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LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
ENTRE GLOBALISATION ET POLITISATION
FRANCK PETITEVILLE
1. Cf. le débat autour du concept de capabilities-expections gap avancé par Christopher Hill
(C. Hill, « The Capability-Expectations Gap, or Conceptualising Europe’s International Role »,
Journal of Common Market Studies, 31 (3), 1993). L’auteur a récemment actualisé son approche :
C. Hill « Closing the Capabilities-Expections Gap ? », dans J. Peterson, H. Sjursen (eds), A
Common Foreign Policy for Europe ?, Londres, Routledge, 1998. L’argumentation de Hill, qui a
nourri plusieurs études de cas en matière de PESC dans les années 1990, est notamment reprise par
Michael Smith dans sa contribution intitulée « The EU as an International Actor », dans
J. Richardson (ed.), European Union, Power and Policy Making, Londres, Routledge, 1996.
2. M. F. Durand, A. de Vasconcelos (dir.), La PESC, ouvrir l’Europe au monde, Paris,
Presses de Sciences Po, 1998, p. 43.
3. Le thème de l'émergence de l'UE comme acteur international suscite une littérature
croissante en langue anglaise (qui cherche de plus en plus à intégrer les différentes politiques
européennes : politique commerciale, coopération, PESC, etc.). Outre l'ouvrage cité dirigé par
J. Peterson et H. Sjursen, citons notamment : C. Bretherton, J. Vogler, The European Union as
a Global Actor, Londres, Routledge, 1999 ; C. Rhodes (ed.), The European Union in the World
Community, Londres, Lynne Rienner Publishers, 1998 ; R. G. Whitman, From Civilian Power
to Superpower ? The International Identity of the European Union, Londres, Macmillan Press,
1998 ; I. McLeod, I. Hendry, S. Hyett, The External Relations of the European Communities,
Oxford, Clarendon Press, 1996. Comparativement, la littérature en langue française est peu
développée et dominée par les approches juridiques. On mentionnera essentiellement
L. Balmont, J. Bourrinet, Les relations extérieures de l'Union européenne, Paris, PUF, 1995
(coll. : « Que-sais-je ? »), et, plus actuel, M. Dory (dir.), L'Union européenne et le monde après
Amsterdam, Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, 1999.
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Revue française de science politique, vol. 51, n° 3, juin 2001, p. 431-458.
© 2001 Presses de la Fondation nationale des sciences politiques.
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Franck Petiteville
En premier lieu, l’accord de Cotonou de juin 2000 entre l’Union européenne et
les pays ACP a entériné la fin du « système de Lomé » et d’une coopération
« eurafricaine » historiquement privilégiée, au profit d’un redéploiement « global » de
la coopération de l’Union européenne non seulement vers sa périphérie immédiate
(Europe centrale et orientale, Méditerranée, Communauté des États indépendants),
mais également vers les régions « émergentes » d’Amérique latine et d’Asie. Parallè-
lement, le système pyramidal des « préférences communautaires » qui structurait
depuis les années 1970 les relations commerciales de la Communauté avec le reste du
monde disparaît au profit d’une politique de « co-régionalisme libre-échangiste » qui
se veut en phase avec les principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC),
et qui permet à l’Union européenne de conforter son rôle dans la régulation institution-
nelle de la mondialisation de l’économie. Enfin, si l’Union européenne continue de
distribuer une aide financière importante aux pays en « développement » et en
« transition », officiellement pour amortir les ajustements de ceux-ci à la mondialisa-
tion de l’économie, c’est aussi parce que l’aide communautaire joue un rôle croissant
dans la « mise en scène internationale » de l’Union européenne.
D’une manière générale, la coopération communautaire s’appuie sur des instru-
ments juridiques (accords de coopération, de commerce, d’association), sur des flux
financiers (aide communautaire) et sur des transferts d’expertise économique et
d’ingénierie institutionnelle. Mais elle se fonde aussi sur des transferts « d’idées »
(comme, par exemple, l’idée que les entités régionales sont plus aptes à
« maîtriser » les effets de la mondialisation de l’économie que les États), sur des
transferts de « valeurs » (comme la prise en compte de la dimension sociale et envi-
ronnementale dans le développement économique) et sur des positions politiques
(relatives à la démocratie, aux droits de l’homme, à la lutte contre la corruption) qui
sont, pour ces dernières, suspensives de la coopération. Dans cette perspective, les
recoupements de cette nouvelle « conditionnalité politique » de la coopération com-
munautaire avec la politique étrangère et de sécurité commune sont de plus en plus
évidents.
Adaptation à la globalisation économique et politisation incrémentale 1 apparais-
sent ainsi comme les deux dimensions saillantes de l’évolution actuelle de la coopéra-
tion économique internationale de l’Union européenne. L’objet de cet article, fondé
sur une analyse des récents accords de coopération communautaire et sur une série
d’entretiens réalisés à la Commission européenne, est de rendre compte de cette
évolution 2.
1. M. Smith, « Does the Flag Follow Trade ? “Politicisation” and the Emergence of a
European Foreign Policy » et H. Smith, « Actually Existing Foreign Policy – or not ? », dans
J. Peterson, H. Sjursen (eds), op. cit.
2. Les textes officiels des accords et programmes de coopération (Cotonou, MEDA, etc.)
sont accessibles en ligne sur le site internet de la Commission. Par ailleurs, un volumineux rap-
port sur les programmes de coopération de l’Union européenne, réalisé en 1999 par l’Overseas
Development Institute de Londres pour la Commission, comporte beaucoup de données chif-
frées que nous avons utilisées ici : A. Cox, J. Chapman, « The European Community External
Cooperation Programmes, Policies, Management and Distribution », Londres, Overseas Deve-
lopment Institute, 1999. Enfin, pour recueillir le point de vue de la Commission sur l’accord de
Cotonou et plus généralement sur l’évolution de la coopération européenne, nous avons pro-
cédé en juillet 2000 à des entretiens à la direction générale du Développement et au cabinet du
commissaire Poul Nielson.
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LA FIN DE L’EURAFRIQUE
1. L’accord a été signé à Cotonou (Bénin) le 23 juin 2000 par les représentants de la Com-
mission européenne, des États ACP et des États membres de l’UE. Le nombre d’États ACP
signataires du nouvel accord de partenariat a été porté à 77 avec la candidature de 6 micro-États
insulaires du Pacifique (en revanche, les dispositions commerciales de l’accord ne s’appliquent
pas à l’Afrique du Sud qui a conclu en octobre 1999 un accord de libre-échange séparé avec
l’UE, entré en vigueur en 2000). Le nouvel accord doit encore être ratifié par l’ensemble des
parties contractantes et le processus de ratification devrait s’étaler sur deux ans. Le texte de
l’accord est accessible en ligne sur le site : http://europa.eu.int/comm/development/cotonou.
2. Cf. D. Bach, « Un ancrage à la dérive, la convention de Lomé », Revue Tiers Monde,
136, octobre-décembre 1993 ; C. Stevens, « Le vent du changement pour l’Afrique : la CE et le
développement », Politique africaine, 49, mars 1993 ; F. Petiteville, « Lomé IV-bis : vers une
gestion à bas régime de la coopération Europe/ACP à l’horizon 2000 », Revue Tiers Monde,
148, octobre-décembre 1996.
3. Sur ce débat, outre le document de référence élaboré par la Commission, « Livre vert sur
les relations entre l’Union européenne et les pays ACP à l’aube du 21e siècle : défis et options
pour un nouveau partenariat », Bruxelles, 1997, citons notamment les comptes rendus des deux
colloques organisés par le GEMDEV : GEMDEV, La convention de Lomé en questions : dia-
gnostics, méthodes d’évaluation et perspectives, Paris, Karthala, 1998 et GEMDEV (sous la
direction de J. J. Gabas), L’Union européenne et les pays ACP : un espace de coopération à cons-
truire, Paris, Karthala, 1999. Cf. également les très nombreuses publications sur les relations UE/
ACP de l’European Centre for Development Policy Management basé à Maastricht (papiers
accessibles en ligne sur le site http://www.ecdpm.org/en/pubs/acplist.htm).
4. Selon nos entretiens réalisés à la DG Développement, les points qui ont soulevé les plus
grandes réticences de la part des ACP ont été la disparition du Sysmin et du Stabex, ainsi que
les aspects politiques des négociations (le renforcement de la conditionnalité politique de l’aide
communautaire en matière de corruption et l’inclusion, pour la première fois dans un accord
UE/ACP, de clauses relatives à la lutte contre l’immigration illégale). Sur tous ces points, les
négociateurs représentant les États ACP ont dû, pour l’essentiel, accepter l’agenda communau-
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La rupture fondamentale opérée par l’accord de Cotonou est la fin programmée du
système des « préférences communautaires » non réciproques qui permettait aux États
ACP d’exporter jusqu’à 99 % de leurs produits sans droits de douanes sur le marché
communautaire, tout en maintenant leurs propres droits sur les importations en prove-
nance de la Communauté. Le système des préférences communautaires est à terme des-
tiné à être remplacé par des accords de libre-échange négociés sur la base d’accords
inter-régionaux. En d’autres termes, les États ACP qui bénéficiaient jusqu’ici des dis-
positions commerciales les plus favorables dans la hiérarchie des préférences commu-
nautaires en faveur des pays en développement, vont, à moyen terme, devoir s’aligner
sur le régime banalisé et surtout symétrique des accords de libre-échange.
Il est vrai que, le passage au libre-échange n’étant pas immédiat, le traitement de
choc a été évité pour les ACP 1. Pour autant, le basculement des relations UE/ACP vers
le libre-échange, même graduel, est porteur de deux changements fondamentaux pour
les ACP : bouleversement des conditions de l’échange avec l’Europe d’abord, l’effort
d’ajustement à la libéralisation étant essentiellement supporté par les ACP 2 ; au plan
politique et symbolique ensuite, l’alignement du traitement des ACP sur le régime
commun des accords de libre-échange que la Communauté européenne a signés,
négocie ou envisage avec de nombreux autres pays dans le monde traduit bien la bana-
lisation des ACP dans le dispositif de coopération de l’Union européenne. Si on ajoute
que disparaissent, dans le nouveau partenariat UE/ACP, le Stabex et le Sysmin, ces
deux instruments qui ont marqué l’histoire et la « culture » des conventions de Lomé 3,
taire. Au niveau commercial, la principale concession accordée par l’UE aux ACP a été l’allon-
gement de la période transitoire pour la négociation d’accords de libre-échange inter-régionaux
(2000-2008 au lieu de 2000-2005 comme le prévoyait le mandat initial de la Commission).
1. Les partenaires ont jusqu’à 2008 pour conclure les accords inter-régionaux de libre-
échange (les négociations formelles doivent commencer en septembre 2002 au plus tard) et ils
ont demandé à l’OMC le droit de maintenir jusqu’à cette date un traitement commercial préfé-
rentiel pour les produits originaires des ACP. Ensuite, la libéralisation des échanges sera progres-
sive puisqu’étalée entre 2008 et 2020. Par ailleurs, un traitement particulier sera réservé aux
« Pays les moins avancés » (39 sur 77) dont les produits bénéficieront graduellement, entre 2000
et 2005, d’un accès libre au marché communautaire sans contrepartie, sur la base du Système de
préférences généralisées. Enfin, pour les États non-PMA de la zone ACP qui ne s’estimeraient
pas en mesure de négocier des accords de libre-échange, des solutions alternatives, qui devront
toutefois être compatibles avec les règles de l’OMC, seront explorées à partir de 2004.
2. Le changement devrait être quasi imperceptible pour les États de l’UE puisque les
produits des ACP entrent déjà librement sur le marché communautaire. Pour les ACP, en
revanche, la levée des droits de douanes à l’importation des produits européens est analysée
comme susceptible de produire un impact beaucoup plus important en termes de renforce-
ment de leur dépendance commerciale vis-à-vis de l’Europe, de perte de recettes douanières
pour les gouvernements et d’intensification de la pression concurrentielle sur leur secteur
privé. Cf. H. B. Solignac Lecomte, « L’avenir des relations commerciales ACP-UE », dans
GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP…, op. cit.
3. Le Stabex, caisse de compensation de la perte de recettes d’exportation, avait fini par
couvrir sous Lomé IV, après de multiples réformes, une cinquantaine de produits tropicaux
exportés par les ACP (il avait également été étendu à quelques pays asiatiques à la fin des
années 1980). Le Sysmin était un système analogue pour les minerais, mais fondé sur un mode
de compensation financière plus circonstancié et non automatique. Les deux instruments ont
été souvent critiqués pour ne pas avoir incité les ACP à diversifier leurs exportations et pour
n’avoir même pas pu enrayer la perte de recettes d’exportation sur le long terme due à la baisse
des cours mondiaux. Cf. R. Kappel, « Stabex et fluctuations des marchés mondiaux », dans
GEMDEV, La convention de Lomé en questions…, op. cit. Le nouveau partenariat ACP-UE
charge désormais le FED (dans le cadre d’enveloppes financières programmées par pays)
d’accorder des aides circonstanciées en cas de pertes de recettes d’exportation se produisant
simultanément à une dégradation des finances publiques.
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1. Les produits originaires des ACP ne représentaient plus que 3,4 % des importations
communautaires en 1997 contre 6,7 % en 1976. Source : Commission européenne.
2. Cf. P. Hugon, « La convention de Lomé replacée dans le contexte de l’OMC », dans
GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP…, op. cit.
3. L’OMC, saisie de plaintes émanant notamment des États-Unis et d’autres États d’Amé-
rique centrale pour discrimination envers les producteurs de bananes de ces pays au profit des
producteurs des ACP, a condamné plusieurs dispositions du protocole « bananes » qui était
attaché à la convention de Lomé IV. Ce protocole n’a pas été reconduit dans le nouveau parte-
nariat ACP/UE.
4. Cf. J. Coussy, « Espoirs et difficultés des relations inter-régions entre l’Union euro-
péenne et l’Afrique australe », dans GEMDEV, ibid.
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les ACP dans les conditions de la concurrence internationale que doivent affronter
l’ensemble des pays du monde 1.
Du système de Lomé, seuls subsistent alors, dans le nouveau « partenariat » entre
l’UE et les ACP, les institutions paritaires, d’une part, chargées de réviser périodique-
ment l’accord d’ici 2020, et le Fonds européen de développement (FED), d’autre part,
comme instrument spécifique de l’aide communautaire au développement des ACP 2.
Les limites des institutions paritaires – en tant qu’espace de négociation « partena-
rial » – sont amplement apparues sous les conventions de Lomé et lors de la négo-
ciation du nouvel accord : leur seule existence ne saurait donc suffire à faire de la
coopération UE/ACP une coopération spécifique au regard des autres politiques de
coopération extérieure de l’UE 3.
S’agissant du FED il faut d’abord souligner, au chapitre de la continuité, que les
États membres de l’UE ont décidé de ne pas toucher à son mode de financement par
contributions nationales directes, refusant en cela de céder aux propositions de la
Commission et aux pressions exercées de longue date par le Parlement européen pour
obtenir sa « budgétisation » 4. Le FED reste donc déconnecté du budget communau-
taire, le Parlement écarté de la fixation de ses ressources, les États-membres sauvegar-
dent leur liberté et leurs intérêts financiers bien compris 5, et les ACP conservent
« leur » institution communautaire. Les principaux changements notables concernent
les réorganisations internes du FED ayant vocation à permettre une plus grande flexi-
bilité dans l’octroi des aides. On mesurera toutefois l’effectivité de la rationalisation
du FED à sa capacité à surmonter sa lenteur légendaire dans le décaissement de ses
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LE REDÉPLOIEMENT « GLOBAL »
DE LA COOPÉRATION COMMUNAUTAIRE
Par contraste avec les ACP, la plupart des autres régions du monde ont vu leur
part de l’aide communautaire s’accroître dans les années 1990 2. Ce redéploiement
géographique de l’aide communautaire traduit non seulement le changement d’échelle
d’une politique désormais conçue comme « globale » mais aussi une adaptation qua-
litative aux mutations géopolitiques et géo-économiques qui ont caractérisé l’environ-
nement international de l’Europe dans les années 1990.
Les régions qui ont bénéficié de la croissance la plus spectaculaire de l’aide com-
munautaire sont bien sûr l’Europe centrale et orientale à partir de 1990, ainsi que la
Communauté des États indépendants à partir de 1991. Les PECO qui ne recevaient
quasiment pas d’aide communautaire en 1988 étaient destinataires dès 1990 de 21 %
de celle-ci au titre du programme PHARE. Ils bénéficiaient toujours de 23 % de l’aide
communautaire en 1996-1998. De leur côté, les États de la CEI ont reçu d’emblée
1. Source des chiffres : A. Cox, J. Chapman, « The European Community External Coope-
ration… », cité, p. 3 et suiv.
2. Conformément aux critères définis par le Comité d’aide au développement de l’OCDE
dont la Commission européenne est membre, l’aide communautaire extérieure est l’aide finan-
cière allouée à l’extérieur de l’Union européenne, gérée par la Commission européenne, par le
Fonds européen de développement (FED) ou la Banque européenne d’investissement (BEI) et
incluant des dons ou des prêts comportant au moins 25 % de dons (en réalité, 91 % de l’aide
européenne est constituée de dons, les prêts dits concessionnels ne représentant que 9 % du
total de l’aide).
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11 % de l’aide communautaire à partir de 1991 avec le lancement du programme
TACIS, niveau auquel elle se situait toujours en 1996-1998, la Russie recevant à elle
seule plus du tiers de l’aide. Le programme TACIS se trouve en outre complété par
des accords de « coopération et de partenariat » conclus à la fin des années 1990 entre
l’UE et les États de la CEI 1. Les programmes PHARE et TACIS ont évidemment
constitué des réponses de l’Europe communautaire à l’effondrement du glacis sovié-
tique et des régimes socialistes à l’Est, d’abord comme instruments d’aide à la transi-
tion vers l’économie de marché, PHARE devenant ensuite, après le Conseil européen
de Copenhague (juin 1993) et la candidature des PECO à l’entrée dans l’UE, un ins-
trument d’aide à la pré-adhésion 2.
La Méditerranée est l’une des régions du monde qui a connu un essor privilégié
de l’aide communautaire ces dernières années : de 12 à 20 % du total de l’aide entre
1986-1990 et 1996-1998 3. L’Égypte est ainsi devenue en 1997-1998 le premier
bénéficiaire au monde de l’aide communautaire, le Maroc le quatrième, la Turquie
le huitième, la Tunisie le neuvième 4. Cette augmentation rapide de l’aide commu-
nautaire aux pays riverains de la Méditerranée est bien sûr imputable à la relance de
la coopération euro-méditerranéenne consécutive au processus de Barcelone 5.
Certes de « globale » (1972) en « rénovée » (1990) pour être érigée aujourd’hui en
nouveau « partenariat » visant à établir un « espace commun de paix, de stabilité et
de prospérité », la coopération euro-méditerranéenne n’a jamais manqué de super-
latifs pour dissimuler une aide financière modeste et des concessions commerciales
limitées 6. Incontestablement toutefois, la relance opérée depuis Barcelone repré-
sente un changement d’échelle et de nature de la coopération : les moyens financiers
de l’aide communautaire ont été fortement augmentés et globalisés sur une base
multi-sectorielle et pluri-annuelle à travers le programme MEDA 7, la coopération
a été élargie à des objectifs politiques (sécurité régionale, démocratie, immigration)
1. Sur la portée économique de ces accords, cf. C. Hillion, « Partnership and Cooperation
Agreements between the European Union and the New Independent States of the Ex-Soviet
Union », European Foreign Affairs Review, 3, 1998.
2. Pour cette raison et ce qu’elle implique de spécificité pour le programme PHARE par
rapport aux autres programmes de coopération extérieure de l’UE (statut transitoire du pro-
gramme, incorporation de l’acquis communautaire par les PECO), nous laisserons de côté,
dans cet article, l’étude de PHARE et de la politique à l’égard des PECO en général, pour les-
quels nous renvoyons le lecteur à la très vaste littérature consacrée à l’élargissement.
3. Les pays concernés sont le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, la
Syrie, le Liban, l’Autorité palestinienne, ainsi que la Turquie, Chypre et Malte. L’aide aux pays
de la zone porte dans des proportions équivalentes sur des volets sociaux et infrastructurels
(projets en matière d’éducation, de santé publique, d’eau et d’environnement) et sur des volets
économiques (ajustement structurel et développement du secteur privé).
4. Source : A. Cox, J. Chapman, cité.
5. Cf., sur le processus de Barcelone, J. C. Gautron, « La politique méditerranéenne de
l’Union européenne », Problèmes économiques, mai 1997 ; R. Gomez, « The EU’s Mediterra-
nean Policy : Common Foreign Policy by the Back Door ? », dans J. Peterson, H. Sjursen (eds),
A Common Foreign Policy for Europe ?, op. cit. ; G. Edwards, E. Philippart, « The Euro-Medi-
terranean Partnership : Fragmentation and Reconstruction », European Foreign Affairs Review,
2, 1997.
6. Cf. P. Clairet, « Union européenne et Méditerranée », dans J. F. Daguzan, R. Girardet
(dir.), La Méditerranée, nouveaux enjeux, nouveaux défis, Paris, Publisud, 1995 ; I. Bensidoun,
A. Chevallier, « Les échanges commerciaux euro-méditerranéens », Économie internationale,
58, 1994 ; A. Sid Ahmed, « Les relations économiques entre l’Europe et le Maghreb », Revue
Tiers Monde, 136, octobre-décembre 1993.
7. Règlement du Conseil n° 1488/96 du 26 juillet 1996 publié au JOCE du 30 juillet 1996.
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programmes de coopération sur l’harmonisation des contrôles de qualité, les droits de
propriété intellectuelle, les codes d’investissement étrangers… 1. Mais les enjeux ne
sont pas qu’économiques : selon la Commission, « la politique à l’égard de l’Asie
dans les années à venir doit avoir pour objectif principal d’accroître l’intérêt de l’Asie
pour l’Union … ainsi que de montrer aux pays asiatiques la capacité et l’engagement
de l’Europe d’apporter une contribution positive à la paix et à la stabilité dans la
région » 2. De fait, les relations institutionnalisées se multiplient entre l’UE et les deux
continents : sommets euro-asiatiques de chefs d’État et de gouvernement (qui prolon-
gent le dialogue plus ancien établi au niveau ministériel entre l’UE et l’ASEAN) 3,
multiplication des groupes de travail et des réunions ministérielles sectorielles ; déve-
loppement du réseau de délégations de la Commission européenne (une quinzaine en
Asie aujourd’hui contre une seule à Tokyo à la fin des années 1970) ; « dialogue
politique » au niveau ministériel et parlementaire avec le « groupe de Rio » en Amé-
rique du Sud, « dialogue de San José » avec l’Amérique centrale, signature d’un
accord-cadre de coopération avec le MERCOSUR en 1995 4 ; financement par la
Commission européenne de programmes de coopération décentralisée entre villes
européennes et villes asiatiques et latino-américaines (programmes « ASIA-URBS »
et « URB-AL » lancés en 1995)…
LE « CO-RÉGIONALISME LIBRE-ÉCHANGISTE »,
NOUVEL AXE STRUCTURANT
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1. Au sommet de la pyramide, les États ACP avaient l’accès le plus ouvert au marché
communautaire ; juste en-dessous, les Pays les moins avancés bénéficiaient du « super système
de préférences généralisées », lequel accordait des préférences analogues à celles de Lomé
mais pour un nombre plus restreint de produits ; venaient ensuite les États méditerranéens
signataires d’accords de coopération bilatéraux préférentiels avec la CEE ; encore en-dessous,
les pays en développement d’Asie et d’Amérique latine bénéficiaient des avantages modestes
du « système de préférences généralisées » accordé par la CEE à l’ensemble des pays en déve-
loppement en 1971. De ce système hiérarchisé de préférences, les pays industriels étaient
exclus puisque la CEE se bornait à leur accorder collectivement la clause de la nation la plus
favorisée. Sur la pyramide des privilèges et son évolution dans le temps, cf. C. Stevens, « Le
vent du changement pour l’Afrique… », art. cité.
2. La Communauté a ainsi négocié des accords de libre-échange avec les pays d’Europe
centrale et orientale à partir de décembre 1991 (accords d’association dits « accords
européens ») ; la constitution d’une zone de libre-échange pour 2010 a été décidée en 1995
avec les pays de la Méditerranée par voie d’accords bilatéraux ; dans la mouvance de l’accord
inter-régional conclu en 1995 avec le MERCOSUR, une évolution vers le libre-échange entre
les deux régions fait l’objet de négociations exploratoires ; un accord de libre-échange entre la
Communauté et le Mexique a été signé en juillet 2000 ; les accords de coopération et de parte-
nariat négociés avec la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie comportent une « clause
évolutive » laissant ouverte la possibilité d’établir une zone de libre-échange future avec la
Communauté ; un accord de libre-échange bilatéral a été conclu avec l’Afrique du Sud en
1999 ; des accords régionaux de libre-échange sont prévus pour les ACP dans le nouveau par-
tenariat UE/ACP…
3. Cf. P. Robson, « La Communauté européenne et l’intégration économique régionale
dans le Tiers Monde », Revue Tiers Monde, 136, octobre-décembre 1993 ; B. Conte, « L’aide
de l’Union européenne dans le domaine de l’intégration régionale : l’exemple de l’Afrique de
l’Ouest », ainsi que J. Coste, « L’appui de l’Union européenne à l’intégration régionale : une
(double) projection trompeuse ? Le cas de l’Afrique de l’Ouest », dans GEMDEV, La conven-
tion de Lomé en questions…, op. cit.
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tenir les initiatives régionales émanant des pays en développement (le FMI, la Banque
mondiale, les États-Unis décourageaient des initiatives perçues comme contraires au
multilatéralisme commercial et le GATT les tolérait sous certaines conditions 1). Dans
le contexte international des années 1990 qui a été caractérisé par un regain de faveur
du régionalisme dans le monde et par la conversion notable des États-Unis au
phénomène 2, la Commission européenne, confortée dans sa position internationale,
n’a donc pas manqué de rappeler que « l’Union européenne est un défenseur
naturel des initiatives régionales » 3.
Toutefois, le régionalisme que l’Union européenne défend aujourd’hui pour
les autres est un régionalisme ouvert, libre-échangiste, susceptible de procurer
gains de compétitivité, économies d’échelle et réduction des coûts de transaction,
bref un régionalisme très proche de celui qu’accepte l’OMC comme « tremplin »
vers le libre-échange multilatéral (et, du coup, très en retrait par rapport au modèle
« politique » et intégré sur lequel l’Europe communautaire s’est elle-même histo-
riquement constituée). D’une manière générale, on peut se demander si, dans cette
combinaison entre libre-échange et régionalisme, alors que la Commission met
bien plus avant le régionalisme que le libre-échange (en ayant, par exemple,
recours à la notion d’« accord de partenariat économique régionalisés » pour les
pays ACP), l’objectif du libre-échange n’est pas en réalité la fin dont le co-régiona-
lisme ne constituerait qu’un moyen, non indispensable de surcroît. Ainsi, dans les
négociations visant à l’établissement d’une zone de libre-échange entre l’UE et
l’Afrique australe, la Commission européenne a cherché à décourager la constitu-
tion d’une véritable union douanière régionale 4. Pour les pays ACP, la Commis-
sion européenne « pressent » six sous-ensembles régionaux pour la négociation
d’accords de libre-échange 5. Mais l’accord de Cotonou multiplie les dérogations
possibles (pour les « pays les moins avancés » et pour tous autres qui ne s’estime-
raient pas en mesure d’entrer dans un accord inter-régional), dérogations qui ris-
quent de vider d’une partie de leur substance les dynamiques régionales réactivées
depuis peu en Afrique 6. Et l’exemple des accords d’association négociés avec les
pays d’Europe centrale et orientale ou avec les pays de la Méditerranée montre bien
1. L’article XXIV du GATT stipulait notamment, pour les zones de libre-échange, que les
tarifs soient éliminés sur « substantiellement tous les échanges » dans la zone concernée, et
pour les unions douanières, que le nouveau tarif douanier commun ne soit pas dans l’ensemble
plus élevé ou plus restrictif que ceux des États constituant la région. Cf. S. Page, « Régions :
rôles de l’OMC et le l’UE », dans GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP…, op. cit.
2. Cf. L. Fawcett, A. Hurrel (eds), Regionalism in World Politics, Regional Organisation
and International Order, Oxford, Oxford University Press, 1995 ; F. Petiteville, « Les pro-
cessus d’intégration régionale, vecteurs de structuration du système international ? », Études
internationales, 28 (3), septembre 1997.
3. European Commission, Communication from the Commission to the Council,
« European Community Support for Regional Economic Integration Efforts among Developing
Countries », Bruxelles, octobre 1995, COM (1995) 219 final.
4. Cf. J. Coussy, « Espoirs et difficultés des relations inter-régions… », cité.
5. L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la Communauté écono-
mique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), la Southern African Development Commu-
nity (SADC), l’East Africa Cooperation (EAC), le Caribbean Common Market and Community
(CARICOM), le Pacifique. Cf. Claude Maerten, « Les accords de partenariat économique entre
les pays ACP et l’UE », dans GEMDEV, L’Union européenne et les pays ACP…, op. cit.
6. Cf. D. Bach (dir.), Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique noire,
Paris, Karthala, 1997.
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1. Concernant la Méditerranée, des accords d’association ont d’ores et déjà été signés avec
la Tunisie et Israël en 1995, avec le Maroc en 1996, avec l’Autorité palestinienne et la Jordanie
en 1997. Des négociations ont abouti avec l’Égypte en 1999 et sont en cours avec le Liban,
l’Algérie et la Syrie. Sont d’ores et déjà entrés en vigueur après ratification les accords signés
avec l’Autorité palestinienne (juillet 1997), la Tunisie (mars 1998), le Maroc (mars 2000) et
Israël (juin 2000).
2. Ces effets sont, par exemple, évoqués pour les pays méditerranéens à propos de la cons-
titution de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne. Cf. V. Nienhaus, « Promoting Deve-
lopment and Stability through a Euro-Mediterranean Free Trade Zone ? », European Foreign
Affairs Review, 4 (4), hiver 1999 ; G. Kebabdjian, « Le libre-échange euro-maghrébin : une
évaluation macro-économique », Revue Tiers Monde, 144, octobre-décembre 1995.
3. Communication from the Commission to the Council and the European Parliament,
« The European Community’s Development Policy », Bruxelles, 26 avril 2000, COM (2000)
212 final, p. 20. Traduction personnelle.
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LA POLITISATION INCRÉMENTALE
DE LA COOPÉRATION COMMUNAUTAIRE :
LA DIPLOMATIE DES DROITS DE L’HOMME ET SES LIMITES
1. Cf. D. Frisch, « La dimension politique dans les rapports avec les partenaires de
Lomé », dans GEMDEV, La convention de Lomé en questions…, op. cit. ; P. Sebahara, « La
coopération politique entre l’UE et les États ACP : bilan des politiques et des pratiques sous les
quatre conventions de Lomé », Maastricht, European Centre for Development Policy Manage-
ment, 1999.
2. La coopération ne fut véritablement suspendue qu’avec les régimes criminels mis au
ban de la communauté internationale (Ouganda d’Amin Dada, Centrafrique de Bokassa).
3. Il faut toutefois signaler qu’une résolution antérieure du Conseil du 28 novembre 1991
sur les droits de l’homme, la démocratie et le développement a servi de base juridique pour un
certain nombre de sanctions adoptées au début des années 1990 envers plusieurs États ACP
pour cause de violations des droits de l’homme ou d’interruption du processus de démocratisa-
tion.
4. Cf. D. Frisch, « La dimension politique… », cité, p. 63.
5. L’UE a ainsi suspendu sa coopération en 1991-1992 avec Haïti (renversement du prési-
dent Aristide légalement élu), avec le Soudan (guerre civile) et avec le Zaïre (répression du
mouvement de démocratisation), en 1995 avec le Nigéria (pendaison de 9 opposants), en 1994
avec le Rwanda (génocide), en 1996 avec le Niger et le Burundi (coups d’État), en 1997 avec la
République démocratique du Congo et la Sierra Leone (guerres civiles)…
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1. Ainsi, au Niger, suite au coup d’État du colonel Ibrahim Baré qui a eu lieu en
janvier 1996, tous les bailleurs de fonds ont d’abord suspendu leur coopération, l’UE suspen-
dant sa coopération pour une durée de 6 mois par décision adoptée à l’unanimité au Conseil.
Mais le Gouvernement français de l’époque, qui a rétabli sa coopération bilatérale dès
mars 1996, a rapidement rompu l’unanimité des États membres de l’UE nécessaire pour pro-
roger la suspension de la coopération européenne. Cf. A. Koulaïmah-Gabriel, « La suspension
de l’aide comme sanction de la non-performance : l’Europe et les leçons de la crise
nigérienne », Maastricht, European Centre for Development Policy Management, mai 1998.
2. À ce titre, en Somalie, en Angola et au Libéria, par exemple, États sapés par des guerres
civiles récurrentes dans les années 1990, l’UE a maintenu une aide alimentaire et humanitaire
coordonnée avec l’ONU et les ONG. Sur les modalités et les limites de la coopération euro-
péenne dans ces situations, cf. E. Visman, « Cooperation with Politically Fragile Countries :
Lessons from EU Support to Somalia », Maastricht, European Centre for Development Policy
Management, 1998 et A. A. Sanches, « EU Cooperation with Politically Fragile Countries :
Lessons from Angola », Maastricht, European Centre for Development Policy Management,
1999.
3. Entretien avec un membre du cabinet du commissaire Poul Nielson.
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Franck Petiteville
l’UE avec les pays d’Europe centrale et orientale, la Communauté des États indépen-
dants, l’Amérique latine, la Méditerranée et le Moyen-Orient. Ce processus couronne
une évolution réclamée de longue date par le Parlement européen, qui est à l’origine
d’un rapport annuel et d’une centaine de résolutions par an relatifs aux droits de
l’homme dans le monde 1. Il est remarquable que cette nouvelle conditionnalité poli-
tique de la coopération communautaire s’accompagne d’une échelle de sanctions gra-
duée établissant un continuum avec la PESC : en cas de violations des droits de
l’homme et/ou des principes démocratiques par le pays partenaire, la suspension de la
coopération communautaire peut être, le cas échéant, complétée par des sanctions
diplomatiques et/ou économiques sous forme de positions communes adoptées par les
États membres de l’UE dans le cadre de la PESC (cas du Nigéria, de la Yougoslavie
et de la Birmanie dans les années 1990). La conditionnalité politique de l’aide com-
munautaire traduit donc bien un processus de « politisation » qui brouille les frontières
entre action communautaire extérieure et PESC.
Toutefois, les clauses relatives aux droits de l’homme et à la démocratie ne sont
pas systématiquement incluses dans tous les accords de coopération conclus par
l’UE avec les pays tiers, ce qui constitue une première faiblesse de la « diplomatie
coopérante » européenne en matière de droits de l’homme 2. Ainsi, la Chine, priorité
extérieure croissante de l’UE ces dernières années (ce qui s’est notamment traduit
par l’activisme de la Commission dans la préparation d’un accueil favorable à la
candidature de la Chine à l’OMC) est liée à l’UE par un accord de coopération et de
commerce datant de 1985 ne faisant aucune mention des droits de l’homme. Sur ce
thème, l’UE a simplement engagé en 1995 un « dialogue » avec les autorités chi-
noises. De même, l’UE n’est pas parvenue à faire signer aux États membres de
l’ASEAN des accords comportant des clauses relatives au droits de l’homme. Par
ailleurs, les accords de coopération sectoriels conclus par l’UE avec certains États
industrialisés comme les États-Unis ou le Canada sont exempts de clauses suspen-
sives relatives aux droits de l’homme, mais comportent, de manière très significa-
tive, des engagements communs à promouvoir la démocratie et les droits de
l’homme dans le monde 3.
Par ailleurs, l’examen des cas de suspension de la coopération communautaire
pour violation des principes démocratiques renforce l’impression d’une inégalité de
traitement selon le statut géopolitique et économique des États : ainsi l’UE a suspendu
les programmes d’aide technique avec la Biélorussie en septembre 1997 pour viola-
tion des droits de l’homme et des principes démocratiques, mais face à la politique
russe en Tchétchénie (où la première intervention a eu lieu en décembre 1994) il a
fallu attendre les opérations militaires radicales de l’automne 1999 pour que le Conseil
des ministres de l’UE décide finalement, en mars 2000, d’un gel des crédits de TACIS
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1. Cf. K. E. Smith, « The Use of Political Conditionality in the EU’s Relations with Third
Countries : How Effective ? », European Foreign Affairs Review, 3, 1998.
2. Entretien avec un membre du cabinet du commissaire Poul Nielson.
3. Cf. Commission, « Vers une nouvelle stratégie asiatique », cité.
4. Cf. D. Mahncke, « Relations Between Europe and South-East Asia : The Security
Dimension », European Foreign Affairs Review, 2, 1997.
5. Cf. J. A. McMahon, « ASEAN and the Asia-Europe Meeting… », art. cité.
6. Cf. R. Gomez, « The EU’s Mediterranean Policy… », cité.
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Franck Petiteville
à agir en faveur de la démocratisation sans indisposer les gouvernements des États
méditerranéens « partenaires » 1.
Quant à l’implication de l’Union européenne dans le processus de paix israélo-
arabe, elle constitue un exemple paradigmatique des limites de la diplomatie coopé-
rante européenne. L’UE s’est rapidement imposée comme le principal pourvoyeur de
fonds du processus de paix israélo-palestinien, en particulier dans le soutien écono-
mique apporté aux territoires sous autorité palestinienne (54 % de l’aide internationale
engagée entre 1993 et 1997 dont 41 % fournis par la Communauté) 2. Pour ce qui
concerne l’aide communautaire stricto sensu, l’effort réalisé en faveur des Palesti-
niens (avec une aide per capita 10 fois plus importante que pour les ACP) traduit
incontestablement une recherche de « positionnement européen » dans un des hauts
lieux symboliques (et médiatiques) de la « scène internationale » ou, plus précisé-
ment, la tentative de positionnement des États-membres qui misent sur l’Union euro-
péenne pour relayer leur action et tenter d’exister dans la région face aux États-Unis.
Comme l’a montré Frédéric Charillon, les ressources de la diplomatie déclaratoire
dans le cadre de la PESC, combinées avec une aide financière particulièrement impor-
tante ont ainsi permis à « l’Europe » de faire entendre sa différence dans l’approche
du processus de paix, mettant notamment l’accent sur la défense des acquis d’Oslo et
des droits des Palestiniens, chaque fois que les États-Unis semblaient trop conciliants
avec leur allié israélien 3. Pour autant, même si le bilan politique de la diplomatie coo-
pérante européenne n’est pas inconsistant (appui à l’organisation des élections pales-
tiniennes de 1996, désignation d’un « émissaire permanent » de l’UE en la personne
de l’ancien ambassadeur espagnol en Israël Miguel Moratinos), cette stratégie n’est
guère parvenue à imposer l’UE face aux États-Unis dans le parrainage des négocia-
tions israélo-palestiniennes. Tout se passe en réalité comme si la diplomatie coopé-
rante européenne était inhibée par une inversion entre la fin (l’influence diplomatique)
et les moyens (l’aide financière) : « Le discours convenu sur l’Europe au Moyen-
Orient, c’est de dire : nous payons pour l’essentiel, donc nous devons avoir un rôle » 4.
Cette réduction de la diplomatie coopérante communautaire à la dimension finan-
cière de l’aide constitue l’un de ses handicaps fondamentaux, qui renvoie en profon-
deur au déséquilibre entre les ressources mises à disposition de la Communauté pour
la gestion de ses relations extérieures et l’absence de compétences communautaires en
matière de PESC :
« La Commission a très tôt reçu de l’argent à gérer à une époque où sur le plan
politique elle n’existait pas. Tout ça s’est progressivement accru, la mécanique,
la quantité d’argent a augmenté en même temps qu’augmentait la demande
1. L’un des rares cas de suspension de l’aide MEDA pour violations des droits de
l’homme a été décidé à l’encontre de la Turquie (à propos de la question kurde) par le Parle-
ment européen dans sa résolution du 18 septembre 1996, le Parlement s’appuyant ensuite sur
ses pouvoirs budgétaires pour contraindre la Commission à geler les crédits de MEDA prévus
pour la Turquie dans le budget 1997.
2. « The Role of the European Union in the Peace Process and its Future Assistance to the
Middle East », Communication de Manuel Marin, Vice-président de la Commission euro-
péenne, Bruxelles, 26 janvier 1998.
3. Cf. F. Charillon, « La stratégie européenne dans le processus de paix au Moyen-Orient :
politique étrangère de proximité et diplomatie du créneau », dans F. Durand,
A. de Vasconcelos, La PESC, ouvrir l’Europe au monde, op. cit.
4. Entretien avec un haut fonctionnaire de la Commission, ancien chef de délégation de la
Commission à Jérusalem.
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1. Ibid.
2. Cf. « The European Community’s Development Policy », cité, ainsi que la
« Communication concernant la réforme de la gestion de l’aide extérieure », Bruxelles, 16 mai
2000.
3. La direction générale du Développement (pour les relations avec les États « ACP », la
gestion du Fonds européen de développement, l’aide alimentaire communautaire, le cofinance-
ment des ONG, la gestion de l’office humanitaire « ECHO »), la direction générale des Rela-
tions extérieures (pour la gestion du programme « ALA » avec l’Amérique latine et l’Asie, du
programme « MEDA » avec les pays de la Méditerranée, du programme « TACIS » avec la
Communauté des États indépendants), la direction générale du Commerce (pour les accords de
coopération commerciale), la direction générale de l’Élargissement (pour le programme
« PHARE » et les relations avec les pays d’Europe centrale et orientale).
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insuffisance des ressources en personnel que la Commission estime à plus de 1 300 postes
dans les services chargés des relations extérieures (et qui conduit à une sous-traitance mas-
sive auprès de bureaux d’assistance technique externes, pour un coût représentant jusqu’à
80 % du budget administratif total des délégations de la Commission dans le monde) 1.
L’ensemble de ces difficultés dans la gestion interne des services chargés de la
coopération se traduit par une série de dysfonctionnements dans l’exécution des pro-
grammes de coopération : allongement des délais pour le décaissement des fonds
communautaires (4 ans et demi en moyenne et jusqu’à 8 ans pour certains
programmes !), écart entre crédits d’engagement et dépenses réelles (les secondes
ayant représenté à peine trois quarts des premiers sur la période 1986-1998), accumu-
lation consécutive d’engagements non liquidés (plus de 20 milliards d’euros fin
1999), difficulté pour les services de la Commission de suivre la gestion individualisée
des projets de coopération sans parler de leur évaluation (près de 14 500 projets
engagés et 30 000 contractés en 1999), difficulté de maintenir une concertation appro-
fondie avec les sous-traitants de l’aide (ONG, bureaux d’assistance technique), avec
les organisations multilatérales et même avec les États partenaires. Dans ce contexte,
la gestion courante des projets de coopération se ramène essentiellement à l’engage-
ment de crédits (34 180 paiements et 2 715 nouvelles décisions de financement en
1999) : « Le critère de la performance, c’est l’engagement, ce n’est ni le paiement ni
le bon déroulement d’un projet ni l’impact du projet, et encore moins l’impact de la
stratégie vis-à-vis de la région » 2. À la veille de la réforme de l’aide extérieure lancée
en mai 2000, la Commission estimait ainsi se trouver dans une « situation critique : sa
gestion s’est détériorée au fil du temps au point d’entamer la crédibilité de ses poli-
tiques extérieures et d’altérer l’image de l’Union européenne dans le monde » ; étaient
notamment évoqués « la lenteur et l’inadaptation » de l’exécution des programmes
d’aide extérieure, « leur qualité médiocre, la centralisation et la rigidité excessive des
procédures » ; concernant les délais de décaissement de l’aide communautaire, la
Commission estimait la situation « insoutenable » 3.
Au total, en matière de coopération extérieure comme dans bien d’autres
domaines de l’action communautaire, la Commission récolte aujourd’hui en termes de
mismanagement le fruit d’une quinzaine d’années d’accroissement de ses compé-
tences, lorsque ni ses ressources en personnel ni la rationalisation de son organisation
institutionnelle et financière n’ont été en mesure de suivre le mouvement 4. Étant tenus
pour avoir joué un rôle majeur dans la chute de la Commission Santer, ces problèmes
de gestion interne font aujourd’hui, on le sait, l’objet de la plus vaste réforme expéri-
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Au-delà des difficultés managériales de la Commission dans la gestion des pro-
grammes de coopération extérieure, d’autres limites fondamentales à l’action de la
Commission tiennent à l’incomplétude des compétences qui lui ont été dévolues et au
poids encore déterminant des États-membres dans la coopération internationale de
l’Union européenne. Le problème est en fait déclinable à deux niveaux : d’une part,
les États-membres sont encore loin d’avoir transféré au niveau communautaire leurs
compétences en matière de coopération internationale ; d’autre part, leur rôle reste très
influent dans le processus décisionnel en ce qui concerne la coopération communau-
taire proprement dite. Le premier problème est connu pour avoir été souvent souligné
comme une faiblesse de la coopération internationale de l’Europe 1. L’écart entre le
poids de l’Union européenne (Communauté et États-membres) dans l’aide publique
internationale (55 %) et celui de la Communauté européenne stricto sensu (12 %)
montre que le champ de la coopération internationale n’est qu’assez faiblement
« communautarisé », même si on constate ces dernières années un accroissement des
fonds communautaires qui se conjugue avec un rétrécissement des budgets de coopé-
ration bilatérale des États-membres. De toute évidence, le poids de la Communauté
européenne en matière de coopération internationale serait autrement plus important
si les ressources que les États-membres affectent à leur coopération bilatérale lui
étaient transférées. En attendant, il n’est guère étonnant que l’Union européenne n’ait
pas, dans les forums de la coopération internationale, une influence décisionnelle à la
hauteur des contributions financières dispersées de la Communauté et de ses États-
membres 2.
La Commission a beau faire valoir que la Communauté est porteuse d’une réelle
« valeur ajoutée » par rapport aux coopérations bilatérales (champ d’action mondial,
masse critique des programmes, combinaison entre commerce et aide, capacité de dia-
logue avec les organisations régionales et internationales 3), ces arguments ne suffi-
sent pas à convaincre les États-membres d’accroître les transferts de compétences et
de moyens de la coopération internationale vers la Communauté. Quant aux clauses
du traité de Maastricht appelant au renforcement de la « coordination » et de la
« complémentarité » entre la Communauté et les États-membres en matière de coopé-
ration internationale, trop vagues pour être juridiquement contraignantes, elles n’ont
servi qu’à perpétuer des résolutions rituelles et essentiellement incantatoires au Con-
seil des ministres du « Développement » 4. Il est clair que la Communauté se heurte ici
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1. Cf., pour le cas de la France, J. Adda, M.-C. Smouts, La France face au Sud, Paris, Kar-
thala, 1989, et plus généralement, M.-C. Kessler, La politique étrangère de la France, Paris,
Presses de Sciences Po, 1998.
2. Cf. C. Lequesne, « La Commission européenne entre autonomie et dépendance »,
Revue française de science politique, 46 (3), juin 1996.
3. Le comité se réunit chaque mois pour examiner les propositions de financement de la
Commission. En théorie, les représentants des États-membres votent suivant un système de
pondération des voix qui reflète la contribution des 15 États-membres au FED. Si le comité
émet un avis négatif, la Commission doit revoir sa proposition. Il est vrai que, dans la pratique,
l’atmosphère est moins au contrôle de la Commission qu’au consensus building. Les décisions
font rarement l’objet d’un vote formel et il est encore plus rare que le comité aboutisse à une
décision de rejet.
4. Rappelons qu’on désigne ainsi les quelque 300 comités spécialisés dans les multiples
secteurs de législation communautaire, composés de fonctionnaires représentant les États-
membres et chargés par le Conseil d’assister la Commission dans sa compétence exécutive. Il
existe trois types de comités (comités consultatifs, de gestion, et de réglementation) dont les
procédures internes de décision sont plus (comité de réglementation) ou moins contraignantes
(comité consultatif) pour la Commission. Les comités actifs dans la mise en œuvre des pro-
grammes de coopération extérieure sont des comités de gestion qui peuvent, par un avis négatif,
obliger la Commission à renvoyer les mesures qu’elle propose devant le Conseil. Sur l’étendue
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Franck Petiteville
comitologie permet aux États-membres de contrôler la manière dont la Commission
s’acquitte des compétences d’exécution qui lui sont déléguées par le Conseil. En
l’occurrence, chaque programme de coopération ayant sa propre base juridique, elle-
même à l’origine d’un comité spécialisé, il existe actuellement une cinquantaine de
comités de gestion différents dans le domaine de la coopération extérieure : le pro-
gramme ALA a ainsi « son » comité, le programme MEDA le sien, de même que le
cofinancement des ONG, l’aide humanitaire, etc. Autant de comités de fonctionnaires
qui représentent les ministères des Affaires étrangères et de la Coopération des États-
membres et qui alourdissent la gestion courante de la coopération communautaire par
la Commission 1. Ce n’est pas que la coopération communautaire soit si sensible
qu’elle mérite un contrôle particulièrement rigoureux de la part des États-membres –
les comités approuvent d’ailleurs quasi-systématiquement les projets que la Commis-
sion leur soumet – mais plutôt que les engagements de crédits communautaires sont
susceptibles de financer une assistance technique source de contrats potentiels dans les
États-membres pour des opérateurs tels que consultants nationaux, bureaux d’études,
entreprises industrielles, etc. Les représentants des États-membres dans les comités
ont donc notamment pour mission de s’informer en amont des projets de coopération
qui représentent le meilleur « investissement sur retour » pour des entreprises
nationales 2. Dans ce contexte, la réforme en cours annoncée par le commissaire Chris
Patten pour réduire le rôle des comités à l’examen des orientations générales des pro-
grammes de coopération – ce qui donnerait à la Commission une plus grande auto-
nomie dans la gestion courante des projets – ne paraît pas gagnée d’avance.
En définitive, la notion de capability-expectations gap avancée au début des
années 1990 par Christopher Hill pour caractériser l’écart entre les attentes placées
dans l’émergence de l’UE comme acteur international et les limites de son engage-
ment effectif est-elle toujours pertinente ? 3 La réponse est complexe. La PESC reste
un chantier en devenir et le constat de l’impuissance européenne face aux conflits de
l’ex-Yougoslavie tout au long des années 1990 a amplement démontré les limites de
l’apport des traités de Maastricht et d’Amsterdam en matière de PESC. Mais l’action
extérieure de l’UE ne s’épuise pas dans la PESC et, comme le souligne Hazel Smith,
c’est succomber à un biais néo-institutionnaliste (et néo-réaliste) que de le croire 4. De
fait, la dimension économique de l’action extérieure de l’UE s’est aussi considérable-
ment étoffée durant la dernière décennie. Outre l’affermissement du rôle joué par l’UE
et la complexité du phénomène, cf. R. Pedler, G. Shaefer (eds), Shaping European Law and
Policy, The Role of Committees and Comitology in the Political Process, Maastricht, European
Institute of Public Administration, 1996 ; J. L. Sauron, « Comitologie : comment sortir de la
confusion ? », Revue du marché unique européen, 1, 1999.
1. L’un des exemples les plus frappants est celui de l’aide humanitaire : pour faire face à
une situation d’urgence, la Commission peut prendre de sa propre initiative une décision rela-
tive à une intervention communautaire ; mais si le montant de l’opération envisagée dépasse
2 millions d’euros, elle doit en informer les États-membres dans les 48 heures et sa décision est
ensuite soumise pour approbation au « comité de gestion de l’aide humanitaire ». Ce comité se
réunit en moyenne une fois par mois. Cf. « Règlement du Conseil du 20 juin 1996 relatif à
l’action communautaire dans le domaine humanitaire » (CE 1257/96).
2. Un fonctionnaire français du ministère des Affaires étrangères, en charge du suivi des
programmes de coopération communautaire avec l’Amérique latine et l’Asie, nous a ainsi
expliqué que sa préoccupation principale était de mobiliser les bureaux d’études français sur les
projets de coopération retenus.
3. Cf. C. Hill, « The Capability-Expectations Gap… », art. cité.
4. H. Smith, « Actually Existing Foreign Policy – or not ? », cité.
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1. Cf. M. Cremona, « The European Union as an International Actor : The Issues of Flexi-
bility and Linkage », European Foreign Affairs Review, 3, 1998.
2. M. Smith, « Does the Flag Follow Trade ?… », cité.
3. Le concept de « soft power » a été avancé par J. Nye pour caractériser les mutations
récentes de la diplomatie américaine (J. Nye, The Changing Nature of American Power, New
York, Basic Books, 1990). Il a été repris notamment par M. Smith (« The EU as an Interna-
tional Actor », cité) et A. de Vasconcelos (La PESC, ouvrir l’Europe au monde, op. cit.) pour
caractériser l’action internationale de l’Union européenne.
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Franck Petiteville
coopération franco-africaine : usages et usure d’un clientélisme », Études internatio-
nales, vol. 27 (3), septembre 1996 ; « Intérêt et limites du paradigme culturaliste pour
l’étude du développement », Revue Tiers Monde, 36 (144), octobre-décembre 1995. Il
travaille actuellement sur les modes d’action internationale de l’Union européenne
(<f.petiteville@wanadoo.fr>).
RÉSUMÉ/ABSTRACT
Economic cooperation with third countries has become an essential element of the European
Union’s international action. For a long time, cooperation was directed towards Africa, but it
has now acquired a global dimension. The « commercial preference » system that structured
the Community’s relations with the « developing » countries is being phased out and replaced
by free trade. EU aid, the bearer of « values » which put the Union on the « international
scene », is now linked to a form of « human rights diplomacy ». Conversion to globalization and
incremental politicization thus characterize European cooperation policy. Its access to foreign
policy status continues however to depend on the problematic capacity of the European Com-
mision to make its mark as a full-fledged international actor vis-à-vis the members of the Euro-
pean Union.
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