner toutes celles qui relèvent de la stylistique
même de l’œuvre. De ces trois catégories, fixons notre attention surtout sur la dernière, celle
de la pensée de Flaubert. Car c’est en suivant la filiation de certains thèmes à travers les trois
histoires, et en les rattachant à quelques thèmes privilégiés de Flaubert exposés dans
la Correspondance  et ailleurs — en particulier les thèmes de la sainteté et de l’ascétisme —
qu’on arrivera à déterminer, de façon plus exacte, la présence de l’auteur dans son œuvre
Mais pour ne pas fausser la perspective, jetons d’abord un coup d’œil rapide sur les deux
premières catégories d’interventions : souvenirs personnels et structures psychologiques

On ne saurait nier qu’au niveau des souvenirs, la présence de l’auteur dans ses Trois
Contes  est considérable. L’atmosphère et les descriptions d’Hérodias, et surtout la danse de
Salomé, renvoient clairement au voyage en Égypte. Mais c’est surtout dans  Un Cœur
simple que Flaubert a refondu ses souvenirs personnels dans un but artistique. Le personnage
principal serait modelé d’après la servante Julie qui resta au service des Flaubert pendant
presque toute la vie de l’écrivain (3). Il n’est pas jusqu’aux personnages de l’arrière-plan qui
n’aient leur point de départ dans les souvenirs du romancier. Le marquis de Grémanville, par
exemple, serait modelé sur un arrière-grand-oncle de Flaubert (4). Et, bien entendu, l’endroit
où se déroule l’histoire rappelle à l’auteur les vacances de Trouville, avec tous les
« fantômes » de son passé. Il est évidemment difficile de préciser l’influence exacte qu’ont
exercée de tels souvenirs sur la signification de l’œuvre : faut-il n’y voir qu’un soutien fourni
à l’élément concret et visuel, ou ont-ils agi plus profondément sur sa conception même ? Il
semble du moins qu’à cette époque l’auteur se soit penché sur son passé avec nostalgie : « J’ai
bientôt 54 ans. À cet âge-là, on ne refait pas sa vie, on ne change pas d’habitudes. L’avenir ne
m’offre rien de bon et le passé me dévore. Je ne pense qu’aux jours écoulés et aux gens qui ne
peuvent revenir. Signe de vieillesse et de décadence ». Le sujet d’Un Cœur simple  lui
fournissait donc une véritable occasion pour se livrer à ses regrets du passé, et après être
revenu dans la région où se situe son histoire, il écrit : « Cette excursion m’a abreuvé de
tristesse, car forcément j’y ai pris un bain de souvenirs. Suis-je vieux, mon Dieu I Suis-je
vieux ! » (5). II y a sans doute un rapport entre la nostalgie de Flaubert et sa tendance à la
sensiblerie dans certaines pages du premier des Trois Contes, mais le problème de l’exacte
mesure de sa présence n’en reste pas moins une énigme.

Car on sait que chez Flaubert, si l’œuvre semble avoir sa genèse dans ses souvenirs ou dans
ses préoccupations les plus intimes, le résultat littéraire n’en est que trop souvent la négation,
acharné qu’est l’artiste à exorciser ses démons : d’où le mystère, par exemple,
de Madame Bovary, où l’auteur est absent et présent en même temps. C’est ici qu’on aborde
la deuxième catégorie d’interventions, celle de la présence psychologique de l’auteur dans
les Trois Contes. Bien entendu, dans ce domaine, le problème de savoir dans quelle mesure
l’artiste est présent dans sa propre création s’avère d’autant plus difficile que la psychologie
profonde de Flaubert nous est, à une distance de cent années, à jamais fermée. Néanmoins,
plusieurs critiques, dont Brombert et Bart (6), semblent avoir cédé à la tentation d’expliquer
en termes psychanalytiques le deuxième des Trois Contes,  La Légende de saint
Julien l’Hospitalier. Il semble bien d’ailleurs que Flaubert ait puisé dans son propre caractère
pour créer ce mélange de sadisme et de culpabilité qui constitue le caractère de Julien ; mais
suite à un inévitable conflit de témoignages, à propos de l’attitude de Flaubert envers ses
parents par exemple, les données essentielles de ce problème restent imprécises. Faire la
psychanalyse des vivants est déjà une entreprise hasardeuse : mais on peut se demander si
vouloir faire celle des morts n’est pas friser l’impossible. Dans le cas de  Saint Julien, la
tentation de voir un acte d’exorcisme de la part de l’auteur est d’autant plus forte qu’il y a
nombre de demi-faits qui semblent corroborer les hypothèses. Bart, ayant prévenu le danger
de cette méthode, s’y livre tout de même, plaçant le point de départ de l’œuvre dans un rêve
qu’eut l’auteur pendant son voyage de 1845 en Italie. Sa mère et lui, qui se promènent dans
une forêt, se trouvent soudain entourés de singes : « Ils me regardaient tous, j’ai fini par en
avoir peur. Ils nous entouraient comme dans un cercle ; un a voulu me caresser et m’a pris la
main, je lui ai tiré un coup de fusil à l’épaule et je l’ai fait saigner » (7). Ce qu’on ne peut
savoir, pourtant, c’est la mesure dans laquelle ce rêve obséda ou inquiéta Flaubert, ou si
l’auteur y voyait lui-même l’origine de son œuvre. Faute de précisions, on ne peut guère
arriver à des conclusions à partir de cet ensemble isolé du monde onirique de Flaubert. Quand
il s’agit de déterminer à quel point l’auteur s’est mis dans son œuvre, l’analyse psychologique
s’avère donc encore plus équivoque que l’analyse de ses souvenirs.

C’est pourquoi l’une des méthodes les plus sûres pour discerner la présence de Flaubert dans
les Trois Contes est l’examen des thèmes qu’ont en commun ces textes apparemment si
disparates. Quand il faut sortir de ce territoire bien démarqué, ayons recours, non pas à des
sentiments hypothétiques ou à des souvenirs affectifs dont on ne peut mesurer la vraie valeur,
mais aux idées arrêtées de l’artiste, telles qu’elles sont maintes fois exposées dans sa
correspondance. C’est donc à un niveau idéologique ou thématique, plutôt qu’à un niveau
émotionnel, qu’on arrivera à délimiter avec plus de précision l’état d’esprit de Flaubert lors de
la composition des Trois Contes.

Le fil conducteur des trois récits se trouve, bien sûr, dans le thème de la sainteté. La Légende
de saint Julien l’Hospitalier et Hérodias ont pour personnages principaux des saints, alors que
dans  Un Cœur simple on n’aurait pas tort de dire que l’artiste évoque une espèce de sainteté
moderne. Or, on sait bien, d’après sa correspondance, quelle importance a ce thème pour
Flaubert. Dans son esprit, sainteté et ascèse sont la même chose, d’où le rapport qu’il voit
entre sainteté et vocation artistique. Il déclare, dans une lettre, tendre vers une espèce
de « mysticisme esthétique » (8), et décrit souvent son métier en termes religieux : « Je mène
une vie âpre, déserte de toute joie extérieure et où je n’ai rien pour me soutenir qu’une espèce
de rage permanente, qui pleure quelquefois d’impuissance, mais qui est continuelle. J’aime
mon travail d’un amour frénétique et perverti, comme un ascète le cilice qui lui gratte le
ventre » (9). Quant à ce rapport entre sainteté littéraire et sainteté religieuse, il faut faire deux
observations avant d’avancer plus loin. Premièrement, Flaubert n’a pas la « foi » facile. Il
s’est mis à genoux, mais il ne croit pas toujours : « L’Art, au bout du compte, n’est peut-être
pas plus sérieux qu’un jeu de quilles. Tout n’est peut-être qu’une immense blague », écrivit-il
en 1851 (10). Deuxièmement, il y a chez Flaubert deux exigences contradictoires : d’une part,
celle du fanatisme ou du dévouement total, d’autre part, celle de la lucidité, donc du
détachement. « On ne fait rien de grand sans le fanatisme », écrit-il. « Le fanatisme est la
religion » (11). Pourtant, si le fanatisme est la seule voie vers la sainteté, il est peut-être aussi
le « symptôme de la bêtise » (12). Tandis qu’il reconnaît la valeur de l’illusion volontaire, il
est dans l’impossibilité de s’y fier.

Ce sont les sentiments qui caractérisent, dans une perspective tour à tour différente, les Trois
Contes : chacun d’eux exprime la tension entre fanatisme et lucidité, dévouement et
détachement, entre deux manières de voir la réalité. Qu’on les examine maintenant à la
lumière des remarques précédentes, mais dans leur ordre inverse : car, en laissant pour la
fin Un Cœur simple, on arrivera peut-être à montrer que c’est là où Flaubert a mis le plus de
lui-même, et que c’est là l’expression la plus complète de ses dilemmes spirituels.

Au premier abord, dans  Saint Julien et Hérodias, l’ascèse, telle que la décrit l’auteur, ne
semble pourtant rien avoir des contradictions et des tensions de sa propre « sainteté »
artistique. Les deux saints semblent être de caractère intransigeant, n’ayant pas de doutes sur
la valeur de leur mission : ce sont donc apparemment des créations autonomes, sans rapport
avec la personnalité de l’auteur. Cependant, cette intransigeance n’empêche pas les angoisses
de Flaubert de s’infiltrer, d’une manière ou d’une autre, dans le récit.

Dans les années récentes, Margaret Tillett a proposé une nouvelle interprétation d’Hérodias ,
dans la perspective qui nous intéresse ici. Son argument se base sur le rapport, dans l’esprit de
Flaubert, entre les exigences de l’ascétisme religieux et le dévouement total de l’artiste à son
propre métier Elle voit le conte comme un jeu de contrastes entre la responsabilité absolue
représentée par Iaokanann, et le manque de discipline absolue, représentée par les
personnages situés à I’autre extrême. Un réseau de symboles, dit-elle, se construit autour de
cette opposition fondamentale. Il y aurait tout un symbolisme de la lumière et un contraste
particulièrement révélateur entre la scène de l’inspection des chevaux et la première
apparition de laokanann. Les chevaux évoquent l’aspiration vers la lumière et vers la liberté,
et pour Miss Tillett, qui pousse l’analogie plus loin, cela équivaut au désir de Flaubert de
renoncer à la discipline étouffante du style analytique pour s’abandonner à l’épanchement
facile du style lyrique. Ensuite, l’effet d’antithèse créé par la première description de
laokanann représente comme un rappel au devoir, tout englouti qu’il est par les ténèbres de
son cachot (13).

À partir de cette interprétation, on voit bien que le conflit dans l’âme de l’auteur s’extériorise,
non pas dans un seul personnage, mais dans, une série de contrastes à travers l’ouvrage. Il ne
pouvait guère s’identifier avec le personnage de laokanann, car selon tous les Évangiles le
prophète était extrêmement sûr de sa foi et de sa mission. Flaubert devait être incapable de
comprendre tout à fait cette mentalité, mais il pouvait bien l’admirer, et en faire un symbole
dans son œuvre. Comme Miss Tillett l’a fait remarquer, le nom de laokanann semble résonner
à des intervalles réguliers à travers le récit, comme un rappel insidieux à quelque devoir que
tout le monde veut escamoter. Mais il est intéressant de voir que justement, le changement le
plus significatif que l’auteur ait apporté à l’histoire telle que la racontent les Évangiles, est de
l’avoir structurée non pas autour de Jean-Baptiste, mais autour d’un personnage faible et en
proie à une foule d’angoisses : Antipas. Celui-ci représente le vide spirituel, ballotté qu’il est
entre les deux extrêmes d’un conflit. Selon Matthieu, Antipas était de caractère brutal et
décisif ; selon Marc, pourtant, il était tout à fait le contraire, et il aurait même fait tuer Jean-
Baptiste malgré lui. Flaubert a bien vu les possibilités de cette interprétation du personnage,
car son Antipas est tiraillé entre son sentiment du devoir envers laokanann et la liberté facile
que lui représente sa liaison avec Hérodias. Mais si Antipas a conscience, en son for intérieur,
de la mission que doit remplir laokanann, il aura néanmoins recours à une solution facile dans
le dilemme où il se trouve, symbolisant ainsi la crainte qu’avait Flaubert lui-même de céder à
la facilité. Dans la première scène, après avoir scruté de son œil les régions autour de la
citadelle, il entend soudain un cri qui déchire le silence : Mannaeï le rassure, en disant que
laokanann reste enfermé dans son cachot. Antipas a un sentiment de soulagement : « Et
Antipas, quand il eut respiré largement, s’informa de laokanann, le même que les Latins
appellent saint Jean-Baptiste. Avait-on revu ces deux hommes, admis par indulgence, l’autre
mois, dans son cachot, et savait-on depuis lors ce qu’ils étaient venus faire ? » (14). Le
nombre de ses questions témoigne de son inquiétude à l’égard du prophète et révèle sa
mauvaise conscience.

Mais le Tétrarque n’est pas à la hauteur du sentiment de justice qui le tourmente. Une fois les
Romains arrivés, il n’est que trop content de pouvoir renoncer à ses responsabilités. « Une
réflexion avait consolé le Tétrarque. laokanann ne dépendait plus de lui ; les Romains, s’en
chargeaient. Quel soulagement !  ». Plus tard, il se protège par un sophisme, en se persuadant
que si laokanann est un prophète, il saura bien éviter la mort : « Mais la mort qu’on lui avait
prédite, en s’appliquant à un autre, peut-être détournerait la sienne ? Si laokanann était
véritablement Elie, il pourrait s’y soustraire » (15). C’est ainsi qu’il laisse tuer laokanann,
mais il semble bien avoir conscience d’avoir manqué à son devoir, quand, après le festin, il
reste en larmes devant la tête tranchée. L’histoire se termine donc pour lui sur la pensée
désolante d’avoir capitulé à ses faiblesses.

Le danger d’une capitulation imminente est un élément capital de l’ascèse telle que la conçoit
Flaubert. Mais pour les raisons proposées ci-dessus, il ne pouvait évoquer ce danger dans le
personnage de laokanann. L’exactitude historique, d’ailleurs, le contraignait à décrire un
ascète fort et solide. Elle permettait pourtant qu’il dispose les éléments de son propre drame
dans deux personnages, l’un représentant l’idée fixe, l’autre représentant la menace de la
faiblesse. Si Antipas semble avoir une admiration cachée pour laokanann, en même temps
d’en avoir peur, c’est peut-être la transposition littéraire de deux choses chez Flaubert : d’une
part, la conviction d’avoir une mission, d’autre part le scepticisme et le désir de considérer sa
foi comme une « blague ». Foi et scepticisme vont de pair et se bousculent, autant dans le
conte de Flaubert que dans sa vie même. Qu’on n’entende pas que ce soit là la signification de
l’œuvre, telle que l’auteur l’a voulue : car cela exigerait chez chaque lecteur une familiarité
avec les modes de pensée de Flaubert, qui sont à trouver en dehors du texte. Mais c’est peut-
être la manière dont l’imagination de Flaubert réagit au premier abord à l’histoire de Jean-
Baptiste — réaction qu’il n’a guère pu, ou voulu, effacer dans le texte définitif.

Comment donc Flaubert a-t-il compris le caractère d’Hérodias, qui donne pourtant son nom
au titre de ce récit ? A-t-elle un rôle à jouer, en tant que protection des dilemmes de son
créateur ? Or, si Antipas, se trouve au centre du conflit que décrit Flaubert, et que laokanann
se trouve à l’une des extrémités, Hérodias, elle, représente l’autre extrême : laokanann et
Hérodias symbolisent donc les influences contradictoires entre lesquelles Antipas se sent
tiraillé. Car Hérodias signifie sensualité, aspiration vers une liberté trompeuse, fougue et
indiscipline : « Sortie précipitamment de sa chambre, elle n’avait ni colliers ni pendants
d’oreilles ; une tresse de ses cheveux noirs lui tombait sur un bras et s’enfonçait, par le bout,
dans l’intervalle de ses deux seins. Ses narines, trop remontées, palpitaient ». Il semble
qu’Antipas a pris Hérodias pour ses charmes féminins, car Salomé lui rappelle sa femme
quand celle-ci était plus jeune. Cela suffit bien à ressusciter sa sensualité latente, et pendant la
danse de Salomé il a des « sanglots de volupté ». Mais cette tentation de la sensualité s’avère
une aspiration spécieuse, comme les aspirations vers la liberté de Flaubert l’ascète. L’auteur
fausse la chronologie historique pour mettre l’accent sur les problèmes que crée Hérodias
pour le Tétrarque : « L’amour qu’elle tâchait de ranimer était si loin maintenant. Et tous ses
malheurs (c’est-à-dire les malheurs d’Antipas) en découlaient ; car, depuis douze ans bientôt,
la guerre continuait. Elle avait vieilli le Tétrarque » (16). L’accent pessimiste du conte
provient de ce qu’Antipas reconnaît la vérité (symbolisée dans la figure de laokanann) et
n’arrive pas à s’y consacrer : on voit bien le parallèle avec Flaubert lui-même, qui craint
constamment de perdre sa foi et d’aboutir à la même situation que le Tétrarque, la tête
tranchée de l’Art devant ses yeux.

Dans La Légende de saint Julien l’Hospitalier, la sainteté semble à première vue la


conséquence d’une attitude tout aussi intransigeante que dans l’histoire de laokanann. Car le
saint conçoit sa mission comme une expiation et se résigne devant la nécessité d’accepter son
destin. À la fin, sa résignation est si absolue que Julien perd son caractère humain, pour
devenir une marionnette du Ciel. On dirait que l’apothéose finale est la conséquence non pas
de ses propres efforts, mais de l’agressivité du Jésus de Flaubert, avec ses demandes abruptes
de nourriture, de boisson et de chaleur. Sa façon rapace d’arracher à Julien la cruche semble
détruire à l’avance toute possibilité de montrer celui-ci en proie à ses angoisses et à ses
tentations. Ses dernières démarches vers la sainteté sont automatiques, sans lutte : « Julien alla
chercher sa cruche ; et comme il la prenait, il en sortit un arôme qui dilata son cœur et ses
narines C’était du vin ; quelle trouvaille ! Mais le lépreux avança le bras et d’un trait vida
toute la cruche ». De même, Jésus ne laisse guère de choix au saint quand il lui dit : « 
Déshabille-toi, pour que j’ai la chaleur de ton corps ! » (17) La résignation du saint paraît
donc exprimer la résignation de l’auteur devant la nécessité de décrire un caractère
intransigeant, statique. En effet, la fin du conte de Flaubert semble tout simplement suivre
l’interprétation moyenâgeuse de la légende où toute action humaine s’effaçait devant la
puissance divine : là, il fallait que le caractère de Julien, déterminé par la volonté de Dieu,
restât sans motivation intérieure.

Ainsi faut-il recourir au début de l’histoire pour comprendre le devenir du personnage de


Flaubert. C’est dans la jeunesse de Julien, dans le conflit de son sentiment de culpabilité et de
son sadisme effréné, qu’on voit sa vraie nature. Là, on le voit en proie à ses angoisses,
essayant de se maîtriser.

Mais qu’on réfléchisse un instant sur l’évolution qui aura lieu dans ce personnage au cours de
l’histoire racontée. Au début, il semble responsable de ses actions, tandis qu’à la fin, il est
devenu un automate au service de la providence. À quel point la providence intervient-elle ?
Si elle est déjà présente au début de l’histoire, comme pourraient l’indiquer les prophéties aux
parents de Julien, la faiblesse du saint ne serait-elle pas, elle aussi, déterminée par la
providence ? Et si c’est le cas, la culpabilité de Julien est-elle un concept réel ? Le professeur
Duckworth, dans son édition des Trois Contes, dit que Flaubert a soulevé ce problème sans
pouvoir le résoudre, et que c’est un défaut de l’œuvre (18). Au contraire, ne fut-ce pas
l’intention de Flaubert d’exploiter cette ambiguïté ?

Considérons encore une fois le rapport qui s’établit dans l’esprit de Flaubert entre la vocation
du saint et celle de l’écrivain. Pour le saint, les vérités absolues ne peuvent être atteintes qu’au
moyen de l’illusion volontaire, il dépasse la réalité objective pour trouver une vision
subjective des choses — celle-ci se justifiant à cause de sa mission divine. De même
l’écrivain, démiurge littéraire, essaye de dépasser les angoisses de l’existence quotidienne
pour se complaire dans la vision idéaliste de l’Art et y trouver la justification de sa vie. Pour
le saint et pour l’artiste, il y a donc deux ordres de réalité — le « réel » et le « divin » — qui
ne se contredisent qu’en apparence. La contemplation de l’idéal n’exclut pas forcément
l’angoisse ; et l’élan mystique peut être analysé en termes de la réalité quotidienne, sans
forcément perdre sa profondeur. Comme V. Hugo disait quelque part : « Il y a des illusions
touchantes qui sont peut-être des vérités sublimes ».

Ainsi, dans Saint-Julien, la sainteté est décrite comme l’effet de deux niveaux d’enchaînement
de causalité : le niveau symbolique et le niveau rationnel. Dualité qui est bien celle de l’esprit
de Flaubert (19). Au début du conte surtout, tout s’explique sur les deux niveaux. Ainsi les
prophéties aux parents de Julien peuvent paraître soit comme des interventions divines, soit
comme des erreurs humaines, et il faut bien remarquer que Flaubert a arrangé les
circonstances de façon à maintenir le doute. Le vieillard qui apparaît à la mère de Julien
pourrait être une hallucination créée par les étranges effets de lumière, aussi bien que par
l’état encore somnolent de la mère. Les voix d’anges que celle-ci croit entendre se confondent
avec celles des convives du banquet. Dans le cas du père, la vision du Bohême a lieu tout à
fait à la fin des cérémonies, quand il a l’esprit lourd et fatigué, dans le brouillard du petit
jour : « Le vent sifflait, les brumes du matin s’envolaient. Il attribua cette vision à la fatigue
de sa tête pour avoir trop peu dormi » (20).

Les tentatives de plusieurs critiques de faire la psychanalyse de Flaubert d’après le caractère


de Julien sont bien révélatrices de la richesse du contenu psychologique de ce personnage. On
pourrait dire que c’est l’originalité de Flaubert d’avoir expliqué la légende en termes
psychologiques. Le procédé ne s’éloigne pas de celui qu’il emploie dans Salammbô, où il
évoque le surnaturel en termes naturels. Mais tandis que là il peut retenir de son analyse
jusqu’à la dernière ligne du roman, ici il est contraint, par les exigences mêmes de la légende,
à conclure en mettant l’accent sur l’intervention divine : sinon, Julien ne serait pas un saint.
Pour cette raison, la fin du conte semble moins réussie que les pages où, précisément, ¡I y a le
plus d’ambiguïté. Par exemple, quand Julien manque de tuer ses parents. Dans les deux cas, il
y a une explication rationnelle de l’incident, ce qui pourrait faire croire que c’est entièrement
accidentel. À un autre niveau, il y a la possibilité d’une explication psychologique : Julien
aurait le désir inconscient de tuer ses parents. Mais à un autre niveau encore, il y a toujours la
possibilité de croire à une intervention de forces surnaturelles Dans ce dernier cas, ce qui rend
l’affaire encore plus complexe c’est que la catastrophe est évitée. Est-ce donc un simple
avertissement de Dieu, ou l’intervention manquée d’une autre force surnaturelle ? Le mérite
de Flaubert est de n’avoir pas répondu à ces questions, et donc d’avoir laissé place à la
responsabilité individuelle de Julien. L’action est à la fois symbolique et humaine. Le saint est
comme l’artiste, qui espère que les souffrances de sa vie auront leur justification en termes
d’un autre ordre de réalité {21).

En abordant  Un cœur simple, le premier des Trois Contes et celui qui, nous semble-t-il, est le
plus révélateur du cœur complexe de l’auteur, il y a une importante objection à anticiper quant
à l’attitude de l’auteur envers son héroïne. On pourrait soutenir — et on ne l’a d’ailleurs que
trop souvent soutenu — que l’ironie de Flaubert frôle ici l’inhumain : ce qui revient à dire que
l’auteur n’est pas, pour ainsi dire, « présent » dans son œuvre. Faut-il rappeler pourtant
quedans Madame Bovary l’illusion est traitée avec beaucoup plus de dureté qu’ici ? Félicité
est un automate qui, à cause de cela même, reste heureuse ; Emma Bovary est lucide, a
conscience de son malheur, prend à cœur ses déceptions. Rappelons, en plus, les propos de
Flaubert lui-même, si souvent cités et qui ne peuvent que témoigner de l’attitude indulgente
de l’auteur envers son personnage : « Cela n’est nullement ironique comme vous le supposez
mais au contraire, très sérieux et très triste. Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles,
en étant une moi-même » Et peu de temps après, à la même correspondante : « Cette fois-ci,
on ne dira plus que je suis inhumain. Loin de là, je passerai pour un homme sensible et on
aura une plus belle idée de mon caractère. » (22)
Tout porte donc à croire que l’auteur a une grande sympathie pour le personnage central de
son récit. Si ironie il y a, ce n’est évidemment pas dans un but délibérément cruel. « L’ironie
n’enlève rien au pathétique elle l’ouvre au contraire », disait l’auteur en 1852 (23). Dans le
premier des Trois Contes l’ironie a donc un rôle double : d’une part, elle signifie lucidité,
donc détachement ; mais d’autre part, elle établit un lien de sympathie entre l’auteur et son
personnage. On voit bien que l’auteur a un rapport des plus complexes avec Félicité, tiraillé
qu’il est entre sa lucidité et la foi pure et simple de son personnage. Dans ce sens, Flaubert
lui-même devient un personnage supplémentaire dans le récit, et la tragédie de l’œuvre serait
non pas celle de Félicité mais celle de Flaubert lui-même, qui se sent incapable de dépasser la
lucidité, l’ironie rongeuse, pour se perdre dans les transports mystiques, comme le fait son
personnage. Un cœur simple, c’est l’Héautontimorouménos  à la Flaubert : la confession de
celui qui s’analyse trop pour éprouver des émotions spontanées. Son attitude envers Félicité
trahit donc son déchirement intérieur entre la foi et la lucidité, et son angoisse devant la
nécessité de réconcilier les deux.

Frère spirituel de Baudelaire, Flaubert est essentiellement antiromantique dans son


scepticisme à l’égard d’un procédé littéraire qui, selon lui se fiait trop aux faciles
épanchements. On voit bien que pour lui, l’élan romantique est une espèce de « foi », qui
exigerait plutôt des qualités d’émotion que des qualités d’expression. Mais il est important de
noter aussi que Flaubert a fait l’épreuve de cette foi dans sa jeunesse, et qu’il ne s’est jamais
défait du désir de se perdre dans l’émotion spontanée, à laquelle il ne peut pourtant
s’abandonner qu’à moitié — dilemme qui est sûrement le point de départ de Madame
Bovary.  On voit dans quel cercle vicieux est tombé notre auteur : tandis qu’il voudrait être un
« romantique », convaincu et engagé dans l’acte de la création artistique {seul moyen de
trouver le « salut »), son tempérament introspectif lui donne le sens du gouffre baudelairien.
Ce désir d’échapper à la lucidité corrosive a été exprimé, avant le portrait de Félicité, dans le
projet intitulé La Spirale, écrit probablement au début des années 1850 (24). Déjà le titre
évoque une idée de son cercle vicieux. Mais le sujet du roman aurait été plutôt optimiste,
mettant l’accent sur la réalité de l’illusion. Flaubert avait noté : « La conclusion est que : le
bonheur consiste à être Fou (ou ce qu’on appelle ainsi) c’est-à-dire à voir du Vrai ». Le
monde réel aurait pris graduellement une apparence symbolique, et la vie intérieure du héros,
caractérisée par ses hallucinations, serait devenue pour lui une vérité absolue. Flaubert croit
donc qu’on peut arriver à la vérité en passant par l’illusion…

Le thème profond d’Un cœur simple n’a-t-il pas bien des choses en commun avec la notion de
la spirale qui, pénétrant de plus en plus dans la subjectivité, s’éloigne toujours de la réalité
« objective » ou « extérieure » ? L’ironie de l’auteur, en soulignant les illusions de Félicité, en
reconnaît implicitement la vraie valeur. Le conte exprime donc la même progression
dialectique qui aurait caractérisé le roman, si celui-ci eût été écrit : d’une part, la confiance
totale du personnage à l’endroit de ses illusions, d’autre part, la lucidité de l’auteur qui
rappelle le décalage de plus en plus grand entre la vie intérieure et la vie extérieure. C’est
pourquoi la structure du conte est basée sur une graduation : à chaque étape décisive de sa vie,
l’héroïne s’éloigne un peu plus du monde soi-disant « réel ». Après s’être attachées à la réalité
dans l’expérience manquée de l’amour, ses affections s’attachent à des personnes ou à des
objets qui permettent de moins en moins de réciprocité. À la fin, le monde extérieur n’existe
que très déformé par sa vision subjective, et « le petit cercle de ses idées se rétrécit
encore » (25). Elle devient sourde et ses yeux s’affaiblissent, ce qui n’arrive pourtant qu’au
moment où elle n’a plus besoin d’attaches extérieures. Elle ressemble donc au héros projeté
de La Spirale, qui serait arrivé à un stade où il aurait pu susciter sans l’aide de la drogue ses
visions extatiques. De même. Félicité arrive à se soutenir par la seule force de ses affections,
comme Flaubert aurait voulu se soutenir par la seule force de son énergie créatrice, et comme
il voulait que ses livres se soutiennent par la seule force du style.

Bien sûr, l’ironie de Flaubert met en évidence les contradictions de cette retraite dans les
limites de la vision subjective, mais la valeur de l’expérience n’en est pas pour autant mise en
question. Si Flaubert choisit un exemple limité de l’expérience humaine comme personnage
principal dans son conte, c’est justement parce qu’il n’y a pour lui que les cœurs simples qui
puissent dépasser les tourments de la lucidité pour vivre une foi heureuse : que ce soit,
considéré d’un point de vue rationnel, folie, fanatisme ou illusion, n’importe. L’important,
pour Flaubert, c’est que Félicité n’a pas conscience du dénuement de la réalité extérieure de la
vie. C’est Flaubert, et non Félicité, qui remarque dans quel état est tombé le splendide
perroquet : « Bien qu’il ne fût pas un cadavre, les vers le dévoraient ; une de ses ailes était
cassée, l’étoupe lui sortait du ventre » (26). L’ironie semble donc viser Flaubert lui-même, qui
s’en tient à l’observation de la réalité matérielle tandis que son personnage s’envole presque
dans les éthers mystiques pour rejoindre son perroquet devenu Paraclet. Il n’y a aucune
indication, tout au long de l’histoire, que Félicité n’est pas, comme le suggère son nom,
heureuse. Et si elle peut dissocier la notion de Saint-Esprit de la vision du perroquet, sa
« bêtise » ne détruit pas forcément la valeur de son expérience religieuse. « Dieu sensible au
cœur, non à la raison », disait Pascal. L’ironie de Flaubert, si elle met en évidence le décalage
entre la réalité nue et les visions de Félicité, n’exprime jamais un jugement de valeur sur
celles-ci. Au contraire, ce décalage semble rehausser la valeur des expériences du personnage,
et mettre l’accent sur l’impossible dilemme de Flaubert lui-même, qui n’arrive pas à
réconcilier intelligence et émotion, Science et Foi.

Félicité n’est donc pas en proie aux angoisses de Flaubert lui-même, qui reconnaît la valeur de
l’illusion et ne peut s’y fier. Car elle se fie tout simplement à ses émotions. Elle a une forte
puissance d’imagination visuelle, aussi bien qu’une faculté empathique très développée.
Quand elle voit Virginie à sa première confession, « avec l’imagination que donnent les vraies
tendresses il lui sembla qu’elle était elle-même cette enfant ; sa figure devenait la sienne, sa
robe l’habillait, son cœur lui battait dans la poitrine ; au moment d’ouvrir la bouche, en
fermant les paupières, elle manqua s’évanouir ». Il est évident que Flaubert ne peut
s’identifier absolument avec un tel personnage — dont la mentalité, comme celle des saints
intransigeants, lui échappait — mais il semble néanmoins avoir eu une grande admiration
pour Félicité. D’où la tendance à la sensiblerie dans ce conte qui fut écrit à l’intention de
George Sand, décédée avant de pouvoir le lire. Les jugements moraux mettent tous sans
réserve l’accent sur la bonté de Félicité. En effet, elle ne peut rien faire de blâmable aux yeux
de l’auteur : courageuse et stoïque, elle reste fidèle à sa maîtresse, « qui cependant n’était pas
une personne agréable » (27). Admiration poussée à un tel point qu’elle trahit l’angoisse de
Flaubert, l’angoisse de ne pas pouvoir échapper à sa lucidité Son ironie est donc le point de
rencontre délicat entre son admiration et sa lucidité Et dans ce sens, le vrai sujet d’ Un cœur
simple se déplace d’un « personnage » à l’autre : ce n’est pas Félicité, mais Flaubert lui-
même.

GUSTAVE FLAUBERT

(1821- 1880)

Principales œuvres : Madame Bovary, 1857  ; Salammbô, 1862  ; L’Education sentimentale, 1869  ; La
Tentation de Saint Antoine, 1874  ; Trois Contes ( Un cœur simple, La Légende de Saint Julien
l’hospitalier, Hérodias), 1877  ; Bouvard et Pécuchet, inachevé, posth.1831  ; Correspondance, posth.,
1909-1912

G. Flaubert illustre, d’après Albères, le réalisme documentaire. Son réalisme, il le définit au moment
où il compose Madame Bovary : « Je voudrais écrire tout ce que je vois, non tel qu’il est, mais
transfiguré.  »

La littérature pour lui devient une libération car transfigurer la réalité est une façon de la nier. Le
sujet de la plupart des œuvres est tire de la réalité ignoble qui exerce sur lui, comme sur Baudelaire,
une étrange fascination.

Madame Bovary

- S’inspire d’un fait divers

C’est l’histoire d’un médecin de Ry, Eugène Delamare, qui meurt de chagrin après l’empoisonnement
de sa femme. Flaubert reprend cette histoire qu’il place dans le décore banal d’un bourg de province.

L’héroïne, Emma Bovary, lectrice passionnée des romans sentimentaux et douée d’une sensibilité
vive, se cherche des évasions dans les rêves.

Elle transfigure la réalité, tout prend dans son imagination des proportions exagérées. Cette
puissance d’illusion devient le vrai sujet du livre. (le bovarysme)

- cette fusion du réel et de l’imaginaire rend Emma pathétique.

- une succession de tableaux et de scènes suggérait l’écoulement d’une durée

- la construction en spirale procédait par la reprise des thèmes plus amplement développés

Le style indirect libre permet à Flaubert de s’insinuer dans la conscience de son héroïne. L’auteur qui
se veut impassible, mai qui affirme «  Madame Bovary c’est moi » se dissimule derrière la lutte avec
les mots et derrière l’ironie. Le style devient l’instrument de parodie et de caricature.

L’ironie qui transforme le lecteur « en complice de sa destinée » devient tragique.

Si l’entourage d’Emma accepte la médiocrité, elle seule, par son refus, connait le gout de l’absolu.
Salammbô

- c’est la rêverie voluptueuse, c’est le goût de l’Orient barbare

- ressuscite un monde artificiel, repose toujours sur la documentation

- le sujet est tiré d’un fait réel

- ce roman d’un monde fastueux est à l’opposé du banal qui faisait la matière de Madame
Bovary.

- à la limite du roman historique et du roman personnel, Salammbô c’est le désire de la


solitude, le désir de sortir du monde moderne.

- la réalité semble fixée dans un présent éternel et le paysage se pétrifie

L’éducation sentimentale

Le roman de l’échec, L’éducation sentimentale n’est pas seulement le roman d’un temps, c’est celui
d’une vie. Flaubert suit de près le paysage de l’adolescence à la maturité, jusqu’aux résignations de la
cinquantaine. L’autobiographie y tient une large place.

Son roman se retrace les espoirs et les déboires d’une vie ; il est fait du tissu ordinaire des jours, il ne
fait pas la pyramide.

On assiste à une lente désagrégation d’une vie.

La succession des scènes rend sensible l’émiettement de la vie en une poussière de menues
circonstances.

Les démarches succèdent aux démarches, les visites aux visites, les conversations aux conversations.

Le roman de Flaubert donne l’impression de ce qui se passe dans la vie, ou il ne se passe rien, ou
c’est la vie qui passe.

Flaubert écrit avec « L’Education sentimentale » le roman d’un temps désemparé : les hommes ont
cessé de déterminer l’Histoire, ils sont marqués par elle.

Flaubert a une vue lucide, dès le début, de ce qu’il voulait faire, ou plutôt de la seule chose qui restait
à faire dans l’époque qui était la sienne.

« Je veux, écriva-t-il, faire l’histoire morale des hommes de ma génération  ; «  sentimentale  » serait
plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion, mais passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-
à-dire inactive. »

L’éducation sentimentale a passé longtemps pour être un roman dépourvu de composition : les
épisodes se succèdent sans cette « fausseté de perspective » par laquelle l’artiste, disait Flaubert,
donne ordinairement un sommet à son œuvre, lui fait « faire la pyramide ».

L’intrigue tourne autour d’une rencontre qui est celle du jeune Flaubert et de Mme Schlésinguer.
L’art de Flaubert devient moins impersonnel pour faire revivre des souvenirs d’enfance et des
personnages qu’il avait réellement connus.

C’est le roman de l’expérience qui évoque l’adolescence et la maturité de toute une génération.

- réalise une véritable fresque historique

- du roman personnel il arrive au roman des mœurs

- met sur le premier plan les personnages secondaires de la vie historique

- a une valeur documentaire

- Fréderic Moreau est un velléitaire, un héros désemparé, dépourvu d’énergie, tout à l’opposé
des personnages stendhaliens

- incarne une génération en déroute, un monde qui se désagrège

- le thème de l’échec, le thème « des illusions perdues » était repris et amplifié;

- l’amour pour une femme mariée c’est un rêve impossible dans ce décor de la banalité.

- La technique romanesque est faite d’une succession de scènes. L’intrigue réduite au


minimum annonce l’esthétique naturaliste

Bouvard et Pécuchet

- Œuvre posthume, est l’aboutissement de ce drame de l’échec

- Le domaine envisage est celui de la science

- Les deux personnages, arrives à l’aisance vers la cinquantaine, s’établissent à la campagne et


décident de tout connaître, depuis l’agriculture jusqu’à la philosophie. Leur effort comprend
d’habitude deux phases :

I. documentaire, théorique

II. pratique

- la distance narrative diminue

- le dernier chapitre, suggère le retour des héros à l’automatisme d’autrefois

- avec ce roman débute la crise du genre romanesque

- L’énumération des sciences remplaçait la progression de l’action

C’est la fin du roman d’analyse, la fin du personnage et la démolition du langage.

- Le trajet circulaire, les deux héros revenant au point de départ, est révélateur d’un échec qui
ferme sur lui-même.
L’esthétique de Gustave Flaubert

Nature impétueuse et romantique, Flaubert est attiré, dans sa jeunesse par Goethe et V. Hugo.

- doué d’une imagination ardente, épris du monumental et du fantastique ;

- il s’impose la discipline la plus rigoureuse. Sa méthode est celle des sciences biologiques.

- une documentation sérieuse précède la rédaction du roman.

- Le roman ne devra pas révéler la vie intime de l’écrivain : «  Je n’aime pas intéresser le public
avec ma personne.  » Mais cette objectivité n’exclut pas l’utilisation des éléments personnels.
C’est que l’auteur doit se faire entendre sans se faire voir.

- l’originalité de Flaubert est du à son style. « Etant à lui seul une manière absolue de voir les
choses » le style devient dans le contexte flaubertien, rythme et musique.

- le langage littéraire sera celui de la précision et de la vigueur

- l’idéal parnassien de la beauté formelle conduit Flaubert aux « offres du style »- cette lutte
de tous les jours avec les structures et les mots

Les structures narratives

- le roman flaubertien se déroule comme dans la vie sans bouleversements spectaculaires. La


succession des scènes où l’élément dramatique n’est pas prédominant fait avancer une
action d’habitude banale.

- Les structures statiques occupent, en échange, une place de choix

- Les descriptions abondent, mais elles ne répondent pas, comme chez Balzac, à une exigence
d’ordre dramatique, mais uniquement à la passion de contempler. C’est une description
gratuite qui suspend l’action et ne l’explique pas. La tension dramatique est gênée par ces
interruptions descriptives.

Le personnage

- Est envahi par ce monde extérieur et la sensation devient toute puissante

- le héros de Flaubert est l’adepte de la frénésie et de l’expérience totale (Jean pierre Richard)

- le désir de destruction et de cruauté- Salammbô est la meilleure illustration

- l’échec est à la mesure de l’entreprise, c’est l’échec total, celui de Bouvard et Pécuchet

- « nature nerveuse et féminine » Flaubert fait preuve d’une sensibilité extrême

- un idéaliste pour lequel les limites du réel et de l’imaginaire sont bien fragiles
Composition symphonique

- Flaubert a inventé dans Madame Bovary, le principe du récit éclate

- L’art lui est apparu comme le seul monde de connaissance

- la nature de Flaubert est complexe : romantique par goût et formation et classique par raison

Cette double tendance se manifeste par l’alternance des sujets qu’il traite : M. Bovary/ Salammbô

- quel que soit le sujet, la méthode reste la même : impersonnalité, observation et


documentation minutieuse, forme à la fois éclatante et sobre

Place de Flaubert entre le romantisme et le réalisme.

Ses goûts sont caractéristiques : il aime Victor Hugo et Boileau, Montesquieu et Chateaubriand

- il est romantique et classique à la fois

- il tenait au romantisme par son éducation

- il avait hérité du romantisme : la haine du bourgeois, la soif de l’étrange, de l’énorme, de


l’exotique

Vous aimerez peut-être aussi