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4

Chapitre

INFLUENCE DES PARAMETRES DE


FRITTAGE SUR LES TRANSFORMATIONS
DE PHASE, LA DENSIFICATION ET LA
MICROSTRUCTURE

Dans le chapitre précédant, nous avons montré l’effet notable de la méthode de


mise en forme sur le frittage. La meilleure densification obtenue grâce à une mise en
forme par coulage en barbotine nous a conduits à choisir cette méthode pour préparer
dorénavant tous nos crus. L’objectif de ce chapitre est de produire des pièces denses
tout en conservant le plus possible la microstructure nanométrique (<100 nm). La
problématique est d’aller plus en détail sur les mécanismes de transformation de
phases et les phénomènes de croissance des grains afin qu’ils soient favorables à la
production de pièces frittées nano-structurées.
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

SOMMAIRE

INFLUENCE DES PARAMETRES DE FRITTAGE SUR LES


TRANSFORMATIONS DE PHASE, LA DENSIFICATION ET LA
MICROSTRUCTURE .................................................................................................. 93

I VITESSE DE MONTEE EN TEMPERATURE ............................................................... 95

I.1 Influence de la vitesse de chauffe sur la transformation de phase ................ 96

I.2 Influence de la vitesse de chauffe sur la densification finale ...................... 102

II TRAITEMENT THERMIQUE A PLUS BASSE TEMPERATURE. .................................. 103

III SEPARATION DES ETAPES DE TRANSFORMATION ET DE FRITTAGE ..................... 109

IV BILAN ................................................................................................................. 113

94
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

Partir d’une alumine de transition afin d’aboutir à des pièces frittées avec une
microstructure nanométrique demande l’identification des étapes fondamentales des
mécanismes de transformations de phases et la détermination de facteurs susceptibles
d’intervenir sur l’évolution du frittage. Parmi ces facteurs, nous étudierons dans ce
chapitre l’effet de la vitesse de chauffe et des températures de traitement thermique.
Ces deux facteurs seront optimisés dans le but d’avoir des microstructures plus fines et
plus homogènes avec un taux de densification plus élevé. Cette étude est menée en
frittage conventionnel, en partant de crus coulés présentant une densité de 57% et
préparés par dispersion et coulage sans étape de broyage à partir d’une poudre neuve.

I Vitesse de montée en température

Cinq vitesses de chauffe ont été étudiées afin de révéler l’effet de ce paramètre
sur le frittage de l’alumine de transition : 0.05, 0.5, 1, 5 et 10°C/min. Le cycle
thermique utilisé pour le frittage est illustré sur la figure 1. Les divers échantillons
préparés sont désignés par leur méthode de mise en forme (SC : slip casting), puis la
vitesse de chauffe à laquelle ils sont soumis et la température finale de frittage. C’est
ainsi, par exemple, qu’un comprimé obtenu par coulage en barbotine et étant fritté à
5°C/min jusqu’à 1700°C est désigné par SC-5-1700.

T°C
Température (°C)

800°C V °C/mn

20 °C/mn
5 °C/mn

Temps (mn)

Figure 1 : Profil température-temps imposé lors du frittage des échantillons à différentes vitesses de
chauffe.

Sur la figure 2, la densification des comprimés frittés à différentes vitesses est


portée en fonction de la température. L’examen des courbes montre que le
comportement de densification varie avec la vitesse de chauffe. On remarque que, avec
l’augmentation de la vitesse de chauffe de 0.05 à 10°C/min, la courbe du matériau

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

fritté à vitesse plus rapide est clairement déplacée aux températures plus hautes avec
une variation de la densification jusqu’aux points singuliers ∆ρ/ρinitial plus grande, mais
avec une densité finale à 1700°C de (98%) équivalente à celle obtenue à vitesse lente.
Une étude plus poussée est nécessaire afin de comprendre cet effet de la vitesse de
chauffe sur la transformation de phase, ainsi que les conséquences sur la densification
de l’alumine α formée. Nous rappelons que, dans le chapitre précédent, nous avons
montré que la fin de la transformation en α-Al2O3 se situe au point singulier.

4,0
3,8
3,6
SC-0,05-1700
3,4 SC-0,5-1700
Densité (g/cm )
3

SC-1-1700
3,2
SC-5-1700
3,0 SC-10-1700
2,8
2,6
2,4
2,2
2,0
0 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700

Température (°C)

Figure 2: variation de la densité en fonction de la température pour des vitesses de chauffe allant de
0.05 à 10°C/min.

I.1 Influence de la vitesse de chauffe sur la transformation de phase

Afin d’étudier plus précisément la différence des allures de densification sur la


transformation de phase, plusieurs échantillons ont été préparés comme précédemment
(figure 1) avec une température finale correspondant au point singulier pour chaque
vitesse de chauffe. De plus, un traitement thermique isotherme a été réalisé à 950°C,
c'est-à-dire à la température correspondant au début du retrait dans le cas du chauffage
à 0.05°C/min. Cette température correspond par ailleurs à celle de début de
transformation θ→α possible dans la littérature [SANTOS 2000]. Le profil du cycle
imposé est illustré sur la figure 3. Les échantillons sont portés rapidement (5°C/min)

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

jusqu’à 800°C puis 0.05°C/min jusqu’à 950°C où ils sont maintenus jusqu’à atteindre
un taux de retrait maximal (figure 3), puis l’échantillon refroidi rapidement à 20°C/mn.
Dans ce cas, l’échantillon correspondant est désigné par SC-iso950.

1000 0

900
0,05° C/mn -1
800
Température (°C)

700
-2

Retrait (%)
600

500 -3

400 5° C/mn
-4
300

200
-5
100

0 -6
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200
Temps (h)

Figure 3 : Profil température-temps et variation du retrait durant l’isotherme à 950°C.

La figure 4 montre l’influence des vitesses de chauffe sur le retrait jusqu’au


point singulier. Une analyse par diffraction de rayons X sur tous ces échantillons
montre la seule présence de l’alumine α. Ceci confirme que les points singuliers
correspondent bien toujours à la fin de la transformation de phase (cf. chapitre 3) et
que l’on a également abouti à une transformation totale de l’alumine après l’isotherme
à 950°C.
Dans le domaine étudié, une diminution de la vitesse de chauffage se traduit par
une diminution de la température de fin de transformation : un écart de ~130°C entre
une vitesse de chauffe de 10 et 0.05°C/min est observé. De plus, l’ampleur du retrait
diminue avec la diminution de la vitesse de chauffe de 26.6% à 22.7% pour 10 et
0.05°C/min respectivement. Il est de 19.4% lors de l’isotherme à 950°C. Ces
différences sont regroupées dans le tableau 1. Avec TPS, température au point
singulier correspondant à la fin de transformation de phase et ∆ρ/ρinitial variation de la

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

densité relative jusqu’au point singulier, pour chaque vitesse de montée en


température.

2,5

2,4
Densité (g/cm3)

2,3 SC-iso950
SC-0,05-1033
SC-0,5-1090
2,2
SC-1-1110
SC-5-1160
2,1 SC-10-1167

2,0

1,9
0 800 850 900 950 1000 1050 1100 1150 1200
Température (°C)

Figure 4 : variation de la densité en fonction de la température lors de la transformation de phase,


pour des vitesses de chauffe allant de 0.05 à 10°C/min et une isotherme effectuée à 950°C.

Tableau 1 : variation des températures de fin de transformation de phase et taux de densification


Vitesse de chauffe
Isotherme à 950°C 0.05 0.5 1 5 10
(°C/min)
TPS (°C) 950 1033 1090 1110 1160 1167
∆ρ/ρinitial (%) 19.4 22.7 24.1 24.5 26.1 26.6

Dans le but de mieux comprendre ce qui a pu engendrer des allures de retraits


différentes, une observation microscopique a été faite aux points singuliers. La figure 5
représente deux microstructures observées pour les échantillons traités jusqu’à la fin
de transformation de phase après une vitesse de 10°C/min et un isotherme à 950°C. On
remarque que l’échantillon SC-10-1167 présente une microstructure vermiculaire,
toujours observée dans la littérature après la transformation de phase des alumines de
transition en alumine α (chapitre 1). Le même type de microstructure a été observé
pour tous les autres échantillons traités avec des vitesses de chauffe différentes (SC-
0.05-1033; SC-0.5-1090; SC-1-1110; SC-5-1160). Cependant, l’échantillon SC-iso950
révèle une microstructure présentant des particules sphériques, de taille nanométrique

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

équivalente à la taille des particules de la poudre d’alumine de transition de départ. La


figure 6 représente en effet la distribution des tailles de particules observée sur la
poudre par MET, sur le cru et sur l’échantillon SC-iso950 par MEB (en tenant compte,
ou non, de la couche d’or de 15 nm déposée). A notre connaissance, aucune étude n’a
encore abouti à former une alumine alpha nanométrique (D50 ∼ 30 nm), sphérique et
non vermiculaire en partant d’une alumine de transition.

Figure 5 : Observations MEB des faciès de rupture des échantillons traités à une vitesse de 10°C/min
(SC-10-1167) et après un isotherme à 950°C (SC-iso950). Ces échantillons sont uniquement
constitués de phase alpha.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

Pourcentage cumulé en nombre (%) 100

90

80

70

60
poudre
50 SC0000 -a
SC-iso950 -a
40

30 SC0000 -b
SC-iso950 -b
20

10

0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150

Taille (nm)

Figure 6 : Distributions granulométriques observées sur la poudre par MET, sur le cru coulé (SC0000)
et sur l’échantillon SC-iso950 par MEB ; Pour les observations en MEB, une couche d’or de 15 nm est
déposée lors de la métallisation. a) en tenant compte de la couche d’or; b) sans tenir compte de la
couche d’or.

Dans le cas de l’échantillon complètement transformé en α après un traitement


isotherme à 950°C, la consolidation entre les particules n’étant pas remarqué, le retrait
de 19.4% mesuré est alors dû d’un coté aux transformations de phases menant à α
(réorganisations cristallographiques donnant un retrait de 12.24%) et d’un autre coté, à
un réarrangement des particules durant la transformation.
La différence des variations de ∆ρ/ρinitial, remarquée avec la variation de la
vitesse de chauffe (tableau 1) avec celle observé après l’isotherme, est expliquée par la
consolidation des particules α (forme vermiculaire). Ainsi, cette variation de ∆ρ/ρinitial
n’est pas du à une variation de taille des particules comme l’indique Wen et al. [WEN
2000] mais au début de coalescence ou de frittage entre les particules α dans Zone I
durant les transformations de phase. En effet, au fur et à mesure qu’on augmente la
vitesse de chauffe, la température de fin de transformation se décale à plus haute
température. L’augmentation de la température favorise le frittage ou la coalescence
entre les particules α formées expliqué par l’augmentation de l’ampleur du retrait.
Seules des observations en MET complémentaires, ou une analyse très fine de

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

diffractogrammes de rayon X permettraient de distinguer un frittage (formation de


cous entre particules sans relation d’orientation particulière) d’une coalescence
(formation de monocristaux vermiculaires). C’est une perspective de ce travail de
thèse.
L’obtention de telle structure d’α-Al2O3 avec des particules sphériques et
nanométriques montre que la forme vermiculaire, liée à la transformation de phase
dans la littérature, n’est pas due à la transformation de phase elle-même, mais à la
température élevée pour laquelle s’effectue la transformation qui permet le début de
frittage ou de coalescence des particules. D’après notre étude, la formation de
structures vermiculaires pendant la transformation peut être évitée grâce à des
traitements thermiques appropriés, à faible température, sur des crus possédant un
empilement adéquat.
Le mécanisme de formation des cristallites d’ α-Al2O3 peut être découpé en
deux étapes différentes. La première étape, déjà reportée dans la littérature [PACH
1990, DYNYS 1982, CHOU 1991, CHOU 1992], est une nucléation de α suivi de la
croissance par la migration des joints entre le domaine cristalline α et celui de θ. La
deuxième étape est celle mise en évidence par cette étude et obtenue par coalescence
ou frittage des cristallites d’α. Ces deux étapes peuvent donc être séparées si la
transformation θ→α se fait à suffisamment basse température.
D’autre part, des études précédentes [DYNYS 1982, HAGUE 1993, DING
1998] ont reporté une augmentation de la taille des grains après transformation de
phase, alors que la transformation θ→α donne une diminution volumique de 12%.
Partant d’alumines de transition ayant une taille moyenne de 5~20 nm, celles-ci
donnent après transformation une taille de l’α-Al2O3 jusqu’à plus de 100 nm pour des
températures allant de 1150 ~1250°C. La taille de l’alumine alpha qui peut être
obtenue après la transformation de θ vers α a été très étudiée [ILER 1961, BAGWELL
2001]. Les valeurs reportées vont de 50 à 1000 nm. Une mesure directe par
observation MEB de la taille des particules α formées dans notre étude après un
isotherme effectué à 950°C montre une taille moyenne de ~30 nm. La poudre initiale
avait une distribution moyenne de taille de particules de 22 nm avec la présence de
quelques particules au-delà de 100-150nm (voir chapitre2). La valeur moyenne de 30
nm obtenue après la transformation montre que la taille des particules α formés est
semblable à la taille initiale des particules d’alumine de transition. Il nous semble donc
qu’il n’y a pas une croissance de taille des grains associée à la transformation. D’un
point de vue pratique, il est possible d’obtenir une alumine α sans vermicule,
homogène et de taille moyenne de ~30 nm.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

I.2 Influence de la vitesse de chauffe sur la densification finale


Dans le domaine du frittage de l’alumine α, une densité finale maximale
similaire de 98% est obtenue quelle que soit la vitesse de chauffe utilisée (cf. figure1).
Des observations microscopiques (figure 7) ont été effectuées sur des échantillons
préparés par frittage jusqu’aux températures Tmax correspondant à la fin de retrait
effectif. Le tableau 2 regroupe ces températures suivant la vitesse de chauffe. Le
protocole de préparation des échantillons pour l’observation est le suivant :
– Polissage à la pâte diamantée jusqu’à 1 micron,
– Attaque thermique à une température de 100°C en dessous de la
température de frittage, pendant 12 minutes
– Dépôt d’or de 15 nm, permettant l’évacuation des charges lors des
observations.
Tableau 2 : températures de début de fin de densification en fonction de la vitesse de chauffe.
Vitesse de chauffe (°C/min) 0.05 0.5 1 5 10
Tmax (°C) 1400 1550 1590 1665 1690

Figure 7 : Observations MEB des microstructures de l’alumine Nanotek traitées à différentes vitesses
de chauffe, pour une densité finale identique de 98%.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

Ces observations montrent que, quelle que soit la vitesse de chauffe, avec une
densité comparable de 98%, la taille des grains obtenue est similaire, de l’ordre de 2
µm. La taille de grains est calculée par la méthode des segments interceptés, tout en
tenant compte du facteur de correction de 1.56 [MENDELSON 1969].
Deux constats peuvent être faits à ce stade :
– Il est possible d’obtenir par frittage conventionnel une alumine α possédant
une densité supérieure à 95%, avec une taille de grains suffisamment faible,
à partir d’une poudre de transition. A notre connaissance, des résultats
comparables ont été reportés dans la littérature, seulement avec l’aide de
techniques sophistiquées de frittage [FERKEL 1999], ou par l’addition de
germes de nucléation α [NORDAHL 2002], ou encore broyage énergétique
par attrition [BOWEN 2005]. Il reste cependant 2% de porosité résiduelle
très difficile à éliminer (les résultats ultérieurs montreront que cette porosité
est en partie intra-granulaire).
– Quelle que soit la vitesse de chauffe (c’est à dire en suivant différents
‘chemins’ de frittage), nous obtenons une même taille de grains pour une
densité donnée. Même si la température de transition et celle de frittage sont
diminuées par des vitesses de chauffage faible (ce résultat étant en accord
avec des études précédentes [LEGROS 1999, PALMERO 2009]), le résultat
final est le même, en termes de relation densité – taille de grains. La
diminution de la température de transformation de phase de ~130°C entre
0.05 et 10°C/min n’a en effet eu aucune conséquence sur la densité finale et
la taille des grains.

II Traitement thermique à plus basse température.

L’optimisation du cycle de frittage a consisté à déterminer une température de


frittage T dite optimale qui conduit à un échantillon fritté, présentant à la fois une
bonne densification (densité la plus proche de la densité théorique 3.987g/cm3) et une
taille de grains la plus petite possible. Pour cela, cette température optimale doit être
suffisamment élevée pour permettre la densification mais pas excessive pour limiter le
grossissement de grain. La courbe dérivée de densification de SC-5-1700 (figure 14),
avec une vitesse de chauffe de 5°C/min, montre que la densification de l’α-Al2O3,
après transformation de phase, s’effectue dans un intervalle de température allant de

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

1170 à 1700°C. L’intervalle de températures correspondant au maximum de vitesse de


frittage est [1350-1450°C]. Au delà de 1450°C, la diminution de la vitesse de
densification traduit un changement de mécanisme de densification dominant qui
devient la croissance des grains [LANGE 1989]. Pour cela, trois températures ont été
choisies comme températures de frittage 1350, 1400 et 1450°C. Le type de cycle de
frittage appliqué est illustré sur la figure 8.
Température (°C)

Temps en h
T °C
1350, 1400, 1450°C 0,2,5,10
20 °C/mn
5 °C/mn

Temps (mn)

Figure 8 : Profil température-temps imposé lors du frittage des échantillons à différentes températures
finales et temps de palier. Vitesse de chauffe 5°C/mn.

Les divers échantillons sont désignés uniquement par leur méthode de mise en
forme (SC : coulage en barbotine), la température (T: 1350, 1400 ou 1450°C) et le
temps (t=0, 2, 5 ou 10h) de palier. C’est ainsi, par exemple, qu’un comprimé obtenu
par coulage en barbotine et étant fritté à 1400°C avec un palier de 2h est désigné par
SC-1400-2h.

La figure 9, montre la variation de la densité relative de l’Al2O3 en g/cm3 en


fonction de la température de frittage à différents temps de paliers. La densité relative
augmente avec l’augmentation de la température et du temps du palier. A une
température donnée, la densité évolue rapidement jusqu’à 2h de palier, puis de manière
moins importante.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

100
0h
10h
2h 5h
95
5h 2h
10h
Densité relative (%)

90

85
0h
80

75

70

65
1350 1400 1450
Température (°C)

Figure 9 : variation de la densité relative en fonction de la température et du palier de frittage. La


vitesse de montée en température est 5°C/min.

Certains échantillons ayant la même densité finale ont été sélectionnés pour
l’observation de leur taille de grains. Citons par exemple : SC-1350-2h, SC-1350-5h et
SC-1450-0h avec une densité similaire de ~82% ou bien SC-1350-10h et SC-1400-2h
à ~89% ou bien SC-1400-10h et SC-1450-2h à ~95%.

L’observation de ces échantillons a été réalisée sur des faciès de rupture. En


effet, sur des échantillons peu denses, nous observons systématiquement une
modification apparente de la surface après des traitements thermiques (toujours 100°C
en dessous de la température de frittage, pendant 12 minutes) effectués sur des
échantillons polis : les grains semblent plus gros et la porosité inexistante. Pour
exemple, l’échantillon SC-1350-0h ayant comme densité 68% donne après polissage et
attaque thermique une surface apparente bien dense (figure 10-b) ! Ceci ne représente
donc pas la réalité de la microstructure de l’échantillon. L’observation sur le faciès de
rupture montre qu’il s’agit d’une structure poreuse (figure 10-c).

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

Figure 10 : Comparaison de la microstructure MEB sur un échantillon SC-1350-0h fritté à 1350°C


sans palier et ayant une densité de 68%. a) observation révélant la différence de microstructure entre
la surface de rupture et la surface polie et attaquée thermiquement; b) observation de la surface polie
à plus fort grossissement ; c) observation du faciès de rupture à plus fort grossissement.

Les observations MEB sur des faciès de rupture d’échantillons sont présentées
dans la figure 11.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

82%

89%

95%

Figure 11: Observations MEB sur des faciès de rupture des microstructures de l'alumine Nanotek
frittées à différentes températures et temps de palier. Les échantillons sont désignés par leur méthode
de mise en forme (SC: coulage en barbotine), la température maximale de frittage (1350-1400-
1450°C) et le temps de palier (0, 2, 5, 10h). Vitesse de chauffe de 5°C/min.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

D’après ces observations, la taille des grains est similaire pour des échantillons
présentant une même densité et ce quels que soient la température et le temps de
palier. De plus, cette taille de grain augmente logiquement avec l’augmentation de la
densité. La détermination exacte de la taille des grains est difficile sur les faciès de
rupture des échantillons ayant une densité finale inférieure à 90% où la forme des
grains d’α-Al2O3 tortueuse ne permet pas de délimiter leur taille. Ceci rend difficile la
détermination des tailles de grains à différentes densités et le tracé de la carte de
frittage de cette alumine de transition.
La diminution de la température de frittage, que nous avions recherchée afin de
favoriser les mécanismes de densification (diffusion aux joints des grains au lieu de
migration des joints des grains [LANCE 2004]) n’a pas permis l’obtention d’une
structure dense et ultrafine. L’augmentation de densité s’accompagne dans tous les cas
(au moins dans la gamme de température étudiée) d’un grossissement de grains. Au
delà de 95% de densité relative, il reste une porosité résiduelle inter-granulaire et intra-
granulaire, quasiment impossible à éliminer sans grossissement important de la taille
de grains.
Des études récentes sur le frittage des céramiques nanocristallines ont mis en
relief le problème d’obtention d’une structure à densité élevée (>95% de la densité
théorique) sans grossissement des grains [CHEN 2000, MISHRA 1995, PANDA
1988]. Il a été montré par mayo [MAYO 1993] et Averback [AVERBACK 1992] que
lorsque la densité est supérieure à 90% de la densité théorique, la croissance des grains
devient sévère dans les matériaux nanocristallins. En effet, la transition entre le 2ème
stade de frittage (porosité ouverte) et le 3ème stade de frittage (porosité fermée)
s’effectue environ pour une densité relative de 90%. L’augmentation de taille des
grains s’effectue plus rapidement à partir de cette densité. Au dessous, la porosité est
ouverte, ce qui bloque les joints des grains et fait un obstacle à la migration de ces
joints de grains, ce qui limite la croissance des grains [SKANDAN 1994].
Nous pouvons donc établir une relation directe entre le degré de densification et
la taille des grains pour une méthode de mise en forme donnée, mais quel que soit le
cycle de frittage donné. Ces résultats sont comparables à ceux montrés par
[BERNARD-GRANGER 2007, BERNARD-GRANGER 2008] sur d’autres
céramiques : la trajectoire de frittage densité – taille de grain n’est pas modifiée par les
conditions de frittage. Ce résultat n’ouvre donc pas de perspectives d’optimisation des
cycles de frittage.

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Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

III Séparation des étapes de transformation et de frittage

Dans le paragraphe I, nous avons montré qu’il était possible, partant de


l’alumine de transition, d’obtenir des échantillons d’α-Al2O3 présentant une taille de
grains ~30 nm et possédant une très bonne densité (58%). Ces échantillons obtenus
peuvent être considérés comme des ‘crus’ d’α-Al2O3. Nous avons essayé d’étudier la
densification de ce type d’échantillons, toujours dans l’espoir d’améliorer le rapport
densité/taille de grains. Des échantillons coulés ont été donc traités thermiquement à
950°C pendant 150 heures, puis frittés à 5°C/min, jusqu’à :
– 1700°C, pour comparer la courbe de densification obtenue à un frittage
‘classique’, où toute la montée s’effectue à une vitesse constante de
5°C/min (SC-5-1700),
– 1610°C, température pour laquelle la densité est maximale,
– 1265°C, température correspondant à un retrait identique à celui du point
singulier dans le cas d’un échantillon SC-5-1700.

La figure 12 regroupe les courbes de densification obtenues, comparées à celle


de l’échantillon SC-5-1700. Les courbes sont très reproductibles et permettent
d’analyser précisément et comparativement les points A, B, C, D, E et F donnés sur la
figure (12) :
– la densité maximale obtenue (environ 98%) est identique pour les
échantillons ayant subi, ou non, un long isotherme à 950°C (points D et
F). Une légère dé-densification a lieu en fin de frittage (point E). La
photo de la figure 13-D (point D) montre une microstructure comparable
à celles obtenues dans les meilleures conditions pour un frittage à vitesse
constante de 5°C/min (échantillon SC-5-1665, fig.6). Aussi, même si la
transformation a bien été ‘découplée’ du frittage proprement dit, la
microstructure finale est la même que précédemment.
– Après l’isotherme à 950°C (point A), le retrait est très faible (moins de
2%) jusqu’au point C, alors que la température est passée de 950°C à
1265°C. A cette température de 1265°C, la structure est devenue
vermiculaire (fig. 13-C). Ceci est un point capital car il montre que
même si la formation de vermicules est évitée pendant la transformation,
celle – ci se produit pendant le frittage ou la coalescence des particules.

109
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

– Si l’on compare les microstructures obtenues au point B et C (qui


présentent la même densité relative), la formation des vermicules est plus
avancée dans le cas du point C, qui correspond à une plus forte
température. Cette formation de vermicules peut être assimilée au
premier stade du frittage : formation de cous, sans retrait, avec
augmentation de la taille des pores. Cette formation de vermicules est
certainement due à une coalescence, comme nous l’avons souligné
précédemment. Seule une analyse fine en DRX ou une analyse en MET
permettrait de confirmer cette hypothèse de façon formelle.
Le frittage d’un ‘cru’ dense (58%) formé de grains d’α-Al2O3 sphériques et
nanométriques n’a donc ni amélioré la densification, ni modifié la taille de grains (ce
qui peut être considéré comme un ‘échec’ relatif d’un point de vue pratique).
Cependant, ceci nous a permis de découpler la transformation de phase elle même avec
la formation d’une structure vermiculaire. Contrairement aux propositions de la
littérature, la formation de la structure vermiculaire n’apparaît pas systématiquement
pendant la transformation. Elle s’est formée dans ce dernier exemple pendant les
premiers instants du frittage.

0
SC1700
-2 SCiso950-1700
-4 SCiso950-1610
Retrait linéaire (%)

SCiso950-1265
-6 A SCiso950
C
-8 B

-10

-12

-14

-16 D E
-18
F
-20
0 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700
Température (°C)

Figure 12 : Comparaison de l’évolution du retrait en fonction de la température entre un échantillon


d’alumine de transition ayant subi un frittage à 5°C/min (SC-5-1700) et des échantillons ayant subi
une transformation totale en alumine alpha après un isotherme à 950°C/min puis frittage à 5°C/min
(SC-iso950-1700 ; SC-iso950-1610 ; SC-iso950-1265, SC-iso950).

110
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

Figure 13 : Observations MEB des microstructures de l'alumine Nanotek : A) transformée en α après


un isotherme de 950°C, B) transformée en α après frittage jusqu’au 1160°C sans isotherme à 950°C,
C) frittée à 1265 après un isotherme à 950°C, D) frittée à 1610 après un isotherme à 950°C. Vitesse
de chauffe appliquée après l’isotherme est de 5°C/min .

Pour illustrer la difficulté à obtenir une alumine dense à partir d’une poudre
d’alumine de transition, une comparaison de nos résultats de frittage avec ceux
obtenus en utilisant une autre poudre d’α-Al2O3 (Taimei, TM DAR), de taille de grains
moyenne de 150 nm et mise en forme par coulage en barbotine, nous a semblé
intéressante. La figure 14 représente les vitesses de densification de l’alumine α
(Taimei), de l’alumine de transition NanoTEK lors d’un frittage ‘classique’ (SC-5-
1700) et d’un ‘cru’ α-Al2O3 nanométrique obtenu après l’isotherme à 950°C à partir de
la poudre Nanotek.

111
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

0,020

SC1700
SCiso950-1700
0,015 Taimei
d(∆L/L)/dt (s-1)

0,010

0,005

0,000
0 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1500 1600 1700

Température (°C)

Figure 14 : Comparaison de la vitesse de densification en fonction de la température des différentes


alumines : alumine de transition (SC-5-1700), alumine alpha obtenue après transformation de phase
d’une alumine de transition par un traitement thermique à 950°C (SC-iso950), une alumine α
commerciale (Taimei).

La figure 14 confirme que le traitement thermique à 950°C n’a pas d’influence


significative sur la densification de l’alumine de transition (même si il joue un rôle sur
la transformation elle même) et que l’alumine Taimei se densifie à plus basse
température (alors que la densité initiale est plus faible et que la taille initiale de grains
est plus forte). Ces résultats sont malheureusement comparables aux études de Kwon
et al. [KWON 2000] qui ont comparé le frittage d’une boehmite (dopée ou mélangée
avec des particules alpha) et d’une alumine en sa phase stable alpha. La formation des
vermicules, qu’elle ait lieu pendant ou postérieurement à la transformation, est à
l’origine de cette moins bonne densification.

112
Chapitre 4 – Influence des paramètres de frittage sur les transformations de phase, la densification et la microstructure

IV Bilan

Le suivi des transformations de phase et les conséquences de ces


transformations sur la microstructure ont été étudiés. Nous avons montré que la
formation de la structure vermiculaire, dont la présence gêne la densification, peut être
évitée pendant la transformation. Cela est possible par un traitement thermique à basse
température (950°C) sur un cru coulé, qui grâce à son empilement homogène permet le
réarrangement des particules qui facilite la transformation. De plus, nous avons montré
qu’aucun grossissement des grains n’est observé suite à la transformation en α-Al2O3.
Un ‘cru’ en α-Al2O3 avec une densité élevée (58%) et une taille de particules petites de
~30 nm (identique à la taille initiale de la poudre) a été obtenu. Nous avons donc réussi
à découpler transformation et frittage/coalescence et donc éviter la formation des
vermicules. Cependant, le frittage de ce ‘cru’ passe également par la formation d’une
structure vermiculaire. Cette forme vermiculaire résulte d’une coalescence ou du
frittage des particules en fin ou après la transformation.
Le frittage de l’alumine α sous forme de vermicules ou sous forme de petites
particules (~30nm) donne une structure ayant une densité finale de 98% avec une taille
de grains de 2 µm, équi-axes et homogènes quel que soit le chemin de frittage
parcouru.

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