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La tendance est généralement dans le « ce n’est pas nous, c'est la faute à ». Nous
pouvons certes blâmer d'incertains coupables et trouver des boucs-émissaires, mais
comme pour tout problème, le chemin des recherches de solutions ainsi suivi n’est
rarement très honnête ni convaincant. Il s'agit, en tant que francophones, de
véritablement identifier les natures et origines des écueils, et de se pencher sur les
éléments constitutifs de ceux-ci pour y remédier correctement chaque fois que nous
pouvons nous-mêmes le faire.
Par réflexe primaire, reportant la cause de nos propres déboires sur d'autres, certains
défenseurs du français ont un coupable tout désigné quant à sa perte de diffusion et
d'influence : l'anglais. S'il est évident que l'anglais est aujourd'hui la langue
internationale par excellence, c'est d'abord un paramètre à prendre en compte pour ce
qu'il est, une variable parmi d'autres. Le français était roi dans les siècles précédents,
ça n'est simplement plus le cas, point. Prétendre combattre l'anglais pour redonner sa
place d'antan à notre langue est illusoire et prétentieux. Occupons-nous de notre
langue d'abord, sans non plus se comporter en vierges effarouchées face aux mots
anglais colonisant notre quotidien (nous allons-y revenir) . Toutes les langues ont
leurs problèmes, même l'anglais.
L'inefficacité politique
Fixons des règles, un cadre — comme en tout domaine de la société —, mais laissons
ensuite faire. Les apports nouveaux à notre langue ont de tout temps contribué à son
dynamisme. Les langues parlées dans les anciennes colonies et ailleurs, les dialectes
et autres patois, l'argot, les expressions sorties des banlieues, en sont les meilleurs
exemples. Cela constitue une source considérable d'enrichissement pour le français.
Pourquoi vouloir aujourd'hui y mettre un frein ? Il est de toute façon impossible et
illusoire de prétendre à l'immobilisme d'une langue face aux mouvements continus de
tout ce qui l'entoure. Accompagnons donc le mouvement pour lui éviter les dérives.
Ce faisant, insistons également sur la nécessité de maitriser plusieurs langues ;
beaucoup de critiques et de replis défensifs dérivent de la frustration de ne pouvoir
s'exprimer que dans sa langue maternelle !
Préserver sa propre langue (et la ou les cultures qui lui sont associées) ne passe pas
par vouloir en combattre d'autres, surtout quand la diffusion des langues est
étroitement liée à des réalités démographiques et migratoires, ou technologiques
comme avec Internet. Défendre sa propre langue passe par agir au cœur de celle-ci et
lui permettre de vivre et évoluer librement dans un cadre clair, mais suffisamment
large pour en assurer la vivacité et la pérennité.
N’a-t-on jamais eu l'idée de vouloir préserver notre gastronomie, notre musique ou
notre littérature d'évolutions internes ou d'influences étrangères ? Non. Il y en aura
certes toujours pour regretter que le couscous soit le plat le plus consommé en France,
devant la blanquette de veau, et d'autres pour vouloir prétentieusement et stupidement
inscrire cette même blanquette ou le cassoulet au Patrimoine Mondial de l'Humanité.
Mais nos grands chefs, écrivains ou artistes ne seraient rien s'ils devaient se limiter à
faire un steak-frites, à écrire comme au XIXe ou à jouer du biniou...
* En 1973, Thomas Finkenstaedt et Dieter Wolff, en se basant sur les 80 000 mots du
Shorter Oxford Dictionary, ont établi que 28,3 % de ces mots provenaient de la
langue d'oïl, le normand principalement, mais aussi du picard et enfin de l'ancien
français (puis du français moderne). Cette proportion arrive en tête, à égalité avec le
latin. La linguiste française Henriette Walter va même plus loin en affirmant de son
côté que plus des deux tiers des mots anglais sont d'origine française. Quoi qu'il en
soit, les anglophones n'ont pourtant pas l'air de nous en vouloir... (Source :
Wikipédia )