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Jules Vallès, L'Enfant, 1879

Chapitre V - La toilette
5 Un jour, un homme qui voyageait m’a pris pour une curiosité du pays, et
m’ayant vu de loin, est accouru au galop de son cheval. Son étonnement a été
extrême, quand il a reconnu que j’étais vivant. Il a mis pied à terre, et s’adressant à
ma mère, lui a demandé respectueusement si elle voulait bien lui indiquer l’adresse
du tailleur qui avait fait mon vêtement.
10 "C’est moi", a-t-elle répondu, rougissant d’orgueil.
Le cavalier est reparti et on ne l’a plus revu.
Ma mère m’a parlé souvent de cette apparition, de cet homme qui se
détournait de son chemin pour savoir qui m’habillait.
Je suis en noir souvent, "rien n’habille comme le noir", et en habit, en frac,
15avec un chapeau haut de forme ; j’ai l’air d’un poêle.
Cependant, comme j’use beaucoup, on m’a acheté, dans la campagne, une
étoffe jaune et velue, dont je suis enveloppé. Je joue l’ambassadeur lapon. Les
étrangers me saluent ; les savants me regardent.
Mais l’étoffe dans laquelle on a taillé mon pantalon se sèche et se racornit,
20m’écorche et m’ensanglante.
Hélas ! Je vais non plus vivre, mais me traîner.
Tous les jeux de l’enfance me sont interdits. Je ne puis jouer aux barres,
sauter, courir, me battre. Je rampe seul, calomnié des uns, plaint par les autres,
inutile !
25
Et il m’est donné, au sein même de ma ville natale, à douze ans, de connaître,
isolé dans ce pantalon, les douleurs sourdes de l’exil.
Madame Vingtras y met quelquefois de l’espièglerie.
On m’avait invité pendant le carnaval à un bal d’enfants. Ma mère m’a vêtu en
30charbonnier. Au moment de me conduire, elle a été forcée d’aller ailleurs ; mais elle
m’a mené jusqu’à la porte de M. Puissegat, chez qui se donnait le bal.
Je ne savais pas bien le chemin et je me suis perdu dans le jardin ; j’ai appelé.
Une servante est venue et m’a dit :
"C’est vous, le petit Choufloux, qui venez pour aider à la cuisine ?"
35 Je n’ai pas osé dire que non, et on m’a fait laver la vaisselle toute la nuit.
Quand le matin ma mère est venue me chercher, j’achevais de rincer les
verres ; on lui avait dit qu’on ne m’avait pas aperçu ; on avait fouillé partout.
Je suis entré dans la salle pour me jeter dans ses bras : mais, à ma vue, les
petites filles ont poussé des cris, des femmes se sont évanouies, l’apparition de ce
40nain, qui roulait à travers ces robes fraîches, parut singulière à tout le monde.
Ma mère ne voulait plus me reconnaître ; je commençais à croire que j’étais
orphelin !
Je n’avais cependant qu’à l’entraîner et à lui montrer, dans un coin, certaine
place couturée et violacée, pour qu’elle criât à l’instant : "C’est mon fils !" Un reste de
45pudeur me retenait. Je me contentai de faire des signes, et je parvins à me faire
comprendre.
On m’emporta comme on tire le rideau sur une curiosité.
50
Jules Vallès, L'Enfant, 1879

"À tous ceux qui crevèrent d'ennui au collège ou qu'on fit pleurer
dans la famille, qui, pendant leur enfance, furent tyrannisés par leurs
55maîtres ou rossés par leurs parents, je dédie ce livre".

Chapitre V - La toilette

60 Quel portrait de la mère du narrateur est-il possible de dégager à


partir de cette page ?

Introduction :

65 Jules Vallès :
un écrivain du XIXe s, que ses idées révolutionnaires conduisirent à
participer à la Commune de Paris (1871).
Sa trilogie autobiographique a fait sa célébrité : L'Enfant, Le
Bachelier, L'Insurgé.
70 Ses souvenirs d'enfance, romancés (Jules Vallès devient Jacques
Vingtras) firent scandale, notamment parce que la figure jusque là
sacrée de la mère devient un sorte de bourreau, aussi stupide que cruel.

I. Le portrait de la mère.


75
1. Bêtise et orgueil.

Le premier récit qui figure dans l'extrait permet de repérer la vanité


de la mère – et ses limites intellectuelles.
80 En effet, un cavalier inconnu stupéfait de voir un enfant accoutré
d'une manière invraisemblable, demande quel était le "tailleur qui avait
fait [ce] vêtement", et la mère répond : "C’est moi", en "rougissant
d’orgueil".
Nous sommes donc devant un quiproquo, puisque la question est
85inspirée par une stupéfaction horrifiée, alors que la demande
présuppose une admiration éberluée pour les talents d'une couturière
talentueuse.
Cette confusion prouve la bêtise de cette femme, aveuglée par son
manque de goût et sa prétention.
90 C'est d'ailleurs la mère qui rappelle fréquemment l'anecdote à son
fils : elle lui en "a parlé souvent" – ces répétitions ont évidemment pour
but de susciter chez l'enfant des sentiments d'admiration et de
reconnaissance, destinés à flatter la vanité maternelle.

952. La cruauté : une mère-bourreau

a) La mère, autoritaire et péremptoire, énonce volontiers des


principes qu'elle juge définitifs :
"rien n’habille comme le noir" est une sorte de maxime, au présent
100de vérité générale, qui ne souffre aucune exception ; la proposition
causale "comme j'use beaucoup" est évidemment la transcription d'une
phrase maternelle : "Tu uses beaucoup" – et c'est à la fois un reproche
adressé à l'enfant, et la célébration d'un remarquable esprit d'économie.
Les conséquences de ces beaux principes font souffrir l'enfant 
105 La couleur noire, associée au deuil et à la tristesse, est imposé à
Jacques Vingtras :
"Je suis en noir souvent, et en habit, en frac, avec un chapeau haut
de forme ; j’ai l’air d’un poêle."
è Cette élégance grotesque, qui en fait, en miniature, un adulte
110vêtu d'un habit de cérémonie, provoque une gêne physique et une
souffrance morale : ainsi vêtu, il est impossible de jouer. Le deuil que
porte le narrateur, c'est celui de son enfance.
Quant à l'étoffe robuste censée être inusable, "elle se sèche et se
racornit, m’écorche et m’ensanglante". Aux verbes à la voix pronominale
115succèdent deux verbes d'action, qui transforme l'habit en tortionnaire.

b) Une marque physique de la cruauté de la mère :


Je n’avais cependant qu’à l’entraîner et à lui montrer, dans un coin,
certaine place couturée et violacée, pour qu’elle criât à l’instant : "C’est
120mon fils !"
è allusion aux fessées – parodie des scène de reconnaissance
dans le mélodrame + description è blessure, cicatrices – châtiment
habituel, traces permanentes.

125 Après avoir reconnu les défauts de la mère du narrateur, il convient


de souligner que la narrateur a choisi de les présenter d'une manière
caricaturale.

3. Une caricature vengeresse


130 Le narrateur, adulte, se venge par l'humour.
Les anecdotes sont mises en scène ; elles sont souvent
invraisemblables, tant les traits en sont grossis, ce qui permet de parler
de caricature.

135 a) Le cavalier est reparti et on ne l'a plus revu : comme s'il avait
peur que la couturière ne lui fasse un vêtement !

b) "Madame Vingtras y met quelquefois de l’espièglerie."


è Ironie de l'auteur – il fait semblant de croire à une intention
140délibérée, comme s'il s'agissait d'un jeu d'enfant.
Si l'enfant, déguisé en charbonnier a été pris pour un enfant forcé
par la misère à travailler, c'est que le déguisement était
extraordinairement réaliste.
"On m’avait invité pendant le carnaval à un bal d’enfants. Ma mère
145m’a vêtu en charbonnier."
è Là encore, la "toilette" débouche sur une confusion, sociale ici
(vêtements récupérés ?).
Autres exagérations caricaturales :

150 c) "Ma mère ne voulait plus me reconnaître ; je commençais à


croire que j’étais orphelin !" è souhait caché ?

d) "On m’emporta comme on tire le rideau sur une curiosité."


Pronom indéfini !
155
Conclusion :
a) Bilan : Un point de départ qui semble anodin – la toilette, les
vêtements – permet à l'auteur de brosser un portrait féroce d'une mère
indigne. Le recours à la caricature et à l'humour est certes une forme de
160vengeance, mais il prouve aussi que l'enfant n'a pas été brisé, puisqu'il
est capable de se moquer de celle qui l'a tourmenté. Sur les ruines de
l'enfance, un écrivain révolutionnaire a bâti sa personnalité.
b) Ouverture : Jules Vallès a été le premier à dénoncer une
mauvaise mère ; il a été suivi par Jules Renard (Poil de Carotte, 1894) et
165Hervé Bazin (Vipère au poing, 1948). Ces œuvres sont des réussites, ce
qui n'est pas pour nous surprendre : après tout, "on ne fait pas de bonne
littérature avec des bons sentiments", comme le disait André Gide.

170
Jules Vallès, L'Enfant, 1879

Chapitre V - La toilette
175 Vers l'oral (cours simplifié par rapport à ce qui précède).

I. Le portrait de la mère.

1. Un orgueil stupide.


180
"C’est moi", a-t-elle répondu, rougissant d’orgueil.
Le cavalier est reparti et on ne l’a plus revu.
Ma mère m’a parlé souvent de cette apparition, de cet homme qui se
détournait de son chemin pour savoir qui m’habillait.
185  Un quiproquo.
La réalité : la surprise d'un voyageur anonyme.
Deux étapes : un objet étrange – cet objet est vivant !
L'explication : le vêtement, qui a déshumanisé l'enfant !
L'interprétation de la mère : Un hommage à son prodigieux talent de
190couturière.

2. La cruauté : une mère-bourreau

Cependant, comme j’use beaucoup,


195 Je suis en noir souvent, "rien n’habille comme le noir",
 Une femme qui fait passer ses idées avant le bien-être de l'enfant :
esprit d'économie + une conception de l'élégance  un habit triste, idée de
deuil  enfance.
+
200 Je n’avais cependant qu’à l’entraîner et à lui montrer, dans un coin, certaine
place couturée et violacée, pour qu’elle criât à l’instant : "C’est mon fils !"
 allusion aux fessées.

3. Une caricature.
205 Le narrateur, adulte, se venge par l'humour.
Les anecdotes sont mises en scène.
 Le cavalier est reparti et on ne l'a plus revu : comme s'il avait peur que la
couturière ne lui fasse un vêtement !

210 Madame Vingtras y met quelquefois de l’espièglerie.


 Ironie de l'auteur – il fait semblant de croire à une intention délibérée,
comme s'il s'agissait d'un jeu d'enfant.

On m’avait invité pendant le carnaval à un bal d’enfants. Ma mère m’a vêtu en


215charbonnier.
Ma mère ne voulait plus me reconnaître ; je commençais à croire que j’étais
orphelin !
 Là encore, la "toilette" débouche sur une confusion.
Ce que révèle le quiproquo : une dégradation sociale.
220 + On m’emporta comme on tire le rideau sur une curiosité.
La mère devient le pronom indéfini "on".
II. Des costumes extravagants.

225III. Les souffrances de l'enfant.


Jules Vallès, L'Enfant, 1879

Chapitre V - La toilette
230
Comment l'auteur décrit-il les costumes qu'il est contraint de
porter, et quel parti tire-t-il de ces description ?

235 Travail au brouillon :

Il s'agit tout d'abord de repérer les différents costumes.

I. Le premier costume, qui n'est pas décrit.


240 "Un jour, un homme qui voyageait m’a pris pour une curiosité du
pays…"

II. Les costumes noirs et l'étoffe jaune :


Je suis en noir souvent, "rien n’habille comme le noir", et en habit, en
245frac, avec un chapeau haut de forme ; j’ai l’air d’un poêle.
Cependant, comme j’use beaucoup, on m’a acheté, dans la campagne,
une étoffe jaune et velue, dont je suis enveloppé. Je joue l’ambassadeur
lapon. Les étrangers me saluent ; les savants me regardent.
 On pourrait rapprocher ces costumes parce que leur couleur est
250mentionnée ; il est plus important de constater que, dans les deux cas, l'habit
est justifié, légitimé par une réflexion de la mère : "rien n’habille comme le
noir", et "tu uses beaucoup" – on peut aisément reconstituer le reproche à
partir de la subordonnée causale "comme j’use beaucoup".

255 III. Le déguisement de charbonnier.

Il est donc parfaitement possible de suivre le déroulement du texte, qui


suit une progression (I. Un vêtement indéfinissable. II. Les déguisements
involontaires. III. Le costume de charbonnier).
260

I. Un vêtement indéfinissable.

1. L'enfant est transformé :


265
"un homme qui voyageait m’a pris pour une curiosité du pays"
 "une curiosité" : un monument, une bizarrerie "hors-norme", qui
pourrait être signalée dans un guide touristique.
L'erreur du voyageur anonyme (dans lequel le lecteur peut se projeter,
270qui représente le regard normal et disqualifie celui de la mère) montre que
l'enfant est métamorphosé, déshumanisé par sa mère.
2. Les vêtements permettent de dénoncer un défaut de la mère.
La mise en scène (peu vraisemblable ; l'auteur a choisi d'écrire une
275scène théâtrale, qui rappelle le climat de la farce) débouche sur un quiproquo :
Le voyageur se renseigne, pour savoir "l’adresse du tailleur" et s'enfuit
aussitôt, lorsqu'il apprend qu'il a en face de lui la responsable de cette
monstruosité (le cavalier semble avoir peur d'être affublé d'une défroque
semblable !)
280 L'interprétation de la mère (Un hommage à son prodigieux
talent de couturière) est donc un quiproquo, qui met en lumière la bêtise et la
vanité de Madame Vingtras (Ma mère m’a parlé souvent de cette apparition,
de cet homme qui se détournait de son chemin pour savoir qui m’habillait.).

285 On peut reprendre l'intitulé des sous-parties pour traiter les deux
derniers axes d'étude.

II. Les déguisements involontaires.

2901. L'enfant est transformé :

a) "Je suis en noir souvent, "rien n’habille comme le noir", et en habit, en


frac, avec un chapeau haut de forme ; j’ai l’air d’un poêle".
 Le "poêle" offre une image justifiée par ses connotations : noir de la
295suie, tuyaux qui s'emboîtent (les bras et les jambes du costume ; le chapeau
haut-de-forme surtout).
La comparaison souligne deux aspects : l'enfant est ridiculisé et
déshumanisé.

300 b) Cependant, comme j’use beaucoup, on m’a acheté, dans la


campagne, une étoffe jaune et velue, dont je suis enveloppé. Je joue
l’ambassadeur lapon. Les étrangers me saluent ; les savants me regardent.

L'adjectif "velue" suggère la fourrure d'un animal ; là encore, l'enfant est


305ridiculisé et déshumanisé.
L'expression "Je joue l'ambassadeur lapon", plonge l'enfant dans le
monde du théâtre et celui de l'exotisme nordique.
Un point commun : Jacques Vingtras n'est jamais habillé comme un
enfant !
310
Conséquences et jugement du narrateur :
Hélas ! Je vais non plus vivre, mais me traîner.
Tous les jeux de l’enfance me sont interdits. Je ne puis jouer aux barres,
sauter, courir, me battre. Je rampe seul, calomnié des uns, plaint par les
315autres, inutile !
 Repérer toutes les antithèses avec une enfance normale.
 Insister sur les métaphores : "me traîner", "je rampe" (et appuyez-
vous sur les connotations de ces verbes ; dire simplement qu'ils appartiennent
au champ lexical du mouvement ne peut suffire !)
320
2. Les vêtements permettent de dénoncer un défaut de la mère.
Cependant, comme j’use beaucoup,
Je suis en noir souvent, "rien n’habille comme le noir",
 Une femme qui fait passer ses idées avant le bien-être de l'enfant :
325 esprit d'économie + une conception de l'élégance  un habit triste, idée
de deuil  enfance.
+ insensibilité, cruauté (involontaire ?)
Il faut exploiter les citations suivantes :
"Mais l’étoffe dans laquelle on a taillé mon pantalon se sèche et se
330racornit, m’écorche et m’ensanglante.
Hélas ! Je vais non plus vivre, mais me traîner.
Tous les jeux de l’enfance me sont interdits. Je ne puis jouer aux barres,
sauter, courir, me battre. Je rampe seul, calomnié des uns, plaint par les
autres, inutile !"
335 De la citation au commentaire :
"l’étoffe dans laquelle on a taillé mon pantalon se sèche et se racornit,
m’écorche et m’ensanglante".
"l’étoffe dans laquelle on a taillé mon pantalon se sèche et se racornit"
 Dans un premier temps, l'étoffe est présentée comme une
340victime, qui subit un traitement désagréable ("se sécher", "se racornir" sont
deux verbes à la voix pronominale) ; ces verbes pourraient s'appliquer à la
peau d'un animal (pensons à l'adjectif "velue"), que l'on n'a pas su transformer
en cuir.

345 "l’étoffe dans laquelle on a taillé mon pantalon se sèche et se racornit,


m’écorche et m’ensanglante".
Dans un second temps, l'étoffe devient active et se transforme en
bourreau !

350 Et il m’est donné, au sein même de ma ville natale, à douze ans, de


connaître, isolé dans ce pantalon, les douleurs sourdes de l’exil.
 Métaphoriquement, le narrateur reproche à sa mère de l'avoir rendu
étranger au monde de l'enfance.

355III. Le costume de charbonnier).

1. L'enfant est transformé :


Il faut tout d'abord rappeler le contexte : un bal costumé destiné aux
enfants, le choix d'un déguisement de charbonnier par la mère du narrateur…
360
"C’est vous, le petit Choufloux, qui venez pour aider à la cuisine ?"
"Je n’ai pas osé dire que non, et on m’a fait laver la vaisselle toute la
nuit."
 Quand Mme Vingtras veut habiller normalement son enfant, elle le
365déguise ; quand elle veut le déguiser, elle le plonge dans une réalité sordide :
son costume est criant de vérité, au point qu'on le prend pour un enfant
misérable, forcé de travailler pour gagner quelques sous.
Conséquence : au lieu de s'amuser, l'enfant va travailler toute la nuit !
"Je suis entré dans la salle pour me jeter dans ses bras : mais, à ma
370vue, les petites filles ont poussé des cris, des femmes se sont évanouies,
l’apparition de ce nain, qui roulait à travers ces robes fraîches, parut singulière
à tout le monde."
La métaphore transforme l'enfant en phénomène de foire – nous
sommes au XIXe s., et l'on ne respectait guère à l'époque les "personnes de
375petite taille".

2. Les vêtements permettent de dénoncer un défaut de la mère.


"Ma mère ne voulait plus me reconnaître ; je commençais à croire que
380j’étais orphelin !"
 La honte de la mère est plus forte que l'amour maternel… inexistant !
La formule est d'ailleurs à double sens ; elle peut se comprendre dans son
acception la plus forte : on peut ne pas "reconnaître son enfant" si l'on affirme
qu'on ne lui a pas donné naissance.
385 Je n’avais cependant qu’à l’entraîner et à lui montrer, dans un coin,
certaine place couturée et violacée, pour qu’elle criât à l’instant : "C’est mon
fils !" Un reste de pudeur me retenait. Je me contentai de faire des signes, et
je parvins à me faire comprendre.
 La parodie - imaginée – d'une scène de reconnaissance, dans un
390mélodrame, rappelle les mauvais traitements infligés à l'enfant, d'une manière
habituelle : "couturée" fait penser à des cicatrices.

Bilan : les différents vêtements : les défauts de la mère, les souffrances


de l'enfant.
395 + Remarque sur la composition circulaire de l'extrait : on trouve une
anecdote développée au début et à la fin du passage ; le mot "curiosité" se
trouve dans la première et la dernière phrase.
Ouverture : Des souvenirs d'enfance douloureux, une mère présentée
comme un bourreau. On pense à Poil de Carotte, de Jules Renard, à Vipère
400au poing, d'Hervé Bazin, deux réussites littéraires, qui nous invitent à croire
que "l'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments", comme l'a
écrit André Gide.

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