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Catherine Bruneau
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/ OPINIONS
financiers : ce que nous devons aux lauréats
du prix Nobel 2013, Eugene Fama, Lars Peter
Hansen et Robert Shiller
• DÉBATS
Catherine Bruneau1
Dans cet article, nous examinons l’apport des travaux des trois lauréats du prix Nobel
2013 concernant la question de la formation des prix des actifs financiers. Nous faisons
principalement référence à la propriété d’efficacité des marchés financiers dans la
transmission de l’information par les prix et plus particulièrement à la question de la
prévisibilité des rendements associés. Nous rappelons d’abord la formalisation de la
propriété d’efficience qui revient à Fama [1970] et nous proposons un panorama des
nombreuses études empiriques qui se sont développées dans la décennie qui a suivi,
en présentant, à titre d’illustration, quelques unes d’entre elles, portant essentiellement
sur la prévisibilité des rendements de court-terme qui se révèle très limitée. Puis, nous
rappelons comment, en 1981, Shiller a remis en question l’efficience informationnelle
des marchés financiers à partir du constat empirique du phénomène de « volatilité
excessive » des prix par rapport aux fondamentaux, suscitant à son tour de nom-
breuses études portant cette fois sur la prévisibilité des rendements de long-terme.
Nous présentons alors les deux voies de recherche qui se sont développées par la
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In this paper we examine what the study of asset pricing owes to the latter Nobel 2013
laureates’ seminal contributions. We mainly refer to the efficiency of the financial mar-
kets in transmitting information through the prices and, more specifically, to the pre-
dictabilty of asset returns. We first recall the concept of market efficiency formulated by
Fama in 1970 and we give an overview of the numerous empirical studies about this
concept during the ten years after this contribution and more precisely on the predict-
ability in short run returns. Typically these methods find very modest predictability.
Then we recall how Shiller questioned the efficiency property in 1981, by pointing out
the “excess volatility” of prices compared to the one of the fundamentals and how this
finding inspired many empirical studies on the predictability in long run returns. Both
Fama and Shiller and many others discovered that such predictability becomes an
important and even the dominant influence on longer-run movements in asset prices.
Two main strands of research have thus followed. Broadly speaking, Fama believes that
asset price movements can be understood using economic models with rational inves-
tors, whereas Shiller does not. Indeed the first strand advocated by Fama consists in
improving the models explaining the pricing of financial assets while maintaining the
rational expectation hypothesis; using the econometric method of GMM introduced by
Hansen [1982] is thus decisive to test the non linear constraints implied by these
models. On the other side, Shiller helped to launch the strand of resarch related to
behavioral finance, and investigated, as well as Hansen and others, deviations from
rational expectations.
Comprendre la formation des prix sur les marchés financiers, tel est le
thème de recherche qui a été récompensé par le prix Nobel attribué en 2013
aux trois économistes Eugene Fama, Lars Peter Hansen et Robert Shiller.
Ce thème de recherche n’est certainement pas épuisé mais les travaux de
ces trois économistes ont constitué des contributions majeures, tant théo-
riques qu’empiriques, à la compréhension du fonctionnement des marchés
financiers en mettant en évidence un certain nombre de caractéristiques
empiriques régulières des processus de prix et en proposant des facteurs
explicatifs plausibles de ces caractéristiques.
Plus précisément, la question centrale qu’ils ont abordée est de savoir si
on peut prévoir l’évolution future des prix des actifs financiers. Cette ques-
tion est évidemment au cœur de nombreux processus de décision, tant au
niveau individuel – qu’ils s’agissent de projets d’investisseurs professionnels
ou de décisions d’épargne des ménages – qu’au niveau macroéconomique,
puisqu’il est désormais bien établi que l’évolution des marchés financiers a
des répercussions majeures sur l’économie réelle des pays, en termes
d’investissement, de consommation ou d’endettement, en particulier à la
suite de bulles ou de crashs.
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2. Efficience informationnelle
des marchés financiers :
noyau théorique
En 1953, Kendall étudia le comportement des changements hebdoma-
daires des cours de 90 indices actions, du prix du coton à New York et du
prix du blé à Chicago. Après une étude des corrélations, il concluait :
« The series look like a wandering one, almost as if once a week the
Demon of Chance drew a random number from a symmetrical population of
fixed dispersion and added it to the current price to determine the next
week’s price ».
La conclusion de Kendall avait été suggérée auparavant par Working
[1934] et elle sera soulignée par la suite par Robert [1959]. Cependant, les
conclusions de ces trois auteurs étaient basées sur des observations et
aucun d’entre eux ne proposa d’explication économique à ses conclusions.
Osborn [1959] suggéra que des conditions de marché analogues à celles
décrites par Bachelier [1900] pourraient expliquer le comportement de mar-
che aléatoire. Mais dans ces différentes approches, l’indépendance des
changements de prix successifs est dérivée de l’hypothèse selon laquelle les
décisions des investisseurs relatives à un titre sont indépendantes d’une
transaction à l’autre, ce qui n’est pas usuel dans un modèle économique.
En 1965, Fama a proposé une formalisation économique de la question de
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E 共 Pi, t + 1 /It 兲
Pi, t = [2]
1 + E 共 ri, t + 1 /It 兲
Pi, t + 1 − Pi, t
3. Le taux de rendement « hors dividendes » est défini par : ri, t + 1 = .
Pi, t
4. 兵 ∀i, E 共 ri, t + 1 /It 兲 = rF, t + 1 其 ⇔ 兵 ∀i, E 共 ri, t + 1 − rF, t + 1 /It 兲 = 0 其 où rF, t + 1 désigne le taux de
rendement du titre sans risque F (free-risk) entre les dates t et t + 1.
où 共 eit 兲t est un bruit blanc fort, c’est-à-dire une suite de variables centrées
indépendantes et de même loi et ci 7 05.
Dans ce cas, on peut approcher les taux de rendement par les différentiels
des logarithmes de prix successifs, s’ils sont petits devant 1, ce qui est le
plus souvent le cas :
∀t, E 共 log 共 Pi, t + 1 兲/Pi, t + 1 兲 = log 共 Pi, t 兲 + E 共 ei, t + 1 /Pi, t + 1 兲 = log 共 Pi, t 兲
où rF, t + 1 est le taux de rendement du titre sans risque entre les dates t et
t + 1, ri, t + 1 celui du titre i calculé à partir des prix des dates t et t + 1 et des
versements intermédiaires entre les deux dates, comme les dividendes dans
le cas d’une une action. Et 共 . 兲 désigne l’espérance conditionnelle, covt 共 ., . 兲
la covariance conditionnelle sachant l’information disponible à la date t et
Mt + 1 est le facteur d’actualisation stochastique entre les dates t et t + 1.
Un actif dont on attend un rendement bas lorsque le facteur M – i.e. la
valeur de la monnaie – est élevé et vice-versa, doit avoir (a) une prime de
risque relativement plus élevée (la covariance anticipée est négative).
La modélisation du rendement anticipé est donc ramenée à la spécifi-
cation du facteur d’actualisation stochastique M 共 . 兲.
Par exemple, dans le cas du modèle CCAPM (Consumption Capital Asset
Pricing model), ce facteur a pour expression :
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8. Une marche aléatoire forte, associée à un bruit blanc fort, vérifie les propriétés d’une
marche aléatoire faible, associée à un bruit blanc faible mais la réciproque n’est pas vraie,
l’indépendance impliquant l’absence de corrélation, mais pas l’inverse, sauf lorsque le bruit
blanc est gaussien.
Fama, Fisher, Jensen, et Roll [1969] trouvent que l’information sur les
paiements futurs de dividendes contenue dans les segmentations d’actions
est reflétée en moyenne par les prix. Ball et Brown [1968] obtiennent des
conclusions semblables en ce qui concerne l’information contenue dans (i)
les annonces des bénéfices annuels (ii) les nouvelles émissions d’actions.
On peut considérer que les différents types d’information considérés dans
ces études sont en nombre limité mais ils correspondent aux événements
les plus significatifs.
Certaines études examinent aussi les effets des offres publiques. Par
exemple, en ce qui concerne les offres publiques de rachat, Keown et Pin-
kerton [1981] constatent une appréciation de la société cible dans la mesure
où le prix de l’offre est supérieur au dernier cours coté de ce titre mais
trouvent un bilan mitigé de l’opération selon qu’elle engendre des synergies
profitables ou au contraire augmente la prise de risque.
On citera aussi les études qui consistent à étudier l’impact de « news » en
identifiant des rendements dits « anormaux », c’est-à-dire si des écarts au
consensus de marché et en examinant les ajustements des cotations, à
l’occasion de ces nouvelles. Le consensus est la moyenne des anticipations
des analystes et l’écart est généralement mesuré entre le rendement
observé de l’actif et un rendement espéré déduit d’un modèle, par exemple,
le MEDAF.
Les études d’impact de nouvelles sont multiples puisqu’elles se réfèrent
chacune à un événement particulier.
Cooper et al. [2001] étudient par exemple l’impact d’une annonce de chan-
gement de nom, avec passage à une adresse internet, sur les rendements
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Les résultats des tests précédents de l’efficience semi forte sont contras-
tés. Si on examine l’effet d’informations renouvelées régulièrement, il sem-
ble qu’ils ne remettent pas en question l’hypothèse. Par contre, on observe
que des événements exceptionnels et l’information associée peuvent être à
l’origine de rendements « anormaux » pendant une durée relativement limi-
tée après l’événement.
Le deuxième mode d’analyse de l’efficience semi-forte consiste à étudier
les stratégies des gestionnaires de portefeuille et à examiner si certaines
d’entre elles permettent de battre le marché.
10. Book-to-Market : rapport de la valeur comptable (somme des valeurs de tout ce qui
appartient à l’entreprise donc de tous les actifs inscrits dans les comptes de la société
déduits des amortissements et des éventuelles dépréciations) à la valeur de marché (déduite
de la valeur des actions émises).
4. Efficience informationnelle
et prévisibilité des rendements
à long-terme : l’apport de Shiller
[1981]
A la fin des années 70, l’impossibilité de prévoir les rendements des actifs
financiers à des horizons de court terme faisait l’objet d’un consensus assez
large. Ce résultat pouvait laisser penser qu’il n’y avait aucun espoir à pou-
voir prévoir des rendements à des horizons de long-terme, associés par
définition à un incertitude plus grande.
Cependant, des analyses empiriques ont révélé que cette conjecture était
incorrecte. Parmi celles-ci, les études de Shiller ont été déterminantes. Elles
ont en effet contribué à remettre en question l’imprévisbilité des rendements
et surtout l’hypothèse de constance des rendements espérés.
Avant 1980, la plupart des analystes financiers pensaient en effet que les
annonces relatives aux dividendes constituaient un facteur explicatif majeur
des fluctuations des marchés boursiers. Shiller, en 1981, remettait en ques-
tion ce point de vue dans son article intitulé :
« Do stock prices move too much to be justified by subsequent changes in
dividends ? »
Considérant que, dans un marché sans opportunité d’arbitrage, le prix doit
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Pi, t = Et 共 P i, t + 1 兲
*
où
P i, t + 1 =
*
冋兺
j=1
∞
m 共 t, t + j 兲Di, t + j 册
m 共 t, t + j 兲 désigne le facteur d’actualisation – aléatoire – entre les dates t et
t + j et Di, t + j les dividendes – aléatoires – versés à la date t + j.
Dans ce cas, l’efficience du marché signifie que le prix courant doit être égal
à l’espérance de la valeur fondamentale P i,* t + 1 (ou valeur d’équilibre). Par défi-
nition de l’espérance conditionnelle, l’écart P i,* t + 1 − Et 共 P i,* t + 1 兲 = P i,* t + 1 − Pi, t
est non-corrélé à l’information utilisée pour anticiper P i,* t + 1 de sorte que l’on
attend une variance plus élevée pour le prix observé que pour la valeur fonda-
mentale :
puisque
P i, t + 1 = Et 共 P i, t + 1 兲 + 共 P i, t + 1 − Et 共 P i, t + 1 兲 兲
* * * *
soit
P i, t + 1 = Pi, t + 共 P i, t + 1 − Pi, t 兲
* *
Fama et Bliss [1987] ou Campbell et Shiller [1991] ont ainsi mis en évi-
dence le pouvoir prédictif de la pente de la courbe des taux du trésor amé-
ricain lorsqu’on prévoit les rendements futurs des obligations, quelle que
soit la maturité considérée. Campbell [1987] et Fama et French [1989] ont
par ailleurs montré que la structure par terme des taux permettait de prévoir
les rendements des actions à moyen et long-terme.
Ces résultats de prévisibilité rejettent évidemment l’hypothèse d’efficience
stricto sensu même si on peut considérer que les résultats des études utili-
sant notamment la théorie de la cointégration valident une efficience de
« long terme » associée à une rationalité « fondamentaliste ». En effet, le
principe de ces études consiste à valider une propriété de cointégration
entre un prix et une valeur fondamentale bien choisie, par exemple, entre le
cours de l’indice Standard and Poors et une fonction des dividendes et d’un
taux d’intérêt (Bruneau et al. [2000]). Cette propriété signifie que le prix et la
valeur fondamentale ne s’écartent jamais durablement : un écart positif,
indiquant une surévaluation de l’actif, (respectivement négatif, indiquant
une sous-évaluation) entraîne une correction du prix à la baisse (resp. à la
hausse) en vertu d’un mécanisme à correction d’erreur. En considérant que
l’information intégrée dans les anticipations est constituée des fondamen-
taux jugés pertinents, on peut conclure que les prix reflètent « à long-
terme » l’information sur les fondamentaux.
Dans tous les cas cependant, la part de variance des rendements expli-
quée par les fondamentaux reste limitée. L’article de Shiller [1981] a donc eu
un retentissement important en faisant apparaître la volatilité excessive des
cours des titres comme un phénomène « pathologique » ; partant du prin-
cipe de rationalité, il devenait improbable d’expliquer le niveau de volatilité
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5. Développements récents
sur l’analyse de la formation
des prix des actifs financiers
E 冉兺
∞
j=0
j
冊
b u 共 ct + j 兲/It
Pi, t = bE 冋 u′ 共 ct + 1 兲
u′ 共 ct 兲
. 共 Pi, t + 1 + Di, t + 1 兲/It 册
On retrouve ainsi comme facteur d’actualisation stochastique :
u′ 共 ct + 1 兲
Mt + 1 = b qui est le taux marginal de substitution entre la consom-
u′ 共 ct 兲
mation d’aujourd’hui et celle de demain.
Lorsque la consommation est faible, en période de récession, l’utilité mar-
ginale correspondante est élevée (la dérivée de u est décroissante en vertu
de l’aversion au risque traduite par la concavité de la fonction d’utilité) et le
taux marginal de substitution est faible (et inversement dans le cas de pério-
des d’expansion). Ces variations pourraient expliquer la prévisibilité de long
terme des rendements dès lors que les agents sont adverses au risque et
que l’on est capable de prévoir les changements de leur comportement de
consommation en fonction de la conjoncture économique.
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1 = bE 冋 u′ 共 ct + 1 兲
u′ 共 ct 兲
.Ri, t + 1 /It 册
D’où l’on peut déduire les équations : E 冋冉 b
u′ 共 ct + 1 兲
u′ 共 ct 兲
冊册
.Ri, t + 1 − 1 /It = 0
La variable 冉 b
u′ 共 ct 兲
u′ 共 ct + 1 兲
冊
.Ri, t + 1 − 1 peut être vue comme une erreur de
prévision à l’horizon d’une période et, sous l’hypothèse d’anticipations
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rationnelles, cette erreur doit être sans corrélation avec toute information
disponible à la date t, donc avec toute variable contenue dans l’ensemble
d’information It ; par suite, pour toute variable Zj, t contenue dans le système
d’information It, et pour tout titre i, on doit avoir la condition « d’orthogo-
nalité » (ou non-corrélation) suivante :
E 冋冉 b
u′ 共 ct + 1 兲
u′ 共 ct 兲
冊册
.Ri, t + 1 − 1 Zj, t = 0
E 关 g 共 Xt , h 兲 兴 = 0
où W est une matrice de poids, définie positive, estimée par un estimateur bien choisi, W | n,
soit :
h| = Argminh ∈ H 冋1 n
n i兺
=1
册 冋
g 共 Yi, h 兲 ′ W |n
1
n i兺
n
册
=1
g 共 Yi, h 兲
L’estimation se fait en deux étapes ; on estime d’abord par h| 共 1 兲 obtenu en minimisant
l’expression précédente avec W | n = Id (matrice identité) ; puis on estime W | n par :
W|n = 冋1 n
ni=1兺 册
g 共 Yi, h| 共 1 兲 兲g 共 Yi, h| 共 i 兲 兲′
−1
gi, j 共 Xt, h 兲 = 冉b
u′ 共 ct + 1 兲
u′ 共 ct 兲
冊
.Ri, t + 1 − 1 Zj, t
1 − c兲
u″ 共 c 兲
u共c兲 = c共 /共1 − c兲 ⇔ − =c
u′ 共 c 兲
Les paramètres qui doivent être estimés sont b et c ; les variables « instru-
mentales » Zj, sont les rendements retardés des différents titres. Aucune
hypothèse n’est requise concernant la spécification des processus puisque
l’estimation est réalisée en considérant les traductions empiriques des
contraintes d’orthogonalité :
兺 冋b 冉c 冊 册
T ct c
1
Ri, t + 1 − 1 Rj, t − k = 0
T t=1 t+1
Le modèle CCAPM doit être rejeté sans qu’il faille pour autant remettre en
question l’idée selon laquelle les rendements attendus doivent être plus
élevés dans les périodes de conjoncture difficile, lorsque la consommation
est faible. Différentes études empiriques faisant intervenir des variables
explicatives liées aux conditions du cycle économique pour prévoir les ren-
dements ont effectivement validé cette idée. Fama et French [1989] par
exemple ont montré que les évolutions des rendements boursiers sont liées
à celles des rendements obligataires et que la prime de terme (ou pente de
la courbe des taux) a un pouvoir prédictif des rendements des actions,
au-delà du ratio dividende/prix. Lettau et Ludvigson [2001] ont monté quant-
à-eux que le ratio consommation/richesse avait un pouvoir prédictif propre,
au-delà de celui de la prime de terme et du ratio dividendes/prix.
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Le problème d’un modèle tel que le CCAPM tient au fait que la covariance
qu’il génère entre la consommation et les rendements d’actifs financiers
n’est pas assez élevée pour produire une prime de risque et une volatilité
suffisantes de ces actifs, par rapport à celles qui sont effectivement mesu-
rées.
Ces résultats ont conduits de nombreux chercheurs à proposer des nou-
veaux modèles capables de générer des primes de risques et des volatilités
plus réalistes.
Pour certains, le fait que le taux marginal de substitution et l’aversion au
risque soient déterminés par un seul et même paramètre ( c dans le modèle
CCAPM) constitue une simplification abusive. Epstein et Zin [1989] ont ainsi
introduit des préférences autorisant une séparation des caractérisations de
l’aversion au risque et du taux de substitution. Bansai et Yaron [2004], utili-
sant la classe des préférences introduites par Epstein et Zin [1989], ont
proposé un modèle où les processus de consommation et de croissance des
dividendes ont une petite composante persistante (donc prévisible à long-
terme) et où la volatilité de la consommation varie dans le temps, de sorte la
prime de risque et la volatilité des rendements des actifs déduites du
modèle deviennent plus proches de celles qui sont effectivement observées.
Une deuxième approche a consisté à modifier les préférences de façon à
introduire des effets d’habitude (Deaton [1992]) en faisant dépendre l’utilité
du consommateur non seulement du niveau absolu de la consommation
mais aussi du changement de ce niveau. On peut citer à ce propos les
études de Sundaresan [1989], Constantinides [1990] ou Abel [1990], qui
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Les propositions les plus récentes pour étudier la formation des prix sur
les marchés financiers sont relatives à la caractérisation de la rationalité des
intervenants. De fait, c’est par leurs comportements et leurs choix que les
agents contribuent à la formation des prix.
On trouve parfois dans littérature la distinction entre la « rationalité fonda-
mentaliste » qui concerne l’anticipation de la distribution statistique des fon-
damentaux, la « rationalité financière » qui consiste à maximiser l’espérance
d’utilité de la richesse (selon l’axiomatique de Von Neumann et Morgens-
tern) et la « rationalité stratégique » qui prend en compte l’opinion (même
irrationnelle) des autres investisseurs (Orléans [2004]).
C’est l’étude de ce dernier type de rationalité, qui correspond aux propo-
sitions les plus récentes. Parmi celles-ci, on peut citer la « Noise Trader
Approach » qui suppose qu’il existe plusieurs types d’investisseurs :
— les investisseurs ignorants (« noise traders »), non fondamentalistes,
non stratèges, qui ont des anticipations irrationnelles, peuvent suivre des
signaux faux et adopter des règles stratégiques « irrationnelles » (en
s’appuyant, par exemple, sur une analyse technique) ;
— les arbitragistes rationnels (fondamentalistes) qui sont fondamenta-
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U 共 W 兲 = p 共 p 兲v 共 x ; C 兲 + p 共 q 兲v 共 y ; C 兲
E 共 U 共 W 兲 兲 = pu 共 W0 + x 兲 + qu 共 W0 − y 兲
7. Conclusion
convaincu de bien fondé de cette hypothèse, malgré les études assez nom-
breuses qui ont pu la remettre en question. Réexaminant l’impact des ano-
malies des marchés des actions sur l’efficience des marchés en 1998, il
conclut que l’hypothèse d’efficience des marchés résiste aux anomalies
mises en avant par la littérature. D’après lui, il existe en effet autant de
phénomènes de sur-réactions que de sous-réactions apparentes de même
que la prolongation des rendements anormaux avant et après événement
est aussi fréquente que le retournement. De plus, ces anomalies apparentes
s’expliquent, selon lui, par des problèmes de mesure et disparaissent si la
méthodologie est adaptée.
Cependant, il insiste aussi sur le fait qu’il ne faut pas considérer la ques-
tion comme fermée. En particulier, il suggère des pistes d’investigation tel-
les que le développement et le test de modèles de marchés en équilibre en
avenir incertain. Il est en effet crucial, d’après lui, de mieux comprendre le
processus de génération des rendements d’équilibre afin d’avoir un cadre
d’analyse plus riche pour développer des tests plus discriminants de l’hypo-
thèse d’efficience sur des marchés de titres différenciés.
On ne peut qu’être d’accord sur ces recommandations d’approfondisse-
ment, que ce soit sur le plan de la théorie économique ou sur le plan de la
mesure statistique. Sans prendre une position tranchée sur son bien-fondé,
on doit considérer que l’hypothèse d’efficience est une hypothèse de travail
intéressante lorsqu’on se confronte à la complexité du fonctionnement des
marchés financiers.
Si on conserve le cadre classique d’analyse, il est important de mener des
études statistiques de manière rigoureuse, en spécifiant de manière précise
la contrainte testée et son lien logique avec l’hypothèse d’efficience. Plus
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titres sont surpayés et donc engendrent des rentabilités faibles, mais ils sont
aussi très volatils. La relation rentabilité/risque peut être alors inversée.
Il est donc important que la Finance comportementale continue à appro-
fondir l’analyse et la représentation du comportement des investisseurs.
Mais au-delà d’une description plus pertinente des comportements, il est
aussi essentiel d’étudier les conséquences de comportements « biaisés » sur
les prix et les rentabilités des actifs financiers. Comprendre ces consé-
quences est décisif pour l’exploitation des richesses véhiculées sur les mar-
chés financiers, à des fins d’épargne ou d’investissement, sans oublier
l’objectif d’une réglementation efficace pour éviter les défaillances graves
des marchés qui peuvent entraîner des périodes d’appauvrissement intolé-
rable. Alors on pourra peut-être plus sereinement parler d’efficience des
marchés financiers.
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