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LE CORPS DES DIEUX DANS LES MONDES GREC ET ROMAIN : BILAN

HISTORIOGRAPHIQUE

Sylvia Estienne, François Lissarrague

Presses universitaires de Franche-Comté | « Dialogues d'histoire ancienne »

2015/Supplement14 S 14 | pages 19 à 30
ISSN 0755-7256
ISBN 9782848675268
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Dialogues d’histoire ancienne supplément 14, 2015

Le corps des dieux dans les mondes grec et romain :


bilan historiographique

Sylvia Estienne
ENS Paris/UMR 8210
sylvia.estienne@ens.fr
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François Lissarrague
EHESS/UMR 8210
francois.lissarrague@ehess.fr

Les dieux ont-ils un corps ? Voilà un sujet dont on discute depuis bien longtemps,
notamment dans le cadre des religions du monde occidental, prises entre la nécessité de
donner une forme au divin et celle de le soustraire au monde humain. Dans les différentes
disciplines qui constituent de façon ample la sphère des « Classicals studies », de la
philosophie antique à l’ histoire de l’ art, en passant par l’ histoire des religions, le thème
du corps des dieux apparaît depuis près de trois décennies, en mode majeur ou mineur,
dans des enquêtes collectives aussi bien que dans des ouvrages de synthèse.
Point de départ fondateur de ce bilan nécessairement sélectif, le colloque Corps
des dieux, publié en 1986 par Charles Malamoud et Jean-Pierre Vernant1, relevait
d’ une approche nouvelle des polythéismes antiques, empruntant à l’ anthropologie et
revendiquant une perspective résolument comparatiste. Les dieux grecs et romains
y étaient analysés en résonance avec ceux de Babylone, de l’ ancienne Égypte, mais
également de l’ Inde, de la Chine ou de l’ Afrique. Constamment réédité, l’ ouvrage reste
un point de référence pour les spécialistes des religions antiques, comme l’ attestent
encore récemment les journées doctorales organisées les 20 et 21 juin 2013 à Genève sur
le thème Corps des dieux, images divines.
Dans l’ introduction générale du volume, Jean-Pierre Vernant invitait à un retour
utile sur les questionnements modernes, en partant d’ une anecdote racontée par Maurice
Leenhardt ; alors que le pasteur ethnologue pensait avoir apporté aux Calédoniens la
1 
Charles Malamoud, Jean-Pierre Vernant (dir.), Corps des dieux, Paris, 1986 ; rééd. Folio histoire, Paris, 2003.

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20 Sylvia Estienne, François Lissarrague

notion d’ esprit, ces derniers lui répondirent que c’ était bien plutôt la conscience du
corps que leur avait appris le discours chrétien, un corps certes marqué par le péché,
mais plus généralement « le corps comme base organique de l’ individualité humaine,
un corps singulier pour chacun et qui, couplé à l’ âme, marque la personne et engage
son destin religieux »2. Fort de ce préalable, Vernant invitait à chercher une autre
façon de concevoir le corps en Grèce ancienne3, dégagée du carcan des représentations
modernes, afin de mieux comprendre le rapport aux dieux ; pour ce faire, il proposait de
repenser différemment l’ antinomie entre corps humain et corps divin à partir de quatre
thématiques :
- Corps mortel/corps immortel : comment résoudre la contradiction entre un
corps périssable et le divin impérissable ?
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- Corps visible/corps invisible : comment rendre sensible les signes d’ une présence,
d’ une action divine ?
- Le corps comme forme : comment rendre l’ individualité des dieux sans les
enfermer dans « les frontières bornées d’ une forme particulière » ?
- Le corps enfin comme choix pour la figuration du divin, entre anthropomorphisme
et aniconisme.
Ce vaste champ programmatique est finalement resté très largement en friches,
même si certains sillons ont été sans doute plus labourés que d’ autres.

Corps humains vs corps divins : une question de perspectives


Un des premiers défis envisagés par ce colloque fondateur était donc d’ explorer les
rapports entre corps humain et corps divin, certes sur le mode de l’ analogie, mais pour
mieux dégager l’ altérité de ce dernier.
Cela supposait d’ abord de mieux comprendre le rôle et la perception du corps dans
l’ Antiquité. Or, si ces questions ont connu un fort renouvellement dans les deux dernières
décennies, dans les nombreuses publications qui en sont issues, le « corps des dieux »
reste envisagé de façon discrète, voire périphérique. Ainsi, dans le volume Corps romains
édité en 2002, seul l’ article de José Kany-Turpin, consacré à la perception du corps dans la
poésie de Lucrèce, et notamment à la place spécifique du visage, aborde in fine la question

2 
Ibid., p. 11.
3 
Cf. par exemple l’ exposé de Francis Prost, « Vernant face au dieu grec : retour sur le corps des dieux », à l’ occasion du
colloque Relire Jean-Pierre Vernant, organisé en 2008 par le Collège de France, l’ EHESS et l’ EPHE, accessible sur le site
du collège de France (http://www.college-de-france.fr/site/jean-pierre-vernant/symposium-2008-10-10-16h30.htm).

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Le corps des dieux dans les mondes grec et romain : bilan historiographique 21

de la figure des dieux4. Des trois volumes publiés à Rennes entre 2006 et 2008 dans les
Cahiers d’ histoire du corps antique5, c’ est surtout dans celui consacré à L’ expression des
corps qu’ apparaissent les corps divins, pensés moins dans leur spécificité que dans la
thématique générale des corps en action, à quelques exceptions près6. Ce constat peut être
étendu à la plupart des publications récentes, notamment anglo-saxonnes sur le thème du
corps antique, qui, privilégiant des approches thématiques, portent pour l’ essentiel sur le
corps humain et n’ envisagent que ponctuellement les corps divins, dans un strict rapport
d’ analogie. Ainsi Robin Osborne consacre-t-il dans un livre récent sur l’ histoire du corps
en Grèce un chapitre entier aux corps des dieux7 ; celui-ci reste néanmoins limité à la
question très classique de la figuration anthropomorphique du divin, depuis les dieux
trop humains d’ Homère jusqu’ aux canons de la statuaire classique. De ce point de vue,
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au croisement entre histoire du corps et histoire l’ art, le petit livre de Michael Squire sur
le corps dans l’ art antique présente de façon utile et synthétique un chapitre qui résume
bien les grands problèmes posés par le corps des dieux pensé en tant qu’ image8.
C’ est effectivement dans la perspective de la figuration plutôt que dans celle du
corps que la question du corps des dieux a été le plus souvent abordée. Or il faut replacer
cette question dans un débat plus large qui se développe depuis le début des années 2000
surtout, et tend à revenir sur la place de l’ histoire de l’ art par rapport à une anthropologie
de l’ image. Du côté de l’ anthropologie de l’ image, les travaux de Jean-Pierre Vernant,
et autour de lui de Jean-Louis Durand, d’ Alain Schnapp, de Françoise Frontisi et
François Lissarrague, ont été largement repris, et élargis, notamment par Hans Belting
pour le Moyen Âge9. Il s’ agit de montrer entre autres qu’ il y a une histoire de l’ image avant

4 
José Kany-Turpin, « Un point de vue latin dans le De rerum natura ? », dans Philippe Moreau (éd.), Corps romains,
Grenoble, 2002, p. 267-287.
5 
Lydie Bodiou, Dominique Frère, Véronique Mehl (dir.), L’ expression des corps. Gestes, attitudes, regards dans
l’ iconographie antique, Rennes, 2006 ; Francis Prost, Jérôme Wilgaux (dir.), Penser et représenter le corps dans l’ Antiquité,
Rennes, 2006 ; Véronique Dasen, Jérôme Wilgaux (dir.), Langages et métaphores du corps dans le monde antique, Rennes,
2008 ; voir également Marie-Hélène Garelli, Valérie Visa-Ondarçuhu (dir.), Corps en jeu. De l’ Antiquité à nos jours,
Rennes, 2010.
6 
Cf. par exemple Francis Prost « Gestes des hommes, gestes des dieux. La représentation des gestes dans la plastique
grecque archaïque et classique » qui ouvre le volume L’ expression des corps… cit. à la note précédente, p. 25-37.
7 
« Godsbodies », dans The History Written on the Classical Body, Cambridge, 2011, p. 185-215.
8 
The Art of the Body. Antiquity and its Legacy, Londres-New York, 2011, en part. le chapitre V, « On gods made men
made images », p. 154-200.
9 
Bild und Kult. Eine Geschichte des Bildes vor dem Zeitalter der Kunst, Munich, 1990, trad. française : Image et culte.
Une histoire de l’ image avant l’ histoire de l’ art, Paris, 1998 ; Bild-Anthropologie. Entwürfe für eine Bildwissenschaft, Munich,
2001, trad. française : Pour une anthropologie des images, Paris, 2004.

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22 Sylvia Estienne, François Lissarrague

l’ histoire de l’ art proprement dite, que l’ image donne accès à une certaine perception du
divin avant d’ être regardée comme une œuvre d’ art. Ce postulat a été discuté et nuancé
par la génération suivante, surtout par nos collègues anglo-saxons, également héritiers
de réflexions sur la culture visuelle des Anciens engagées en histoire de l’ art depuis les
années 1980. Deux contributions reviennent ainsi fréquemment dans les débats, celle
de Richard Gordon10, et celle de Jas Elsner11. De ces débats, dans lesquels les références
à la conception du divin et la perception des dieux jouent un rôle important, on ne
retiendra que quelques jalons, comme le livre de Jeremy Tanner12, qui défend un point
de vue intermédiaire, ou, plus récemment encore, le volume édité par Verity Platt et
Michael Squire, qui revient de façon détaillée sur ces problématiques13.
La question de la figuration du divin enfin a également été envisagée du
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côté de l’ histoire des religions et des spécialistes des polythéismes antiques. Deux
questionnements ont été privilégiés ces dernières décennies, l’ un portant sur l’ efficacité
cultuelle des représentations divines, l’ autre sur la construction visuelle du divin.
À Tübingen notamment, dans les années 1980-1990, Burkhard Gladigow avait
ouvert la réflexion à travers plusieurs articles14. Par la suite, dans le cadre d’ une ACI
Jeunes chercheurs consacrée à Image et religion aux débuts des années 2000, plusieurs
contributions ont permis de réévaluer le rôle des images dans les stratégies rituelles,
posant la question de l’ efficience de l’ image divine15. Plus récemment, un volume dirigé
par Joannis Mylonopoulos a réuni spécialistes des religions antiques, archéologues et

10 
« The Real and the Imaginary: production and religion in the Graeco-Roman World », Art history, 2/1, 1979,
p. 5-34.
11 
Voir les contributions reprises dans Roman Eyes: Vision and Subjectivity in Art and Text, Princeton, 2007.
12 
The Invention of Art History in Ancient Greece: Religion, Society and Artistic Rationalisation, Cambridge, 2006.
13 
« The Art of Art History in Graeco-Roman Antiquity », Arethusa, 43/2, 2010, p. 133-340. On notera que la position
“anti-art” trouve sa forme extrême dans le livre de Peter Eich, Gottesbild und Wahrnehmung. Studien zu Ambivalenzen
früher griechischer Götterdarstellungen (ca. 800 v.Chr-ca. 400 v.Chr.), Stuttgart, 2011 (voir cependant le compte rendu
critique de Joannis Mylonopoulos dans BMCR, 26.07.2012).
14 
« Präsenz der Bilder – Präsenz der Götter. Kultbilder und Bilder der Götter in der griechischen Religion », Visible
Religion, 4-5, 1985-1986, p. 114-133; « Epiphanie, Statuette, Kultbild. Griechische Gottesvorstellungen im Wechsel von
Kontext und Medium », Visible Religion, 8, 1990, p. 98-121 ; « Zur Ikonographie und Pragmatik römischer Kultbilder »,
dans H. Keller, N. Staubach (éds), Iconologia sacra. Mythos, Bildkunst und Dichtung in der Religions- und Sozialgeschichte
Alteuropas. Festschrift Karl Hauck, Berlin, 1994, p. 9-24.
15 
Voir « Image et religion. Méthodes et problématiques pour l’ Antiquité gréco-romaine. Le rôle de l’ image divine
dans la définition de l’ espace sacré », MEFRA, 113/1, 2001, p. 175-400 ; Sylvia Estienne, Dominique Jaillard, Natacha
Lubtchansky, Claude Pouzadoux (éds), Image et religion dans l’ Antiquité gréco-romaine, Naples, 2008.

DHA supplément 14
Le corps des dieux dans les mondes grec et romain : bilan historiographique 23

historiens de l’ art autour du thème commun des statues dans le culte16. Parallèlement
enfin, entre 2007 et 2012, le GDRE Figura. La représentation du divin dans les mondes
grec et romain, coordonné par Nicole Belayche a abordé le thème de la construction
visuelle du divin17. Si la question des corps divins n’ est pas au centre de ces différents
programmes, elle n’ en est pas moins sous-jacente dans nombres de contributions.
Trois pistes de réflexion, trois façons d’ envisager le « corps des dieux », se dégagent
plus particulièrement de ces lectures : le corps apparaît d’ abord comme un medium pour
penser le divin ; le corps, perçu à travers ses manifestations matérielles, permet par ailleurs
d’ objectiver une présence divine selon des modalités extrêment variées ; enfin on peut
s’ interroger sur d’ autres façons d’ envisager la « corporéité » des dieux.
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Le corps pour penser les dieux
Comment penser l’ incommensurable, l’ invisible, l’ immortel dans les limites
du corps, imparfait et périssable ? Le débat est ancien, puisque déjà présent dans les
discussions philosophiques dès les Présocratiques. Le retour aux sources, même bien
connues, continue d’ être d’ actualité. Bien souvent mis en exergue, par Vernant et par
d’ autres, deux fameux fragments de Xénophane de Colophon, repris par Clément
d’ Alexandrie18, méritent ainsi d’ être remis en contexte :
Mais les mortels pensent que les dieux sont engendrés, et qu’ ils ont les mêmes vêtements, la
même voix, la même stature qu’ eux.
Un seul dieu suprême parmi dieux et hommes, nullement semblable aux mortels ni par la
forme ni même par l’ esprit.

Ce que permet de faire la toute nouvelle édition proposée par Latitia Reibaud


dans la collection Fragments des Belles Lettres, avec un commentaire qui, pour les aspects
théologiques, emprunte à l’ étude classique de D. Babut19. Autre jalon important, Platon
naturellement ; sans entrer dans l’ abondante bibliographie suscitée par la place de l’ image

16 
Divine Images and Human Imaginations in Ancient Greece and Rome, Leyde-Boston, 2010.
17 
Parmi les rencontres ayant fait l’ objet d’ une publication, on signalera plus particulièrement : Philippe Borgeaud,
Doralice Fabiano (éds), Perception et construction du divin dans l’ Antiquité, Genève, 2013 ; Sylvia Estienne, Valérie Huet,
François Lissarrague, Francis Prost (éds), Figures de dieux. Construire le divin en images, Presses Universitaires de Rennes,
2015.
18 
Stromata, 5, 109 = 2, 399, 19St. = Xénophane, fg. 14 et 23.
19 
Xénophane de Colophon, Œuvre poétique, éd. Laetitia Reibaud, Paris, 2012 ; Daniel Babut, « Sur la théologie de
Xénophane », Revue Philosophique de la France et de l’ étranger, 164, 1974, p. 401-440.

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24 Sylvia Estienne, François Lissarrague

et des dieux dans son œuvre, on signalera une étude de Luc Brisson20, qui explore les
apparentes contradictions du philosophe au sujet de la représentation humaine des
dieux et en dégage des conceptions appelées à se développer par la suite. Si le philosophe
définit les dieux comme des vivants immortels, dotés d’ une âme et d’ un corps, des dieux
corporels qui pourraient s’ accorder avec la mythologie traditionnelle, à ses yeux l’ aspect
physique des dieux ne peut cependant pas être assimilé à celui des hommes, lequel est
soumis au changement.
La critique de la conception épicurienne des dieux par Cicéron dans son traité De
natura deorum offre également un bon aperçu des efforts des intellectuels romains pour
penser cette tension entre figuration corporelle et pensée du divin, comme le montre ce
passage emblématique du livre I :
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Voulant éviter l’ agrégat d’ atomes, dont la conséquence serait la destruction et la dissolution,
(Épicure) dit que les dieux n’ ont pas de corps mais une sorte de corps, pas de sang mais une
sorte de sang (negat esse corpus deorum, sed tamquam corpus, nec sanguinem, sed tamquam
sanguinem) (…) Je comprendrais ce que cela signifie s’ il s’ agissait de figures de cire ou de
terre-cuite. Mais quand il s’ agit de dieu, je ne peux comprendre ce qu’ est une sorte de corps
ou une sorte de sang (hoc intellegerem, quale esset, si in cereis fingeretur aut fictilibus figuris ;
in deo quid sit quasi corpus aut quid sit quasi sanguis, intellegere non possum)21.

Clara Auvray-Assayas, qui a assuré la traduction de ce traité pour la collection La


roue à Livres des Belles Lettres, a également proposé plusieurs études utiles sur la place
des images dans ce débat philosophique entre épicuriens et stoïciens22.
Varron, dont nous ne connaissons l’ opinion sur ce sujet qu’ à travers les citations
que fait Augustin de son traité sur les Antiquités humaines et divines, est un autre témoin
de ces débats ; à ce titre, il est particulièrement sollicité par Cliff Ando qui, à partir d’ une
relecture fine de ces différents textes latins, propose une réflexion stimulante et originale
sur la nature des dieux romains, proposant de substituer à l’ idée de représentations
antagonistes du divin celle d’ une ontologie divine commune, fondée sur une multiplicité
de matérialisations qui ne se réduisent pas à la simple représentation anthropomorphique

20 
Luc Brisson, « Le corps des dieux », dans Jérôme Laurent (éd.), Les dieux de Platon, actes du colloque organisé à
l’ Université de Caen, Basse-Normandie, les 24, 25 et 26 janvier 2002, Caen, 2003, p. 11-23.
21 
De Natura Deorum, I, 71-72, trad. Clara Auvray-Assayas, Les Belles-Lettres, 2002.
22 
« Images mentales et représentations figurées : penser les dieux au Ier siècle av. n. è. », dans Clara Auvray-Assayas
(éd.), Images romaines : actes de la table ronde organisée à l’ École normale supérieure (24-26 octobre 1996), Paris, 1998,
p. 299-310 ; « Modèles anthropologiques romains dans le De natura deorum », Lalies, 14, 1994, p. 207-219.

DHA supplément 14
Le corps des dieux dans les mondes grec et romain : bilan historiographique 25

ou à son refus23. Car les corps divins ne sont pas de simples abstractions, mais également
de véritables objets, dont le statut reste à définir précisément.

Le corps comme « objectivation » des dieux24 : corps divins en images


Penser le corps divin à travers ses représentations anthropomorphiques, dont la
statue est le principal paradigme reste la voie la plus fréquentée. C’ est une bibliographie
que nous évoquerons donc rapidement dans ce deuxième temps. Sur la question des
représentations sculptées perçues non pas dans une perspective traditionnelle de l’ histoire
de l’ art, mais comme un objet quasi anthropologique, deux livres d’ importance inégale
couvrent respectivement le monde grec et le monde romain. Pour le premier, un essai de
Deborah Steiner a fait date25 ; elle y aborde plus que la question des statues de dieux et
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envisage plus largement le problème du statut imaginaire de la statue, surtout à travers
les textes. Pour le monde romain, la synthèse de Peter Stewart replace surtout les statues
dans les pratiques sociales et ne consacre qu’ un chapitre seulement aux statues divines26.
Ces deux ouvrages néanmoins témoignent indirectement d’ un large débat sur la
question de savoir s’ il y a des statues de culte (ou un culte organisé à partir d’ une statue
– ce qui n’ est pas la même chose). Deux ouvrages très différents et presque contemporains
tentent de répondre à la question. Pour Simona Bettinetti, il y a bien une statue de culte ;
elle analyse en ce sens toutes les opérations autour de la statue : sa place dans l’ espace cultuel ;
l’ épiphanie des statues ; les soins qui y sont apportés – bain, vêtement, ornement ; gestes en
direction de la statue – prière, supplication ; transport de la statue ; repas offert à la statue
etc27. Tanja Scheer propose, elle, de dépasser l’ opposition entre la statue cultuelle comme
siège de la divinité et la statue comme simple offrande, au profit d’ une présence divine qui
ne serait pas nécessairement stable et constante dans son rapport à la statue, dans le temps
et l’ espace, mais qui dépendrait de toute une série de données contextuelles, notamment
l’ insertion dans le culte et dans l’ histoire des cités28. L’ introduction de Joannis Mylonopoulos
23 
Clifford Ando, The Matter of the Gods: Religion and the Roman Empire, Berkeley, 2009, en part. ch. 2: « Idols and
Their Critics », p. 21-41 ; « Praesentia numinis. Part 1: The invisibility of gods in Roman thought and language »,
Asdiwal, 5, 2010, p. 45-73; « Praesentia numinis. Part 2: Objects in Roman cult », Asdiwal, 6, 2011, p. 57-69.
24 
Nous reprenons ici l’ expression de Jean-Pierre Vernant, « Corps obscur, corps éclatant », dans Corps des dieux… cit. à
la n. 1, p. 20.
25 
Images in Mind: Statues in Archaic and Classical Greek Literature and Thought, Princeton, 2001.
26 
Statues in Roman Society. Representation and Response, Oxford, 2003.
27 
La statua di culto nella pratica rituale greca, Bari, 2001.
28 
Die Gottheit und ihr Bild. Untersuchungen zur Funktion griechischer Kultbilder in Religion und Politik, Munich, 2000.

DHA supplément 14
26 Sylvia Estienne, François Lissarrague

dans l’ ouvrage déjà cité plus haut fait efficacement le point sur les différentes orientations
récentes et ouvre quelques pistes pour sortir de certaines apories29.
À l’ autre bout de la chaîne, à l’ opposé de l’ anthropomorphisme, on se heurte à
ses limites, avec le problème des images divines non corporelles, déjà explorées en partie
par Françoise Frontisi dans le colloque de 198630. Une ligne suivie par Uta Kron sur
les pierres sacrées31, mais surtout par le livre de Milette Gaifman, beaucoup plus large
et méthodique32. Ce livre magistral montre tout d’ abord que le supposé “aniconisme”
n’ est pas une forme primitive (comme le veut un schéma évolutionniste développé
par Winckelmann et déjà présent chez Pausanias), mais une alternative, minoritaire,
contemporaine des formes les plus anthropomorphiques ; allant plus loin, il montre qu’ il
y a là une forme archaïsante – mais non archaïque – liée à une réflexion sur la nature et
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la figure des dieux.
Un autre débat très actif porte plus largement sur la représentation des statues, pas
seulement celles des dieux, en particulier dans la peinture grecque sur vases. Comment
distinguer le corps vivant de celui de la statue ? Les images de statues permettent en effet de
mettre en évidence la conscience claire d’ une différence entre le dieu et sa statue. La statue
se confond-elle avec le dieu ou n’ est-elle qu’ un relais ? Deux livres parus la même année
sur cette problématique, l’ un allemand, l’ autre italien, apparaissent complémentaires.
Celui de Werner Oenbrink33, centré sur la figuration des dieux, procède essentiellement
par type de divinité et analyse les signes graphiques qui mettent en évidence le caractère
“statuaire” de l’ image ; il discute la relation entre les images de statues et les statues
proprement dites et étudie enfin la fonction et la signification des représentations de
statues sur les vases ; tandis que celui de Monica De Cesare34 s’ inscrit dans un cadre plus
large, puisqu’ il traite de toutes les statues (y compris par exemple celles des tyrannicides) ;
s’ il discute les rapports entre peinture et sculpture, il s’ intéresse également aux formes de
la citation en image et au rôle de la statue dans les représentations figurées. Son approche,

29 
« Divine images versus cult images: An endless story about theories, methods, and terminologies », dans id. (éd.),
Divine Images and Human Imaginations… cit. à la note 16, p. 1-19.
30 
Françoise Frontisi, « Les limites de l’ anthropomorphisme : Hermès et Dionysos », Corps des dieux… cit. à la n. 1,
p. 193-211.
31 
« Heilige Steine », dans Heide von Froning, Tonio Hölscher, Harald Mielsch (éds), Kotinos: Festschrift für Erika
Simon, Mayence, 1992, p. 56-70.
32 
Aniconism in Greek Antiquity, Oxford, 2012.
33 
Das Bild im Bilde. Die Darstellung von Götterstauen und Kultbilder auf griechischen Vasen, Francfort, 1997.
34 
Le Statue in Immagine. Studi sulle raffigurazioni di statue nella pittura vascolare greca, Rome, 1997.

DHA supplément 14
Le corps des dieux dans les mondes grec et romain : bilan historiographique 27

comme le souligne Salvatore Settis dans la préface de l’ ouvrage, est plus orientée par le
questionnement de l’ histoire de l’ art (la transmission des modèles par exemple) que par
les questions d’ histoire des religions.
Notre approche repose encore trop souvent sur le postulat, établi dès l’ Antiquité,
que la figuration corporelle des dieux est fixée par les conventions humaines et par là-
même théoriquement limitée. Comme le rappelle plaisamment le pontife Cotta dans le
dialogue de Cicéron Sur la nature des dieux : « On pourra aussi bien dire que Jupiter est
toujours barbu, Apollon toujours imberbe, que Minerve a les yeux pers et Neptune les
yeux bleus »35 et que c’ est sous les traits donnés par les peintres et les sculpteurs que tout
Romain connaît (et reconnaît) ses dieux. Pourtant l’ examen des sources, notamment
iconographiques, révèle la complexité des processus à l’ œuvre dans l’ élaboration des
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figures de dieux en image et les problèmes d’ interprétation auxquels nous nous heurtons
fréquemment ne sont pas toujours dus à nos seules lacunes. L’ étude de l’ iconographie des
souverains et des héros divinisés est à cet égard un excellent révélateur des conventions,
mais aussi des processus de création qui président à la mise en image de nouveaux dieux,
dépouillés de leurs corps humains36.
D’ où également l’ importance d’ une réflexion connexe sur la question des
“attributs”, de leur définition et leur rapport étroit avec une perception corporelle du
divin. En l’ absence d’ une synthèse pour l’ instant, on peut renvoyer à la contribution de
Joannis Mylonopoulos dans le colloque déjà évoqué37 ou à celle de Gabriella Pironti dans
une récente livraison de Mètis38. La matérialisation des dieux sous la forme contrainte
d’ un corps se révèle finalement un formidable outil pour penser et interroger le divin,
comme le montre par exemple le poème plein de virtuosité que Properce consacre à une
statue de Vertumne, image sans attributs pour une divinité aux multiples identités39.

35  
De natura deorum, I, 83, trad. Clara Auvray-Assayas, cit. à la note 21.
36 
Cf. deux études complémentaires : Emmanuelle Rosso, « Genius Augusti. Construire la divinité impériale en
images », dans Figures de dieux ; Construire le divin en images… cit. à la note n. 17, Rennes, et Anne-Françoise Jaccottet,
« Du corps humain au corps divin : l’ apothéose dans l’ imaginaire et les représentations figurées », dans Perception et
construction du divin… cit. à la n. 17, p. 293-320.
37 
« Odysseus with a trident?—The use of attributes in ancient Greek imagery », dans Divine Images and Human
Imaginations… cit. à la n. 16, p. 171-203.
38 
« Aphrodite à l’ égide ou de la distraction des peintres », Mètis, n.s. 8, 2010, p. 255-275.
39 
Properce, Élégies, IV, 2, v. 1-2 : quid mirare meas tot in uno corpore formas,/ accipe Vertumni signa paterna dei,
« Pourquoi s’ étonner de me voir réunir en un seul corps tant de formes?/ Apprends donc quels sont les atributs ancestraux
du dieu Vertumne » ; sur ce poème, voir Jörg Rüpke, « Der Gott und seine Statue (Prop. 4, 2): Kollektive und individuelle
Repräsentationsstrategien in antiken Religionen », Gymnasium, 116, 2009, p. 121-134 ; Maurizio Bettini, « Vertumnus:

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28 Sylvia Estienne, François Lissarrague

« Corporéité » des dieux : corps divins, corps vivants ?


Ce dernier exemple rappelle que la « corporéité » des dieux grecs et romains ne se
construit pas seulement à travers la matérialité d’ une image, mais peut emprunter d’ autres
voies, comme celle de l’ imaginaire et de la performance poétique. Le corps des dieux n’ est pas
réductible aux seules figures des peintres et des sculpteurs, mais s’ éprouve à travers les différents
registres sensoriels, comme l’ a bien mis en lumière la thèse de Renée Piettre sur les épiphanies
divines transmises par la littérature40. L’ expérience du divin est en effet généralement associée
à différentes perceptions sensorielles, attestant de la supériorité et l’ altérité de ces corps divins,
dont ne subistent que quelques traces, un parfum, un rayonnement, l’ évocation d’ un visage
ou le sentiment d’ une présence. Plus récemment, sur le même thème, le livre exemplaire de
Verity Platt, Facing the gods (que l’ on peut comprendre avec un double sens : « Face aux
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dieux »/« Donner un visage aux dieux)41 a croisé avec brio les questionnements de l’ histoire
des religions, de l’ histoire de l’ art, et de la théorie littéraire et montré l’ importance des processus
épiphaniques dans la culture littéraire gréco-romaine42.
Jean-Pierre Vernant, dans sa contribution au colloque fondateur de 1986, avait
ouvert la voie, en dégageant les caractéristiques propres aux corps divins dans le monde
grec, éclat et mouvement, qui les distinguent du « corps obscur » des simples mortels43.
Le renouvellement du regard porté sur la représentation matérielle des corps sculptés ou
peints, rapproché des données textuelles, a considérablement enrichi les études récentes
sur la culture visuelle de l’ époque hellénistique et romaine. Les réflexions engagées
sur l’ emploi des couleurs dans l’ Antiquité notamment ont permis d’ approfondir
la thématique des corps de dieux, tout en tenant compte des progrès apportés par
l’ archéologie à la connaissance des pigments employés pour donner vie aux sculptures
antiques44 ; une approche complémentaire peut être cherchée du côté des sources

a god with no identity », Quaderni del Ramo d’ Oro on line, 3, 2010, p. 320-334 et en dernier lieu John Scheid, Jesper
Svenbro, La tortue et la lyre. Dans l’ atelier du mythe antique, Paris, 2014, p. 191-203.
40 
Le corps des dieux dans les épiphanies divines en Grèce ancienne, thèse de doctorat, EPHE, Section des sciences
religieuses, 1996, distribué aux Presses Universitaires du Septentrion ; voir ead., « Images et perception de la présence
divine en Grèce ancienne », MEFRA, 113, 2001, p. 211-224.
41 
Facing the Gods: Epiphany and Representation in Graeco-Roman Art, Literature and Religion, Cambridge, 2011.
42 
Voir le volume Epiphany: Envisioning the Divinein the Ancient World, Verity Platt, G. Petridou, annoncé chez Brill,
Leyde, à paraître.
43 
J.-P. Vernant, « Corps obscur, corps éclatant », dans Corps des dieux… cit. à la n. 1, p. 19-58.
44 
Ivonne Manfrini, « Entre refus et nécessité de la couleur : la sculpture grecque antique », dans Marcello Carastro
(éd.), L’ Antiquité en couleurs : catégories, pratiques, représentations, Grenoble, 2009, p. 21-41 ; on se reportera à la dernière
édition du catalogue d’ exposition sur la polychromie de la sculpture antique : Sabine Haag, Vinzenz Brinkmann, Ulrike

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Le corps des dieux dans les mondes grec et romain : bilan historiographique 29

textuelles et de l’ utilisation de la gamme chromatique pour rendre compte de l’ éclat


propre aux dieux45. Approfondissant ce type d’ approche, dans le champ de l’ histoire des
religions, Nicole Belayche a pu proposer d’ envisager autrement la « corporéité » des
dieux à l’ épreuve de leurs images de pierre46 : revenant sur la fabrication très concrète
de l’ effigie alexandrine de Sérapis telle qu’ elle est décrite notamment par Athénodore
de Tarse47, elle montre ainsi que l’ importance de la matérialité de la statue est au moins
aussi grande que celle de sa forme.
C’ est enfin le rapprochement avec les interprétations symboliques données par les
Anciens à propos du minium utilisé sur certaines effigies divines et le curieux vermillon
dont le triomphateur s’ enduisait le visage, qui avait conduit John Scheid, lors du colloque
de 1986, à proposer, avec une certaine prudence, une autre voie possible pour penser la
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« corporeité » propre au divin : « l’ incorporation » (de préférence à l’ incarnation) par
un prêtre ou un magistrat de la personnalité divine, ou du moins d’ un aspect de la celle-
ci48. Si l’ analogie entre la figure du général triomphant et une statue divine reste délicate
à manier49, certaines figures de prêtres ou de prêtresse, comme le flamine de Jupiter ou la
Vestale, sont en effet revêtues des signes corporels qui renvoient directement aux divinités
qu’ ils desservent. Même s’ il ne s’ agit pas d’ une norme sacerdotale établie, la place de ces
« corps divins » vivants dans les pratiques polythéistes antiques reste en grande partie à
explorer50.

Koch-Brinkmann (éds), Bunte Götter. Die Farbigkeit antiker Skulptur. Kunsthistorisches Museum Wien, Vienne, 2012 ;
voir également Adeline Grand-Clément, « Les marbres antiques retrouvent des couleurs : apports des recherches récentes
et débats en cours », Anabases, 10, 2009, p. 243-250.
45 
Voir par exemple Adeline Grand-Clément, « Les yeux d’ Athéna : le rôle des couleurs dans la construction de l’ identité
divine », Archiv für Religionsgeschichte, 12, 2010, p. 7-22.
46 
« Le possible “corps” des dieux : retour sur Sarapis », dans F. Prescendi, Y. Volokhine (éds), Dans le Laboratoire de
l’ historien des religions. Mélanges offerts à P. Borgeaud, Genève, 2011, p. 227-250.
47 
Clément., Protrept., IV, 48, 4-6.
48 
Cf. Servius, ad Egl., 10, 27 : unde etiam triumphantes, qui habent omnia Iovis insignia, sceptrum, palmatam—unde
ait Iuvenalis “in tunica Iovis”—, faciem quoque de rubrica inlinunt instar coloris aetherii. Voir John Scheid, « Le flamine
de Jupiter, les Vestales et le général triomphant. Variations sur le thème de la figuration des dieux », dans Corps des
dieux… cit. à la note 1, p. 213-230.
49 
Comme le montre le vif débat qui a opposé Henrik Versnel, « Red (Herring?). Comments on a new theory concerning
the origin of the triumph », Numen, 53, 2006, p. 290-326, et Jörg Rüpke, « Triumphator and ancestor rituals: between
symbolic anthropology and magic », Numen, 53, 2006, p. 251-289. Cf. sur ce point Mary Beard, The Roman Triumph,
Cambridge, 2007, en particulier le ch. 7: « The General’ s Story (2): Playing God ».
50 
Cf. les réflexions de Vinciane Pirenne-Delforge, « Greek priests and “cult statues”: In how far are they unnecessary? »,
dans J. Mylonopoulos (éd.), Divine Images and Human Imaginations… cit. à la note 16, p. 121-142.

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