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Un consensus international inédit émerge


pour couper les ailes des GAFA »
CHRONIQUE

Philippe Escande
L’Union européenne, les Etats-Unis et même la Chine commencent
à agir, chacun avec ses armes, contre des géants de l’Internet dont
la puissance financière et stratégique, fondée sur un modèle de
recueil des données personnelles, commence à menacer les Etats
trop sérieusement, explique Philippe Escande, éditorialiste
économique au « Monde ».
Publié hier à 11h25, mis à jour hier à 20h59

D
ans la mythologie, comme dans les romans de fantasy, les gardiens
ont une place centrale. Ils doivent tenir les portes contre les
envahisseurs ou, à l’inverse, empêcher les gens de sortir. Le plus
célèbre est Cerbère, le molosse à trois têtes gardien des portes de
l’enfer. Aujourd’hui, ce sont Google, Apple, Facebook ou Amazon
(les GAFA) que la Commission européenne a intronisés gardiens
des portes de leur propre royaume. Ils contrôlent ceux qui rentrent,
ceux qui sortent et savent tout de la vie des habitants.
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Lire aussi Facebook menacé de démantèlement aux Etats-Unis
Bruxelles veut domestiquer les cerbères de l’Internet. Ce mardi
15 décembre, Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence et
au numérique, et Thierry Breton, son homologue au marché
intérieur, présenteront deux nouveaux projets de directives,
destinés d’un côté à les responsabiliser sur le contenu qu’ils
diffusent et de l’autre à lutter contre l’abus de position dominante.
L’Union européenne n’est pas la seule à s’inquiéter. Aux Etats-Unis,
parlementaires et administrations de tout poil s’en prennent à eux.
La semaine dernière, une coalition d’Etats et la Commission
fédérale du commerce (FTC) ont menacé Facebook de le forcer à
revendre ses filiales WhatsApp et Instagram. Et, ce lundi
1
14 décembre, la même FTC a demandé des explications de la part
de Google, Amazon et Facebook sur la manière dont ils collectent
et utilisent les informations sur leurs utilisateurs.
Sanctions
Même en Chine, les autorités tapent du poing sur la table. Elles
avaient déjà bloqué in extremis la cotation géante d’une filiale
financière d’Alibaba et ont, depuis, édicté de nouvelles lois contre
les monopoles privés dans le numérique. Pour la première fois, ce
lundi 14 décembre, l’administration de la concurrence chinoise a
sanctionné Alibaba et Tencent pour des acquisitions contrevenant à
ces règles.
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Lire aussi « En Chine, les mastodontes comme Alibaba sont
accusés d’abuser de leur monopole au détriment de milliers de
PME »
Il émerge aujourd’hui un consensus international inédit pour couper
les ailes des géants de l’Internet. Inédit, car il est à la fois
transpartisan – républicains et démocrates américains sont
d’accord sur le sujet – et présent dans tous les pays. Par leur
puissance, ces gardiens sont en train de devenir une menace pour
les Etats. L’effet de rendement croissant des réseaux augmente
leur efficacité et diminue la concurrence.
D’autant que leur modèle est basé sur la gratuité du service contre
l’échange de données personnelles. Alibaba en sait plus sur ses
700 millions d’utilisateurs que l’Etat chinois. Chacun y répond avec
ses armes, l’autoritarisme pour la Chine, le juridisme pour les Etats-
Unis et la régulation pour l’Europe. Cela a pris du temps, mais tous
sont désormais alignés dans la même direction. La fin d’une
époque.
Philippe Escande

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